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Sélection positive et sélection négative

C. La sélection thymique

1) Sélection positive et sélection négative

a) Mise en évidence des deux types de sélection

Arrivées au stade DP, les thymocytes expriment à leur surface un TCR αβ complet, d’abord faiblement puis fortement, et deviennent alors sujets à la sélection positive et à la sélection négative (revue par (Amsen and Kruisbeek, 1998; Benoist and Mathis, 1997; Marrack and Kappler, 1997; Sebzda et al., 1999)). En effet, les thymocytes ne peuvent se différencier en cellules T αβ matures que si leur TCR interagit avec les molécules du CMH dans le thymus (Bevan, 1977; Zinkernagel et al., 1978). La sélection positive permet donc de sortir du lot les thymocytes qui expriment un TCR restreint aux molécules du CMH du soi, autrement dit des cellules capables de reconnaître dans une certaine mesure le soi. Ce processus est à lui-seul

responsable de la mort de la plupart des cellules DP, qui meurent en effet par « négligence », autrement dit par défaut de sélection positive (Surh and Sprent, 1994). La sélection positive s’accompagne d’une séparation entre la lignée des cellules T αβ CD4+ restreintes aux molécules CMH-II et la lignée T αβ CD8+ restreinte aux molécules CMH-I. Ainsi, l’analyse de souris transgéniques pour un TCR restreint à une molécule CMH-I (Sha et al., 1988; Teh et al., 1988) ou bien du CMH-II (Berg et al., 1989; Kaye et al., 1989) montre un bais évident pour la lignée T αβ CD8+

ou CD4+

, respectivement.

Dans le même temps, le système immunitaire doit, pour la sauvegarde de l’organisme, éviter l’horror autotoxicus, c’est-à-dire le déclenchement d’une activité immunitaire contre l’organisme lui-même. Pour mettre en évidence l’existence de la sélection négative, une première approche a consisté à utiliser les propriétés d’antigènes du soi capables de réagir avec toutes les cellules T d’une famille Vβ donnée, les superantigènes. Dans le thymus de souris exprimant un superantigène, on peut ainsi observer la délétion des populations T spécifiques entre le stade DP TCRlow

et DP TCRhigh

(Kappler et al., 1987; MacDonald et al., 1988). Une seconde approche utilise les souris transgéniques pour le TCR, et c’est le TCR αβ

spécifique pour l’antigène mâle HY, présenté par H-2Db, qui a été le plus mis à profit (Kisielow et al., 1988). Dans ce système, les souris mâles montrent une délétion clonale massive au stade DP, et les cellules T échappant à l’élimination sont hyporéactives et CD8low

. La sélection négative intervient donc pour éliminer, physiquement ou fonctionnellement, les thymocytes portant un TCR spécifique pour un auto-antigène, et ce à nouveau au travers d’une interaction entre le TCR et les molécules du CMH. Suivant le modèle expérimental utilisé, il est estimé que 5% à 75% des thymocytes positivement sélectionnées sont potentiellement sujets à la sélection négative (revue par (Sebzda et al., 1999)), notamment du fait de l’augmentation de l’expression de surface du TCR durant la maturation au stade DP (Ohashi et al., 1990). Au final, il est estimé que 3-5% des thymocytes DP survivent au processus de sélection (Huesmann et al., 1991; Shortman et al., 1991). Toutefois, il est très artificiel de considérer qu’il existe une séquence entre les sélections négative et positive : dans certains cas, la sélection négative aura lieu directement ; dans d’autres situations, elle pourra intervenir après la sélection positive, par exemple lors de l’entrée dans la medulla.

b) Sélection et peptides du complexe pAg-CMH

Le fait que la même interaction TCR/pAg-CMH puisse conduire les deux phénomènes de la sélection positive et négative pose la question de la nature des peptides impliqués. On sait que la nature des complexes pAg-CMH influe directement sur la mise en place du répertoire

Sélection thymique des lymphocytes T αβ

INTRODUCTION 53

durant le développement thymique, les peptides du soi impliqués pendant la sélection positive pouvant être très proches de ceux qui déclenchent la réponse T spécifique (Bevan and Hunig, 1981). Ainsi, en utilisant des mutants de la molécule H-2Kb, il a été montré que la sélection positive d’un répertoire T anti-ovalbumine est directement corrélée avec la capacité de H-2Kb

de pouvoir présenter le peptide spécifique issu de l’ovalbumine (Nikolic-Zugic and Bevan, 1990). De même, si l’absence de molécules CMH-I à la surface des cellules β2m

ou TAP

-/-empêche un développement normal des cellules T αβ CD8+ (Koller et al., 1990; Van Kaer et al., 1992; Zijlstra et al., 1990), la sélection positive est restaurée après apport exogène de peptides dans des cultures d’organe thymique fœtal (Foetal Thymic Organ Culture, FTOC) dérivées de ces animaux (Ashton-Rickardt et al., 1993; Hogquist et al., 1993).

Si ces études montrent également que la sélection positive est bien plus efficace lorsque que le lot de peptide est large, on peut également observer qu’un unique peptide permet la sélection d’une population T CD8+ polyclonale (Ashton-Rickardt et al., 1993). Dans le même ordre d’idée, des études ont été menées chez des souris présentant un unique complexe pAg-CMH-II. Ces modèles sont obtenus soit avec des souris transgéniques exprimant le ligand IAβb

-pAg Tg dans un fond IAβ

Ii-/- (Ignatowicz et al., 1996a), soit avec des animaux déficients pour H-2M qui n’ont que le peptide CLIP présenté sur les molécules CMH-II (Fung-Leung et al., 1996; Martin et al., 1996; Miyazaki et al., 1996). Dans ces deux systèmes, un répertoire de cellules T CD4+

varié peut être sélectionné in vivo avec un ligand unique pAg-CMH, même si on note que la population T CD4+ est de taille réduite (20% à 50% de la taille normale).

Les estimations existantes indiquent que le nombre de peptides du soi présentés dans le thymus s’élève environ à 103-104 peptides différents, alors que le nombre de molécules du CMH exprimées en surface est de 105

-106

(Engelhard, 1994), sauf dans le cas des cellules épithéliales thymiques qui expriment environ 10 fois moins de molécules du CMH (Delaney et al., 1998). En conséquence, et en concordance avec les résultats précédents, il est suggéré que le processus de reconnaissance entre le TCR et les ligands pAg-CMH est flexible et partiellement dégénéré, ce qui est nécessaire pour pouvoir générer la grande diversité clonale observée in vivo.

c) Induction de tolérance par délétion et par anergie

L’induction de tolérance qui opère au travers de la sélection négative débouche globalement sur deux types d’issue pour les thymocytes. Soit, les thymocytes autoréactifs subissent la délétion clonale, autrement dit une élimination physique par « mort cellulaire programmée »

(apoptose), soit la tolérance est mise en place en induisant chez les thymocytes autoréactifs un état réfractaire appelé anergie (revue par (Kisielow et al., 1991; McConkey et al., 1992)). Le modèle du TCR anti-mâle aHY est à ce titre particulièrement informatif (Kisielow et al., 1988). Chez les femelles transgéniques, la plupart des cellules T sont de phénotype TCR aHY Tg+ CD8+. Par contre, la sélection thymique est perturbée chez les mâles et la population DP subit une délétion massive. Cette délétion n’est toutefois pas totale, et les cellules TCR aHY Tg+ expriment soit de faibles niveaux de CD8 à leur surface, soit aucun co-récepteur. La stimulation in vitro de ces cellules avec de fortes doses du peptide spécifique n’induit pas de prolifération, au contraire de ce qui est observé avec les cellules TCR aHY Tg+

des femelles. Alternativement, on peut envisager que les cellules qui sont sélectionnées dans ce contexte ne subissent pas une anergie après la sélection, mais plutôt sur des critères de non-réponse contre la concentration d’Ag présente, d’où leur phénotype inhabituel.