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Le site de la lésion, la taille de l’exérèse et le type de reconstruction ont-ils des impacts sur la parole ?

Partie 1 : ÉTAT DE LA QUESTION

IV. État des travaux menés sur la production de parole après glossectomie partielle ou totale . 91

IV.4 Le site de la lésion, la taille de l’exérèse et le type de reconstruction ont-ils des impacts sur la parole ?

À propos du lieu de la résection, Sun et al., (2007) ont montré que les patients ayant des tumeurs antérieures ou de l’hémi-langue ont des résultats plus faibles, par rapport à ceux qui ont des tumeurs postérieures. Les patients avec conservation de la pointe de langue et du plancher ont des résultats meilleurs que ceux sans conservation. Suite au retrait de la partie postérieure de la langue (reliée à l’os hyoïde, et la partie donc qui est moins mobile que la partie libre de la langue), on observe que ce geste chirurgical va engendrer des troubles au niveau de la production des segments vocaliques (les résonances pouvant être restituées grâce aux lambeaux). La partie antérieure de la langue joue un rôle indispensable dans la production des segments consonantiques. Même avec reconstruction, cette capacité d’agilité perdue est difficile à rétablir. Pour Schliephake et al., (1998), les perturbations latérales provoquent moins de limitation au niveau de la mobilité linguale et de la production de parole, en comparaison avec des exérèses médianes ou bilatérales. Leonard et al., cités dans Korpijaakko-Huuhka et al., (1998), démontrent que la chirurgie a plus de répercussions sur la parole, puisqu’ elle affecte les structures contiguës de la langue, que la taille et le site de la glossectomie en eux-mêmes. En ce

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qui concerne la dimension de l’exérèse, plus l’excision est grosse plus les altérations au niveau de la mobilité et de l’articulation sont importantes. L’étude de Diz Dios et al., (1994) ont estimé les suites fonctionnelles et articulatoires de 11 glossectomies partielles en comparaison avec des locuteurs sains. Ils ont dévoilé que l’intelligibilité de la parole était reliée au nombre de tissus amputés. Pour Savariaux et al., (2000), plus la taille de l’ablation est importante plus les productions des segments vocaliques et consonantiques seront détériorées, et particulièrement, celles produites dans la région vélaire. Konstantinovic et Dimic (1998) ont effectué, à partir d’une cohorte de 60 patients 6 mois après résection linguale partielle suivie de traitement par radiothérapie, une évaluation articulatoire et praxique. Le résultat de cette expertise a montré qu’au niveau fonctionnel, le type de reconstruction est plus important que la taille de l’exérèse.

De ce fait, les auteurs ont remarqué que les plus mauvais scores articulatoires et praxiques sont constatés lorsque la reconstruction a été réalisée avec un lambeau de grand pectoral, comparé à des sutures ou à des reconstructions avec des lambeaux régionaux qui devraient être réservées aux résections les plus importantes. Chuanjun et al., (2002), qui ont confronté l’intelligibilité des productions d’une population de 19 patients après une glossectomie partielle avec et sans reconstruction, remarquent aussi que l’intelligibilité de la production de la parole est meilleure chez les patients qui n’ont pas eu de reconstruction, par rapport à ceux qui en ont reçu une.

Pour Chuanjun et ses collègues, la reconstruction avec lambeau interagit avec la mobilité et la flexibilité linguales, surtout au niveau de la cicatrice. Pour Bressmann et al., (2007) qui ont évalué l’articulation de patients glossectomisés en échographie 3D, les patients avec une fermeture par sutures ont le même pattern en Post-Op1. En revanche, les patients avec une greffe ont un nouvel élément du bord opéré ; le lambeau forme une portion statique, il est inerte et n’a pas de synchronisation avec la langue résiduelle, ce qui freine les structures contiguës. Le lambeau atteint le milieu de la langue, la réalisation du chenal médian, il contribue à l’augmentation de l’irrégularité. Dans d’autres travaux, certains auteurs ont trouvé de meilleurs résultats malgré la reconstruction par lambeau. Aussi, Wakumoto et al., (1996) ont effectué une étude longitudinale acoustique et palatographique (EPG) de l’articulation de la parole chez 10 patients partiellement glossectomisés avec ou sans reconstruction par un lambeau anté-brachial. Ils ont pu voir que les patients avec reconstructions ont la capacité d’améliorer leur intelligibilité dans les 12 mois post-opératoires suivant l’opération, et un bon

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contact palato-lingual est constaté. Cela n’a pas été remarqué chez les patients suturés.

Bressmann (2002), à travers une étude sur un échantillon de 10 patients enregistrés, explique que les patients avec une langue reconstruite par un lambeau présentaient un nombre moyen d’erreurs articulatoires plus bas que les patients avec reconstruction linguale locale. Pour Schliephake et al., (1998), le dispositif d’échographie permet de mieux voir et expliquer les mouvements linguaux en fonction des types de reconstruction. Ainsi, les lambeaux libres préservent une meilleure mobilité pour la restauration des résections médianes ou bilatérales.

Au niveau de l’intelligibilité de la parole, les lambeaux locaux offrent de bons résultats. La reconstruction par lambeau infra-hyoïdien dans les études de Deganello (2007) et de Zhao et al., (2001) témoigne de bons résultats fonctionnels. Pour eux, l’anatomie du lambeau permet de reprendre un bon équilibre après une hémi-glossectomie. Cependant, il n’existe aucune reconstruction qui puisse réajuster la perte de l’activité motrice d’un nerf. Des travaux menés par Buchaillard et al., (2007), à partir de l’utilisation d’un modèle 3D et dont le but est de dévoiler les effets d’une exérèse linguale sur les mouvements de la langue, montrent que les modifications portées par la chirurgie sont plus ou moins conséquentes, cela dépendant de l’activité des muscles atteints. À partir d’un modèle illustrant le mouvement lingual après une hémiglossectomie gauche, une discordance au niveau du mouvement et de la géométrie linguale est relevée. Cette discordance est déterminée par une courbure de l’apex et du dos de la langue et par une déflexion prononcée de la pointe de la langue, par rapport au plan médian.

Une hémiglossectomie génère donc une déflexion linguale dans le plan frontal. Les caractéristiques physiologiques d’un lambeau ont un retentissement important sur l’amplitude du mouvement de la langue dans la région vélaire. La raideur du lambeau n’affecte pas la torsion de la pointe de la langue mais le modèle montre que plus le lambeau est raide moins est l’élévation maximum de la partie droite du dos de la langue, ce qui limite la déviation. De ce fait, en cas d’absence de reconstruction, des réajustements doivent être déployés par les patients, afin de rétablir cette torsion. Selon les travaux de Buchaillard et al., (2007), une compensation de la masse restante de la langue au niveau palatal est essentielle pour que le patient soit capable de réaliser une occlusion. Dans le cas d’une reconstruction, la masse ne constitue pas un problème même avec des lambeaux raides.

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IV.5 Les stratégies de compensations articulatoires mises en évidence après