• Aucun résultat trouvé

Voies de régulation épigénomique et épigénétique de l’expression des gènes

Dans le document en fr (Page 51-59)

II. Déterminants du neuro-développement

1. Voies de régulation épigénomique et épigénétique de l’expression des gènes

a. Modification de l’ADN et des histones

La régulation de l’expression des gènes commence très tôt au cours du développement et est indispensable à l’embryogenèse (Robertson et Wolffe 2000, Okano et al., 1999, Goto et al., 1994). Dès la phase de fertilisation, l’ADN subit une déméthylation globale (Hajkovaet al., 2002). Lors de la phase de pré-gastrulation, des phénomènes de méthylation de novo, région- et gène-dépendants, s’effectuent de sorte à exprimer les gènes nécessaires à la différenciation cellulaire (Delaval et Feil, 2004, Razin et Shemer, 1995) ; les profils de méthylation seront donc différents entre progéniteurs et cellules différenciées (Meissner et al., 2008). L’ajout des groupements méthyles s’effectue sur la position 5’ des cytosines, principalement dans les îlots CpG (Razin et Riggs, 1980). Tous les dinucléotides CG ne seront pas méthylés et les différents profils de méthylation présenteront une distribution spécifique selon les tissus (Liang et al., 2011, Razin et Szyf, 1984). La méthylation de l’ADN est un phénomène réversible (Lu et al., 2004, Ramchandani, et al.,1999), ce qui supporte l’hypothèse de la « programmation fœtale ». Cette notion repose sur l’hypothèse que les anomalies physiologiques pourraient faire intervenir des ajustements au niveau moléculaire, susceptibles d’être transmis à la descendance avec des conséquences à court et/ou à long

terme. Des troubles précoces sont associés à des profils de méthylation de l’ADN altérés (Mychasiuk et al., 2012, Roth et Sweatt, 2011, P.O. McGowan, et al., 2009, Murgatroyd et al., 2009, Mueller et Bale, 2008, Novikova et al., 2008, Champagne et al., 2006, Weaver et al., 2004) mais peuvent être réversés de manière plus tardive (Weaver et al., 2006), comme dans le cadre d’apports en méthyles (Weaver et al., 2005).

L’expression en temps et en lieu spécifiques des gènes est ainsi dépendante du profil de méthylation de l’ADN. Cette cinétique d’expression est associée à une dynamique structurale de l’ADN qui autorise ou non l’expression des séquences des gènes qu’elle contient. De manière générale, l’euchromatine disponible pour les phénomènes de transcription est associée à un profil d’hypométhylation, tandis que l’hétérochromatine non accessible aux acteurs de la transcription est associée à un profil d’hyperméthylation (Razin et Cedar, 1977). Il existe donc une corrélation inverse entre le taux d’expression des gènes et le taux de méthylation de leurs promoteurs (Rauch et al., 2009, Weber et al., 2007). La présence de cytosines méthylées dans une séquence régulatrice empêche la fixation des facteurs de transcription et contribue à la répression de l’expression des gènes (Takizawa et al., 2001, Watt et Molloy, 1998, Inamdar, et al.,1991). La présence de cette base modifiée au niveau des promoteurs de l’ADN permet le recrutement de protéines de liaison à l’ADN méthylé (MBD, pour methylated DNA binding domain proteins) qui présentent un rôle de répresseurs de la transcription (Cross et al., 1997, Nan et al.,1997, Lewis et al., 1992). Ces protéines sont couplées à d’autres co-répresseurs et enzymes de remodelage de la chromatine qui favorisent le changement de conformation de l’ADN de sa structure euchromatine à hétérochromatine pour la répression de l’expression des gènes (Fuks et al., 2003, Jones et al., 1998, Nan et al., 1998). Le profil de méthylation de l’ADN est mis en balance avec l’état du code histone (profil de méthylation ou acétylation des histones qui l’entourent) (Gupta et al., 2010, Miller et al., 2008). Le profil des promoteurs n’est pas la seule zone de l’ADN à réguler l’expression des gènes puisque la méthylation des gènes en dehors des promoteurs serait favorable à la transcription (Wu et al., 2010, Lister et al., 2009, Hellman et Chess, 2007).

La méthylation de l’ADN fait intervenir les ADN méthyltransférases (DNMTs) (Razin et Cedar, 1977), ainsi que le donneur de méthyle S-adénosyl-méthionine (SAM). Ces enzymes jouent un rôle crucial au cours du développement ; DNMT1 et DNMT3a sont fortement exprimées au stade embryonnaire mais leur expression persiste dans le système nerveux central mature (Feng et al., 2005, Brooks et al., 1996, Goto et al., 1994) où leur activité

contribue à la régulation de l’expression des gènes neuronaux (Feng et al., 2005, Fan et al., 2001, Robertson et Wolffe 2000, Brooks et al., 1996, Goto et al., 1994) et aux phénomènes de plasticité synaptique (Feng et al., 2010) (Figure 9).

Figure 9 : Principaux acteurs de la méthylation de l’ADN en fonction du temps (Baker- Andresenet al., 2013).

Après fertilisation, le matériel génétique du zygote subit une déméthylation globale. Des phénomènes de méthylation de novo, région- et gène-dépendants, s’effectuent de sorte à exprimer les gènes spécifiques aux différents types cellulaires. Ce type de méthylation est assuré par deux DNA- méthyltransférases : DNMT3a et DNMAT3b. Les deux formes sont présentes au cours de l’embryogenèse, avec une présence prédominante de DNMT3b. DNMAT3a semble majoritairement impliquée dans les phénomènes post-natals précoces, qui correspondent au siège de son pic d’expression. DNMAT3a et DNMT3b assurent la régulation de l’expression des gènes nécessaires au maintien du statut des cellules progénitrices neurales et des neurones immatures. Par sa présence lors de la phase post-natale précoce, DNMT3a serait principalement associé au maintien des neurones immatures.

Tout au long du développement et de la vie, le statut de méthylation du matériel génétique doit être assuré. Ce type de méthylation est assuré par DNMT1. Il s’agit d’une DNA-methyltransferase présente à tous les stades et serait particulièrement impliquée dans la régulation de l’expression des gènes nécessaires aux mécanismes de plasticité synaptique.

Des réactions de déméthylation surviennent (Bruniquel et Schwartz, 2003, Lucarelli et al., 2001, Oswald et al., 2000, Szyf et al., 1995, Wilks et al., 1984) notamment dans les neurones post-mitotiques (Feng et al., 2010, Miller et Sweatt, 2007, Levenson et al., 2006, Weaver et al., 2004, Martinowich et al., 2003). Elles constituent une réponse à l’activité neuronale (Guo et al., 2011 ; Ma et al., 2009) ou à l’apprentissage (Lubin et al., 2008). Les mécanismes mis en jeu font appel aux systèmes de réparation de l’ADN. Les processus de déméthylation pourraient faire intervenir la création de sites abasiques par action de glycosylases (Jost, 1993, Razin et al., 1986), de mismatch C/T ou G/C (Kangaspeska et al., 2008, Rai et al., 2008, Morgan et al., 2004) qui pourraient contribuer aux phénomènes de déméthylation globale (Popp et al., 2010). Lorsque les taux de SAM sont faibles, les DNMTs peuvent intervenir en désaminant les cytosines méthylées en thymidines (Zingg et al.,1998, Shen et al., 1992). Les protéines de liaison à l’ADN contenant un domaine de fixation au méthyle-CpG (MDB), telles que methyl CpG binding protein 2 (MeCP2) et les methyl-CpG- binding domain proteins 1, 2 et 4 (MBD1, MBD2 et MBD4) forment des complexes protéiques impliqués dans le recrutement d’acteurs de la répression de l’expression génique dont les histones désacétylases (HDACs) (Defossez et Stancheva, 2011, Dhasarathy et Wade., 2008). Parmi elles, MBD2 pourrait avoir une activité déméthylase intrisèque au niveau des îlots CpG (Detich et al., 2002, Bhattacharya et al., 1999). Cependant, certaines équipes ne sont pas parvenues à retrouver cette activité (Boeke et al., 2000, Ng et al., 1999, Wade et al., 1999). Par contre, des 5-hydroxy-méthyle-cytosines sont présentes dans l’ADN (Pelizzola et al.,2008). Les protéines de la famille ten-eleven translocation (Tet) sont capables d’induire la déméthylation (Guo et al., 2011, Tahiliani et al., 2009) et ten-eleven translocation methylcytosine dioxygenase 1 (Tet1) est capable de transformer les méthyle-cytosines en hydroxy-méthyle-cystosines pour déméthyler ou maintenir le statut déméthylé de certains gènes (Kriaucionis et Tahiliani 2014, Guo et al. 2011, He et al., 2011, S. Ito, et al., 2010). La déméthylation liée à MBD2 pourrait faire intervenir des mécanismes d’oxydation (Hamm et al.,2008) par l’intervention de cette protéine (Figure 10).

Figure 10 : Mécanismes de déméthylation (Baker-Andresenet al., 2013).

En réponse au taux d’activité neuronal, le profil d’expression des gènes peut être amené à changer pour assurer certains mécanismes comme la plasticité synaptique ou l’apoptose. Les mécanismes de déméthylations sont alors mis en jeux pour assurer l’expression des gènes impliqués.

La création de 5-hydroxymethylcytosine peut induire des chaînes de réactions enzymatiques plus ou moins complexes. Ces réactions aboutissent à la déméthylation de manières indépendantes des mécanismes de réparation de l’ADN.

AID/APOBEC: zinc-dependent DNA-deaminase; GADD45: Growth arrest and DNA-damage- inducible protein; MBD: methyl-CpG-binding domain protein; TDG/SMUG: DNA-glycosylase; TET: ten eleven translocation family

De nombreuses études font le lien entre méthylation de l’ADN et niveau d’expression des gènes dans les différents stades de développement, notamment au sein des neurones (Guo et al., 2011, Iwamoto et al., 2011, Mikaelsson et Miller, 2011, Han et al., 2010, LaPlant et al., 2010, Miller et al., 2010, Feng et al., 2007, Miller et Sweatt 2007). Le taux et le type de méthylation participent à la définition du statut cellulaire ; les formes hydroxyméthylées sont associées à la totipotence (Ficz et al., 2011, Ruzov et al., 2011) tandis qu’un switch vers les formes méthylées est associé à la mise en place du devenir cellulaire (Ficz et al., 2011). La méthylation contribue à la transition des cellules souches ou progéniteurs (Kim et al., 2009, Hatada et al., 2008, Mohn et al., 2008) en cellules différenciées exprimant des marqueurs spécifiques (Cortese et al., 2011, Hirabayashi et Gotoh, 2010, Meissner et al., 2008, Mohn et al., 2008, Takizawa et al., 2001). Cependant, la modification du taux de méthylation n’est pas la seule régulation mise en jeux puisque la variation de méthylation de gènes peut ne pas avoir de conséquences sur leur taux d’expression basale (Chen et al., 2012, Sorensen et al., 2010, Zajac et al., 2010).

b. Modification des histones

La modification de la structure des nucléosomes est une régulation décisive pour déterminer l’accessibilité des promoteurs aux facteurs de transcription, et donc pour la régulation de l'expression des gènes (Yoo et al., 2006). Le code histone est un système complexe de régulation par méthylation et acétylation, pouvant correspondre à des signaux différents selon la sous-unité à laquelle elle s’applique. Les nucléosomes sont des associations d’ADN et de protéines histones H2A, H2B, H3et H4 (Margueron R et al., 2005) dont les queues N-terminales peuvent subir différentes modifications, comme des méthylations, des acétylations, des phosphorylations ou des ubiquitinations (Kouzarides, 2007, Shilatifard, 2006, Bonaldi et al., 2004, Nowak et Corces, 2004, Strahl et Allis, 2000). Les marques de méthylation sont des modifications stables tandis que les marques d’acétylation et de phosphorylation correspondent à des modifications dynamiques. L’action d’histones acétyle- transférases (HATs) et d’histones déméthylases (HDMs) (Cloos et al., 2006, Shi et al., 2004) contribue à la conformation euchromatine nécessaire à l’expression des gènes tandis que l’action d’histones désacéthylases de type I et II (HDACs, à domaine catalytique à zinc) et

d’histones méthyle-transférases (HMTases) contribuent à la conformation hétérochromatine qui n’autorise pas l’expression des gènes (Y. Zhang et al., 1999). Les protéines HDACs de type III (ou sirtuines, nicotinamide NAD+-dépendantes) interviennent dans la modulation de protéines non-histones. Certaines marques de méthylation correspondent à un signal répresseur, comme la triméthylation de l’histone H3 lysine 27 (H3K27me3) (Wang et al., 2010) et H3K9me3 (Ryu, et al.,2006, Fujita et al., 2003, Fuks et al., 2003), tandis que d’autres correspondent à un signal activateur, comme la monométhylation de l’histone H4 lysine 20 (H4K20me1), ou les triméthylations H3K4me3, H3K36me3 et H3K79me3 (Bannister et Kouzarides, 2005, Santos-Rosa et al., 2002). Des statuts bivalents comme l’association de la marque répression H3K27me3 et de quelques H3K4me3 permettent une dynamique expression/répression rapide (Azuara et al., 2006, Bernstein et al., 2006). De la même manière, des marques d’acétylation peuvent conduire à une expression, comme H3K9ac, H3K14ac, H4K8ac, H4K12ac ou H4K16ac (Peleg et al., 2010, Hargreaves et al., 2009) (Figure 11). La position des histones modifiées est un facteur supplémentaire pour la régulation de l’expression des gènes (Figure 12).

Figure 11 : Les différentes marques du code histone contribuent à l’expression ou à la répression des gènes (Kim, 2014).

Le code histone est un système de régulation qui fait intervenir un ensemble de modifications sur différents résidus des queues N-terminales des protéines histones H2A/H2B, H3 et H4.

Parmi ces modifications : l’ubiquitination, la sumoylation, la citrullination, la phosphorylation, l’acétylation et la méthylation. Les modifications les plus décrites sont la phosphorylation et l’acétylation à caractère dynamique, qui font intervenir un équilibre entre kinases/phosphatases et histones acétylases/histones désacétylases, ainsi que la méthylation décrite comme stable qui fait appel à des DNA-methyl-transférases.

Figure 12 : L’emplacement des marques contribue à l’expression ou à la répression des gènes (modifié de Jakovcevski et Akbarian, 2012).

Le système de régulation de l’expression des gènes par le code histone est d’autant plus complexe que la position des nucléosomes marqués entre en jeu. La régulation est basée sur l’équilibre entre les marques activatrices et répressives des histones constituant les nucléosomes situés au niveau des promoteurs, du corps du gène ou des régions enhancer, auquel s’ajoute l’état de méthylation du gène lui-même.

Dans le document en fr (Page 51-59)