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Chapitre V : Procédure expérimentale

V.5 Mesures et analyses acoustiques

V.5.1 Voyelles tenues

Les voyelles tenues sont des productions stables et isolées de chacune des 3 voyelles orales périphériques de l’espace vocalique ([i], [a], [u]). Les voyelles isolées extrêmes : « fermée » étirée [i], postérieure ouverte [a] et « fermée » postérieure arrondie [u], sont produites afin d’observer la configuration de l’espace vocalique sans contrainte temporelle. Elles permettent d’explorer l’espace vocalique maximal de chaque locuteur, de mesurer la qualité vocalique et d’effectuer des mesures des formants des voyelles, permettant ainsi de comparer les espaces vocaliques des sujets sains avec ceux des sujets pathologiques. Pour chaque voyelle, les valeurs formantiques ont été relevées au milieu de la voyelle, délimitée par une structure formantique stable.

V.5.1.1 Mesures formantiques - F1 et F2

L’analyse acoustique des voyelles est centrée sur les premier et deuxième formants, caractéristiques de la voyelle selon la théorie de Fant (1960) (F1, F2) et sur la configuration de l’espace vocalique sur le plan F1-F2. Nous pouvons ainsi relier, plus ou moins, F1 à l’aperture du conduit vocal et F2 à sa variation dans l’axe antéropostérieur, comparer les résultats à ceux du locuteur de référence, apprécier l’habileté articulatoire du patient et observer l’évolution des résultats au fur et à mesure des enregistrements.

Dans le but d’obtenir des mesures précises, des modifications ont été apportées au niveau des différents paramètres de mesures attribuées automatiquement par le logiciel Praat.

Nous nous sommes fondée sur le tutoriel de Wood (1994) disponible sur son site internet. Les modifications ont touché les paramètres suivants : Number of formants, Maximum formant, Dynamic range et Window length. Pour une meilleure visibilité et un bon suivi, nous avons augmenté le nombre de formants à 5 formants (Number of formants) ce qui induit une augmentation obligatoire de l’étendue du spectre étudié (Maximum formant) ; il est d’une valeur de 5000 Hz, pour un locuteur masculin et de 5500 Hz pour un locuteur féminin. On peut repérer un formant à chaque bande d’environ 1000Hz. La taille de fenêtre (Window length) définit la fenêtre de signal utilisée pour calculer chaque point. En d’autres termes, elle pourrait correspondre à la résolution temporelle. La valeur proposée par défaut est 0,025s et a rarement besoin d’être

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modifiée. Une taille de fenêtre trop petite peut donner des valeurs formantiques fausses. Aussi avons-nous augmenté, par précaution, la taille de cette fenêtre à 0,04s.

Dans un premier temps, nous avons relevé les valeurs de F1 et de F2 automatiquement, puis vérifié ces valeurs manuellement au milieu de la structure formantique stable de chaque voyelle.

Les valeurs ainsi saisies tracent les résonances dans le conduit vocal, permettant de rendre compte de la disposition du conduit vocal, lors de la production des voyelles étudiées. La configuration du conduit vocal est représentée sur un graphique mettant en corrélation les valeurs de F2 en abscisse et de F1 en ordonnée.

Nous avons calculé l’espace vocalique maximal de chaque locuteur (kHz2) à partir de la formule de Héron :

√𝑝(𝑝 − 𝑎)(𝑝 − 𝑏)(𝑝 − 𝑐) 𝑝 =1

2(𝑎 + 𝑏 + 𝑐)

Où a, b et c correspondent respectivement à la longueur des trois côtés du triangle. x et y correspondent aux coordonnées dans un plan F1, F2.

𝑎 = √((𝑥𝑐 − 𝑥𝑏)2+ (𝑦𝑐 − 𝑦𝑏)2) 𝑏 = √((𝑥𝑎− 𝑥𝑐)2+ (𝑦𝑎− 𝑦𝑐)2) 𝑐 = √((𝑥𝑎− 𝑥𝑏)2+ (𝑦𝑎− 𝑦𝑏)2) Équation 1 : Formule de Héron

Cette valeur (en kHz²) fournit des informations sur l’espace vocalique qui pourrait permettre de distinguer les différentes configurations de cet espace suivant les locuteurs, pathologiques et sains.

V.5.1.2 L’indice F

F est l’indice de mesure de dispersion de l’organisation du système vocalique. Il est conçu par analyse analogique de variances en comparant la variabilité inter-catégorie vocalique à la variabilité intra-catégorie vocalique. Cet indice est né de la volonté de quantifier, au moyen d’un indice dénommé F par Harmegnies et al., (2001), en s’inspirant de la statistique F de Fisher-Snedecor, le lien de la variabilité inter-nuage à la variabilité intra-nuage. La conceptualisation de

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l’indice F requiert divers champs notionnels présentés schématiquement sur la figure ci-dessous.

(cf. Figure 21).

Figure 21 : Schéma conceptuel de l’indice F selon Harmegnies et al., (2001)

Nous exposons ci-dessous la démarche suivie pour le calcul de l’indice F pour nos données, à partir des indications présentées par Harmegnies et al., (2001 : 245-247) :

Toute production de voyelle est localisée sur le plan F1/F2 par un point j de coordonnées (F1(j), F2(j)). L’indice j varie de 1 à Nk au sein du nuage k.

Toutes les productions appartenant à une même catégorie vocalique k forment un nuage de points dont le centre de gravité (G(k)) de coordonnées (F1(k), F2(k)) peut être aisément calculé en considérant la moyenne des F1(j) et la moyenne des F2(j) de tous les points formant le nuage k (1≤ j ≤ Nk). L’indice k varie de 1 à c (où (c) est le nombre de catégories vocaliques propres à chaque langue).

Tous les nuages (ou encore tous les points les constituant) forment un ensemble dont le centre de gravité (GTot) de coordonnées (F1, F2) est calculé en considérant la moyenne des F1(j), tous nuages confondus et la moyenne des F2(j), tous nuages confondus (1≤ j ≤ N).

Nous obtenons les valeurs de F après application des équations indiquées dans Huet & Harmegnies (2000). En effet, afin de pouvoir calculer l’indice F, il est nécessaire de déterminer deux ensembles de distances :

Des distances intra-nuage (dintra) définies pour chaque point d’un nuage k comme étant la distance euclidienne entre ce point j et le centre de gravité du nuage k (G(k)) auquel il appartient :

𝑑𝑖𝑛𝑡𝑟𝑎(𝑗) = [(𝐹1(𝑗) − 𝐹1(𝑘))2+ (𝐹2(𝑗) − 𝐹2(𝑘))2]

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avec F1(k) la moyenne des F1(j) de tous les points formant le nuage k et F2(k) la moyenne des F2(j) de tous les points formant le nuage k.

Des distances inter-nuage (dinter) définies pour chaque nuage k comme étant la distance euclidienne entre le centre de gravité de ce nuage k et celui de l’ensemble des nuages de points (GTot):

𝑑𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟(𝑗) = [(𝐹1(𝑘) − 𝐹1)2+ (𝐹2(𝑘) − 𝐹2)2]12

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avec F1 la moyenne des F1(j), tous nuages confondus et F2 la moyenne des F2(j), tous nuages confondus.

Ces distances étant considérées comme des écarts, nous pouvons calculer des ‘sommes de carrés d’écarts’ (SCE):

avec leur nombre de degrés de liberté respectifs :

L

intra = N – c et Linter = c – 1 Enfin, nous pouvons calculer l’indice F qui correspond :

∅ =𝐶𝑀𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟 𝐶𝑀𝑖𝑛𝑡𝑟𝑎

où les carrés moyens (CM) sont obtenus en divisant les SCE par le nombre de degrés de liberté correspondant :

Nous avons jeté notre dévolu sur les consonnes occlusives et quelques fricatives [p, t, k, b, d, g, s, ʃ, ʒ, z] dans des séquences de type VCV. Rappelons que les occlusives sont produites par une fermeture momentanée du conduit vocal (occlusion) suivie d'un relâchement brusque. La fermeture est produite par le jeu des divers organes articulatoires de la parole en différents endroits de la cavité buccale. Les occlusives résultent donc de deux réalités physiques : à savoir un blocage de l’air à l’endroit de la fermeture de la cavité buccale et un relâchement brusque de l’occlusion qui peut provoquer une explosion-friction. Nous avons volontairement opté pour les voyelles [i] vs [a] car leur réalisation permet d’observer, en contexte VCV, la dynamique maximale en termes de déplacements de la trajectoire linguale couplée à la mandibule d’une position haute pour le [i] à une position basse pour le [a], et vice versa. Les consonnes [p, t, k, b, d, g] ont été