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Chapitre 2 Fabrication et caractérisation des particules magnétiques

IV.2. Vortex elliptique

Dans une variante plus proche des particules de permalloy précédemment étudiées, nous avons décidé de conserver le matériau magnétique et la configuration en vortex des particules mais en ajoutant une anisotropie de forme dans le plan de la particule, en créant des particules elliptiques. Dans ce cas, l’aimantation adopte une configuration en vortex elliptique, avec une aimantation moyenne s’orientant préférentiellement le long du grand axe de l’ellipse, qui est l’axe d’aimantation facile. Lors de l’application d’un champ magnétique rotatif, la particule devrait alors conserver son grand axe orienté dans la direction du champ. Ainsi, contrairement à une particule circulaire, la particule elliptique peut être mise en mouvement dans le cas d’un champ rotatif appliqué dans son plan.

Les propriétés géométriques des particules doivent être choisies pour respecter certaines caractéristiques. En effet, la rémanence doit être faible pour que les particules se redispersent après application du champ, ce qui passe ici par une configuration en vortex. De plus, l’anisotropie planaire doit être assez forte pour déclencher une rotation des particules lorsqu’un champ rotatif est appliqué sur une particule libre de se mouvoir. En effet, si l’anisotropie est trop faible, l’aimantation va tourner dans le plan de la particule sans entrainer un mouvement des particules.

Ces caractéristiques s’obtiennent en faisant varier le ratio Ra = a / b avec a, le rayon du petit axe et b le rayon du grand axe. Les données théoriques de la littérature nous montrent que, pour un ratio choisi, plusieurs configurations peuvent être obtenues. Pour Ra = 3, la configuration initiale peut être un vortex,

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en échelle de perroquet (cross-tie en anglais), un diamant ou un double diamant (Figure 23), correspondant respectivement à un simple vortex, un triple vortex, un double vortex et un triple vortex (Warnicke 2007; Felton et al. 2006). Pour des ratios de 1,4 et 2, une saturation des particules le long du grand axe entraine la formation d’un double vortex (en diamant) tandis qu’une saturation le long du petit axe crée un simple vortex à rémanence (Buchanan, Roy, Fradin, et al. 2006; Buchanan, Roy, Grimsditch, et al. 2006; Vavassori et al. 2004).

Figure 23 : figure extraite de (Warnicke 2007) montrant des configurations magnétiques en a/ simple vortex ; b/ échelle de perroquet ; c/ diamant ; d/ double-diamant

Pour un ratio de 4, la rémanence a été mesurée expérimentalement à 100% de l’aimantation à saturation (X. Zhu et al. 2002). Cela s’explique par le comportement dipolaire d’une telle structure après application d’un champ. Un ratio trop élevé n’est donc pas souhaitable pour notre application. Des mesures réalisées sur des particules elliptiques avec Ra = 1,4 donne une rémanence quasi nulle (Vavassori et al. 2004) alors que des particules elliptiques avec un ratio de 2 donnent une rémanence à 100% (Felton et al. 2004). Compte tenu de toutes ces données, nous avons donc choisi un ratio de 1,5 pour obtenir une faible rémanence tout en ayant une anisotropie de forme suffisante.

La fabrication des particules elliptiques se fait selon le même protocole que celui des disques de permalloy. La seule différence est l’utilisation d’un masque présentant des motifs en forme d’ellipses avec un grand axe de 1,6 µm et un petit axe de 1,06 µm (Figure 24A).

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Figure 24 : A/ Motifs du masque des ellipses ; B/ Image au MEB des particules elliptiques sur le substrat ; C/ Image au MEB des particules après dissolution de la PMMA

De même que pour les particules en forme de disque, notre procédé de fabrication nous permet d’obtenir des particules de taille et de forme régulières, comme nous pouvons l’observer sur les images de MEB en Figure 24B. La taille des ellipses est supérieure à celle des motifs du masque. Le grand axe des particules produites est d’environ 1,7 µm et le petit axe d’environ 1,4 µm. Ces dimensions nous donnent un ratio de 1,2 qui est inférieur à celui souhaité. Cependant, le prix d’un nouveau masque étant assez élevé, nous décidons de poursuivre l’étude avec celui-ci. Une acquisition MEB montrant les particules elliptiques après détachement du wafer est aussi montrée en Figure 24C.

Afin de vérifier que la configuration en vortex est conservée malgré la forme elliptique des particules, des mesures VSM ainsi que des acquisitions au MFM ont été effectuées (Figure 25).

Figure 25 : A/ Images MFM i) de plusieurs particules elliptiques de permalloy; ii) d’une particule avec un simple cœur de vortex iii) d’une particule avec un double vortex ; B/ Cycle d’Hystérésis des particules elliptiques de permalloy, le champ étant appliqué dans le plan. Les barres d’échelle sont de 1 µm.

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La Figure 25A/i montre les motifs obtenus par acquisition MFM sur une particule elliptique. Elle est représentative des résultats obtenus sur plusieurs particules étudiées. La configuration en simple cœur de vortex est confirmée ici par les quatre zones alternativement claires et sombres témoignant de l’enroulement des moments magnétiques autour du centre de la particule où se situe le cœur de vortex (Figure 25A/ii). Il est à noter qu’un faible nombre de particules comportait une structure en double vortex comme la particule en bas à gauche sur la Figure 25A/i ou la particule montrée en Figure 25A/iii. Le cycle d’hystérésis obtenu peut lui aussi correspondre à une configuration en vortex (Figure 25B) avec une rémanence quasi-nulle. La susceptibilité le long du grand axe (26,8 en SI) est plus forte que le long du petit axe (20,3 en SI). Cela confirme bien l’existence d’une anisotropie le long du grand axe de la particule. Une fois libérée en suspension, la particule tendra à aligner son aimantation moyenne le long du grand axe de l’ellipse. Elle pourra ainsi s’orienter dans les trois directions de l’espace selon le sens d’application du champ. Le risque de particules en vortex restant immobiles dans un champ tournant est éliminé.

Conclusions du chapitre

Les particules obtenues grâce au procédé développé à SPINTEC sont de taille et de forme régulières. L’utilisation du permalloy combinée à une forme de disque de 1,3 µm de diamètre et 60 nm d’épaisseur entraîne la création d’un vortex magnétique. La faible rémanence, le champ de saturation assez faible (80 mT) et la susceptibilité inférieure au seuil critique permettent une bonne utilisation pour des applications biomédicales. Les particules ne s’agglomèrent pas en l’absence de champ, elles sont capables de réagir mécaniquement à l’application d’un champ externe puis de se redisperser.

Dans une approche similaire, des particules elliptiques de permalloy ont aussi été étudiées. En choisissant le ratio entre le grand axe et le petit axe, la configuration en simple vortex est conservée pour la majorité des particules. Pour certaines particules, la configuration magnétique est en double vortex. Les particules elliptiques en vortex ont l’avantage de pouvoir suivre le champ dans toutes les directions de l’espace. Cependant, elles sont de tailles supérieures aux disques (1,7 µm de longueur du grand axe contre 1,3 µm de diamètre pour les disques), ce qui peut amplifier les problématiques liées à l’injection des particules. Le masque utilisé permet de produire deux fois moins de particules par wafer, comparé à la production de disques de permalloy. De plus, l’étude de ces particules a débuté alors que les tests in-vitro et in-vivo étaient déjà commencés. Ces particules n’ont donc pas encore été testées sur les cellules. Cependant, cette piste semble particulièrement prometteuse et mériterait des approfondissements. Elle permet en effet de garder toutes les caractéristiques des disques de permalloy nécessaires à notre application, tout en augmentant la capacité des particules à exercer un stress

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mécanique sur les cellules. Il pourrait alors être intéressant pour des études futures d’optimiser le procédé pour obtenir un ratio de 1,5 et de changer de masque pour produire des particules de plus petite taille.

Pour finir, nous avons étudié des particules multicouches de Co/Pt. Les multicouches de Co/Pt sont couplées au travers de couches minces de ruthénium par un couplage RKKY pour former des SAF. L’anisotropie hors du plan de ces particules permet de les diriger dans les trois directions de l’espace tout en conservant une rémanence très faible grâce à la compensation des deux couches. Différents nombres de répétitions des multicouches de Co/Pt et des couches de Ru ont été testés. Le comportement AF des particules n’a pu être obtenu que pour n ≤ 5 et une seule couche de ruthénium. En effet, pour un nombre de répétitions supérieur, l’énergie de couplage n’est plus prédominante et les défauts de topographie provoquent une augmentation du coercitif, entrainant ainsi une plus forte rémanence. De plus, le champ de saturation des particules avec un faible nombre de répétitions est de ~400 mT (contre 80 mT pour les disques de permalloy). Le champ magnétique à appliquer pour permettre leur mise en mouvement devrait donc être plus élevé. Pour les particules avec 80 couches de Co, bien que la configuration AF ne soit pas obtenue, la condition de faible rémanence est tout de même respectée grâce à la configuration en stripe domains des particules. Cependant, le champ de saturation est encore nettement supérieur (~700 mT) à celui des particules de permalloy. De plus, une baisse de l’anisotropie perpendiculaire a été observée, et pourrait rendre possible l’aimantation de ces particules dans le plan, contrairement à nos souhaits. En termes de praticité, l’étape de dépôt des matériaux est beaucoup plus longue que pour le permalloy, ce qui est peu compatible avec les quantités dont nous avons besoin. Des optimisations, en jouant sur l’épaisseur des couches notamment, pourraient être réalisées dans une étude ultérieure pour un meilleur couplage AF et un champ de saturation plus faible. Dans ce travail de thèse, les particules de Co/Pt n’ont donc pas été utilisées sur cellules.

Le reste de l’étude a donc été réalisé avec les disques de permalloy. Le procédé développé à SPINTEC nous permet de produire des particules de taille et de forme parfaitement contrôlées et est relativement rapide (environ 7 h pour produire 6 mg de particules) et fiable. Leurs dimensions leur permettent d’interagir avec les entités biologiques et d’être injectées dans les tissus. Leur recouvrement par un matériau biocompatible tel que l’or est compatible pour des applications biomédicales. L’anisotropie de forme des disques de permalloy permet leur mise en mouvement par l’application d’un champ magnétique externe de façon efficace. Les particules peuvent alors être « activées » à distance et produire un stress mécanique sur les cellules. Fabriquées dans un environnement de salle blanche, les particules ont l’avantage d’être relativement propres. De simples lavages à l’éthanol pur suffisent pour leur utilisation in-vitro et in-vivo.

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Pour une utilisation en clinique, les particules devront être stérilisées plus rigoureusement et le suivi de fabrication plus détaillé. Un travail de formalisation a été commencé en ce sens (annexe II). Pour la stérilisation, plusieurs procédés peuvent être envisagés : rayons gamma, autoclave ou encore l’oxyde d’éthylène. Une validation devra être effectuée après cette étape pour vérifier que l’étape de stérilisation ne modifie pas les propriétés des particules.

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