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QUELLES VOIES DE L’EFFICACITÉ PROPOSER ?

La synthèse que la sociologue Marie Duru-Bellat a proposé en 2002 est très explicite sur la question de l’efficacité pédagogique, en relation avec la rentabilité de l’école. Il vaut la peine de citer quelques-unes de ses conclusions significatives. D’abord pour l’établissement…

8 D’après : «Économie de l’éducation», in: PASTIAUX G. & J., Précis de pédagogie, Nathan1997; Dictionnaire

encyclopédique de l’éducation et de la formation, Nathan «Université» 1994 (JAROUSSE J.-P.).

« La recherche donne une idée assez précise de ce à quoi ressemble un collège ou une école efficace; mais il est plus difficile de trancher sur ce qui fait qu’un établissement est plus performant qu’un autre (…).

Les établissements performants sont plus souvent, en moyenne, ceux qui accueillent un public de milieu aisés. (…) L’hétérogénéité du public d’élèves est également associée à plus d’efficacité et surtout à plus d’équité (moindre écart entre les “forts” et les “faibles”); les élèves des collèges à population hétérogène tendent après deux ans à se ressembler davantage : à l’inverse, les différences de performance s’accentuent dans les collèges dont la population était au départ relativement homogène.

Dans les pays anglo-saxons, le courant dit de la school effectiveness a produit une masse de résultats convergents sur les facteurs pédagogiques propres à l’école associées à une bonne efficacité, avec en particulier une forte emprise du chef d’établissement, des attentes élevées à l’encontre des élèves, une polarisation sur les acquis de base, un climat de sécurité et d’ordre, des évaluations fréquentes des progrès des élèves.

En France, le rôle du chef d’établissement n’apparaît pas aussi nettement. Mais on retrouve, en premier lieu, une forte « exposition à l’apprentissage », avec une utilisation optimale du temps scolaire et peu d’absentéisme, des attentes élevées de la part des enseignants, et donc une valorisation marquée du travail scolaire, attentes élevées qui sont partagées avec les parents et les élèves, la qualité des relations entre enseignants et élèves et de la vie au collège, la clarté des règles, l’existence de droits et de responsabilités pour les élèves et un climat paisible sont particulièrement importants pour les élèves en difficulté au début du collège. De manière générale, c’est le « climat » de l’établissement qui s’avère important. (…)

(Toutefois) la notion de « climat de l’établissement », malgré sa vraisemblance sociologique, reste fragile. Elle suppose au niveau de l’établissement l’existence d’un état d’esprit spécifique (…). Or la variance des attitudes et conceptions pédagogiques des enseignants d’un même collège s’avère aussi grande que celle des enseignants au niveau national.

Par ailleurs, en milieu défavorisé, l'obsession de la discipline ou la raideur de fortes exigences peuvent être contre-productrices (alors qu’elles s’avèrent propices aux progressions dans les collèges plus favorisés), tandis que la chaleur des relations, l'encouragement à la réussite de tous, le soutien parental y sont au contraire des facteurs particulièrement favorables. (…). »10

Ensuite dans les classes…

« Parmi les caractéristiques de la classe associées à de meilleurs progressions, il y a l’existence de plusieurs niveaux en son sein, sans doute parce que ce type de classe exige une organisation très planifiée du temps de travail des élèves, une forte structuration de l’enseignement et contraint par ailleurs les élèves à une certaine autonomie.11 Concernant la taille des classes, la plupart des études ne font pas apparaître de relations significatives avec les progressions des

10 DURU-BELLAT Marie, Les inégalités sociales à l’école. Genèse et mythes, Paris PUF “Éducation et formation”

2002, pp. 110-113.

11 Bien entendu, puisque tout élève enseigné seul… apprend et que la pédagogie de l’exercice a prévalu avec succès

comme pédagogie massive jusqu’au XIXe siècle, avant d’être, dans le secondaire, supplantée par la pédagogie magistrale.

élèves, mais certaines d'entre elles (…) pointent néanmoins un effet négatif, mais quantitativement limité, d’une taille élevée (dans une fourchette comprise entre 17 et 27 élèves).

Parmi les caractéristiques de la classe, la composition scolaire du public rassemblé pour les activités d’enseignement apparaît essentielle. La recherche anglo-saxonne souligne à l’envi l’importance de school mix, dans sa dimension scolaire et sociale. (…) La façon dont les établissements gèrent de fait l’hétérogénéité de leur public d’élèves peut prendre la forme officiellement interdite (au collège, en France), et donc souvent taboue de la constitution de classes de niveau. (…) Plus les classes diffèrent en niveau moyen, plus le public de chacune d’entre elles aura tendance à être de niveau plus homogène. (…)

La constitution de « micro-milieux » typés a-t-elle des incidences sur les progressions des élèves? Les élèves progressent d’autant plus qu’ils sont scolarisés dans une classe de niveau moyen élevé (…). Les progressions sont d’autant meilleures que l’hétérogénéité de la classe est forte (…)

La fréquentation d’une classe hétérogène a des effets diversifiés selon le niveau initial des élèves : les plus faibles « gagnent » à fréquenter ce type de classe dont le niveau moyen est le plus souvent supérieur au leur), alors qu'à l’inverse, les plus forts y perdent. Mais ce que gagnent les faibles est environ deux fois plus important que ce que perdent les forts (…).

Les progressions peuvent cependant s’avérer meilleures et moins inégales si le souci d'adaptation au niveau de l’élève se traduit par l’organisation de groupes homogènes flexibles (dans la perspective de la pédagogie de maîtrise), ou encore plus simplement, par des annotations détaillées sur les copies ou des conseils personnalisés. »12

Le chapitre conclut sur un constat éclairant: si les ZEP, en France, se sont montrées impuissantes à réduire l’écart entre les élèves des quartiers défavorisés et les autres, principalement parce que les dispositifs réservés à de tels élèves sont contrariés par des « effets d’étiquetage » négatifs, elles sont en revanche parvenues à compenser les conséquences néfastes de la concentration d’élèves de milieu défavorisé.

EN UN MOT, D’APRÈS LA RECHERCHE SOCIOLOGIQUE DES