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B. Le récepteur des cellules T (TCR)

3) Le complexe TCR-CD3 et son ligand

Les deux chaînes α et β du TCR sont exprimées à la surface des cellules T sous la forme d’un hétérodimère, et la structure de ces deux polypeptides présente de grandes similarités avec les Ig (revue par (Davis and Chien, 1999)). Les chaînes α et β du TCR sont globalement extracellulaires, mise à part une courte portion transmembranaire et intracellulaire de leur domaine constant. On peut signaler que la chaîne pTα présente une structure similaire à celle de la chaîne α mais ne possède pas de domaine variable.

Toutefois, le TCR seul n’est pas véritablement fonctionnel, et d’autres polypeptides pallient à ses défauts. Ainsi, les molécules CD3 sont responsables de la transduction des signaux reçus par le TCR et les co-récepteurs CD4/CD8 apportent une aide précieuse lors des interactions du TCRαβ avec son ligand.

a) Les molécules CD3

Le complexe CD3 est formé par l’association de 5 polypeptides nommés γ, δ, ε, ζ et η

(Samelson et al., 1985), ce dernier étant un variant mineur issu de l’épissage alternatif du gène codant pour la chaîne ζ (Clayton et al., 1991). Les expériences menées jusqu’à présent indiquent que deux hétérodimères TCRαβ sont associés à chaque complexe CD3, et que les chaînes CD3γ et CD3δ sont exprimées à différents ratios suivant l’état et le type cellulaire

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(revue par (Davis and Chien, 1999)). Ainsi, la stochiométrie proposée pour le complexe TCR-CD3 oscille autour de la formation (TCRαβ)2(γ/δ-ε)2(ζζ)4, avec des variations suivant le type cellulaire. Par exemple, les homodimères ζζ peuvent parfois être remplacés par des hétérodimères ζη (Orloff et al., 1989).

Les domaines intracellulaires des chaînes CD3γ, δ, ε et ζ sont responsables de la transduction du signal dans le complexe TCR-CD3, car ils contiennent des tyrosines impliquées dans l’activation cellulaire (Letourneur and Klausner, 1991; Letourneur and Klausner, 1992). La phosphorylation, entre autre, de ces résidus tyrosine est une des étapes de base de l’activation des cellules T, en permettant le recrutement de molécules intracellulaires à même d’amplifier le signal (Klausner and Samelson, 1991).

b) Les co-récepteurs CD4 et CD8

Les molécules CD4 et CD8 sont des glycoprotéines de surface, utilisées notamment pour distinguer les deux populations majeures composant les cellules T αβ (revue par (Zamoyska, 1998)). La molécule CD4 est formée d’une seule chaîne polypeptidique contenant 4 domaines de type Ig, alors que la molécule CD8 est, chez les cellules T αβ, un hétérodimère de deux sous-unités α et β ne contenant chacune qu’un seul domaine Ig et liées via un pont disulfure. Même si ces deux récepteurs ne font pas directement partie du complexe du TCRαβ, leur influence est indéniable sur deux plans. Premièrement, le domaine intracellulaire de ces deux molécules contient un site d’interaction avec la tyrosine kinase p56lck

(Veillette et al., 1988), dont l’activité sur les résidus tyrosine des chaînes CD3 est essentielle pour la transduction du signal (Straus and Weiss, 1992). Ainsi, CD4 et CD8 agissent effectivement comme des co-récepteurs pour le TCR, dans le sens où la co-agrégation TCR/co-récepteur délivre un signal plus efficace qu’une stimulation du TCR seul (Boyce et al., 1988; Owens et al., 1987). Deuxièmement, les co-récepteurs sont capables d’interagir avec les molécules de classe I ou de classe II du CMH, respectivement (Konig et al., 1992; Norment et al., 1988). Ainsi, l’influence des co-récepteurs sur l’interaction entre le TCR et les molécules du CMH est forte, que ce soit lors de l’activation cellulaire ou encore lors de la sélection thymique. A ce titre, les souris déficientes pour l’expression de CD4 (Rahemtulla et al., 1991) ou de CD8 (Fung-Leung et al., 1991) montrent un défaut, sévère mais pas total, de développement des cellules T reconnaissant respectivement les molécules du CMH de classe II ou de classe I. Enfin, l’interaction entre le TCR et les molécules du CMH est stabilisée lorsque le co-récepteur entre en jeu (revue par (Davis and Chien, 1999)), le blocage de l’interaction avec le co-récepteur

pouvant même transformer un peptide partiellement agoniste en peptide antagoniste (Mannie et al., 1995).

c) Le ligand du TCR αβ : le complexe pAg-CMH

i- Les molécules du CMH

Initialement, les molécules du CMH ont été identifiées comme des antigènes impliqués dans la transplantation et nommées système H-2 (Histocompatibility-2) chez la souris et HLA (Human Lymphocyte Antigen) chez l’homme (revue par (Margulies, 1999)). Il existe en fait plusieurs locus Mhc (Major histocompatibility complex) identifiés chez les deux espèces, contenant au total plus de 400 gènes, mais l’usage veut que le terme de CMH soit réservé aux molécules de classe I et II du CMH. Chez la souris, les principales molécules du CMH de classe I (CMH-I) sont H-2K et H-2D, celles de classe II (CMH-II) sont H-2IAα, H-2IAβ, H-2IEα et H-2IEβ. Chaque lignée murine de laboratoire possède un ensemble d’allèles pour les différents gènes, ce qui forme un haplotype. Par exemple, la lignée C57Bl/6 est d’haplotype H-2b, c’est-à-dire qu’elle possède le lot d’allèles (Kb Db IAαb

Iaβb

IEαnull

IEβb

). Le degré de polymorphisme des molécules du CMH est élevé chez l’Homme, plus de 200 allèles fréquents ayant été identifiés pour certaines molécules CMH-I (HLA-A, HLA-B) ou CMH-II (HLA-DRβ) (Schreuder et al., 1999). En conséquence, ce polymorphisme et l’expression co-dominante des deux allèles pour chaque gène sont deux facteurs qui contribuent à la diversité des molécules du CMH exprimées par deux individus. Ceci explique la difficulté de mener à bien une greffe d’organe entre deux individus non apparentés, étant donné qu’il y a peu de chances qu’ils possèdent un locus Mhc identique.

Les molécules CMH-I consistent en l’association non-covalente entre une chaîne lourde, codée par exemple par les gènes H-2K ou H-2D, et la β2-microglobuline (β2m). L’analyse des souris β2m

montre que la β2m est nécessaire pour obtenir des niveaux normaux de molécules CMH-I en surface, même si la déficience varie selon les molécules CMH-I considérées (Koller et al., 1990; Zijlstra et al., 1990). Pour leur part, les molécules CMH-II sont des hétérodimères entre chaînes α et β de même isotype, autrement dit soit IAαβ, soit IEαβ. Il arrive cependant que des hétérodimères αβ d’isotypes différents soient observés (Matsunaga et al., 1990; Natarajan et al., 1992). Malgré ces différences, la structure spatiale des deux classes de molécules du CMH est similaire, comme le montre les analyses cristallographiques (Bjorkman et al., 1987; Brown et al., 1993). Le point important ressortant de ces analyses est la mise en évidence d’un sillon dans lequel viennent se loger les peptides,

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qui peuvent de cette façon être « présentés » aux cellules T (Garboczi et al., 1996; Garcia et al., 1996). En effet, l’apprêtement de l’antigène, qui passe par sa dégradation partielle, est nécessaire pour que les cellules présentatrices de l’antigène (CPA) puissent le présenter sur les molécules CMH-I aux cellules T CD8+

(Townsend et al., 1986) ou sur les molécules CMH-II aux cellules T CD4+ (Ziegler and Unanue, 1981).

Enfin, l’expression des deux classes de molécules du CMH diffère selon le type cellulaire. Ainsi, les molécules CMH-I sont constitutivement trouvées, à des niveaux variables, à la surface de la totalité des cellules nucléées. Au contraire, l’expression des molécules CMH-II est restreinte aux CPA professionnelles, comme les macrophages, les cellules dendritiques, les cellules épithéliales du thymus ou encore les lymphocytes B.

ii- La présentation des peptides sur les molécules du CMH

La fonction principale des molécules du CMH consiste à présenter des fragments d’antigène à la surface cellulaire (revue par (Brodsky and Guagliardi, 1991; York and Rock, 1996)). Cependant, il existe une distinction, notamment fonctionnelle, entre les cellules T CD8+ restreintes aux molécules CMH-I, et les cellules T CD4+

restreintes aux molécules CMH-II. Cette distinction se retrouve dans le mode de présentation par les molécules du CMH. En effet, Morrison et al. ont montré, en utilisant des clones T spécifiques du virus Influenza, que les protéines endocytées ou bien synthétisées dans les cellules infectées sont présentées différemment (Morrison et al., 1986). En conséquence, il a été proposé que chacune des classes de molécules du CMH est spécialisée dans la « capture » de peptides dans des compartiments cellulaires bien séparés (Germain, 1986). Ainsi, on considère que les molécules CMH-I sont amenées à présenter en général des peptides antigéniques d’origine endogène, c’est-à-dire issus de protéines exprimées normalement par la cellule, ou anormalement après une dérégulation (tumeur) ou une infection (virus, parasite intracellulaire). Ces protéines sont découpées dans le cytoplasme par le complexe du protéasome, puis les peptides résultants sont transportés par les protéines TAP (Transporter associated with Antigen Processing) vers le réticulum endoplasmique pour y être chargés sur les molécules du CMH-I (revue par (York and Rock, 1996)). Les souris déficientes pour TAP-1 montrent un phénotype similaire à celui des souris β2m-/-, dans le sens où les molécules CMH-I ne peuvent être chargées avec des peptides, ce qui rend leur expression de surface instable et la sélection des cellules T CD8+ difficile (Van Kaer et al., 1992). Quant aux molécules CMH-II, elles ont vocation à présenter des fragments provenant de protéines d’origine extracellulaire qui ont été endocytées, mais également de protéines intracellulaires

(revue par (Cresswell, 1994)). Les molécules CMH-II sont correctement repliées dans l’endothelium endoplasmique grâce à l’action d’une protéine chaperon nommée Ii (ou chaîne invariante), qui occupe notamment le sillon formé par les deux chaînes de la molécule CMH-II. Au cours de la maturation des protéines CMH-II au sein de vésicules de type endosomial/lysosomial appelée MIIC (MHC class II Compartment) (Peters et al., 1991), la chaîne Ii est dégradée et il n’en reste qu’un peptide, le CLIP (Class II associated Invariant chain Peptide), couvrant le sillon (Maric et al., 1994). Dans ces MIIC, les peptides d’origine exogène sont chargés dans le sillon des molécules CMH-II (Amigorena et al., 1994; Tulp et al., 1994), et ce grâce à l’action de H-2M qui permet l’échange entre CLIP et les peptides (Denzin and Cresswell, 1995; Sherman et al., 1995; Sloan et al., 1995).

La nature des peptides du soi associés avec les molécules du CMH a été analysée (revue par (Margulies, 1999)). Ainsi, le séquençage des peptides isolés à partir de molécules CMH-I a montré que leur taille s’élève à 9 acides aminés environ, et qu’ils contiennent des résidus d’ancrage relativement conservés dans des positions fixes (Falk et al., 1991). Dans le cas des molécules CMH-II, le sillon n’est pas clos aux deux extrémités, ce qui fait que les peptides y sont généralement plus longs, de 12 à plus de 24 résidus d’acides aminés (Rudensky et al., 1991). Toutefois, similairement aux molécules CMH-I, on retrouve 9 résidus d’acides aminés en interaction dans le sillon peptidique ainsi que des résidus d’ancrage.

iii- La restriction des cellules T aux molécules du CMH

Comme nous l’avons déjà indiqué précédemment, le TCR αβ a pour ligand le complexe formé par une molécule du CMH et un peptide antigénique, c’est-à-dire qu’il ne reconnaît pas l’antigène dans sa forme native. L’idée selon laquelle les agents infectieux combinés, d’une façon ou d’une autre, avec les molécules du CMH initieraient l’activation des lymphocytes a été émise par H. Lawrence dès 1959 (Lawrence, 1959). Il faudra attendre 15 ans pour voir cette hypothèse validée par Zinkernagel & Doherty, qui ont montré que les lymphocytes T CD8+ peuvent reconnaître des cellules infectées, mais que cette reconnaissance est restreinte aux molécules CMH-I.

Cette démonstration (revue par (Zinkernagel and Doherty, 1997)) utilise le modèle du virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV). Le LCMV est capable d’induire une immunopathologie létale après infection des cellules méningées du cerveau, et il a été montré que les cellules T en sont responsables (Cole et al., 1972). Partant du constat que la mortalité et la cinétique de l’immunopathologie sont différentes selon l’haplotype H-2 des animaux infectés (Oldstone et al., 1973) , Zinkernagel & Doherty ont testé l’activité cytotoxique des

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cellules T isolées au pic de la réponse antivirale sur des cellules cibles infectées avec le LCMV (« CTL assay »). Ils ont alors pu observer une activité lytique des cellules T lorsque des cellules cibles de même haplotype H-2 étaient utilisées (Zinkernagel and Doherty, 1974b). Ces résultats ont été rapidement affinés par l’analyse de la restriction après infection d’animaux hétérozygotes pour H-2 (par exemple H-2kxb) ou bien congéniques (par exemple H-2Kk

H-2Dd

), pour arriver à la conclusion que chaque cellule T est restreinte par une molécule CMH-I précise (Blanden et al., 1975; Zinkernagel and Doherty, 1974a).

La diversité du récepteur des cellules T αβ est assurée par plusieurs mécanismes : combinatoire entre des segments de gènes ; dégénérescence au niveau des jonctions entre ces segments ; formation du TCR complet par l’assemblage entre les chaînes α et β. La gigantesque diversité potentiellement générée permet la reconnaissance d’une extrême variété de ligands, que forment les molécules du CMH associées aux peptides du soi ou étrangers. Il existe une pression sélective qui pousse les cellules T à n’exprimer qu’une seule chaîne β du TCR, mais ce processus d’exclusion allélique n’a pas lieu dans le cas de la chaîne α. Ainsi, la probabilité d’obtenir une cellule T exprimant deux TCR à sa surface est relativement élevée.