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La mise en place de mécanismes probant de sécurité collective

COMMUNICATIONS SCIENTIFIQUES

INTEGRATION REGIONALE ET SECURITE DANS LA REGION DES GRANDS LACS

B- La mise en place de mécanismes probant de sécurité collective

Un système de sécurité collective serait imparfait ou du moins inachevé s’il ne comporte pas de mécanismes de mise en œuvre du dispositif normatif qui le consacre. Et comme toujours, le Protocole n°1 du Pacte de Nairobi relatif à la non agression et à la défense mutuelle fait bien d’en prévoir mais dans un style et d’une manière qui prête à équivoque. En effet, si le Protocole prévoit une coopération policière, judiciaire et pénale, il n’en institue point le mécanisme (1).

Pire encore, il ne s’engage point sur le terrain des mécanismes de forces d’intervention ou d’alerte qui ont plus ou moins prouvé leur efficacité ailleurs (2).

1. L’institution de mécanismes de coopération policière, judiciaire et pénale

La volonté des chefs d’Etat signataires du Pacte de Nairobi de mettre en place une coopération policière, judiciaire et pénale est certes affirmée19 mais elle n’est point suivie de mécanismes concrets.

Même si l’on peut relever l’institution d’un mécanisme de suivi ayant des agences nationales20, la réalité et l’efficacité de ce mécanisme vaguement règlementé n’est pas de nature à augurer des lendemains meilleurs en termes de sécurisation de la Région des Grands Lacs.

Quoi qu’il en soit, sur la question, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC) apparaît comme un exemple fort intéressant. A ce titre, il importe de relever que la mise en place

19 Voir l’article 7. Le présent article reste limité dans la mesure où il ne consacre que la coopération judiciaire au détriment de celle policière. Toutefois, une lecture a contrario de l’article 15 du même texte postule l’idée d’une possible adoption d’un pacte de coopération policière dans le Région des Grands lacs.

20 Le « Mécanisme régional de suivi qui comprend le Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement, le Comité régional interministériel, le Secrétariat de la conférence, les Mécanismes nationaux de coordination, le Mécanisme de collaboration et d’autres structures ou de fora spécifiques, le cas échéant, ».

(Cf. article 22 du Pacte de Nairobi).

d’un Comité des Chefs de Police d’Afrique Centrale (CCPAC)21 dont les missions essentielles sont de coordonner et évaluer la coopération policière au sein de la région à partir des rapports de ses Bureaux Centraux Nationaux (BCN) est le point focal de cette coopération.

De fait, cette coopération policière est axée autour des missions d’enquête à l’étranger sur demande de l’Etat requérant, d’échanges d’informations en matière d’investigation et de prévention criminelle mais aussi de police générale et la transmission des objets saisis à l’occasion des infractions intra et transfrontalières. Par ailleurs, cette coopération policière repose également sur une formation harmonisée des agents de sécurité nationale des Etats membres de la CEMAC sur les questions de criminalité transfrontalière. C’est dans cette mesure que l’Ecole sous régionale de police criminelle et scientifique a vu le jour22 avec pour objectif le renforcement de la coopération policière dans la sous région.

En matière de coopération judiciaire, la CEMAC s’illustre fort bien par une règlementation digne d’intérêt pour la Région des Grands Lacs. Il faut relever à ce propos que l’Accord de coopération judiciaire entre les pays membres de la CEMAC23 consacre le principe du libre et facile accès d’un ressortissant d’un Etat membre de la Communauté aux instances judiciaires de l’un quelconque des autres Etats dans lequel il se retrouverait. Ainsi, les exigences de consignation et de résidence par exemple prévues par certaines législations nationales se révèlent être caduques. Bien plus, les procédures de transmission des actes judiciaires et extrajudiciaires, la possibilité pour un avocat de plaider au sein des juridictions autres que celles de son pays

21 Voir l’Acte additionnel n°8/CEMAC-006-CCE-02 portant liste des institutions spécialisées de l’UEAC adoptée par la Conférence des chefs d’Etat de la CEMAC du 14 décembre 2000. Cette liste a été complétée par la 3ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etat tenue à Yaoundé le 8 décembre 2001.

22 Ibid. Elle a été créée en 2005.

23 Adopté lors de la 5ème Conférence des chefs d’Etat tenue le 28 janvier 2004 à Brazzaville au Congo.

d’origine, la portée exécutive des commissions rogatoires au-delà des frontières de l’Etat d’émission, l’entraide judiciaire… sont autant de mécanismes prévus par l’accord en vue de structurer une réelle coopération judiciaire au sein de la Communauté.

2. L’institution de mécanismes d’alerte et d’intervention Le système de sécurité collective serait incomplet sans un minimum de mécanismes de réponse collective en cas de menace contre la paix. Et généralement, la force d’intervention constitue le principal procédé auquel certaines communautés d’Afrique ont adjoint un mécanisme d’alerte. De manière plus systématique, les exemples de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) peuvent être édifiants pour la Région des Grands Lacs.

En ce qui concerne la CEDEAO, il convient de dire que dans le cadre de la construction de son système de sécurité collective et surtout dans un souci d’optimisation de celui-ci, elle a mis sur pied, en août 1990, une force sous régionale d’intervention : l’Ecowas Ceasefire Monitoring Group (ECOMOG). Par cette force, la CEDEAO fût la première organisation sous régionale à prendre une initiative d’interposition en Afrique24. Tel a été le cas notamment en Sierra Léone (1991), en Guinée Bissau (1998), en Côte d’Ivoire et au Libéria en 200325. Bien plus, le Protocole d’assistance mutuelle du 29 mai 1981, complément du Pacte de non agression de 1978, prévoit la constitution de Forces Armées Alliées de la Communauté (FAAC) formées d’unités d’interposition intérimaires et non permanentes fournies par les Etats de la sous région.

Pour ce qui est de la CEEAC, il faut relever, comme force

24 Voir El-Hadji Abdou SAKHO, L’intégration économique en Afrique de l’Ouest. Analyse et perspectives, Paris, Economica, 2011, p. 14.

25 Voir El-Hadji Abdou SAKHO, op. cit., p. 14.

d’interposition, la Force Multinationale de l’Afrique Centrale (FOMAC) qui, a contrario de l’ECOMOG, est plutôt constituée de contingents nationaux interarmées et police et de modules de civils des Etats de la Communauté26. Mécanisme constitutif du Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale (COPAX) dont les missions sont la paix, la sécurité, l’assistance humanitaire, le désarmement, la démobilisation, la lutte contre la fraude, le crime organisé et le maintien de l’ordre ; la FOMAC est aidée dans cette tâche de maintien de la paix par le Mécanisme d’Alerte Rapide de l’Afrique centrale (MARAC)27. Ce dernier, dont les missions participent de l’observation, de la surveillance et de la prévention des crises et conflits, collecte et analyse les données dans le but de prévenir les crises et conflits.

L’action décisive de ces deux mécanismes (MARAC et FOMAC) a été observée en Centrafrique en 2003 notamment. Cette intervention a été d’autant plus possible que l’Etat concerné n’appartenait pas à deux espaces communautaires ayant prévus de tels mécanismes. Auquel cas, la mobilisation des forces d’interposition aurait été impossible sinon difficile.

II- LE REAMENAGEMENT DU DISPOSITIF D’INTEGRATION EXISTANT

Un système de sécurité collective, fût-il bien structuré (c’est-à-dire constitué de pactes de non agression et de défense collective, de mécanismes de mise en œuvre à l’instar des systèmes de coopération policière, judiciaire et pénale et des forces d’interposition), ne peut être efficace que s’il est conçu dans un cadre d’intégration adéquat.

26 Voir Martin Raymond Willy MBOG IBOCK, L’importante de la culture militaire dans la stratégie de paix et de sécurité de la FOMAC, Mémoire de Master 2, Science Politique, Université de Douala, 2012.

27 Voir Nelson COSME, « L’architecture de la paix et de la sécurité en Afrique centrale », In : Hakim Ben HAMMOUDA/ Bruno BEKOLO-EBE/ TOUNA MAMA, L’intégration régionale en Afrique centrale. Bilan et perspectives, Paris, Karthala, 2003, pp. 303-307.

Et par cadre d’intégration adéquat il faut comprendre, par exemple, tout système communautaire qui ne rentrerait pas en conflit avec un autre du fait que l’un de ses Etats membres serait également membre d’une ou plusieurs autres communautés. En effet, si les systèmes de sécurité collective de la CEDEAO, la CEMAC et la CEEAC ont plus ou moins fonctionné avec une certaine efficacité, c’est justement parce que leurs Etats membres n’appartiennent pas à deux ou plusieurs systèmes de sécurité collective du fait de leur multi-appartenance aux Communautés Economiques Régionales (CERs). C’est donc dire que le cadre d’intégration actuel de la Région des Grands Lacs nécessite un réaménagement à la fois structurel (A) et fonctionnel (B) si l’on veut espérer voir l’effectivité d’un système de sécurité collective garant d’une paix durable.