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Régulation post-transcriptionnelle de l’expression des protéines par les miRs

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II. Déterminants du neuro-développement

2. Régulation post-transcriptionnelle de l’expression des protéines par les miRs

a. Biogenèse des ARN non-codants de type miRs

En complément de la régulation de l’expression des gènes par modification de l’ADN ou des histones, la cinétique d’expression des gènes peut être modulée par l’action de petits acides ribonucléiques (ARNs) non-codants nommés microARNs (miRNAs ou miRs). Ce sont des régulateurs post-transcriptionnels (Manakov et al., 2009). Ils sont décrits comme des régulateurs chronologiques de l’expression des gènes du programme neurogénique, de sorte à assurer l’expression coordonnée et harmonieuse des gènes spécifiques et des voies de signalisation (Martinez et Gregory, 2010). Certains miRs sont spécifiquement exprimés au niveau du cerveau et sont impliqués dans les différentes étapes du développement et de la

maturation cérébrale (Maller Schulmann et al., 2008, Krichevsky et al., 2006, Kim et al., 2004).

Les miRs sont des éléments simple-brin de petite taille (22 à 24 nucléotides) principalement intergéniques mais certains sont transcrits à partir de séquences situées dans des introns ou des exons de séquences d'ARN non codants ainsi que dans les introns de gènes codant pour des protéines (Kim, 2005). Leur synthèse nécessite différentes étapes de maturation structurale, qui sont également nécessaires à leur translocation du noyau vers le cytoplasme. Le transcrit primaire (pri-miR) est une séquence de plusieurs kilobases transcrite par l’ARN polymérase II, au sein du noyau où elle est pliée sous forme de tige-boucle (Du et Zamore, 2005). Elle est prise en charge par la Rnase III Drosha qui, associée à DiGeorge syndrome chromosomal region 8 (DGCR8), clive le pri-miR en pré-miR (Denli et al., 2004, Gregory et al., 2003). Le pré-miR ne compte alors que 70 à 80 nucléotides. Il contient la structure tige-boucle d'à peu près 22 nucléotides ainsi que 2 nucléotides non appariés en 3'. Ces caractéristiques sont nécessaires à la reconnaissance du pré-miR par l'exportine-5 Ran- GTP-dépendante qui se charge de sa translocation vers le cytoplasme (Yi et al., 2003, Gwizdek et al., 2002). Une population particulière d’ARN non-codants de type miRs, appelés miRtrons, présente une séquence située dans des introns de gènes codants. Leur structure, similaire à celle des pré-miRs, est acquise lors de l’épissage et présente une première phase de maturation indépendante du complexe Drosha/DGCR8 (Babiarz et al., 2008, Berezikov et al., 2007, Okamura et al., 2007, Ruby et al., 2007). Après translocation dans le cytoplasme, les pré-miRs sont reconnus et maturés par la Rnase III Dicer (Du et Zamore, 2005, Grishok et al., 2001, Hutvagner et al., 2001, Ketting et al., 2001). A la suite du recrutement de Dicer et des transactivateurs HIV-1 TAR RNA binding protein (TRBP) et PACT, le clivage de la structure tige-boucle aboutit à la forme mature d’environ 22 nucléotides. Il existe toutefois des exceptions ; miR-451 n’est pas maturé par DICER mais par l’activité catalytique de Argonaute RISC catalytic component 2 (AGO2) (Cifuentes et al., 2010). Une fois sous forme mature, un seul brin est généralement incorporé dans le complexe de répression miR-mediated silencing complex (miRISC) et associé à TRBP, argonaute RISC catalytic component 1 (AGO1) et AGO2 qui en sont les principales protéines (Du et Zamore, 2005, Bartel et al., 2004). AGO1 lie directement le brin du miR sélectionné (Mourelatos et al., 2002) qui est également associé à FRMP (Jin et al., 2004). AGO2 est également contenu dans le complexe en association directe avec les miRs pour réguler la répression des ARN messagers (ARNm)

cibles (Hammond et al., 2001). Le complexe contient un certain nombre d’autres protéines telles que pumilio RNA-binding family member 2 (Pum2) et moloney leukemia virus 10 homolog (MOV10) (Figure 13).

Figure 13 : Voie de biogenèse des miRs (Olde Loohuis et al., 2012).

La voie principale de synthèse commence dans le noyau lors de la transcription des séquences par une ARN polymérase II, qui aboutit à la libération de séquences précurseurs pri-miRNA. Leur processing par la Rnase III Drosha aboutit à des précurseurs pré-miRs sous forme tige-boucle possédant à l’extrémité 3’ des nucléotides non appariés. La structure est reconnue par l'exportine-5 et transloquée dans le cytoplasme où elle est maturée par la Rnase III Dicer en séquence double brins dont le brin anti-sens est généralement sélectionné pour incorporer le miRISC silencing complex, composé de nombreuses protéines.

L’association du miR à sa séquence cible conduit à la répression de sa traduction ou le plus souvent à une dégradation de l’ARNm par désadénylation.

b. Mode d’action du complexe miRISC

Les possibilités de régulation post-transcriptionnelle des ARNm cibles par le complexe miRISC sont nombreuses puisqu’un miR peut cibler un grand nombre d’ARNm, tout comme un ARNm peut être ciblé par de nombreux miRs (Sinha et al., 2011, Peter, 2010, Wu et al., 2010, Bartel, 2009, Yoo et al., 2009). La reconnaissance des ARNm cibles se fait par complémentarité de séquence imparfaite ou « presque » parfaite (Bartel, 2009), entre la séquence « seed » du miR composée de 6 à 8 nucléotides (disposée de 2 à 5pb de son extrémité 5') et la séquence miR responsive element (MRE) de la région 3' untranslated region (UTR) des ARNm majoritairement (Bartel et al., 2004) ; il arrive également que l’association ait lieu en 5' UTR ou dans la région codante des gènes (Tay et al., 2008). L’association d’un miR à son ARNm cible aboutit à une répression de la traduction ou le plus souvent à une dégradation de l’ARNm par désadénylation (Yates et al., 2013, Ebert et Sharp, 2012, Pasquinelli, 2012, Huntzinger et Izaurralde, 2011, Guo et al., 2010, Du et Zamore, 2005, Bartel et al., 2004). L’inhibition de la traduction fait intervenir une interaction entre les protéines du complexe miRISC et les protéines d’initiation (Kong et al., 2008). La régulation est dépendante de la coiffe m7G en 5' UTR (Mathonnet et al., 2007, Wakiyama et al., 2007) puisque l’inhibition de la traduction est basée sur un système de compétition en 5’entre les protéines AGO et eukaryotic translation initiation factor 4E (eIF4E), qui lors de la traduction permet la circularité de l’ARNm en coopération avec les poly(A)-binding protein 1 (PABP1) (Sonenberg et Dever, 2003). D’ailleurs, de nombreux miRs sont associés aux polyribosomes (Kim et al., 2004, Nelsonet al., 2004). La perte de conformation conduit à une réduction de l’efficacité de la traduction ainsi qu’à une plus forte exposition de la queue 3’ poly-A aux exonucléases (Mathonnet et al., 2007). Suite à l’action du complexe miRISC, les ARNm dont la traduction est réprimée s’accumulent au sein des P-Bodies. Ces structures contiennent des enzymes de décoiffage (DCP1/DCP2) et de déadénylation (complexe CCR4/CAF1/NOT1). La protéine GW182 en est un composant majeur et son association avec la protéine Ago2 est responsable de la séquestration des complexes miRISC/ARNm cibles au sein des P-Bodies (Figure 13).

c. Interventions des miRs dans le système nerveux central

Les miRs possèdent une expression spatio-temporelle finement régulée (Cochella et Hobert, 2012, Kapsimali et al., 2007, Landgraf et al., 2007), qui permet leur contribution dynamique (Miska et al., 2004 ) aux processus de régulation des phénomènes de développement, de maturation cérébrale et de plasticité synaptique. La régulation de ces processus par les miRs est indispensable puisque l’absence totale de Dicer, et l’altération de l’expression des miRs qui en découle, est liée à une altération de la différenciation neuronale et à des défauts morphologiques du système nerveux central et périphérique. Leur régulation intervient dans différentes régions cérébrales ainsi que dans différents types cellulaires (Haramati et al., 2010, Huang et al., 2010, Kawase-Koga et al., 2010, Kawase-Koga et al., 2009, Cuellar et al., 2008, Davis et al., 2008, De Pietri Tonelli et al., 2008, Kim et al., 2007, Landgraf et al., 2007, Schaefer et al., 2007, Miska et al., 2004, Giraldez et al., 2005). De la même manière, des altérations du développement du système nerveux central, des défauts cognitifs d’apprentissage et de mémorisation spatiale ont été observés dans le cadre d’une absence de DGCR8 (Sellier et al., 2013, Wang et al., 2007, Stark et al., 2008, Babiarz et al., 2011). Les miRs sont exprimés dans tous les types de tissus ; cependant, ils peuvent être spécifiques de certains tissus voire de certaines structures. Le pré-miR-138 est ubiquitaire mais sa forme mature n’est exprimée que dans le cerveau et le foie ; puisque son transport cytoplasmique n’est pas altéré dans les autres tissus, c’est la régulation de sa maturation par Dicer qui est mise en jeu (Obernosterer et al., 2006). Au sein du système nerveux central, l’expression des miRs peut être homogène ou spécifique de certaines régions cérébrales (Olsen et al., 2009, Bak et al.,2008, He et al., 2007). Leur présence et celle des protéines impliquées dans leur mode de régulation, dans le cytoplasme de l’axone (Hengst et al., 2006 ; Giuditta et al., 2002) et des dendrites (Lugli et al., 2008 ; Kye et al., 2007) contribuent à la régulation de la traduction locale des ARNm ; bien que la majorité des mécanismes de traduction s’effectue dans le soma. Les pré-miRs sont transloqués dans différentes zones subcellulaires, comme les synapses, et maturés in situ (Lugli et al., 2008). Le transport implique une discrimination des différents pré-miRs puisque les miRs dérivés d’un même pri- miR, donc d’une même région génomique, présentent un profil d’expression variable dans les différents compartiments subcellulaires (Kye et al., 2007). Les processus mis en jeux demeurent cependant mal connus (Kaplan et al., 2009 ). Les mécanismes de traduction locale,

et la régulation par les miRs sont indispensables au développement du système nerveux central, à la neurogenèse (Doginiet al., 2008, Wheeleret al., 2006, Kosik et Krichevsky, 2005, Smirnova et al., 2005, Miska et al., 2004), à la différenciation (Krichevskyet al., 2006, Smirnova et al., 2005, Sempere et al., 2004), à la survie (Cox et al., 2008), à la guidance des axones (Aschrafi et al., 2010, Leung et al., 2006, Ming et al., 2002, Zhang et Poo, 2002, Campbell et Holt, 2001, Campbell et al., 2001), à la régénération axonale (Hanz et al., 2003, Zhang et al., 2001), à la mise en place des synapses (Schacher et Wu, 2002), et à la plasticité synaptique (Wang et al., 2009, Si et al., 2003, Beaumont et al., 2001, Martin et al., 1997) ; cette dernière étant déterminante dans les mécanismes de consolidation de la mémoire (Guzowski et al., 2000) (Figure 14).Toute altération peut donc aboutir à des déficits cognitifs (Ehninger et al., 2008). Lors des mécanismes de mémorisation, seules les synapses stimulées qui disposeront du matériel nécessaire vont profiter des mécanismes impliqués dans la plasticité synaptique (Bramham et Wells, 2007, Smart et al., 2007, Aschrafi et al., 2005, Kandel, 2001). La traduction locale est alors un avantage puisque peu de copies d’un ARNm transloquées à la synapse peuvent être traduites en grand nombre de protéines, tandis que les protéines traduites en grand nombre dans le soma nécessitent d’être transportées (Wang et al., 2010).

Figure 14 : Intervention des miRs dans les différentes étapes du développement du système nerveux central (adapté de Motti et al., 2012).

La mise en place du système nerveux central fait intervenir les miRs dans la régulation dans le temps et dans l’espace des gènes nécessaires aux différentes phases du développement, notamment par la régulation de la traduction locale.

Dans le cerveau, leur expression peut être dépendante d’une région cérébrale ou d’un type cellulaire, ou être ubiquitaire. Leur action peut également être spécifique d’une phase du développement ou impliquée dans différents processus : organisation structurale, prolifération, migration, différenciation, extension axonale ou synaptogenèse.

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