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B. N OUVEAU RÉGIME PROPOSÉ PAR LA LTVMQ 116

2. Critique et évaluation de la réforme proposée 153 

2.4. Du point de vue des concepts civilistes en droit des biens 161 

La propriété des titres n’est pas claire. La LTVMQ ne répond pas à la question. Qui plus est, elle évite de se prononcer sur le sujet.

Bon, d'abord, je dois vous dire au départ que la question de propriété, vous ne la retrouverez pas dans le projet de loi. Il n'y a personne qui est propriétaire des titres. L'intermédiaire, c'est indiqué expressément, je pense, à l'article 104, il n'est pas propriétaire des titres, de l'actif. Et par ailleurs, la question de la nature juridique des droits de ceux qui acquièrent des titres, le projet ne se prononce pas là-dessus. Est-ce que ce sont des droits réels ou des droits de créance? L'important, c'est que ce sont des droits qu'il peut exercer à l'encontre de l'intermédiaire. Ça fait que la question du droit de propriété ne se pose pas dans ce projet-là, et c'est volontaire. Ça a été volontaire aussi dans les autres provinces. On n'avait pas à se prononcer sur la nature juridique du titre en question.773

En droit québécois, les droits de propriété rattachés aux valeurs mobilières et aux autres titres ne sont pas clairement identifiés. Il n’a pas été établi clairement si les titres sont corporels ou incorporels, si on en est détenteurs ou propriétaires.774 De plus, certains croient que la propriété ne peut être rattachée qu’aux biens corporels.775 Or, les titres

intermédiés sont des biens incorporels.

773 Voir discussion de l’article 116 du Projet de loi 47, Me Pierre Charbonneau, ASSEMBLÉE NATIONALE,

Vol. 40 No 46, supra note 573.

774 À titre d’exemple, on parle de détenteurs d’actions et de propriétaires véritables, à la Loi sur les

compagnies et au Règlement 54-101 sur la communication avec les propriétaires véritables des titres d’un émetteur assujetti, A.M. 2005-12, 7 juin 2005, G.O. 22 juin 2005. De plus, « Pour l’actionnaire, la propriété

des actions est un droit réel, et non un droit personnel » (P. MARTEL et M. MARTEL, supra note 43, p. 12- 10.1, par. 12-44 et faisant référence à Smith c. Lévesques, (1993) 34 B.R. 434 ; In re Bastien c. Cloutier, (1935) 73 C.S. 230 ; Du Tremblay c. Rosenia S.A., [1980] C.S. 702.)

Selon la LUTVM, le droit de propriété d’un titre intermédié est un droit opposable à l’intermédiaire avec qui il fait affaire.776 En effet, l’inscription d’un débit et d’un crédit à un compte de titres n’est pas un transfert du droit de propriété mais plutôt l’extinction d’un droit de propriété et la création d’un nouveau droit de propriété distinct.777 Ainsi, il ne peut y avoir de droit de suite, car le droit de propriété est éteint dès le débit au compte.

Dans d’autres juridictions de droit civil la situation est différente. En droit suisse, on parle d’un transfert de titres intermédiés par opposition à leur obtention.778 Par la nouvelle Loi

sur les titres intermédiés779, on entend créer une nouvelle forme de propriété sui generis.780 En modifiant le Code des obligations,781 on y établit que lorsqu’il s’agit de titres émis sous

forme d’un certificat global, « les investisseurs sont titulaires d’une quote-part de

copropriété sur l’ensemble des titres du même genre ainsi conservés. »782 alors que, lorsqu’il s’agit d’une inscription à l’agence de compensation, « les investisseurs sont

776 ACVM, supra note 3, art. 106, p. 220 et 221. 777 E. T. SPINK et M. A. PARÉ, supra note 60, 359.

778 Loi fédérale sur le dépôt et le transfert des titres intermédiés, supra note 757, art. 21, al. 1. 779 Id.

780 Florence GUILLAUME, « Les titres détenus auprès d’un intermédiaire (titres intermédiés) en droit suisse

– Aspects de droit matériel et de droit international privé » (2005) 3 EUREDIA 247, disponible à l’adresse :

www3.unine.ch/webdav/site/florence.guillaume/shared/bibliographie/Guillaume_Euredia_2005.pdf, consulté le 6 novembre 2008, p. 260.

781 RS 220 Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (Livre cinquième: Droit des

obligations), RO 27 321.

titulaires de simples créances à l’égard de l’émetteur. »783 Le cadre juridique des titres intermédiés est hybride, se situant entre les droits réels et le droit des contrats.784

D’autre part, selon des études du droit des biens français et des valeurs mobilières, le droit des biens a été élargi afin de retourner à son essence et d’y inclure les biens incorporels tels que les valeurs mobilières.785 Ainsi, « [a]bstraction faite des droits qu’elles confèrent à

leur propriétaire à l’encontre de la société émettrice, l’associé dispose d’un droit réel de propriété sur la valeur du titre dématérialisé. »786

Finalement, la LTVMQ, de même que le droit des valeurs mobilières en général, ne se prononce pas sur le droit des biens. On a préféré adopter des règles afin d’encadrer un marché qui évolue rapidement au détriment d’une cohérence avec les règles de droit civil. Par ailleurs, l’apport de la LTVMQ ainsi que des autres règles régissant les marchés des capitaux sur le droit des biens québécois pourrait faire l’objet d’une thèse distincte tellement la question est complexe.

Nous allons maintenant discuter du régime proposé par la LTVMQ, à savoir, s'il s'harmonise avec le UCC, ou s'il propose une solution civiliste originale.

783 Id., p. 261. 784 Id., p. 263.

785 Virginie MERCIER, L’apport du droit des valeurs mobilières à la théorie générale du droit des biens,

Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix Marseille, 2005 ; Béatrice PARANCE, La possession des biens

incorporels, Paris, L.G.D.J., Lextenso éditions, 2008.

2.5. La LTVMQ s’inscrit-elle dans la mouvance américaine ou