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B. DES CENTRES DE VACCINATION CONTESTÉS DANS LEUR PRINCIPE

3. D’autres voies explorables

Les centres de vaccination n’étant pas suffisants pour relever le défi d’une vaccination de masse et rapide, quelles sont les pistes à explorer pour se préparer aux futures pandémies ?

a) Le recours à la médecine ambulatoire

● Une campagne de vaccination qui a pâti de l’exclusion de la médecine ambulatoire

La campagne de vaccination a souffert d’un grand paradoxe : elle n’a pas reposé sur les médecins généralistes et, d’une manière générale, les acteurs de la médecine de ville, alors que ceux-ci sont les interlocuteurs naturels de nos concitoyens sur les questions de santé, et sont rompus à l’exercice de la vaccination contre la grippe saisonnière.

La table ronde à laquelle a procédé la commission d’enquête avec les principaux syndicats des professions de santé (1) a pu montrer l’incompréhension qui en a résulté : M. Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux, a ainsi parlé de « révolte » des médecins, jugeant que leur réseau de proximité avait été « court-circuité ». Il est vrai que certains arguments avancés pour justifier le recours aux centres de vaccination ont pu sembler maladroits, voire même désinvoltes, pour ces professionnels de santé : on leur a ainsi contesté leur capacité à garantir le respect de la chaîne du froid – alors qu’ils disposent bien évidemment des équipements nécessaires. Et on voit mal des médecins accepter de vacciner sans ces équipements.

Par ailleurs, il a été recouru à la médecine de ville dans un certain nombre d’autres pays, comme aux Pays-Bas, dans la plupart des Länder d’Allemagne ou en Belgique, ce qui aurait pu militer en faveur d’une telle solution en France. Les expériences étrangères doivent toutefois être analysées au prisme de l’organisation du système de santé propre à chaque État. Certes, en Belgique, les médecins généralistes ont été chargés de la vaccination et se sont procuré directement et gratuitement les doses de vaccins auprès des pharmacies. Mais,

(1) Audition du 27 avril 2010.

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dans la pratique, ils se sont souvent regroupés autour des cercles de médecine générale pour procéder à des vaccinations de groupe, cette solution étant jugée plus rapide et plus opérationnelle. Les vaccinations se sont donc en général déroulées dans des salles mises à disposition par les communes.

Il n’en demeure pas moins qu’en France, les praticiens, exclus du dispositif, n’y ont pas adhéré ; ils n’ont donc pas joué leur rôle de relais essentiel des politiques de santé publique auprès de leurs patients, ce qui s’est finalement traduit par une couverture vaccinale très décevante.

● L’impossibilité de faire reposer une campagne de vaccination pandémique exclusivement sur la médecine ambulatoire

Si le rôle de la médecine ambulatoire doit être reconnu pour mener avec succès une campagne de vaccination pandémique, il convient de garder à l’esprit que celle-ci se déroule a priori dans un contexte d’incertitude scientifique : le virus est capable de muter, un deuxième pic peut survenir… Il faut donc impérativement préserver la capacité de l’offre de soins à faire face à un afflux de patients atteints par la maladie pour les traiter.

En outre, les médecins libéraux sont certes sans doute les mieux placés pour vacciner leurs patients habituels, mais se pose la question de la vaccination des personnes isolées et de certains publics défavorisés pour lesquels l’argument de la gratuité peut être important. Quand on vise une vaccination universelle, il faut mettre en place un dispositif permettant à tous d’en bénéficier.

Enfin, la capacité de la médecine ambulatoire à se consacrer à une vaccination pandémique n’est pas uniforme. La nécessité d’assurer une traçabilité suppose des formalités administratives longues et fastidieuses, que tous les cabinets ne pourraient assumer faute d’un secrétariat suffisamment étoffé. En cas de conditionnement des vaccins en multidose, leur activité doit être suffisamment importante pour pouvoir regrouper les vaccinations sur une journée – c’est sans doute le cas dans les cabinets de groupe ou les maisons de santé. Les professionnels doivent par ailleurs être suffisamment disponibles pour se ravitailler en vaccins. Enfin, ils doivent disposer de locaux permettant d’établir deux circuits séparés, l’un dédié aux malades et l’autre aux personnes à vacciner.

La participation de la médecine ambulatoire doit donc reposer sur le volontariat pour tenir compte de ces contraintes matérielles. Les praticiens sont responsables ; ils savent si leurs conditions d’organisation leur permettent ou pas de participer à un dispositif de vaccination pandémique.

● Une piste à envisager : favoriser le recours à la médecine ambulatoire Tous ces éléments conduisent à penser qu’une campagne de vaccination pandémique devrait favoriser le recours à la médecine ambulatoire tout en prévoyant un système parallèle capable de se consacrer uniquement à une vaccination collective. Le choix de l’une ou l’autre forme reposerait sur la personne souhaitant se faire vacciner. Cela aurait évidemment un coût, qui est,

reconnaissons-le, difficile à évaluer : il dépendrait de la tarification de l’acte, de l’affluence dans les cabinets par rapport aux centres, et plus généralement de l’adhésion de la population à la vaccination. Mais ce coût doit être accepté si l’on veut une campagne qui produise des résultats en termes de couverture vaccinale.

Cette voie doit être sérieusement explorée, et dès à présent, pour être préparé à une future pandémie. Cela suppose une concertation approfondie avec les professions de santé pour déterminer les modalités de leur intervention.

Proposition n° 20 : Favoriser le recours à la médecine ambulatoire parallèlement à des centres de vaccination spécifiques en cas de campagne de vaccination pandémique.

Proposition n° 21 : Inscrire dans le champ des conventions nationales liant l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et les syndicats de professionnels de santé les conditions d’exercice de la vaccination pandémique.

Proposition n° 22 : Entamer une concertation entre les agences régionales de santé et les représentants des professionnels de santé, en particulier les unions régionales et les conseils des ordres, pour inscrire dans les schémas régionaux d’organisation des soins les modalités concrètes de recours à la médecine ambulatoire pour une vaccination pandémique.

b) L’appel aux établissements de santé

Les hôpitaux ont été sollicités, à partir du 20 octobre 2009, pour vacciner les professionnels de santé qui figuraient parmi les populations prioritaires, avec un succès d’ailleurs mitigé, comme on l’a vu plus haut (1). Cette vaccination a par ailleurs été élargie à certains malades atteints d’affections chroniques, et, à compter du 3 décembre 2009, à l’entourage des personnels hospitaliers voire même, dans certains cas, aux populations avoisinantes (2). Aurait-on pu aller au-delà et envisager de pratiquer la vaccination de l’ensemble de la population dans les établissements de santé dont la localisation était évidemment mieux connue que celle de certains gymnases ou salles polyvalentes ?

En première approche, on pourrait être tenté de répondre par l’affirmative : en effet, pourquoi affecter à des centres de vaccination des personnels hospitaliers, notamment des internes, au risque de désorganiser les hôpitaux alors que l’on a manifestement eu les moyens, à un moment donné, de vacciner sur place ? C’est d’ailleurs la position qu’a défendue auprès de la commission d’enquête M. Benoît Leclercq, directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, qui a estimé que « La vaccination du public aurait pu être organisée dans les hôpitaux, qui savent gérer des files d’attente et des prises de rendez-vous » (3).

(1) Voir la partie A du I du présent rapport.

(2) Audition de Mme Annie Podeur, directrice générale de l’offre de soins, 7 avril 2010.

(3) Audition du 7 avril 2010.

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Il convient en réalité de se replacer dans le contexte du début de la pandémie, caractérisé par une incertitude sur sa gravité et surtout son évolution.

Dès lors, trois arguments militent contre l’organisation d’une campagne de vaccination généralisée dans les hôpitaux.

En premier lieu, comme l’a souligné M. Jean Leonetti, président de la Fédération hospitalière de France (1), il convient de préserver la mission essentielle des hôpitaux : traiter les cas graves. Décider d’organiser la vaccination dans les hôpitaux aurait consisté à accepter, par avance, de courir le risque que les moyens ainsi « détournés » ne puissent être affectés au traitement des cas les plus sévères causés par une éventuelle aggravation de la pandémie.

En deuxième lieu, il est difficilement envisageable de vacciner des personnes vulnérables, notamment des personnes appartenant aux catégories prioritaires, au même endroit ou à proximité de malades gravement atteints par le virus.

Enfin, se pose la question, loin d’être accessoire, des moyens et de la logistique : ainsi que l’a exposé M. Jean Leonetti, « la vaccination à l’hôpital n’est possible que sous certaines conditions : l’hôpital doit avoir des locaux vides suffisamment grands et il faut prévoir un apport supplémentaire de personnels extérieurs afin de ne pas déprogrammer les activités quotidiennes de l’hôpital, surtout en période hivernale où se développent d’autres pathologies. » En cas d’afflux soudain de personnes à vacciner, comme cela a pu être observé à la fin du mois de novembre dans les centres, les hôpitaux auraient eu le plus grand mal à assurer à la fois leurs missions traditionnelles et la vaccination.

Le recours systématique aux hôpitaux ne semble donc pas être la solution d’avenir. Tout au plus pourrait-on envisager un assouplissement du dispositif en les faisant participer à la vaccination de la population générale en toute fin de campagne, lorsqu’il est constaté que l’afflux dans les centres s’est tari.

c) L’organisation de campagnes déconcentrées de vaccination dans les communautés de taille importante

Une autre voie pouvant être explorée est celle de campagnes de vaccination déconcentrées, soit par des équipes mobiles, soit par des professionnels de santé exerçant sur place, dans les communautés de grande taille telles que les principaux opérateurs ou grandes entreprises, les administrations centrales ou même les services des collectivités territoriales les plus importantes, sur le modèle de ce qui a été réalisé à la toute fin de la campagne de vaccination.

C’est aussi le choix qui a été fait pour la vaccination dans les collèges et les lycées et qui n’a pas connu de dysfonctionnements majeurs, grâce à la mobilisation des personnels de ces établissements. Il serait également utile d’avoir recours à des équipes mobiles pour vacciner les personnes isolées, en s’appuyant sur les réseaux

(1) Audition du 26 mai 2010.

de solidarité de proximité qui permettraient d’identifier et d’accéder à ces dernières, comme l’a suggéré M. Atanase Périfan, président de l’association Voisins solidaires (1).

Une telle solution ne pourrait évidemment pas constituer le seul mode de vaccination en raison du caractère très partiel de la population concernée. Elle ne serait en particulier pas adaptée à la vaccination des groupes prioritaires, géographiquement disséminés. Elle permettrait néanmoins, si l’on équipait les services de santé présents dans certaines grandes communautés et les équipes mobiles de matériel de transport et de stockage adéquat, de se plier à la contrainte d’un conditionnement des vaccins en multidose et de désengorger d’autant les lieux d’offre de soins ou les éventuels centres spécifiques. L’exigence de traçabilité serait satisfaite par la nécessité de présenter, pour chaque personne souhaitant se faire vacciner, son bon de vaccination.

Proposition n° 23 : Lorsque cela est possible, déconcentrer les vaccinations pandémiques dans les communautés de grande taille telles que les établissements scolaires, grandes entreprises et administrations qui bénéficient d’équipes médicales appropriées.

C . UN E MI SE EN Œ U V RE Q UI A MAN Q U É D E SO U P LE SS E