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Vue « géographique » du développement des thymocytes

B. Le thymus

2) Vue « géographique » du développement des thymocytes

a) Migration des thymocytes dans le thymus

La quasi totalité de la maturation des thymocytes se déroule au niveau du cortex, ce qui explique que les thymocytes immatures y soient concentrés. Toutefois, ce processus de maturation n’est pas statique, les thymocytes sont amenés à se déplacer entre les différentes régions du thymus durant leur différenciation. Pour commencer, les précurseurs les plus précoces des cellules T sont principalement trouvés dans le thymus au niveau de la région sous-capsulaire, autrement dit la région la plus externe du cortex. C’est dans cette région qu’on peut d’ailleurs mettre en évidence les thymocytes CD4-CD8- en prolifération. Nous verrons plus tard que cette observation ne veut pas forcément dire que les progéniteurs les plus précoces pénètrent dans le thymus par cette zone. Au cours de leur différenciation, les thymocytes s’enfoncent plus profondément dans le cortex vers la medulla, et atteignent en général le stade de développement caractérisé par l’expression simultanée des deux molécules CD4 et CD8 à leur surface.

La jonction cortico-médullaire est propice aux étapes de sélection des lymphocytes T, dont nous analyserons les mécanismes dans un chapitre ultérieur. En effet, on trouve dans le stroma du cortex des cellules épithéliales, dont les caractéristiques leur permettent de jouer un rôle primordial dans la sélection des thymocytes. La medulla, notamment à proximité du cortex, contient de nombreux macrophages et cellules dendritiques, qui sont également des acteurs de cette sélection. En progressant dans leurs étapes de différenciation, les thymocytes traversent la jonction cortico-médullaire et passent dans la medulla.

L’entrée des précurseurs précoces dans le thymus et la sortie des thymocytes matures pourraient potentiellement avoir lieu au niveau de la jonction cortico-médullaire (Ceredig and Schreyer, 1984) , mais cela reste discuté du fait de l’utilisation d’animaux irradiés lors de cette

ancienne observation. Pour aller dans le sens de cette hypothèse, on peut toutefois remarquer que cette zone est riche en vaisseaux. Il est donc envisagé que l’entrée des précurseurs et la sortie des cellules T matures utilise des vénules ou des vaisseaux lymphatiques se trouvant au niveau de la jonction cortico-médullaire (revue par (Prockop and Petrie, 2000)). Entre ces deux événements, les thymocytes se différencieraient tout en faisant un « aller-retour » entre la jonction cortico-médullaire et le cortex (Figure 5).

b) Molécules impliquées dans les mouvements intrathymiques

i- Les chémokines et leurs récepteurs

Les chémokines semblent jouer un rôle important dans la migration et/ou la rétention des thymocytes au sein de chacun des compartiments thymiques. D’un côté, les chémokines pourraient faciliter les interactions des thymocytes avec les cellules épithéliales ; d’un autre côté, les récepteurs des chémokines pourraient produire des signaux menant à l’activation des intégrines à la surface des thymocytes. Plusieurs mécanismes impliquant les chémokines et leurs récepteurs ont ainsi été mis en évidence lors de la migration des thymocytes dans le cortex, vers la jonction cortico-médullaire, puis dans la medulla (revue par (Ansel and Cyster, 2001; Norment and Bevan, 2000)).

A titre d’exemple, l’expression du récepteur CCR9 est fortement accrue chez la souris lors de la transition des thymocytes CD4

-CD8

au stade CD4+

CD8+

(revue par (Norment et al., 2000)), et les mouvements des cellules CD4+CD8+ à travers le cortex sont significativement régulés par ce récepteur CCR9 et son ligand CCL25/TECK (Thymus-Expressed ChemoKine) (Youn et al., 1999). Initialement, TECK a été détecté au niveau des cellules dendritiques de la medulla (Vicari et al., 1997), mais il est maintenant démontré que cette molécules est également exprimée par les cellules épithéliales du cortex thymique (Wurbel et al., 2000). En parallèle à ce mécanisme, on note que l’expression de CXCR4, que nous avons précédemment impliqué dans la colonisation du thymus, commence à diminuer lors de la transition des thymocytes vers le stade CD4+CD8+. Inversement, l’expression de CCR5, dont les ligands CCL4/MIP-1β et CCL5/RANTES sont exprimés dans le thymus, augmente à la surface des thymocytes (revue par (Norment and Bevan, 2000)).

On peut ainsi établir une liste de chémokines potentiellement impliquées dans la migration des thymocytes à la jonction cortico-médullaire (à titre d’exemple : le récepteur CCR4 et ses ligand CCL22/MDC, CCR4 et CCL17/TARC, CCR3 et CCL11/éotaxine, etc.), puis enfin au sein de la medulla (CCR7 et CCL21/SLC, CCR7 et CCL19/ELC, CCR9 et CCL25/TECK

Figure 5: Schéma des mouvements intrathymiques des thymocytes

Les précurseurs (PLC/TN1) des thymocytes pénètrent dans le thymus par des vaisseaux au niveau de la jonction cortico-mé dullaire. Ils migrent rapidement vers la région sous-capsulaire, où sont concentrés la plupart des thymocytes TN. Au cours de la maturation au stade DP, les thymocytes engagent le chemin inverse vers la jonction cortico-médullaire. Les thymocytes SP sont majoritairement trouvés au niveau de la medulla.

(d’après Prockop & Petrie, Semin. Immunol., 2000, 12: 435)

TN3

TN2

PLC/TN1

SP4/SP8

DP

Région sous-capsulaire Cortex Jonction cortico-médullaire Medulla

pour les lymphocytes T CD8+

, CCR4 et CCL22/MDC pour les lymphocytes T CD4+

, etc.) (revue par (Ansel and Cyster, 2001; Norment and Bevan, 2000)). On notera que les observations menées au niveau de la medulla font de CCR7 un bon candidat pour le mécanisme d’émigration des cellules T matures vers les organes lymphoïdes secondaires (Ueno et al., 2002). Du fait de la multiplicité des ligands et des zones d’ombre encore existantes (revue par (Zlotnik and Yoshie, 2000)), il semble probable que cette liste de couples « chémokines/récepteurs aux chémokines » impliqués dans la migration intrathymique des thymocytes soit appelée à grandir dans les années à venir.

ii- Les intégrines

D’autres molécules sont impliquées dans les processus de migration, notamment les intégrines. Ainsi, il a été montré chez l’homme que la migration des thymocytes matures vers la medulla nécessite une interaction entre les intégrines 4 (Very Late Antigen) et VLA-5, exprimées par les thymocytes, et la fibronectine, exprimée par le stroma thymique. A l’inverse, l’interaction entre VLA-4 et la fibronectine chez les thymocytes immatures CD4+

CD8+

induit plutôt une forte adhésion locale (Crisa et al., 1996). Ainsi, le rôle de VLA-4 évolue en fonction du stade de maturation des thymocytes. Pour donner un autre exemple d’intégrine, on peut citer αLβ2/LFA-1 (intégrine également répertoriée sous le nom CD11α -CD18) et un de ses ligands ICAM-1 (Intercellular Adhesion Molecule-1, ou CD54), dont l’interaction a été impliquée dans la différenciation des thymocytes (Fine and Kruisbeek, 1991).