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La vitamine B9, ou folates

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III. Vitamines B9 et B12

1. La vitamine B9, ou folates

a. Structure, sources et besoins

Les folates (vitamines B9) sont des molécules hydrosolubles constituées d'un noyau ptérine, d'un acide para-aminobenzoïque et d'un acide glutamique (1 à 14 chaînes de glutamates) (Rebeille et al., 2006) (Figure 26). Déclinés sous la forme de nombreux dérivés,ils sont principalement organisés sous forme de polyglutamates (PG) liés à des protéines. Ce sont les dérivés réduits non oxydés qui constituent les formes biologiquement actives. Par leur rôle de co-substrats pour le transfert de groupes monocarbonés (Wagner, 1995) ils sont les acteurs principaux du cycle des folates.

Figure 26 : Structure de l’acide folique

L’acide folique est constitué d’un groupe 2-amino-4-hydro-ptérine et d’un acide para-amino- benzoïque qui forment un acide ptéroïque, lui-même associé à un acide L-glutamique pouvant porter un radical -OH s’il s’agit d’un folate monoglutamique ou une chaine -(γ-glutamyl)n s’il s’agit d’un

folate polyglutamique. R Molécule OH Folate monoglutamique Acide glutamique poly(γ-glutamyl)n Folate polyglutamique

La quantité nécessaire au renouvellement du stock est de 0,3mg/jour chez l'Homme. Puisque ces composés ne sont pas synthétisés par les mammifères, les principales sources d'acide folique proviennent de l’alimentation. On les trouve en forte quantité dans les abats (foies, rognons), les céréales et graines (blé, tournesols), les fruits (agrumes, abricots), les légumes verts et féculents (asperges, lentilles), le lait et les fromages fermentés (Iyer et Tomar., 2009). Une alimentation équilibrée suffit donc à couvrir les besoins quotidiens (Tableau 1) et correspond à 90% des apports, tandis que 10% sont synthétisés par la flore intestinale.

Individus B9 - ANC (µg/jour)

Nourrisson 70 Enfant (1 à 12 ans) 150 – 250 Adolescent (13 à 19 ans) 300 Homme adulte 330 Femme adulte 300 Femme enceinte 400 Femme allaitante 400

Personne âgée (> 75 ans) 400

Tableau 1 : Apports nutritionnels conseillés (ANC) en folates (AFSSA 2001)

b. Absorption des folates

L’action de protéases (pepsine, gastrine) et d’enzymes digestives spécifiques, comme la -glutamyl-hydrolase, permettent la rupture des liaisons aux protéines et l’hydrolyse des polyglutamates en monoglutamates (Yao et al., 1996).

L’internalisation cellulaire repose sur trois systèmes de transport. Les folates sont absorbés par les cellules intestinales du jéjunum proximal via un transport actif qui fait intervenir des « proton-coupled folates transporters » (PCFT) (Zhao et al., 2009) de forte

affinité pour l’acide folique. Le transport du folate est alors pH-dépendant et fait intervenir un co-transport d’ions H+. Ces récepteurs sont également exprimés dans le rein, le foie, le placenta, la rétine et le cerveau (Zhao et al 2009,Qui et al 2006). Des « reduced folate carriers » (RFC) sont présents mais non fonctionnels au niveau intestinal. Ils utilisent un transport PO43--dépendant qui est optimal à pH neutre. De haute affinité pour les folates réduits (Assaraf et Goldman 1997), ils interviennent dans les reins, les axones et dendrites ainsi que dans les cellules du canal rachidien (Wang et al., 2001). Les « folate receptors » (FR), qui utilisent un mécanisme d’endocytose, sont exprimés dans le cortex, le placenta, les glandes salivaires, l’utérus, le pancréas, les glandes bronchiques et les alvéoles pulmonaires, et sont de forte affinité pour l’acide folique et le 5meTHF. Ils sont présents dans un certain nombre de lignées tumorales, notamment IGROV1 (ovariancarcinoma, Weitman et al., 1992), Caco-2 (colon carcinoma) et KB (epidermoidcarcinoma) (Kane et al., 1986, Antony et al., 1985). Dans le cadre d’un excès de folates, il peut exister un gradient passif (Galivan et al., 2000, Nguyen et al., 1997, Rosenberg, 1990) (Figure 27).

Figure 27 : Absorption intestinale des folates

Les enzymes digestives FGCP clivent les polyglutamates en monoglutamates, absorbables au niveau du jéjunum proximal. Trois transports de folates existent : les FR (transporteurs de folates) qui utilisent un mécanisme d’endocytose, les PCFT qui font intervenir un co-transport H+ et les RFC qui se basent sur un transport PO4

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. Ces derniers ne sont pas fonctionnels au niveau intestinal.

FGCP : folylpolyglutamate carboxypeptidase ou -glutamyl-hydrolase, PCFT : proton-coupled folates transporter, RFC: reduced folate carriers, Transporteur de folates : folate receptor.

c. Cycle des folates

Les cellules intestinales peuvent transformer une fraction des folates en méthyl- tétrahydrofolates (Me-THF), par réduction (Rosenberg, 1990). Néanmoins, la majeure partie de l’acide folique est transférée en l’état aux cellules hépatiques, qui sont le lieu principal du métabolisme des monoglutamates.

Au sein des cellules hépatiques, l’acide folique (vitamine B9) est réduit en dihydrofolate (DHF) par la dihydrofolate-réductase (DHFR) puis en tétrahydrofolate (THF) par la même enzyme. Le THF peut être catabolisé en polyglutamates (PG) pour être stocké, ou être méthylé pour donner les formes circulantes du folate. Dans ce cas, la sérine hydroxyméthylase (SHMT) transforme un résidu sérine en glycine pour céder un groupement méthylène au THF et former une molécule de 5,10-méthylène-tétrahydrofolate (5, 10meTHF) (Matthews et al., 1982). Le 5,10meTHF est alors réduit par la 5,10-méthylène- tétrahydrofolate-réductase (MTHFR) pour former le 5-méthyl-tétrahydrofolate (5meTHF) qui est pris en charge par la méthionine synthase (MTR ou MS) dont la vitamine B12 (Cbl, pour cobalamine) est le coenzyme. Cette réaction permet de reconstituer le pool de THF en libérant un groupement méthyle (-CH3) (Figures 28 et29). La forme Me-THF correspond également à la forme principale de transport et d’absorption pour les cellules périphériques.

Figure 28 : Structures des formes tétrahydrofolates (THF) dérivées de l’acide folique

Les forment tétrahydrofolates (THF) dérivées de l’acide folique se différencient par leur groupement en N5 et N10. Les formes réduites 5-methyl-THF et 5,10-méthylène-THF sont les formes biologiquement actives. Il existe également plusieurs dérivés réduits (méthylène-THF, formimino-THF ou formyl-THF).

Figure 29 : Cycle des folates (d’après Tchantchou, 2006)

Le métabolisme des folates aboutit à la formation des dérivés THF des folates. La forme méthylée 5- méthylTHF est impliquée dans les réactions de transfert de groupement méthyle. La forme 5,10- méthylèneTHF puis 7.8-dihydrofolate assure la reconstitution du pool de THF. Les formes 5,10- méthylèneTHF et 10-formylTHF contribuent à la synthèse des constituants de l’ADN.

10-formylTHF: 10-formyl tétrahydrofolate, 5-MéthylTHF: 5-méthyl tétrahydrofolate, 5,10-MTHF: 5,10-méthylène tétrahydrofolate, 5,10-MTHFR: 5,10-méthylène tétrahydrofolate réductase, dTMP: déoxythymidine 5’-monophosphate, dUMP: déoxyuridine 5’-monophosphate, NADP: nicotinamide- adénine dinucléotide phosphate, THF: tétrahydrofolate, TS: thymidylate synthase

Etat R’ X-THF N5 N10 X Réduit Oxydé CH3 H 5-méthyl CH2 5,10-méthylène CH 5, 10-méthényl CHNH H 5-formimino CHO H 5-formyl H CHO 10-formyl

La forme active 5-meTHF est libérée dans la circulation et transportée jusqu’aux cellules périphériques sous forme libre (1/3) ou liée à des protéines (2/3). L’albumine et l’ 2- macroglubuline sont des protéines de faible affinité qui délivrent les folates dans certains tissus préférentiels comme le placenta et les tissus fœtaux. Les « soluble-folate binding proteins » (S-FBP) de haute affinité, présentes en faible quantité, permettraient le transport des folates vers le foie. Dans la majorité des cellules périphériques, des folates receptors (FR) permettent l’internalisation du 5-meTHF. L’acide folique peut pénétrer plus difficilement, avec un taux 6 fois plus faible dans les cellules, et doit subir les deux réactions successives de la DHFR pour donner une molécule de THF. La moitié des apports seront attribués aux mitochondries où ils exerceront une fonction de transfert de radicaux monocarbonés différente de la fraction cytosolique. La fraction du Me-THF non utilisée peut être catabolisée en THF puis en PG par la folylpolyglutamate synthase (FGPS) (principalement en pentaglutamates) (Figure 30).

Figure 30 : Synthèse de la distribution hépatique et périphérique des folates et de leurs modifications.

Dans un premier temps l’acide folique absorbé au niveau intestinal est transporté dans le sang vers les cellules hépatiques. Le métabolisme en DHF puis THF peut aboutir à la formation de PG pour stocker une partie des apports ou à la formation de CH3-THF qui correspond à la forme

biologiquement active et à la forme principale de transport. La forme CH3-THF est libérée dans le

sang, où elle est généralement liée à des protéines telles que l’albumine, et est délivrée aux cellules périphériques où le CH3-THF sera utilisé au niveau du cytoplasme ou de la mitochondrie. La fraction

non catabolisée peut également y être transformée en THF puis PG pour être stockée.

La quantité de folates stockée reste toutefois faible (5 à 15mg, soit les besoins pour 4 mois) et ne permet pas de subvenir aux besoins accrus dans certaines conditions, comme au cours de la grossesse. La concentration en folates plasmatiques est de 5 à 15µg/L, bien en deçà des valeurs érythrocytaires comprises entre 150 et 450µg/L de globules rouges. Dans le liquide céphalorachidien le taux est compris entre 45 et 60µg/L.

Quotidiennement, une faible fraction de folates est éliminée par voie urinaire : 1 à 10µg sont excrétés sous forme de métabolites (ptéridine et acide benzoylglutamique). La majeure partie des folates sont réabsorbés au niveau des tubules rénaux. Quant aux fécès, ils contiennent 20% de folates alimentaires non absorbés, la fraction de folates produite par la flore intestinale et la fraction provenant de l’excrétion biliaire.

d. Carences en vitamines B9

Les causes d’une carence en folates peuvent être variées. Une malabsorption intestinale peut avoir lieu dans le cadre du vieillissement, de résections intestinales ou de maladies inflammatoires comme les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Les interactions médicamenteuses peuvent induire un défaut d’absorption ou de métabolisme des folates ; c’est le cas notamment de certains traitements de chimiothérapie (méthotréxate, 5-fluoro-uracil), de traitements pour des pathologies comme l’épilepsie (anticonvulsivants), de traitements hormonaux (pilule contraceptive), ou dans certaines pathologies comme l’alcoolisme. Certaines périodes de la vie nécessitent que les apports en vitamines B9 soient augmentés : lors de pathologies ou d’évènements impliquant une stimulation de l’érythropoïèse (leucémie, hémorragie ou hémolyse, …), chez les personnes âgées (malabsorption digestive), ou chez la femme enceinte ou allaitante sujette à une augmentation du métabolisme (2 à 3mg/jours nécessaires au cours du développement) (Tableau 2).

Au final, 10% à 20% de la population mondiale serait sujette à une carence. A ce jour, l’OMS classe les carences en vitamines B en priorité II.

Type Cause Exemple

Malabsorption Inflammation Maladie inflammatoire chronique (MICI) Acte chirurgical Résection intestinale

Métabolique Interaction médicamenteuse Chimiothérapie, pilule contraceptive

Addiction Alcoolisme

Polymorphisme génétique DHFR Déficit des

apports

Régimes Trouble du comportement alimentaire Destruction Cuisson excessive

Augmentation des pertes Traumatismes Hémorragies Pathologies Leucémie Augmentation des besoins

Grossesse Développement foetal et lactation Vieillissement Malabsorption, polymédication

Tableau 2 : Synthèse non exhaustive des causes de déficience en vitamine B9

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