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B. N OUVEAU RÉGIME PROPOSÉ PAR LA LTVMQ 116

2. Critique et évaluation de la réforme proposée 153 

2.3. Du point de vue du concept de maîtrise pour obtenir la dépossession : retour à

La LTVMQ modifie le régime général des hypothèques mobilières. Premièrement, elle ajoute une condition matérielle à la remise et à la détention prévues à l’article 2702 C.c.Q. qui traite de la constitution générale de l’hypothèque mobilière avec dépossession. Le Barreau du Québec, dans une lettre ouverte, dénonce cet amendement, car il ne semble pas être nécessaire pour atteindre les objectifs du la LTVMQ et vient créer, entre autres, une contradiction avec l’hypothèque mobilière avec dépossession sur créances.759 En effet, l’amendement suppose que l’hypothèque avec dépossession ne peut grever que des biens corporels, adoptant l'approche de la matérialisation du gage.760 Cette modification est accompagnée des règles d’hypothèques avec dépossession sur des valeurs mobilières et des

758 M. HAENTJENS, supra note 87, p. 298.

759 Michel DOYON, bâtonnier au Barreau du Québec, dans une lettre ouverte adressée au Ministre de la

Justice et de la Sécurité publique, M. Jacques Dupuis, le 4 décembre 2007, disponible à l’adresse :

www.barreau.qc.ca/pdf/medias/positions/2007/20071204-projet-loi-47.pdf consulté le 25 avril 2008.

760 L. PAYETTE, supra note 459, p. 380 et ss. ; J. DESLAURIERS, supra note 483, p. 370 et ss. ; P.

actifs financiers qui ne comprennent pas de détention ni de remise matérielles.761 Soulignons que le créancier peut toutefois grever une hypothèque sans dépossession sur des biens incorporels.762

En réponse aux revendications des participants dans le domaine de l’assurance, qui étaient affectés par la matérialité du gage, l’article 2479.1 a été ajouté au Code civil du Québec. La disposition prévoit la possibilité d’hypothéquer son droit au remboursement du trop-perçu de prime résultant d’une police d’assurance.

2479.1. Lorsque l’assuré a cédé ou hypothéqué son droit au remboursement du trop-perçu de prime en faveur de celui qui a payé la prime et que l’assureur en a reçu avis, l’assureur est tenu de rembourser le trop-perçu au cessionnaire ou au titulaire de l’hypothèque.

La cession ou l’hypothèque du droit au remboursement du trop-perçu de prime n’est opposable aux tiers qu’à compter du moment où l’assureur en reçoit avis.

En présence de plusieurs cessions ou hypothèques du droit au remboursement du trop-perçu de prime, la priorité est fonction du moment où l’assureur est avisé.

Ainsi, seules les valeurs mobilières, les titres intermédiés et les trop-perçus de primes d’assurances peuvent faire l’objet d’une hypothèque mobilière sur des biens incorporels, alors que le Code civil du Bas Canada admettait le gage sur créances763, notamment le gage de la créance résultant d’une police d’assurance764. Qui plus est, « [c]e changement

d’orientation s’inscrit dans un contexte économique où la valeur des biens incorporels

761 Soit l'hypothèque mobilière avec dépossession sur les valeurs mobilières et les titres intermédiés.

762 De plus, la personne physique n'exploitant pas une entreprise peut désormais hypothéquer sans

dépossession ses biens incorporels selon l'article 15.02 du Règlement sur le registre des droits personnels et

réels mobiliers.

763 C.c.B.-C., art. 1974. 764 C.c.B.-C., arts. 2557 et ss.

prend une importance accrue. »765 Notons que le Barreau a par la suite appuyé le Projet de loi 47.766

Les nouvelles règles concernant l’hypothèque avec dépossession sur des valeurs mobilières et des actifs financiers viennent à l’encontre du principe de la dépossession. Traditionnellement, la dépossession atteint deux objectifs : premièrement, elle assure au créancier gagiste la possibilité d'exercer ses droits à l'encontre du constituant et des tiers. Deuxièmement, la dépossession a un effet privatif en ce qu'elle prive le constituant de sa détention et informe les tiers de l'existence du gage.767

Étonnamment, les nouvelles règles permettent une hypothèque avec dépossession sans « dépossession », c'est-à-dire, sans les effets privatifs. En effet, il y a remise et détention du titre, nécessaires à la constitution et à la publicité de l’hypothèque avec dépossession, même si le constituant en a toujours la maîtrise, donc, même si le constituant détient toujours le titre.768 Peut-on parler d’une « hypothèque avec dépossession » dans ce cas?

765 M. DOYON, supra note 759, p. 3.

766 Gérald R. TREMBLAY, bâtonnier au Barreau du Québec, dans une lettre ouverte adressée à la Ministre

des Finances, Mme Monique Jérôme-Forget, le 5 juin 2008, disponible à l’adresse :

www.barreau.qc.ca/pdf/medias/positions/2008/20080605-projet-loi-47.pdf, consulté le 4 juillet 2008.

767 P. CIOTOLA et A. LEDUC, supra note 486, p. 21-22. 768 LTVMQ, art. 113, al. 2 et 56, al. 2.

Traditionnellement, le créancier d’un gage doit détenir le titre de manière paisible et non équivoque afin de dénoncer la sûreté aux tiers.769 En effet, la dépossession « empêche en

principe le débiteur de tirer à nouveau crédit de l’objet gagé. »770 Or, lorsque le constituant conserve la maîtrise du titre et puisqu’il n’y a pas d’obligation d’inscription de l’hypothèque, le constituant pourrait hypothéquer à nouveau le titre, à l’insu de tous les créanciers. Conséquemment, peut-on toujours prétendre que cette hypothèque est publique? Plutôt, n’assistons-nous pas à la naissance d’un régime parallèle occulte?771 Pourtant, c’est ce que la réforme du Code civil du Québec tentait d’éliminer.

Ainsi, le concept de maîtrise n’est pas une dépossession au sens usuel et littéraire, mais est plutôt « a new functional concept that has to be analysed on its own terms, without resort

to analogy and legal fiction. »772 Dans cette optique, il aurait peut-être été préférable d’adopter un régime de sûretés réservé aux valeurs mobilières et actifs financiers au lieu de créer une dépossession fictive afin de transposer les règles du UCC et de la LUTVM dans les règles familières et révisées du Code civil du Québec. Ainsi, on pourrait retrouver les règles de l'hypothèque sur les valeurs mobilières et autres actifs financiers, sous le sous- titre, « Dispositions particulières à l'hypothèque mobilière sur certaines valeurs ou certains

titres », sans utiliser le terme « dépossession ».

769 L. PAYETTE, supra note 459, p. 376, par. 801 et Grobstein c. A. Hollander and Son Ltd., supra note 484,

443.

770 L. PAYETTE, supra note 459, p. 375, par. 799. 771 P. CIOTOLA et A. LEDUC, supra note 486, 34-35. 772 R. M. SCAVONE, supra note 97, 86.

Nous allons maintenant aborder l'approche en droit des biens prise par la LTVMQ et les nouvelles dispositions au Code civil du Québec.