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Plaidoyer de la plate forme Sembura Ferment littéraire

Introduction au plaidoyer

A la fin des journées littéraires de juin 2011, un plaidoyer en faveur de la promotion des lettres a été adressé aux Ministres de la République du Burundi, de la République Démocratique du Congo et de la République du Rwanda, ayant la Culture et l’éducation dans leurs attributions.

Convaincus que ce plaidoyer est quasiment toujours d’actualité, que la situation de la chose littéraire n’a pas beaucoup évolué, même si une certaine avancée s’observe depuis ladite époque, la plateforme Sembura-ferment littéraire a estimé opportun de rempiler en remettant sur le devant de la scène une version actualisée du plaidoyer. Ladite version est lancée à l’occasion des deuxièmes journées littéraires des Grands Lacs Africains organisées par Sembura-ferment littéraire ; des journées centrées sur la culture de paix.

En effet, en plus de sa contribution indubitable dans le développement, ainsi que le stipulait la première version du plaidoyer, les membres de la plateforme sont convaincus du rôle important que peuvent jouer les imaginaires dans le rétablissement de la paix au sein de la région, imaginaires que véhiculent les différents arts au sein desquels figure  en bonne place la littérature. Elle est un reflet de l’histoire à laquelle  elle montre parfois le chemin, elle libère la parole et du coup ouvre le chemin à la résilience et elle permet une épuration des passions par catharsis,...

Cela est donc une raison supplémentaire pour en appeler aux autorités politiques pour plus d’intérêt au sort de la littérature, d’où  le plaidoyer ci-après.

Plaidoyer de la plateforme Sembura-ferment littéraire en faveur de la promotion des lettres et de la politique du livre

Les membres de la plate forme ont décidé d’adresser le présent plaidoyer aux Ministres de la République du Burundi, de la République Démocratique du Congo et de la République du Rwanda, ayant la

Culture et l’éducation dans leurs attributions.

Ce plaidoyer est motivé par la conviction, unanimement partagée par la Plateforme, que l’affaiblissement actuel des performances linguistiques et littéraires entraîne des conséquences inévitables sur le développement culturel et socio-économique de la région, résumées à travers les points suivants :

- La difficulté de lancer une industrie culturelle efficace. Celle-ci est tributaire de la qualité des compétences linguistiques et littéraires tant pour le cinéma, la musique, le théâtre, que pour la communication à travers les médias.

La privation d’atouts majeurs offerts par l’art littéraire et les autres arts en connexion avec lui comme la reconstruction mentale, psychologique et idéologique grandement facilitée par la communication artistique.

Ces atouts sont cruciaux pour la relance sociale de pays éprouvés par les guerres, le génocide et autres traumatismes, en vue de la promotion d’une culture de paix.

C’est animés par une telle foi sur le pouvoir de l’outil linguistique et littéraire que les membres de la plateforme, désireux de l’améliorer, ont fait un certain nombre de constats relatifs à l’enseignement des langues et de la littérature, aux institutions de production, de promotion et de diffusion littéraire, au statut de l’écrivain et à la politique du livre en général tant au niveau national que régional.

Enseignement des langues et de la littérature

Les membres de la Plateforme Sembura-Ferment littéraire ont constaté que :

- Pour pouvoir écrire, il faut une bonne maîtrise linguistique.

- La langue est essentiellement enseignée dans la région des Grands Lacs Africains à des fins de communication. De plus, elle est de moins en moins maîtrisée par les élèves et par les enseignants.

- La langue et la littérature ne sont pas enseignées de manière à susciter des vocations littéraires car la littérature est délaissée dans les programmes et les textes littéraires ne sont pas suffisamment étudiés. La littérature est enseignée de façon théorique et avec peu de place réservée à la créativité.

À cet effet, les membres de la plateforme Sembura-Ferment littéraire font les recommandations suivantes en vue de relever ce défi :

- Clarifier les politiques linguistiques nationales et concevoir une politique volontariste de promotion de la lecture et de la littérature,

- Mettre en place des programmes permettant l’entraînement à l’écriture et à l’expression littéraire et rendre disponibles des outils pédagogiques appropriés à l’enseignement des langues.

- Renforcer la formation des formateurs tant au niveau initial que continu.

- Créer un environnement culturel stimulant dans les écoles et les universités notamment par l’animation des ateliers d’écriture, l’invitation des écrivains, la constitution de troupes théâtrales.

- Promouvoir les filières de traduction dans les universités.

Institutions de production, promotion et diffusion de la littérature

Les membres de la Plateforme Sembura-ferment littéraire ont constaté que :

- La production littéraire est insuffisante dans leur région.

- La production littéraire qui existe a de la peine à se faire connaître.

- La production littéraire dans les langues nationales est peu connue.

À cet effet, les membres de la plateforme font les recommandations suivantes en vue de relever ce défi :

- Créer des prix et des concours pour susciter des vocations et repérer des talents.

- Créer et soutenir des maisons d’édition.

- Former des critiques littéraires et des journalistes culturels, pour permettre la médiatisation des productions littéraires.

Statut de l’écrivain

Les membres de la Plateforme Sembura-ferment littéraire ont constaté que :

- Le métier d’écrivain n’est pas valorisé à sa juste mesure.

- Les lois sur la protection du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle, lorsqu’elles existent, ne sont pas suffisamment mises en œuvre.

- Les écrivains manquent de structures de soutien à l’écriture et à l’édition.

- Les écrivains sont isolés et n’ont pas d’informations sur les appuis et les partenaires éventuels entre autres.

A cet effet, les membres de la plateforme Sembura-Ferment littéraire font les recommandations suivantes en vue de relever ces défis :

- Créer un fonds pour la promotion littéraire.

- Elaborer ou rendre effectif le statut de l’écrivain notamment par la mise en œuvre des lois sur la protection du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle.

- Mettre en place des structures de correction d’épreuves et d’accompagnement à l’édition.

- Organiser ou soutenir la participation à des résidences d’auteurs, des foires et des salons du livre.

- Mettre en réseau les informations et créer des mécanismes de collaboration entre les associations d’écrivains.

- Identifier et renseigner sur les organismes d’aide aux écrivains.

La politique du livre en général tant au niveau national que régional

Les membres de la Plateforme Sembura-ferment littéraire ont constaté que :

- Peu d’investissements sont faits dans la politique culturelle en général et dans la politique du livre en particulier.

- Peu d’intérêt est accordé à la dimension culturelle de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL).

- Peu de manifestations culturelles communes sont organisées dans la région des Grands Lacs.

A cet effet, les membres de la plateforme font les recommandations suivantes en vue de relever ces défis:

- Créer dans chaque pays : une bibliothèque nationale, un dépôt légal, des archives nationales, une base de données des

productions littéraires (au niveau national et régional).

- Clarifier le statut des langues dans les 3 pays. Créer une Académie des Langues et des Littératures.

- Exonérer les livres des droits de douane.

- Rendre accessibles les éléments du patrimoine matériel et immatériel des pays de la région.

- Encourager la promotion des synergies en matière culturelle.

- Redynamiser la cellule culturelle de la CEPGL notamment par des réunions régulières des Ministres de l’éducation et de la Culture.

- Initier des projets communs régionaux: concours et festivals littéraires, foires du livre, maison d’édition GL.

- Mettre en place des structures qui permettent à chaque pays de connaître la littérature et la culture des pays voisins

- Sensibiliser le secteur privé au mécénat dans le domaine de la culture et de la littérature.

Ces divers constats ont amené la Plateforme à l’engagement de s’associer, dans la mesure de son pouvoir, avec l’aide de l’association suisse Sembura, ferment littéraire, aux actions qui pourraient être entreprises pour infléchir cette situation vers une amélioration dans les plus brefs délais. Un travail de longue haleine, certes, mais prometteur de beaux fruits.

Bujumbura, le 15 novembre 2014 Pour les membres de la Plateforme Sembura-Ferment littéraire

Juvénal Ngorwanubusa (Burundi) ; Jean Claude Makomo (RDC) ; Emmanuel Ahimana (Rwanda).

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Ce livre est un recueil des communications partagées durant les journées lit-téraires du 13 et 14 novembre 2015 à Bujumbura. S’y croisent des réflexions scientifiques sur la culture de paix à travers les œuvres littéraires, à travers des considérations étayées sur des arguments solides à propos du rôle de la société civile et celui de la resocialisation comme moyen de construction d’une so-ciété pacifique, ainsi que sur l’apport de l’intégration régionale dans la sécurité, premier pas vers la paix. Des témoignages livrés par trois écrivaines sur leur production et le rapport que leur plume entretient avec la paix y trouvent aussi place. Il en est de même des réalisations de Sembura Ferment Littéraire dans la région des Grands Lacs Africains.

Inaugurés par les allocutions de l’ouverture des journées, ces actes sont clôturés par un plaidoyer de la plateforme Sembura Ferment littéraire, un écrit pour la promotion des lettres et de la politique du livre ; un appel motivé à plus d’atten-tion pour l’épanouissement de la créad’atten-tion littéraire et de la lecture dans la région.