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LES PREMIÈRES MAÎTRESSES DE SCIENCES : VALORISATION DE

CHAPITRE I ESSOR DU PENSIONNAT: L’ATTRAIT DE L’ENSEIGNEMENT DES

2. LES PREMIÈRES MAÎTRESSES DE SCIENCES : VALORISATION DE

Aux dires de l’historien Dom Guy-Marie Oury : « Passé le milieu du [XIXe] siècle, le monastère et sa maison d’éducation sont en plein essor, selon un schéma original qui n’a son équivalent nulle part ailleurs hors du Bas-Canada. Tant en France qu’en Irlande et aux États- Unis, elles ont créé un réseau de relations et d’amitiés dont les mailles sont serrées »107. Dans la présente étude, nous avons identifié quatre religieuses particulièrement impliquées dans l’intégration des sciences au cursus des Ursulines dans la première moitié du XIXe siècle (annexe III). L’analyse de leurs parcours met en lumière quelques-unes de ces mailles tissées entre le couvent et le monde extérieur.

106Tolley, The Science Education, p. 60.

107 Oury, Les Ursulines de Québec, p. 215 ; Christine Cheyrou, qui connaît bien les Ursulines, souligne avec justesse :

« Paradoxalement, l’application de la Règle permet au cloître d’être branché sur son milieu et, à travers lui, sur le monde qui l’entoure. Le respect du règlement n’empêche pas l’information de circuler et les échanges de s’opérer. Les parloirs sont très fréquentés. ». Christine Cheyrou, Les Ursulines, p. 77.

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Un photographe est passé chez les Ursulines de Québec en 1867. Il a laissé cette image des maîtresses et des élèves. Parmi les objets mis en scène, nous retrouvons deux globes, une sphère armillaire et une machine pneumatique. © Archives du MUQ, Classe de sciences, 1867, 1/P,3,12,445.

Figure 4 : Classe de sciences en 1867

a) Les initiatrices

Elizabeth Dougherty et Marie-Louise McLaughlin108 sont nées en 1780. Elizabeth est née à New York d’un père catholique d’origine irlandaise et d’une mère protestante native de New York. Marie-Louise est née à Rivière-du-Loup de parents catholiques d’origine écossaise. À partir de l’âge de 6 ans, elle a été élevée par son grand-père paternel, fervent protestant. Les deux jeunes filles sont entrées au pensionnat des Ursulines à la fin du XVIIIe siècle pour ensuite prendre l’habit. En regard de l’enseignement des sciences, sœur Saint-Augustin Dougherty a donné des leçons de sciences aux élèves des Ursulines dès le début du XIXe siècle. Sœur St-Henri McLaughlin a, pour sa part, occupé de hautes fonctions administratives au monastère et contribué à la formalisation de l’enseignement des sciences dans les années 1830.

108 McLaughlin est orthographié avec un « a » dans la biographie de sœur Saint-Henri McLaughlin, dans les annales et dans

la présente étude. Dans l’ouvrage de sœur Sainte-Croix, Glimpses of the Monastery, et dans le Dictionnaire biographique du Canada, il est orthographié ainsi : McLoughlin.

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L’apport de religieuses ayant bénéficié, dans leur jeunesse, d’une instruction plus relevée apparaît déterminant dans l’entreprise de rehaussement de l’enseignement au pensionnat des Ursulines, alors que les ressources font défaut. Dans sa jeunesse, sœur Saint-Augustin Dougherty a voyagé en Europe (Londres et Paris), ce qui, aux dires de ses consœurs, « contribua beaucoup à développer les connaissances de l’intelligente jeune fille »109. Après le décès de sa mère, son père se serait chargé de son éducation, une éducation digne des « cours d’études propres aux colléges (sic) et aux académies. »110. Il l’initia à la grammaire, à l’histoire, à l’arithmétique, à la géographie, à l’astronomie, à la littérature ainsi qu’aux rudiments du français et du latin111. Venu s’installer à Québec pour occuper un emploi d’écrivain dans un bureau public, il aurait inscrit sa fille, alors âgée de 15 ans, au pensionnat des Ursulines dans le but de parfaire son éducation religieuse et son apprentissage de la langue française.

Sœur Saint-Augustin Dougherty a œuvré comme maîtresse jusqu’à son décès en 1814, à l’âge de 34 ans. Elle est reconnue, avec sœur St-Henri McLaughlin, comme étant la première enseignante d’anglais du pensionnat. Elle donnait aussi des leçons d’astronomie, d’histoire et de géographie. Déjà, au début du XIXe siècle, elle agrémentait ses leçons par l’usage d’un globe terrestre et de cartes géographiques que les élèves étaient invitées à recopier. Par émulation, le savoir de sœur Saint-Augustin Dougherty, maîtresse des novices, s’est perpétué : « Within the novitiate, other teachers were forming, as if in the prospect of a wider course of studies »112. Les efforts de sœur Saint-Augustin Dougherty n’ont pas été vains. Sa consœur et amie a poursuivi le travail en vue d’un rehaussement du niveau de l’enseignement. Sœur Saint-Henri McLaughlin est aujourd’hui reconnue pour avoir joué un rôle important dans l’essor du pensionnat durant la première moitié du XIXe siècle.

109 Sœurs Adèle Cimon dite Sainte-Marie et Catherine Burke dite Saint-Thomas, « Le Monastère au dix-neuvième

siècle », p. 621.

110 Annales du MUQ citées dans Sœurs Adèle Cimon dite Sainte-Marie et Catherine Burke dite Saint-Thomas, « Le

Monastère au dix-neuvième siècle », p. 621.

111 Sœur Sainte-Croix Holmes, Glimpses, p. 356. 112 Sœur Sainte-Croix Holmes, Glimpses, p. 360.

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Dans sa jeunesse, sœur Saint-Henri McLaughlin aurait fréquenté « les meilleures écoles protestantes de Québec »113. C’est contre l’avis de son grand-père protestant, mais avec l’accord de ses parents que la jeune fille est entrée au pensionnat des Ursulines vers l’âge de 15 ans. Aux dires de sa biographe, sœur Saint-Henri McLaughlin était « foncièrement instruite », elle maîtrisait notamment les langues française et anglaise et avait à cœur la formation des futures éducatrices 114. Elle aurait convaincu Mgr Plessis, en 1815, de libérer les religieuses dans le but de mieux les former à leur tâche d’éducatrice115. Au fil de sa carrière religieuse, elle a occupé plusieurs fonctions administratives au monastère, dont celle de supérieure116.

L’œuvre de sœur Saint-Henri McLaughlin apparaît indissociable de celle de l’abbé Thomas Maguire, prêtre né à Philadelphie d’un père d’origine irlandaise, aumônier des Ursulines de 1832 à 1854. De retour d’un voyage en Europe au cours duquel il a visité des maisons d’enseignement, dont celles des Ursulines de Lyons et de Naples, celui que les religieuses ursulines désignent comme leur « second fondateur »117 s’attelle au rétablissement des finances du pensionnat des Ursulines et au rehaussement du niveau de l’enseignement. En collaboration avec sœur Saint-Henri McLaughlin, il rédige, en 1844, le Règlement des élèves en s’inspirant de son expérience et de ses connaissances acquises en Europe118. Un extrait des Annales des Ursulines lors de son décès, en 1854, témoigne de l’importance que les religieuses accordent à son œuvre dans l’essor du pensionnat :

si notre temporel est aujourd’hui dans l’état prospère où il se trouve, c’est à ses talents et à son zèle infatigable que nous le devons. Notre pensionnat était aussi l’objet particulier de son attention bienveillante, et nous devons à ce bon père beaucoup d’améliorations dans notre cours d’études. Il présidait nos examens

113 Suzanne Prince, « McLoughlin, Marie-Louise, dite de Saint-Henri », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7,

Université Laval/University of Toronto, 2003, consulté le 7 février 2016. http://www.biographi.ca/fr/bio/mcloughlin_marie_louise_7F.html.

114 Archives du MUQ, Nécrologie de sœur Marie-Louise McLaughlin dite St-Henri (St-Henry) (1780-1846), fonds

1/G/11,91, DA-10-1-1-10.

115 Suzanne Prince, « McLoughlin, Marie-Louise ».

116 Maîtresse des novices, dépositaire, zélatrice, assistante et supérieure de 1818-1824 puis de 1830-1836.

117 L’auteure de la biographie de sœur Saint-Henri McLaughlin attribue cette épithète de « second fondateur » à l’abbé G.L.

Lemoine, successeur de l’abbé Maguire. Archives du MUQ. Nécrologie de sœur Marie-Louise McLaughlin dite St-Henri (St-Henry) (1780-1846).

118 Pour plus d’informations concernant l’abbé Thomas Maguire voir : James H. Lambert, « Maguire, Thomas »,

Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval / University of Toronto, 2003, http://www.biographi.ca/fr/bio/maguire_thomas_8F.html, consulté le 24 avril 2017.

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privés qu’il rendait très intéressants; ses remarques judicieuses montraient qu’il n’était étranger à aucune science ni à aucun art d’agrément.119

Nous ne pouvons confirmer si sœur Saint-Henri McLaughlin a enseigné les sciences comme son amie sœur Saint-Augustin Dougherty. Elle a cependant contribué à la formalisation de l’enseignement des sciences au pensionnat des Ursulines. Elle aurait d’ailleurs été initiée aux sciences par l’abbé Philippe-Jean-Louis Desjardins, un prêtre français qui a assuré, brièvement, le rôle d’aumônier des Ursulines en 1802120. Pour rehausser l’enseignement au pensionnat, sœur Saint-Henri McLaughlin a su bénéficier de son réseau de contacts : « Her zeal for the instruction of youth, her enlightened views of education, her numerous friends in the highest ranks of society as well as among the clergy, the concurrence of her devoted brothers, the Doctors Mcloughlin in all her plans, and their generosity in sending her from Paris, where one of them resided, whatever would be useful to her in the school121 ».

Parmi les objets d’échanges issus de ces contacts, certains sont dédiés à l’enseignement des sciences. Le frère de sœur St-Henri McLaughlin, Dr David McLaughlin, aurait envoyé de Paris des globes, des cartes géographiques et des planisphères célestes. Il a aussi contribué à l’acquisition, dans les années 1830, d’instruments scientifiques. Dans un extrait d’une lettre adressée à sa sœur en 1833, David McLaughlin raconte avoir rencontré l’abbé John Holmes, qui était en route pour l’Angleterre, et il écrit : « Je lui ai donné 500 francs pour l’achat des instruments de chimie destinés à votre maison » 122.

Les sœurs Saint-Augustin Dougherty et St-Henri McLaughlin apparaissent comme les initiatrices de l’enseignement des sciences au pensionnat des Ursulines au début du XIXe siècle. Lors du décès de sœur Saint-Augustin Dougherty en 1814, les leçons de sciences n’en sont qu’à leur balbutiement. Appuyée de ses contacts et de l’abbé Thomas Maguire, sœur St- Henri McLaughlin a contribué à la formalisation des cours de sciences dans le curriculum

119 Archives du MUQ, Annales du MUQ, Tome II, 1854, p. 342.

120 Après son retour en France en 1802, Philippe-Jean-Louis Desjardins est resté en contact, par correspondance, avec les

Ursulines de Québec jusqu’à son décès en 1833; Sœur Sainte-Croix Holmes, Glimpses, p. 360; Claude Galarneau, « Desjardins, Philippe-Jean-Louis », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval / University of Toronto, 2003, consulté le 28 mai 2017, http://www.biographi.ca/fr/bio/desjardins_philippe_jean_louis_6F.html.

121 Sœur Sainte-Croix Holmes, Glimpses, p. 361.

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des Ursulines dans les années 1830 et 1840. Pour aller de l’avant avec des cours de sciences bonifiés, elle a pu compter sur l’arrivée de deux nouvelles recrues d’origine américaine123.

© Archives du MUQ, Portrait de la mère Saint Henri McLaughlin, James Bowman, 1832, 1997-1055.

Figure 5 : Portrait de sœur Saint-Henri McLaughlin

b) La consolidation de l’enseignement des sciences

Cecilia O’Conway (1788-1865) est née à Pittsburgh aux États-Unis en 1788 de parents d’origine irlandaise. Elle entre chez les Ursulines de Québec en 1823, à l’âge de 36 ans, riche d’une expérience religieuse au sein des Sœurs de la Charité (à Emmitsburg et New York) et d’un niveau d’instruction hors du commun. À l’image de sœur Saint-Augustin Dougherty, sœur Marie-de-l’Incarnation O’Conway avait voyagé dans sa jeunesse avec sa famille. Elle avait appris la langue espagnole lors d’un séjour à Cuba et la langue française en Nouvelle- Orléans. Installée à Philadelphie, son père aurait pris en charge son éducation, l’initiant à la littérature, à l’histoire profane, à la géographie et aux sciences124. L’arrivée de cette recrue apparaît comme une bénédiction pour les Ursulines, à une époque où elles cherchent à accroître le niveau de leur enseignement :

123 Selon les Annales du pensionnat, Émilie Miville Dechène dite St-François de Borgia (1814-1866) aurait été une des

premières maîtresses de sciences, avec sœur Marie-de-l’Incarnation O’Conway. Sœur St-François de Borgia Deschène était la nièce de sœur St-Henri McLaughlin. Selon sa notice nécrologique, elle s’est consacrée à l’éducation des enfants. Elle a notamment œuvré auprès des demi-pensionnaires et été maîtresse des novices. Nous n’avons pas retracé d’information spécifique à l’enseignement des sciences. Archives du MUQ, Annales du Pensionnat des Ursulines de Québec depuis 1800, 1800-1941, fonds 1/K,1,1,3,11,0, SR-1-1-6; Archives du MUQ, Nécrologie de sœur Émilie Miville Dèchene dite St- François-de-Borgia (1814-1866), fonds 1/E,11,3,5,61, SR-6-2-5; Sœur Sainte-Croix Holmes, Reminiscence, p. 36-37.

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Il y avait alors en effet un grand besoin de sujets parlant la langue anglaise. D’ailleurs, ses longs voyages, son esprit d’observation aidé d’une mémoire étonnante qui s’est soutenue jusque dans ses vieux jours, la rendaient des plus capable dans toutes les branches de l’Histoire-Naturelle; c’était quelque chose d’extrêmement précieux à une époque où il était devenu nécessaire d’amplifier le cours d’études suivi ci-devant125.

Peu de temps après son arrivée au monastère en 1823, les Ursulines ont confié à sœur Marie- de-l’Incarnation O’Conway l’enseignement de la première classe (niveau supérieur des études). La nouvelle maîtresse enseignait l’anglais, mais aussi l’histoire, l’astronomie, l’usage des globes, la botanique et les autres branches de l’histoire naturelle126. Elle poursuivait ainsi l’œuvre de sœur Saint-Augustin Dougherty. Aux dires de sœur Sainte-Croix Holmes, qui l’a bien connue, sœur Marie-de-l’Incarnation O’Conway faisait figure d’encyclopédie vivante aux yeux des pensionnaires. Son « goût » pour les sciences est souligné dans les sources : « To a natural taste for those sciences which in our century have become so popular, botany, physics, mineralogy, &c., she joined uncommon skill in all the varieties of fancy work and embroidery »127. Dans les années 1830, sœur Marie-de- l’Incarnation O’Conway assistait avec ses élèves aux leçons de chimie et de physique données par les professeurs du Séminaire de Québec au parloir des Ursulines.

Parmi les professeurs du Séminaire offrant de telles leçons figure l’abbé John Holmes128. En 1836, ce dernier invite sa sœur, Marie Suzanne Josephine, à entrer au pensionnat des Ursulines. Née à Colebrook au New Hampshire de parents puritains, Josephine se convertit et est baptisée la même année. Cette nouvelle recrue était vouée à une longue carrière religieuse. Au moment de son décès, en 1910, à l’âge de 93 ans, sœur Sainte-Croix Holmes est qualifiée par l’annaliste de « Mathusalem du cloître ». Sa vie religieuse au sein des Ursulines (1837-1910) couvre la période de notre étude. Dans sa jeunesse, en plus de fréquenter l’école de son village, sœur Sainte-Croix Holmes avait acquis quelques notions de

125 Sœurs Adèle Cimon dite Sainte-Marie et Catherine Burke dite Saint-Thomas, « Le Monastère au dix-neuvième siècle »,

p. 544.

126 Sœur Sainte-Croix Holmes, Reminiscence, p. 59. 127 Sœur Sainte-Croix Holmes, Glimpses, p. 372.

128 John Holmes (1799-1852) est reconnu comme un des « grands éducateurs du XIXe siècle ». Il aurait fait venir cinq de

ses sœurs au pensionnat des Ursulines de Québec, dont Josephine, et sa sixième à la Congrégation Notre-Dame de Berthier- en-haut. Claude Galarneau, « Holmes, John », Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval / University of Toronto, 2003, consulté le 31 janvier 2016, http://www.biographi.ca/fr/bio/holmes_john_1799_1852_8F.html.

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botanique et d’astronomie transmises par sa mère129. Aux dires de l’annaliste, dans ses premières années au monastère, sœur Sainte-Croix Holmes « avait puisé dans un contact habituel avec l’ancienne Mère O’Conway de M. de l’Incarnation »130. L’émulation se poursuit et l’enseignement des sciences se consolide.

L’œuvre de sœur Sainte-Croix Holmes dépasse l’enseignement des sciences. Elle a aussi enseigné les langues étrangères (italien et espagnol) et la littérature. Entre 1885 et 1887, elle a occupé la fonction de supérieure au monastère de Springfield (Illinois) aux États-Unis. Elle est aussi l’auteure de Glimpses of the Monastery. En ce qui concerne les sciences, sœur Sainte-Croix Holmes a pris la relève de sœur Marie-de-l’Incarnation O’Conway à titre de maîtresse. Elle a rédigé plusieurs traités de sciences en s’appuyant sur les notes de son frère. Elle aurait aussi réalisé un planisphère géant (5’ X 4½’) en 1840, une œuvre « qui fut d’un grand secours aux maîtresses comme aux élèves » et qui aurait été reproduit en 1893 pour l’exposition de Chicago131. Voici un extrait des Annales qui résume l’apport de sœur Sainte- Croix Holmes à l’enseignement des sciences du point de vue des Ursulines :

Cette éducatrice distinguée était en outre une amie de la science et longtemps elle enseigna les hautes branches du cours, faisant habilement ressortir l’action divine du Créateur dans ses œuvres. À l’instar de son illustre frère, le savant Abbé John Holmes, du Séminaire (mort à Lorette, le 18 juin 1852) elle se dévoue sans compter à l’avancement de ses élèves, faisant fructifier au centuple les leçons qu’elle avait reçues de ce professeur émérite, qui enseigna le premier, au monastère la physique, etc. et commença notre cabinet de physique132.

Nous reviendrons, au chapitre 2, sur « l’action divine du Créateur » et l’enseignement des sciences. Pour le moment, un autre extrait de cette citation retient notre attention : sœur Sainte-Croix Holmes aurait fait « fructifier au centuple » les leçons de son frère. Au-delà de l’hommage, sœur Sainte-Croix Holmes est ainsi présentée comme une maîtresse de sciences à part entière. Elle aurait certes bénéficié des notes de cours de son frère, mais elle aurait aussi su les bonifier au fil du temps. Sans doute, l’apport des professeurs du Séminaire de Québec et de l’abbé Maguire a été déterminant dans la mise en place des cours de sciences

129 Archives du MUQ. Biographie de sœur Suzanne Josephine Holmes dite Sainte-Croix (1817-1910), fonds 1/G,11,72,

Vol. 4, p. 6.

130 Archives du MUQ, Annales du MUQ, Tome IV, 1910, p. 381. 131 Archives du MUQ, Annales du MUQ, Tome IV, 1910, p. 380. 132 Archives du MUQ, Annales du MUQ, Tome IV, 1910, p. 381.

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chez les Ursulines dans les années 1830. Comme mentionné, cette contribution est encore mise en valeur par les Ursulines elles-mêmes, une soixantaine d’années plus tard, dans le prospectus de 1893. La visibilité accordée à cette contribution pourrait, à notre avis, avoir fait ombrage aux initiatives des maîtresses ursulines.

En effet, en posant notre regard sur les parcours des religieuses, sous l’angle de la science, nous constatons que des maîtresses ursulines avaient pavé la voie à l’enseignement des sciences dès le début du XIXe siècle, avant l’intervention des professeurs du Séminaire. Sœur Saint-Augustin Dougherty, avec ses leçons de géographie et d’astronomie, suivie de sœur Marie-de-l’Incarnation O’Conway qui, dans les années 1820, ajouta des leçons d’histoire naturelle. Au sujet de cette dernière, sœur Sainte-Croix Holmes reconnaît la valeur de son travail: « Thanks to her disinterested zeal for our improvement and to her innate love of learning, the class of young ladies formed under her teaching were prepared for the more extensive programme which was being introduce from 1834 to 1836, under the direction of an eminent director of the Quebec Seminary »133. L’initiative et l’apport de ces religieuses à l’émergence d’un enseignement des sciences chez les Ursulines dès la première moitié du XIXe siècle contrastent avec l’image de religieuses cloîtrées, repliées sur elles-mêmes, vouées à former des filles plus dévotes que savantes. De toute évidence, les religieuses ursulines valorisent l’instruction et sont branchées sur le monde qui les entoure134.

D’autres constats émergent du portrait tracé des principales religieuses impliquées dans la mise en place de l’enseignement des sciences chez les Ursulines de Québec au début du XIXe siècle. Les quatre religieuses sont anglophones. Leurs parents, originaires de l’Écosse ou de l’Irlande, se sont établis aux États-Unis, à l’exception de ceux de sœur Saint-Henri McLaughlin, installés à Rivière-du-Loup. Les quatre filles proviennent de familles où l’instruction est valorisée. Parmi les matières auxquelles les pères, mères et grands-pères initient leurs filles (ou petites-filles) figurent les sciences, particulièrement l’astronomie, la

133 Sœur Sainte-Croix Holmes, Reminiscence, p. 60-61.

134 La volonté et la capacité des religieuses ursulines à rester branchées sur le monde qui les entoure au début du XIXe siècle

fait, d’une certaine façon, écho aux travaux de Mylène Bédard. Par l’étude de sources épistolaires, l’auteure met en lumière une prise de parole informée de femmes liées au mouvement patriote au Bas-Canada dans les années 1830. Voir Mylène