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VOIR, ENTENDRE, SENTIR DÉVELOPPER LE SENS PRATIQUE ET S’APPROCHER

CHAPITRE II TRANSMISSION D’UN SAVOIR SCIENTIFIQUE : ENTRE SPIRITUALITÉ ET

2. VOIR, ENTENDRE, SENTIR DÉVELOPPER LE SENS PRATIQUE ET S’APPROCHER

Le développement du sens pratique de l’élève, conforme au modèle d’éducation des filles au XIXe siècle, apparaît comme une autre finalité de l’enseignement des sciences chez les Ursulines. Le caractère expérimental de la chimie et de la physique pourrait avoir contribué à l’inclusion de ces cours dans le cursus des Ursulines. L’aspect pratique des sciences s’inscrit également dans la théologie de la nature. Par la classification des espèces et l’examen des spécimens, les élèves non seulement développent leur sens de l’observation et leur rigueur, elles découvrent aussi le plan de la création et se rapprochent de son auteur.

a) Sciences et développement du sens pratique : les expériences en chimie et physique

L’introduction des cours de sciences chez les Ursulines dans les années 1830 coïncide avec un tournant majeur dans l’enseignement des sciences au Séminaire de Québec : l’approche expérimentale prend le pas sur l’approche philosophique. Selon Luc Chartrand, il « faut des esprits novateurs pour introduire cette science expérimentale [la chimie] dans un programme dont la structure est héritée du ratio studiorum de la fin du XVIe siècle »181. Alain Couillard questionne pour sa part la place, concrète, occupée par les expériences dans les cours de sciences au Séminaire de Québec : « La réalité des élèves suivant le cours demeure probablement stricte et rigoureuse dans la première moitié du 19e siècle »182. En regard du modèle d’éducation des filles, c’est peut-être le caractère expérimental et pratique des sciences qui a rendu acceptable leur enseignement aux pensionnaires des Ursulines. Rappelons qu’à l’époque, les filles se voyaient refuser l’étude des classiques. Leur éducation était axée sur le développement de leur sens pratique :

il ne s’agit pas de former les filles intellectuellement, de les préparer à manipuler des idées abstraites et des concepts, de favoriser avant tout le développement de leur intelligence et de leur créativité. De tels idéaux valent seulement pour leurs frères. L’éducation des filles, quant à elle, doit résolument être tournée vers l’utile, le concret, le terre-à-terre, le quotidien; elle vise l’acquisition d’habiletés, et surtout d’habiletés manuelles183.

181 Chartrand, Histoire des sciences, p. 214. 182 Couillard, Le premier manuel, p. 62.

183 Dumont, Les Couventine, p. 155; les thèses de Kim Tolley (États-Unis) et Patricia Phillips (Grande-Bretagne) reposent

sur cette distinction entre les modèles masculins et féminins de l’enseignement pour expliquer l’intérêt des filles pour les sciences jusqu’à la fin du XIXe siècle : alors que les garçons étaient plongés dans les classiques, les filles pouvaient

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Dès leur introduction, au début du XIXe siècle, les cours de sciences des Ursulines s’accompagnent de l’usage de cartes, de globes et autres instruments scientifiques. Un cabinet de chimie et de physique est mis sur pied dans les années 1830, à l’époque où l’enseignement des sciences se formalise. Comme mentionné, il y a, certes, une composante prestigieuse liée à l’acquisition d’instruments scientifiques par le pensionnat des Ursulines. Dans le prospectus de 1847, « l’usage des Globes et Cartes géographiques » est spécifié. Vers 1860 s’ajoute la mention « with apparatus » aux cours de chimie et de physique. En 1893, la collection d’histoire naturelle et les instruments scientifiques sont détaillés184. Dans son étude, Kim Tolley observe cette même mise en valeur des instruments scientifiques par les maisons d’enseignement des filles américaines. Elle en vient néanmoins à la conclusion que ces objets ne restaient pas dans les placards, qu’ils étaient utilisés185.

Chez les Ursulines, au-delà de la publicité, les expériences de physique et de chimie semblent bel et bien avoir joué un rôle dans la formation des pensionnaires. Un extrait du Règlement

des élèves de 1844 témoigne, dès cette époque, de l’intention des Ursulines d’améliorer la

logistique des expérimentations en chimie dans le but de les rendre plus accessibles aux élèves :

Il est un travail indispensable, pour l’enseignement de la chimie : c’est une collection, dans les deux langues, de toutes les expériences chimiques, qui se sont faites dans la maison. Cette collection doit se faire sans délai : et les expériences tellement détaillées, que l’élève puisse, sans autre secours, les faire186.

184Archives du MUQ, Prospectus du Pensionnat des Ursulines. 185 Tolley, The Science Education, p. 62.

186 Nous n’avons malheureusement pas de traces de cet inventaire d’expériences en chimie qui aurait pu être réalisé dans

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© Archives du MUQ, Laboratoire, [1888-], 1/P,3,16,28.

Figure 6 : Salle de sciences à la fin du XIXe siècle

Les expériences dont il est question sont de nature démonstrative. Elles visent essentiellement à illustrer, à prouver une notion scientifique ou une loi préalablement définie. Dans la liste des expériences de physique établie par sœur Sainte-Marie-Madeleine Angers, en 1898, les expériences sont regroupées en fonction des notions qu’elles permettent d’illustrer. Le terme « prouver » revient systématiquement (voir annexe V).

La comparaison entre les notes de chimie et de physique de l’abbé Horan en 1834 et celles des notes de l’élève Antoinette Landry, vers 1900, témoigne d’une pérennité de l’influence des professeurs du Séminaire sur le contenu des cours de sciences des Ursulines. Des définitions, des notions et des expériences introduites dans les années 1830 sont toujours enseignées au tournant du XXe siècle. Une pérennité s’observe aussi dans l’organisation des notes de cours. Selon Alain Couillard, au début du XIXe siècle, les notes de cours de physique au Séminaire de Québec suivent le plan suivant : 1) énoncé d’une propriété, règle ou proposition, 2) expérience, 3) application187. Comme illustré au tableau 9, le schéma est sensiblement le même dans les notes de physique et de chimie des Ursulines au tournant du XXe siècle.

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Tableau 9 : Expériences de physique et de chimie tirées des notes d’une élève Extraits des notes de physique

1) Définition de l’horizontalité des liquides

Phénomènes qui caractérisent les liquides?

Les propriétés qui caractérisent les liquides sont : la mobilité que présentent leurs parties les unes par rapport aux autres, l’horizontalité de leur surface libre quand ils sont en repos; ils prennent toujours la forme du vase dans lequel ils sont contenus; dans les vases communicants l’eau s’élève toujours à la même hauteur.

2) Expérience

Comment peut-on prouver l’horizontalité d’un liquide?

Mettons de l’eau dans un vase assez large; lorsqu’elle sera bien immobile, prenons un fil à plomb, que nous placerons successivement au-dessus des différents points de sa surface. Nous constaterons toujours que l’image du fil, formé par la surface réfléchissante de l’eau, paraîtra exactement dans le prolongement du fil. Cette observation prouve que le fil est perpendiculaire à la surface réfléchissante et par conséquent que la surface est horizontale.

3) Application

Qu’est-ce que le niveau à bulle d’air? Son utilité?

Le niveau à bulle d’air est un petit instrument qui est fondé sur le principe précédent et qui sert à vérifier l’horizontalité des lignes ou des surfaces.

Extrait des notes de chimie 1) Énoncé des propriétés de l’hydrogène

Quelles sont les propriétés caractéristiques de l’hydrogène?

L’hydrogène est incolore, inodore, insipide, combustible et non comburant.

Il n’est pas nécessaire à la respiration et il est le plus léger des gaz 14 ½ fois plus léger que l’air.

2) Expérience

Comment obtient-on l’hydrogène? Quelle réaction opérée?

On obtient l’hydrogène en décomposant l’eau au moyen d’acide sulfurique et de grenailles de zinc. Au moment où l’on a introduit l’acide sulfurique dans le bocal qui contenait l’eau et les grenailles de zinc, la réaction a commencé. L’oxygène qui a plus d’affinité pour le zinc que pour l’hydrogène s’est combiné avec le zinc pour former l’oxyde de zinc; l’oxyde de zinc s’est uni à l’acide sulfurique et a formé un sulfate de zinc; l’hydrogène est resté libre et on l’a recueilli dans des éprouvettes. Quand l’expérience a été finie, il ne restait dans le bocal que du sulfate de zinc.

3) Application

L’hydrogène est-il plus léger que l’air? Quelle application a été faite de ce gaz? Quel autre gaz le remplace aujourd’hui? Pourquoi?

L’hydrogène est 14 ½ fois plus léger que l’air.

On s’en est servi pour gonfler les ballons. Aujourd’hui il est remplacé par le gaz d’éclairage qui est moins léger mais qui se perd moins facilement à travers les parois des aérostats.

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Les notes de chimie et de physique prennent la forme de questions-réponses dans les cahiers de l’élève. Elles sont organisées par thématiques dans le cahier de la maîtresse. Dans les extraits présentés au tableau 10, notons, entre crochets, les consignes s’adressant aux autres maîtresses ou aux élèves, nouvel indice que les expériences étaient exécutées en classe.

Tableau 10 : Expériences de physique tirées du cahier d’une maîtresse Porosité

Expérience – Ce petit vase de bois qui paraît pourtant bien compact admettra le mercure à travers ses pores en l’exposant au-dessus du vide produit par la machine pneumatique.

[Préparez – faites le vide]

La pression de l’atmosphère sur la surface du mercure fait pénétrer ce métal liquide à travers les pores du bois; il tombe comme une pluie fine dans l’intérieur du récipient.

Machine électrique

Voici la machine électrique instrument qui sert à accumuler le fluide électrique. Cet instrument se compose d’un cylindre de verre qui frotte contre le coussin de soie par un mouvement de manivelle. Un cylindre ou conducteur de cuivre, isolé par un pied de verre et armé de pointes, est placé tout près du cylindre de verre pour recevoir le fluide développé sur celui-ci par le frottement.

[Faites agir la machine électrique]

En approchant le doigt du conducteur on s’aperçoit de l’étincelle électrique.

Tabouret isolant

Si une de mes compagnes veut bien monter sur ce petit tabouret à fluide de verre et tenir cette chaîne, elle recevra le fluide et on pourra tirer des étincelles des différentes parties de son corps. [Faites-le]

Enfin, les expériences réalisées en classe pouvaient faire l’objet de l’évaluation. Des exemples de questions de concours sont présentées au tableau 11.

Tableau 11 : Questions d’examen liées aux expérimentations Année Questions

1894 Indiquez deux ou trois expériences que l’on peut faire à l’aide de la machine pneumatique.

1899 Comment avez-vous préparé de l’hydrogène dans votre petit laboratoire? Quelles réactions chimiques ont été produites? Propriétés du gaz hydrogène.

1899 Expliquez comment un clou ou un fil de fer plongé dans le sulfate de cuivre se couvre de cuivre métallique

1908 Que prouvent les expériences des hémisphères de Magdebourg, du Ludion, des vases communiquants (sic), du thermomètre?

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En somme, les expériences de chimie et de physique occupent une place importante dans l’enseignement de ces disciplines. Elles peuvent être perçues comme un moyen de développer le sens pratique des élèves, en conformité avec le modèle d’éducation des filles. Elles peuvent aussi représenter une occasion, pour les jeunes filles, de mettre en application la méthode expérimentale tant vantée par les maîtresses ursulines, de développer leur sens de l’observation et leur rigueur intellectuelle. Il importe de souligner que ces expériences ne sont aucunement liées à la sphère domestique – la liste des expériences de physique en est exempte (annexe V). Nous reviendrons sur ces aspects au chapitre 3. Enfin, considérées sous l’angle de la théologie de la nature, ces expériences peuvent être perçues comme un moyen, concret, d’apprécier l’œuvre du Créateur.

b) Retracer le plan de la création : la classification des espèces

« By the word body or matter we understand everything that God has created, that can be seen, heard, felt or which in any way acts upon our senses »188. Cette citation tirée des notes de physique de la maîtresse sœur Saint-Louis Roy est particulièrement éclairante à l’égard du rôle des travaux pratiques dans l’enseignement des sciences chez les Ursulines. C’est par le recours aux sens, concrètement, que les élèves étudient les corps et la matière que l’on trouve dans la nature. Par le fait même, elles s’approchent du Dieu qui les a créés. En théologie de la nature, une simple roche peut contenir un sermon189.

L’approche privilégiée par les Ursulines dans l’enseignement des sciences allie le sens pratique et la spiritualité. Elle s’apparente à la Leçon de chose, une méthode pédagogique répandue en Amérique du Nord au XIXe siècle. Cette approche est recommandée dans le

Manuel de l’Instituteur catholique de la province de Québec publié en 1905 pour

l’enseignement des « sciences naturelles »190. Dans son étude, Domique Laperle inscrit le recours aux collections des musées d’histoire naturelle par les sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie dans cette « approche intuitive » :

188 Archives du MUQ, Planification de cours par sœur Pamela Roy dite Saint-Louis.

189 Selon Lynn Barber, l’extrait suivant, tiré d’un poème d’Alexandre Pope (1688-1744), était cité dans plusieurs ouvrages

d’histoire naturelle publiés en Angleterre durant la première moitié du XIXe siècle : « Find tongues in trees, books in the

running brooks, Sermons in stones, and good in everything. ». Barber, The Heyday, p. 22.

190 Paul de Cazes, Manuel de l'instituteur catholique de la province de Québec, Montréal, Librairie Beauchemin, 1905,

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La leçon de chose consiste à enseigner à l’enfant à utiliser ses sens pour concevoir rationnellement les principales caractéristiques de l’objet étudié afin qu’il puisse, par la suite, en saisir les autres facettes, celles-là plus marginales. Ainsi, il additionne dans sa tête l’ensemble des observations et est à même de brosser les liens de causalité entre la nature physique de l’objet et les lois qui le sous- tendent.191

Chez les Ursulines, chaque cours de science s’accompagne de travaux pratiques. Aux expériences en chimie et en physique s’ajoutent : les dessins de cartes du ciel, l’usage des sphères, l’observation du ciel et les problèmes de calendrier en astronomie, les représentations graphiques, à l’aquarelle, des couches terrestres en géologie, l’examen de spécimens d’histoire naturelle, la confection d’herbiers, de scrap book et les exercices de classification.

Aux concours de fin d’année, plusieurs questions portent sur la classification des minéraux, des plantes ou des animaux. Par exemple, en 1886, les élèves sont invitées à classer neuf plantes (rose, lys, pensée, héliotrope, œillet, chou, carotte, rave, patate), en 1888, sept oiseaux (serin, aigle, perdrix, merle, perroquet, hirondelle, canard), en 1889, six « minéraux » (pétrole, argent, quartz, jaspe, marbre, stalactite). À ces exercices de classification s’ajoutent des questions plus théoriques, par exemple : ce qu’on entend par plante cryptogrammes, différence entre plante endogène et exogène, grands embranchements du règne végétal, divisions et subdivisions du premier embranchement, etc.192.

La classification des espèces, qui occupe une place prépondérante dans les cours d’histoire naturelle, illustre bien le rapport entre le caractère pratique des cours et la théologie de la nature. Cette tradition de classification des espèces prend ses racines au XVIIe siècle. Dès ses débuts, cette science axée sur l’identification et le regroupement des corps naturels a une portée religieuse: « la classification correcte des espèces, la connaissance des relations exactes entre elles, livre l’ordre de la nature […], le plan même de la création, le devis du divin architecte »193. L’approche adoptée par les maîtresses ursulines s’inscrit dans cette tradition chrétienne :

191 Laperle, « "Une parole de dieu fraîchement exprimée" », p. 54.

192 Archives du MUQ, Préparation des programmes d’études, 1881-1917, fonds 1/K.7.3.1.79.0. 193 Gingras, Du scribe au savant, p. 298-299.

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Le but de la classification des végétaux est de pouvoir plus facilement les étudier, reconnaître leurs propriétés, leurs usages. Cette étude nous sert à découvrir pour ainsi dire les secrets du Créateur en nous laissant entrevoir le plan de la création. Chaque brin d’herbe qui borde le chemin, chaque fleur qui émaille la prairie, l’humble plante que nous foulons aux pieds, l’arbre majestueux qui nous protège de son ombre, sont autant d’anneaux de cette admirable chaîne qui unit les êtres de la Création ; depuis le plus simple dans son organisation jusqu’au plus parfait194.

Cet accent sur la classification et cet ordonnancement de la nature ne se limitent pas au trio zoologie-botanique-minéralogie. Dans leur cours d’astronomie, les élèves sont appelées à mettre de l’ordre dans le ciel : énumération et représentation de 90 constellations, classification des planètes selon leur ordre d’éloignement du soleil, selon leur grosseur, etc. Chaque corps céleste a sa place, son espace de mouvement195. L’essentiel du cours de géologie consiste à décrire et représenter les couches de la croûte terrestre et les principaux minéraux qui la composent, une façon de mettre de l’ordre dans le sol. Aussi, avant d’aborder les différents corps chimiques, les élèves sont initiées à la « nomenclature chimique » définie comme : « l’emploi d’affixes et de préfixes par lesquels en nommant les corps on fait connaître de quels éléments ils sont composés »196.

Analysée sous l’angle de la théologie de la nature, la finalité ultime des travaux pratiques semble être de nature spirituelle : permettre à l’élève de se rapprocher de Dieu. Devant la multiplicité des activités réalisées, d’autres objectifs peuvent être considérés : développer le sens de l’observation, la dextérité, les habiletés manuelles, le sens artistique (figure 7), la discipline mentale et la rigueur. Les exercices de classification requièrent un esprit systématique.

194 Archives du MUQ, Travaux d’élèves/Antoinette Landry.

195 Les notes d’astronomie s’accompagnent d’un dessin représentant les constellations. 196 Archives du MUQ, Travaux d’élèves/Antoinette Landry.

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Cet herbier (1900) témoigne du caractère à la fois scientifique et artistique de certains travaux. © Archives du MUQ, 1/K,7,4,2,43,15.

Figure 7 : Un herbier « œuvre d’art »

Ces objectifs ne peuvent être atteints sans que les maîtresses ne captent, minimalement, l’attention de leurs élèves. Ce souci pédagogique est déjà présent en 1844. Le recours aux exercices pratiques est perçu par le rédacteur du Règlement des élèves comme un moyen d’y parvenir, dans une discipline comme l’histoire : « un tableau chronologique, des cartes géographiques, et même un globe, placés dans les yeux des élèves, sont indispensables, pour exciter l’ardeur, et créer l’amour du progrès dans l’histoire. »197. Dans les cours de sciences, outre les travaux pratiques, l’enthousiasme de la maîtresse à l’égard des découvertes scientifiques et le recours aux anecdotes apparaissent comme d’autres moyens d’intéresser les élèves.

Les notes des cours de sciences sont ponctuées, ici et là, d’anecdotes et d’informations à caractère historique et géographique. Lorsqu’insérés à travers des descriptions, potentiellement monotones, de minéraux ou de plantes, ces ajouts semblent avoir pour effet de retenir l’attention de l’élève. Ils peuvent aussi contribuer à rehausser le niveau de culture générale des élèves. À titre d’exemple, les pensionnaires apprennent les « emblèmes » de

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pays comme le Canada (érable), la France (lis) et l’Angleterre (rose). Elles entendent parler de salines en Pologne, de diamants au Brésil, de quartz et de sables mouvants en Afrique, de roches basaltiques et de la Chaussée des Géants en Irlande, de masses « tombées de l’atmosphère » contenant du fer en Sibérie, etc.198. Tous les continents du globe sont évoqués, mais les maîtresses ne manquent pas de souligner les richesses naturelles qui font la fierté du pays, notamment l’érable, « meilleur combustible du pays », dont « la sève sucrée est la gloire de nos forêts », le cornouiller du Canada dont l’écorce pourrait remplacer le quinquina du Pérou, les conifères, « une des familles les plus importantes à l’homme ». Ces anecdotes, bien que fréquentes, particulièrement dans les cours d’histoire naturelle, ne forment pas le cœur des cours de sciences. Elles accompagnent les notions scientifiques.

En conclusion, les Ursulines de Québec ont développé un modèle original d’enseignement des sciences. Ce modèle apparaît conforme au modèle général d’éducation des filles qui prévalait au XIXe siècle : le savoir scientifique transmis est ancré dans une composante éducative plus large, de nature religieuse, puisque les cours de sciences célèbrent la nature et