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A. Lymphocytes T CD8 + naïfs et mémoires

1) Caractérisation des cellules T CD8 +

a) Phénotypes et caractéristiques

Lorsqu’un organisme monte une réponse immunitaire primaire contre un agent infectieux et y survit, il devient protégé de manière plus efficace contre une nouvelle infection par le même pathogène (revue par (Sprent, 1997; Zinkernagel et al., 1996)). Ce critère est sans doute le plus fiable pour confirmer l’existence d’une mémoire immunitaire spécifique. Pour aller au delà de cette observation, de nombreux groupes ont cherché à caractériser phénotypiquement et fonctionnellement les cellules T mémoires. Pour commencer, les cellules T ont été divisées en deux catégories suivant l’expression de marqueurs extra- et intracellulaires. Les cellules T CD8+

dites « naïves », n’ayant jamais rencontré l’antigène spécifique, possèdent le phénotype CD44low CD62Lhigh et sont opposées aux cellules mémoires et activées, ces deux types de cellules partageant chez la souris le phénotype CD44high CD62Llow (Tough and Sprent, 1994). Depuis, d’autres molécules ont été identifiées pour mieux séparer les différentes populations de cellules T, des naïves aux mémoires en passant par les cellules effectrices de la réponse immunitaire (Sprent, 1997). Par exemple, certains marqueurs de surface comme Ly-6C ou les O-glycans, permettent de différencier les cellules mémoires des cellules effectrices ou naïves (Goldrath et al., 2000; Harrington et al., 2000). En outre, des modèles de souris transgéniques pour le TCR ont montré que les cellules naïves, effectrices et mémoires diffèrent dans leur comportement après stimulation quant à leur production de cytokines, leur vitesse de prolifération et leur rapidité à développer des fonctions effectrices (Bachmann et al., 1999a; Cho et al., 1999; Kedl and Mescher, 1998; Veiga-Fernandes et al., 2000). Ainsi, les cellules T

CD8+

mémoires mettent en oeuvre plus rapidement leurs mécanismes effecteurs que les cellules naïves (Lalvani et al., 1997; Selin et al., 1999). De plus, les cellules mémoires sont sensibles à de faibles niveaux d’antigène (Ahmed and Gray, 1996), et sont moins dépendantes des signaux de co-stimulation que les cellules naïves (Iezzi et al., 1998). Enfin, les cellules T CD8+ mémoires expriment des niveaux plus élevés du facteur anti-apoptotique Bcl-2 (Grayson et al., 2000), similairement à ce qui est observé avec les cellules T CD4+

mémoires (Garcia et al., 1999), ou encore d’autres molécules influant sur la survie comme le facteur de transcription LKLF (Schober et al., 1999).

L’ensemble de ces différences qualitatives est compatible avec l’idée selon laquelle la réponse mémoire est plus efficace et plus rapide que la réponse primaire, même si l’augmentation de la fréquence des cellules mémoires après immunisation, par rapport à la fréquence des cellules naïves spécifiques, constitue une différence quantitative fondamentale (revue par (Dutton et al., 1998)). L’ensemble des mécanismes favorisant la survie des cellules mémoires participe sans doute au maintien de cette fréquence accrue, via l’action de facteurs extracellulaires comme l’IL-15 ou bien l’IL-7 (Marrack et al., 2000; Schluns et al., 2000). A cet égard, on remarque que les cellules T CD8+

mémoires sont particulièrement affectées dans une lignée de souris déficientes pour l’expression de la chaîne IL-15Rα, sous l’effet d’une réduction de l’expression du facteur anti-apoptotique Bcl-2 (Wu et al., 2002).A l’inverse, les cellules T CD8+ mémoires prolifèrent plus et expriment de forts niveaux de Bcl-2 lorsqu’elles sont exposées à des niveaux élevés d’IL-15 in vivo (Yajima et al., 2002).

Deux modèles s’affrontent quant à l’origine des cellules T mémoires, car elles peuvent dériver soit de cellules effectrices dans un modèle linéaire de différenciation, soit de cellules naïves qui ne développent pas de fonctions effectrices (revue par (Ahmed and Gray, 1996; Farber, 1998)). Des données récentes indiquent que la stimulation antigénique des cellules T CD8+ initie un programme pré-établi de divisions cellulaires, indépendant de nouvelles stimulations par l’antigène, jusqu’à la formation de cellules mémoires (Kaech and Ahmed, 2001). Ce constat favorise le second modèle. A l’inverse, l’observation selon laquelle les cellules mémoires conservent l’expression de la perforine, employée par les cellules T CD8+

effectrices, va plutôt dans le sens du premier modèle (Opferman et al., 1999). La réponse définitive à cette question n’est donc pas apportée, et il ne semble pas improbable que les cellules T mémoires apparaissent via une combinaison de ces différentes possibilités. Cela est par exemple suggéré chez l’homme par l’identification de plusieurs types de cellules T mémoires/effectrices (Sallusto et al., 1999).

Survie et sélection périphérique des lymphocytes T CD8+αβ

INTRODUCTION 64

b) Export thymique, migration et dynamique des populations

La plupart des thymocytes sont éliminés pendant les étapes de la sélection thymique, et peu d’entre eux sont finalement exportés vers la périphérie. Chez la jeune souris, il est ainsi estimé que l’export thymique maximal se situe aux environs de 1-2.106 cellules par jour (Shortman et al., 1990). Certains résultats obtenus chez le rat indiquent que les cellules T quittant le thymus ne sont pas véritablement de vrais lymphocytes matures, et que des étapes de maturation post-thymique sont envisageables (revue par (Sprent, 1993)).

Après avoir quittés le thymus, les lymphocytes T colonisent les organes lymphoïdes périphériques, et circulent de manière constante entre ces organes : rate, ganglions lymphatiques, circuits sanguin et lymphatique. Cette circulation peut toutefois être stoppée, lorsque les cellules sont séquestrées dans les zones T des organes lymphoïdes par des CPA (Sprent and Tough, 2001). Elle peut également être réorientée lorsque les cellules T activée acquièrent la capacité de migrer au travers de l’endothélium, ce que les cellules naïves ne peuvent normalement pas faire (Benoist and Mathis, 1999). Les cellules T activées peuvent donc accéder aux sites extra-lymphoïdes comme la peau, les intestins, les poumons, et ce de manière relativement tissu-spécifique grâce à l’expression spécifique d’intégrines (revues par (Butcher and Picker, 1996; Mackay, 1993)), ou bien de récepteurs aux chémokines (revue par (Campbell and Butcher, 2000)). Ainsi, il apparaît que l’adressage des cellules T vers les organes lymphoïdes secondaires (médié par le couple CCR7/SLC) n’utilise pas les mêmes molécules que l’adressage vers la peau (CCR4/TARC) ou les intestins (CCR9/TECK). Le schéma de migration hétérogène des cellules mémoires/effectrices, contrairement au schéma homogène des cellules naïves, est en général corrélé avec le site d’activation. Par exemple, des cellules T activées au niveau des plaques de Peyer auront tendance à exprimer les molécules nécessaires à une migration vers les intestins (Benoist and Mathis, 1999).

Ces observations ont été récemment affinées chez l’homme, les cellules T mémoires ayant été sub-divisées suivant l’expression du récepteur aux chémokines CCR7 (Sallusto et al., 1999). Ainsi, il a été montré que les lymphocytes T mémoires humains CCR7-, dits TEM (T Effector Memory), expriment des récepteurs leur permettant de migrer, comme nous l’avons précédemment vu, vers les sites d’inflammation. Les lymphocytes TEM peuvent alors activer leurs fonctions effectrices de manière immédiate. A l’inverse, une seconde population de cellules mémoires T CCR7+

, dite TCM (T Central Memory), reste dans le circuit lymphatique. Ces cellules TCM ne possèdent pas de fonctions effectrices immédiates, mais peuvent stimuler efficacement les cellules dendritiques et se différencier en cellules TEM (Sallusto et

al., 1999). Chez la souris, il a été montré que des cellules T CD8+

activées en présence d’IL-15 (CD8IL-15) donnent des cellules de type TCM, alors que l’activation en présence d’IL-2 donne des cellules (CD8IL-2) de type TEM (Manjunath et al., 2001). Les résultats obtenus chez l’homme ont été confirmés dans ce système murin, puisque les cellules CD8IL-2

migrent plus efficacement vers les zones d’inflammation, alors que seules les cellules CD8IL-15 peuvent s’établir efficacement dans les ganglions lymphatiques, de manière CCR7-dépendante (Weninger et al., 2001).