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Volonté de renaitre ou l’espoir d’une paix retrouvée

COMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES

SONGES ET LUEURS D’UNE POSSIBLE CULTURE DE PAIX DANS LES GRANDS LACS A TRAVERS UNE

2. Volonté de renaitre ou l’espoir d’une paix retrouvée

Dans « la littérature de langue française au Burundi », Juvénal NGORWANUBUSA relève que le thème de l’espoir figure parmi ceux traités par plusieurs auteurs :

« Malgré le constat amer que font les écrivains burundais sur les situations qui prévalent dans leur pays, ils ne désespèrent pas d’un avenir radieux pour ce pays de rêve et décident de mettre la littérature au service de la réconciliation nationale….

En revisitant la titrologie, on se rend même compte que le mot

« espoir » est particulièrement récurrent, ainsi, l’espoir au pays des Mbala de A. NIYONSABA, SOWETO ou le cri d’espoir de Louis KAMATARI, le testament de l’espoir de A. KABURAHE. « Lueur

64 Marie Ponchelet, « La répétition jusqu’à l’usure  »,in Travail de mémoire 1914-1998 , une nécessité dans un siècle de violence, 1999, 270p, p.30

d’espoir est le titre d’un des poèmes de Héritiers du nouveau monde de Diomède NIYONZIMA »65.

La recherche de la paix empruntera le recours à la tradition et à la sagesse des Bashingantahe , ces « sages doyens des collines ».

Mais ce précieux patrimoine dans bon nombre de ses éléments a été progressivement foulé au pied, il a été mis à rude épreuve. Il est installé une dichotomie entre le monde urbain et le monde rural, entre ceux qui ne prennent pour référence que ce qui est écrit dans les livres et ceux qui croient et qui tiennent encore aux valeurs sur lesquelles s’est édifié le Burundi. Quel est donc le chemin qui conduira à l’Ecole des Bashingantahe ? Pour le retrouver, il semble qu’il faut s’éloigner de Bujumbura, qui n’est plus le modèle, sans toutefois l’abandonner définitivement :

« Bujumbura, ce n’est pas fameux-fameux ! Répondit KARUBU.

Vous y trouverez peut-être des habitants propres, d’aspect soigné, du genre raffiné, distingué. Mais il y a loin de l’apparence à l’essence.

C’est une ville qui grouille d’individus malpropres au moral, qui parlent un français sucré mais avec un contenu râpeux » (AA.p.132).

Le thème de la ville richement abordé ailleurs dans d’autres romans africains réapparaît assez clairement ; comment se trouve caractérisée Bujumbura : « une véritable jungle en briques et en banco » ; une ville fantôme » : (une excellente engendreuse, peut-être », mais à coup sûr

« une piètre éducatrice », « une mère calamiteuse, indigne et dévoyée, qui a délaissé ses enfants à la naissance », une mère qu’il faudrait

« abandonner sans remords »(AA, p.133).

Cette mère ne sera justement pas abandonnée car là « n’est pas la solution. Il faut plutôt lui redonner vie, la remoraliser, la reciliviser » pour le bonheur de ses citoyens et de tout le pays, au nom et en vertu des forces qui « aident à vivre et non à mourir ». Et pour lui redonner

65 Cfr J . Ngorwanubusa, La littérature de langue française au Burundi, Préface de Marc Quaghebeur, Collection Papier Blanc Encre Noire, Archives &

Musée de la Littérature/ M.E.O. 2013 , p.285

vie, il faudra se décider à rejoindre la campagne pour y puiser les valeurs porteuses de paix66.

A l’opposé du premier voyage initiatique vers Bujumbura par KANYANA et GASUKA, se trouve l’autre voyage initiatique en direction de l’ école des Bashingantahe par Karubu, Kahise et Kazoza, tels « de nouveaux chevaliers de la table ronde en quête du Graal vers les Anciens. » (AA, p.127)

L’itinéraire de la recherche des Bashingantahe se doit de s’arrêter à une étape empreinte de curiosité : il s’agit d’une cérémonie traditionnelle à laquelle hommes, femmes et enfants prenaient part, avec tous les soins que prévoit la tradition pour l’organisation d’une telle rencontre .Des provisions de toutes sortes y sont également prévues en fonction de la position sociale qu’occupent les uns et les autres. Le protocole y est de rigueur mais il ne saurait méconnaitre l’auto-invitation qui est un phénomène déjà entré dans les us et coutumes. Le moment fort de la rencontre verra la proclamation de « la litanie de commandements de l’homme complet ».

KAHISE, KARUBU et KAZOZA n’eurent aucune difficulté à comprendre qu’ils étaient en train de vivre un moment fort : l’investiture d’un Mushingantahe en direct conformément à la coutume du temps de la tryptique Imâna (Dieu) – Umwâmi(le roi) – Uburundi( le pays) :

« Le Burundi de Nyaburunga était un pays mythique, un paradis ruisselant de lait et de miel. Le souverain était pour son peuple le garant de la paix, de l’abondance et de la justice. Il donnait le ton des semailles à l’ « Umuganuro » et bénissait les récoltes à l’umwaka »… Inutile de parler de l’abondance spontanée de la terre : même sur des champs non ensemencés poussait une infinité de plantes comestibles »(AA.,p.137)

66 Cfr D. Nizigiyimana, « L’apport des traditions locales dans la résolution de la crise de la région des Grands Lacs », in Sous la direction de Joseph Gahama, Démocratie, Bonne Gouvernance et Développement dans la Région des Grands Lacs, Bujumbura, 1998, pp.65-81

Cet avis des deux vieillards Bashingantahe enfin acceptés et écoutés vaut une invite à reconsidérer la valeur et la perspicacité de la sagesse traditionnelle coulée dans un franc-parler, dans un flot de proverbes et principes sapientiels, ces « filles de la parole » qui donne du goût à la parole selon l’expression de l’ethnolinguiste française G. Calame Griaule. Tout se déroule dans une ambiance de débat permanent à la recherche de l’harmonie sociale, de la concorde et de la paix pour tous.

Les deux derniers chapitres du roman se lisent comme un retour aux sources, à la sagesse, à la paix et à la vie.