• Aucun résultat trouvé

La volonté de préserver les paysages, origine des politiques publiques de découragement ou de blocage de dynamiques d’évolution de l’occupation du sol

Quatrième partie Les politiques publiques de paysage découragent ou bloquent

40 La volonté de préserver les paysages, origine des politiques publiques de découragement ou de blocage de dynamiques d’évolution de l’occupation du sol

Par nature presque, l’association des termes de beau et de paysage semble aller de soi, faire partie du langage courant ; rarement cependant ces territoires appréciés de manière positive sont urbains, l’expression de paysage urbain ayant elle même du mal à entrer dans le langage courant. Les théoriciens de l’esthétique et du paysage nous ont appris en effet que les paysages sont ruraux, issus des représentations culturelles de la campagne et fondés sur le bucolique et la Pastorale décrite par des poètes comme Vi rgile [Alain Roger 264 ; Pierre Donadieu 112]. Il est intéressant de constater que dès 1946 on dénonçait déjà l’urbanisation de la région de Mantes tout en prévoyant des politiques publiques de protection. Ainsi, dans un ouvrage sur les monuments de l’Île-de-France, un architecte s’exprimait dans ces termes : « les falaises découpées du Vexin […] font de la vallée de la Seine à Haute-Isle

un paysage si merveilleux […]. Mais l’agglomération parisienne étouffe ; il lui faut de l’air, de l’espace. De là l’extension des lotissements qui, depuis un demi-siècle, ont envahi une importante superficie d’excellentes terres de culture et trop souvent enlaidi des paysages qui avaient charmé nos pères. Cependant, nous constatons très nettement un revirement de l’opinion publique dans le sens de la protection de ces paysages. […] Nous pouvons donc espérer que l’Ile-de-France, tout en continuant à tenir la tête des progrès agricoles, demeurera la “ ceinture dorée de Paris ”. » [André Lesort, Pierre Bernus, Maurice-Pierre

Boyé et al. 193 resp. p. 42 et p. 53] De nos jours encore, la situation n’a guère évolué : les paysages banalisés ne sont toujours pas admis par les défenseurs du (beau) paysage. Toutefois il faut nuancer le propos : ces éléments de modifications des territoires ont sur le territoire réel un impact plus faible que dans les esprits des personnes qui se sentent agressées. C’est donc plus le risque de voir une atteinte portée aux paysages qui génère l’inquiétude, car par là-même leur beauté serait menacée et leur usage aussi.

400 La sensibilité sociale aux paysages

Les Français ont montré dans les années 1990 qu’ils n’étaient pas indifférents à la dégradation de leurs paysages. L’organisation par le ministère de l’Environnement d’un concours de photographies de paysages, réservé aux non-professionnels, lui permettait ainsi de collecter un corpus d’images. Évaluée ensuite par la sociologue Françoise Dubost, l’opération a mis en scène la surveillance des territoires par les habitants ; les paysages furent un problème politique d’actualité pour les participants au concours : 27 % ont formulé une revendication, 43 % un attachement personnel et 30 % une émotion esthétique [Lucien Clergue, Françoise Dubost 58 p. 46]. Il faut retenir de cette préoccupation pour l’évolution des paysages (en fait des territoires), qu’elle ne se traduit pas toujours, on s’en doute, par une sollicitation des pouvoirs publics en terme de préservation. Dans un rapport présenté au Conseil national du paysage, Yves Luginbühl distingue La demande sociale de paysage des attentes ou des préférences paysagères de la société française : pour le premier terme et non pour les deux suivants, il faut considérer que certains citoyens cherchent à devenir actifs par rapport aux décisions publiques. Entre décor et cadre de vie, les paysages font l’objet de représentations variables selon les différents groupes sociaux, il convient donc d’être attentifs à toutes les nuances avant d’orienter les décisions politiques [Yves Luginbühl (2001) 195].

On peut présenter la problématique de la protection des paysages en trois étapes : - sur la base de l’identification d’un problème, le premier temps est celui de la sensibilisation des élus ou des adhérents d’associations, par la caricature de la ville pour s’y opposer ; c’est la mise en exergue des inconvénients : bâtiments ordinaires, « béton », pylônes, zones commerciales, etc. La notion de paysage comme patrimoine y trouve sa place ;

- le deuxième temps est celui de la stratégie à long terme, qui vise à protéger des sites mais aussi à coordonner les actions permettant la création du parc naturel régional. Maintenant que la création du premier a abouti (celle du parc naturel régional du Vexin français), l’action de l’association se poursuit par la création d’une extension ou d’un nouveau parc naturel pour les communes du Vexin faisant partie du département de l’Oise ;

- enfin, le troisième temps est celui qui prouve que les associations ne se situent pas systématiquement en opposition aux projets, grâce à leur force de proposition pour construire le territoire. Les conseils pour le bâti ou les jardins, les colloques organisés avec des experts et des scientifiques y trouvent ici leur place (voir cinquième partie de ce mémoire de thèse).

Deux principaux cas de figures concernent les associations de protection des paysages : soit ce sont des associations de défense de l’environnement déjà créées qui développent leur réflexion et leur action en terme de paysage, soit les associations se créent à l’occasion d’un projet auquel elles s’opposent. L’Association des amis du Vexin français réunit ces deux logiques complémentaires. D’une part, cela fait plus de trente ans qu’elle s’est créée pour défendre le territoire, face à un projet important, la création de Cergy-Pontoise. D’autre part, sa sensibilité à l’environnement s’étend aussi aux paysages — pas seulement en tant que décor ou cadre esthétique — les volumineux bulletins qu’elle édite le montrent bien. De même, l’association des Amis de Vétheuil a été créée très tôt, en 1970, dans le but de préserver et de mettre en valeur la commune et les communes voisines de la vallée de la Seine. Toutes deux sont intimement mêlées, par des adhérents communs depuis la création mais aussi au sein de l’Union des Amis du parc naturel régional du Vexin français, la plus récente (1990). La première, dans ses bulletins, se dit reliée à la troisième par un dynamisme réciproque (en revanche celle de Vétheuil ne publie rien). La puissance de ces trois associations se manifeste aussi par leur capacité à communiquer et à organiser la réflexion et les actions à l’échelle de vastes territoires. Ainsi la première (les Amis du Vexin français) développe des réflexions très intéressantes, comme la notion de paysage patrimonial qui insiste sur la valeur des paysages en tant qu’héritage et s’interroge sur la place des agriculteurs dans la société actuelle.

401 Un argument utile pour solliciter les pouvoirs publics : le paysage comme patrimoine À l’initiative des procédures de protections en France, on trouve l’État, les propriétaires, les communes ou les associations, comme nous le rappelle un juriste de l’environnement : « Les

associations ont joué et jouent encore un rôle déterminant pour la protection des sites. Elles sensibilisent souvent avec force les pouvoirs publics et les élus locaux aux menaces de toutes s o rtes qui pèsent sur le paysage. » [Dominique Audrerie 19 p. 68] L’analyse des bulletins de

l’Association des amis du Vexin français montre quels sont les paysages qui sont rejetés, dès qu’ils apparaissent dégradés par des poteaux électriques ou des exploitations de carrières, mais aussi lorsque l’architecture de nouvelles maisons semble mal adaptée au contexte d’origine. Ainsi les notions de dégradation, de « d é f i g u r a t i o n » ou de saccages font régulièrement partie des articles publiés [Amis du Vexin français 13] : « À Auvers, le plateau sera-t-il défiguré par une

zone industrielle ? » e t « La vallée de l’Epte sera-t-elle sauvée ? » ; « Le saccage des p a y s a g e s » ; « Au Perchay : une victoire de l’environnement, ou comment faire sauter un château d’eau » ; « Réflexions sur la dégradation des paysages d’entrée de ville ».

C’est ainsi que l’Association des amis du Vexin français présente sa naissance :

« […] pour la défense et l’aménagement du Vexin, en vue de contribuer au développement et à la préparation de son avenir, tout en permettant de sauver et de mettre en valeur le patrimoine artistique et culturel de cette région. […] Le Vexin français possède de charmants villages, des maisons harmonieuses et un paysage façonné par des dizaines de générations. Tout cela a traversé les siècles sans trop de dommage. Il s’agit de préserver ses richesses et d’éviter que le Vexin ne devienne à son tour une banlieue aussi laide que celle qui entoure déjà Paris […]. » [Amis du Vexin français 13]

L’association souhaite préserver des « paysages vierges de toute urbanisation, une

architecture de qualité », ainsi que « le patrimoine ». Pour elle, la première étape passait par

l’inscription du site du Vexin qui a eu lieu en 1972 ; ensuite la création du parc naturel régional du Vexin français est devenue la suite logique de cette protection :

« L’intérêt et la qualité environnementale du Vexin français, élément de transition entre Normandie et Île-de-France, dont il représente l’une des approches les plus remarquables, ont suscité de longue date de multiples démarches de protection. Toutes ont eu et ont encore comme objectif le maintien de cette identité rurale prégnante, fruit de l’histoire et du rapport de l’homme à son terroir. […] Le Vexin s’est donc vu reconnaître un statut indiscutable de site pittoresque de qualité dont la conservation est ainsi considérée comme d’intérêt général. »[Amis du Vexin français 13 n°20 p. 43]

Pour l’un des fondateurs et président actuel de cette association, l’historien et démographe Jacques Dupâquier, la préservation d’un paysage ne signifie pas le refus global de ses transformations contemporaines (les équipements, l’industrie, etc.) mais la réalisation d’aménagements de bonne qualité, ce qui est synonyme d’invisibilité dans le paysage hérité :

« On souhaite seulement un progrès plus respectueux de notre héritage culturel, des restaurations plus modestes, des bâtiments modernes plus discrets, des maisons qui se fondent mieux dans le paysage, des lignes électriques enterrées. La discrétion ne coûte pas nécessairement plus cher ; elle exige plus d’intelligence, plus de sensibilité, plus de culture, et, en dernière analyse, plus d’âme. » [Amis du Vexin français 13 n°20 p. 17]

Dans le but de contribuer à la bonne évolution du paysage mais aussi de mieux le connaître et le faire connaître, l’association a souhaité s’enrichir de données scientifiques (en géographie, histoire, architecture, etc.). La vulgarisation (par des colloques, des bulletins ou des expositions, etc.) devient le support d’un message qui se trouve au cœur de l’association : la notion de patrimoine. Ainsi, comparer les paysages à des monuments historiques permet de les valoriser par la notion de mémoire, d’évoquer la transmission d’un patrimoine et d’y projeter immédiatement le désir d’une politique de conservation.

« Pays, paysans, paysages, tous ces mots ont la même origine. Tout se tient. La fin de notre paysannerie signifierait la mort des paysages. Ce ne sont pas seulement les arbres et les vieilles pierres que défendent les Amis du Vexin français, mais les hommes qui y travaillent et qui y vivent, les héritiers de ceux qui l’ont créé, les pères de ceux qui leur succéderont. »

[Amis du Vexin français 13 n°32 p. 13]

Ainsi, notamment dans le cadre des Assemblées générales de l’Association des amis du Vexin français, le message est constamment affirmé :

« Les paysages de notre Vexin, cette articulation admirable des champs, des chemins, des bois et des villages, n’ont pas été conçus par des aménageurs diplômés ni des bureaux d’étude, mais par cent générations de paysans qui les ont façonnés et dont, par un juste retour, ils ont façonné l’âme : ce sont des monuments historiques, et ils doivent être traités comme tels. » [Amis du Vexin français 13 n°20 p. 16] « Notre programme était simple :

que la ville reste la ville et la campagne campagne. […] il me semblait — mais il fallait le faire comprendre — que le Vexin français était un monument historique aussi précieux que les tours de Notre-Dame. […] Nous avons aussi sensibilisé les élus aux paysages, à la qualité de la vie, à l’environnement et à la nécessité de le préserver. » [Parc naturel régional du Vexin français 237 p. 1 et 5]

Pour préserver les paysages, c’est donc l’identité vexinoise qui est en jeu : non seulement le plateau à vocation agricole mais aussi, et surtout, les agriculteurs, co-héritiers avec les autres habitants, du travail des générations précédentes. Trois ans après la création du parc naturel régional, l’association évoquant ses activités anciennes, relate le même type de point de vue sur l’évolution du paysage et confirme que les notions de patrimoine et de monument sont restées intactes. La notion de paysage comme patrimoine peut séduire, à

condition de trouver un équivalent au monument historique cité qu’est ici la cathédrale de Notre-Dame de Paris, autrement plus connue que le Vexin français. Pour y aboutir, la méthode suivie a été l’affirmation de l’identité vexinoise (voir la cinquième partie de ce mémoire), pour éviter son contraire, la banalisation.

402 Pour préserver les paysages, rejeter l’urbanisation et l’industrialisation

Pour éviter que les paysages ne soient banalisés, la première chose à faire est d’affirmer l’identité des paysages à défendre, en l’occurrence de marquer l’originalité des paysages vexinois pour leur conférer un caractère admirable. Ce sont l’urbanisation et l’industrialisation qui sont les évolutions les plus rejetées.

Contre la dégradation de l’évolution des paysages de la vallée de Seine, un invité étranger s’est exprimé. C’est en 1991 et 1992 qu’est organisé par le ministère de l’Environnement le voyage de trois invités étrangers pendant deux semaines en France, désignés comme experts des paysages. L’un d’eux, le néerlandais Dirk Frieling avait retenu la Seine « p a rce que c’est à proximité des régions à forte urbanisation que le paysage est le plus

exposé aux changements » [ministère de l’Environnement 209 p . 72] et car « ce qui frappe le plus un hollandais qui observe la Seine, c’est qu’elle ressemble à un vieux canal industriel usé, avec ses rives escarpées et désolées où la végétation est pauvre » [209 p. 7 2 ] . Enfin, il concluait

par un plaidoyer en faveur du paysage : « Une fois canalisé, il n’est plus possible de faire

re c o u v rer au fleuve sa liberté eu égard aux responsabilités assumées, il y a lieu de traiter le fleuve canalisé avec respect et d’en faire une œuvre d’art, pas seulement à la faveur de travaux de génie hydraulique, mais aussi par des contributions urbanistiques et d’aménagement du p a y s a g e . » [209 p. 80] De cette mission menée en 1992 se dégage une fascination pour le fleuve,

mêlée de revendications protectrices, qui considèrent, comme ce fut le cas pour les coteaux de L a Roche-Guyon, que la Seine ne doit pas seulement être un lieu d’activité industrielle ( d e navigation, de productions de matériaux) mais aussi un paysage, c’est-à-dire une potentielle

« œ u v re d’art ». Les coteaux de La Roche-Guyon ont abouti à ce statut (on ne sait pas si Dirk

Frieling pensait à eux dans ses commentaires), classés en tant que pittoresques.

Contre l’urbanisation, des textes ont été publiés par les associations. Dès 1974 l’Association des amis du Vexin français, encore jeune, a participé à l’édition d’un Guide du

constructeur réalisé par la Direction départementale de l’équipement et le ministère des

Affaires culturelles (Conservation régionale et Agence départementale des bâtiments de France) [109]. Les textes écrits à ce moment là sont intéressants vu la précocité de la préoccupation pour la qualité des paysages. Pour mémoire en effet, le site du Vexin (dans sa partie Val-d’Oise) était inscrit en tant que monument naturel depuis 1972 ; c’est en 1975 que les cinq Zones naturelles d’équilibre ont été décidées en Île-de-France, celle du Vexin est née six ans plus tard (1981). Le préfet du Val-d’Oise de l’époque, François Bourgin, et le président du Conseil général du Val-d’Oise, Adolphe Chauvin, ont pu s’exprimer en préface du document ; c’est à cette époque qu’Adolphe Chauvin proposait déjà la création d’un parc naturel régional, et que trois ans plus tard, il devenait Président de l’Association des amis du Vexin français (en 1977). Le Préfet introduisait la préface du document :

« Terre de vieilles traditions, le Vexin Français se veut aussi terre de renouveau. Le danger serait, si l’on n’y prenait garde, qu’il soit abandonné à une urbanisation incohérente et à des constructions disgracieuses. […] Terre d’harmonie, le Vexin l’est par l’union toujours heureuse de ses sites et de ses constructions. Union précaire, qu’un parti-pris architectural malheureux, une restauration incertaine peuvent rompre. »[Dde du Val-d’Oise 109]

Ainsi comme le faisait l’Association des amis du Vexin français créée pour cela, l’ouvrage a ffirmait la nécessité de ne pas laisser les paysages se dégrader par l’urbanisation, perçue à la fois comme une menace sur les paysages et comme un contrôle possible grâce au projet tout neuf de création de ville nouvelle : l’objectif était donc la sauvegarde des paysages urbains ou ruraux.

« Terre hospitalière, le Vexin sait garder ses habitants […] À tous ceux-là que retiennent ou attirent son équilibre et sa sérénité, importe sa sauvegarde. […] À ces titres divers, le Vexin doit être protégé : ses sites le sont, ses villages aussi, ses maisons parfois. […] C’est l’objectif de cette brochure que de proposer […] elle évitera les fautes de goût, les erreurs possibles. Elle conduira, enfin, à ce qu’à la beauté conservée, s’ajoute “ une plus grande liberté née d’une plus grande rigueur ”. »[Dde du Val-d’Oise 109]

En éditant cette publication, l’objectif était donc bien d’éviter les paysages urbains non souhaités.

« la plupart des maisons nouvelles se construisent un peu au hasard au voisinage des anciens villages. Elles rompent la continuité de l’habitat, forment écran entre le terroir et le noyau traditionnel. Souvent chères, mal adaptées aux besoins de leurs occupants, implantées en bordure de routes bruyantes, au milieu de pseudo-jardins qui n’offrent aucune intimité, isolées derrière des clôtures disparates et de mauvais goût, elles injurient souvent le paysage par la sécheresse de leurs lignes, le mauvais rapport de leurs volumes, les couleurs agressives de leurs enduits. […] Rares sont les exemples de maisons bien implantées dans le site, et de hameaux dont le plan s’harmonise avec celui du village. »

[Amis du Vexin français 13 n°10-11 p. 67]

La crainte d’une évolution négative des paysages, c’est aussi celle de l’implantation d’un « lotissement », qui souffrait déjà d’une mauvaise image, en tant que non original, contrairement aux termes plus rassurants de « villages » et de région (vexinoise) : « le

lotissement nouveau ne doit pas constituer une verrue, mais être partie intégrante du village. Si l’architecture y parvient, vous deviendrez alors des habitants du Vexin et non “ les gens du lotissement ”. » [Dde du Val-d’Oise 109 p. 17] On rejoint ici le cœur des préoccupations

d’identité, l’individu est un habitant localisé et non plus un membre anonyme faisant partie des

« gens » ; il devient alors un villageois plutôt qu’un citadin. La valorisation des paysages

locaux passe aussi bien sûr par l’emploi de ce type de langage adressé aux vexinois, repris en 1994 par les propres phrases d’un aménageur foncier pour lequel « le seul lotissement

convenable dans un village est celui qui, rapidement, sait se faire oublier » [Amis du Vexin

français 12]. Adolphe Chauvin rappelait dans sa préface la prise de conscience précoce de l’Association des amis du Vexin français qui avait déjà édité un document sur l’architecture quelques années plus tôt. Voilà un exemple de dynamique locale (une association) relayée par les pouvoirs publics.

En 1983, l’un des architectes ayant travaillé dans la Ville nouvelle donnait son point de vue de professionnel de l’espace. Bertrand Warnier avait déjà coécrit un premier article collectif dès 1977, à propos de l’habitat continu (les murs alignés) dans les anciens bourgs du Vexin français [Amis du Vexin français 13 n°10-11]. L’architecte n’hésitait pas à rappeler ouvertement que les individus « qui veulent vivre à la campagne […] ont tendance à penser

que la faute de jugement, la mauvaise intégration, ce sont les autres qui les font ». Après avoir

montré que des solutions existent, par exemple le préverdissement (planter dans les espaces publics ou en limite de parcelles privées avant de construire), l’architecte concluait sur la nécessité d’une volonté politique de protéger les paysages vexinois. L’article visait à considérer l’habitat continu comme un moyen de construire de nouvelles maisons individuelles en se distinguant des autres lotissements français (les maisons sur catalogue) tout en renforçant l’identité des paysages vexinois, notamment par l’extension des villages.