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Voie directe, voie indirecte dans le striatum

Chapitre 2 – La voie mésocorticolimbique

B. Dopamine, récepteurs et voies directes et indirectes

3. Voie directe, voie indirecte dans le striatum

Comme précédemment mentionné, chez le rongeur, le striatum est composé d’environ 90-95% de cellules présentant un péricaryon de taille moyenne à épines dendritiques denses, appelés MSNs. Ces neurones peuvent être distingués en deux populations en fonction des récepteurs qu’ils expriment (D1R vs. D2R) et de leurs sites de projection. Cette dichotomie anatomique mais aussi fonctionnelle a d’abord été mise en évidence au niveau du striatum dorsal. En effet dans cette structure les MSNs exprimant D1R (MSNs-D1R) projettent monosynaptiquement au globus pallidus médian (MGP) et vers la substance noire pars reticulata (SNr) formant ainsi la voie striatonigrale directe. Les MSNs-D2R quant à eux projettent vers le globus pallidus latéral (LGP) et atteignent la SNr et le MGP via des relais synaptiques au niveau du noyau subthalamique (STN) formant la voie striatopallidale indirecte (Figure 5) (Gerfen and Surmeier, 2011, Lobo et al., 2006, Lobo and Nestler, 2011, Ena et al., 2011, Schiffmann et al., 1991, Gerfen et al., 1990).

Il y a une trentaine d’années, des chercheurs ont posé l’hypothèse d’une organisation duale du striatum dorsal et de sa fonction régulatrice de la commande motrice (Albin et al., 1989). Selon le modèle classique, les voies directe et indirecte exercent une activité opposée et complémentaire sur le contrôle du comportement moteur. L’activation des MSNs striatonigraux inhiberait les neurones GABAergiques de la SNr et du MGP, entrainant une désinhibition des neurones glutamatergiques thalamocorticaux. Ainsi, l’activation de la voie striatonigrale favoriserait le mouvement (Figure 5A). Inversement, l’inhibition du LGP par les neurones GABAergiques striatopallidaux désinhiberait les neurones glutamatergiques du noyau subthalamique (STN). L’activation conséquente des neurones GABAergiques du MGP et du SNr inhiberaient ainsi le thalamus et donc l’activité locomotrice (Figure 5B) (Cui et al., 2013 ; Ena et al., 2011, Calabresi et al., 2014, Valjent et al., 2009). Cependant, l’identification précise des différences fonctionnelles des deux sous-populations de MSNs a été limitée du fait de leurs similarités morphologiques et de leurs distributions hétérogènes au sein du striatum.

Figure 5. Représentation schématique de l’activation des voies de projection directe (A) et indirecte (B) dans le striatum chez le rongeur.

A. Les neurones de la voie directe favorisent le mouvement en réduisant l'inhibition s’exerçant sur le thalamus. B. L'activation de la voie de projection indirecte conduit à l'inhibition du thalamus et par conséquent, de la voie thalamo-corticale. Les synapses excitatrices (glutamatergiques) sont représentées en forme de « flèche ». Les synapses inhibitrices (GABAergic) sont représentées par une barre. Les synapses modulatoires (DA) ont une forme arrondie. Les lignes en tirets indiquent l’inactivité de la projection tandis que les lignes en gras indiquent une activité accrue. Abbréviations : LGP, MGP : glubus pallidus latéral et médian respectivement ; STN : noyau subthalamique ; SNc, SNr : substance noire pars compacta et reticulata respectivement ; VTA : aire tegmentale ventrale. (Adapté de Voorn et al., 2004; Gerfen and Surmeier, 2011; Albin et al., 1989; Calabresi et al., 2014).

L’émergence d’une méthodologie de ciblage de types cellulaires spécifiques, notamment la transgénèse par insertion de chromosomes artificiels bactériens (BAC), l’optogénétique et la transgenèse virale, a rendu possible l’étude spécifique des neurones striatonigraux et / ou striatopallidaux et de leurs fonctionnalités respectives. Par exemple, l’utilisation de lignées de souris BAC dans lesquelles l’EGFP ou tdTomato (protéines fluorescentes verte et rouge, respectivement) sont exprimées sous le contrôle du promoteur de DRD1 ou de DRD2 a permis de confirmer les patterns de projections décrits ci-dessus. Aussi, ces souris ont pu être utilisées afin de quantifier les proportions de MSNs exprimant D1R, D2R ou les 2 (table 1) (Valjent et al., 2009).

Table 1. Estimation des populations cellulaires dans le striatum de souris transgéniques BAC exprimant EGFP.

Ces nouvelles techniques de marquage ont également révélé que le niveau de ségrégation des voies directe et indirecte n’est pas aussi tranché que ce que l’on pensait. Par exemple, alors que les MSNs projetant vers le SNr expriment D1R (et très peu D2R), quelques fibres exprimant D1R projettent au LGP (Matamales et al., 2009). Ce résultat pourrait indiquer que des neurones co-exprimant D1R et D2R projettent au LGP ou bien que les MSNs striatonigraux envoient des fibres collatérales au LGP. Cette dernière hypothèse semble avoir été confirmée par des résultats montrant que l’excitabilité de la voie indirecte module le nombre de fibres collatérales de la voie directe au LGP (Cazorla et al. 2014). Au final, ces études de marquage de neurones unitaires montrent que chez le rat, ce ne sont que 40% environ des MSNs qui ne projettent qu’exclusivement au LGP (voie indirecte « pure »), tandis qu’une petite minorité (3%) ne projette qu'au SNr (voie directe « pure »). Les 60% de neurones restants se projetant vers le SNr possèdent des champs terminaux collatéraux dans le LGP (Kawaguchi et al., 1990 ; Wu et al., 2000 ; Fujiyama et al., 2011). Des observations similaires ont été faites chez les primates non humains (Levesque and Parent, 2005 ; Nadjar et al., 2006).

Bien qu'elles ne soient pas parfaitement séparées, les spécificités fonctionnelles des voies directes et indirectes ont cependant été confirmées. En effet, l'ablation chimio-génétique de MSNs-D2R dans tout le striatum, ou restreinte à sa portion dorsomédiale, aboutit à un phénotype hyper-locomoteur (Durieux et al. 2009, Durieux et al., 2012). Inversement, la stimulation optogénétique de cette voie induit le gel (freezing) de l’action locomotrice ainsi qu’une diminution de son initiation (Kravitz et al., 2010 ; Cazorla et al., 2014). D’autre part, l'ablation des MSNs-D1R induit une hypo-locomotion, même lorsqu’elle est limitée au striatum dorsomédial, alors qu’inversement, la stimulation optogénétique de cette voie réduit le freezing et augmente l'activité locomotrice (Durieux et al., 2012 ; Kravitz et al., 2010 ; Cazorla et al., 2014).

Il est important de noter que ces sous-populations de projections des MSNs ont été dans un premier temps, davantage caractérisées dans le striatum dorsal. La caractérisation des voies efférentes depuis le NAcc a toutefois également révélé une ségrégation de ces circuits bien que davantage de MSNs exprimant à la fois D1R et D2R sont présents dans la partie shell (Table 1). Dans ces circuits, la sous-population MSNs-D2R du NAcc projette au pallidum ventral qui projette ensuite vers le mésencéphale (VTA et substance noire) mais également vers le noyau sous-thalamique et le thalamus dorsomédian. Cette voie est considérée comme l’équivalent fonctionnel de la voie indirecte. Les MSN-D1R projettent directement vers la VTA formant ainsi la voie directe, mais projettent également au niveau du pallidum ventral (Kupchik et al., 2015) (Figure 6). Ces voies directe et indirecte et ont été impliquées dans la régulation bidirectionnelle des comportements appétitifs-aversifs (Gerfen, 1992, Nicola, 2007, Smith et al., 2013).

Figure 6. Représentation schématique des voies efférentes depuis le NAcc.

Les projections des MSNs-D1R/D2R au VP se chevauchent, avec le NAcc core projetant au dlVP et la portion shell projetant au vmVP. Le dlVP projette au STN et au SN (lignes rouges pleines), avec une contribution mineure au MD (lignes pointillées). Le vmVP projette à la VTA et au MD (lignes noires pleines). Différemment des projections depuis le NAcc au VP, les innervations depuis le NAcc au mésencéphale constituent une voie entièrement directe et ne contient que des axones de MSNs-D1R. Abbréviations : vmVP, dlVP : pallidum ventral ventromédial et dorsolatéral respéctivement ; MD : thalamus médiodorsal. (Smith et al., 2013).

Des découvertes récentes confirment en effet des fonctionnalités distinctes de ces voies directe et indirecte dans la médiation des processus de renforcement et de punition. Alors que l'activation optogénétique de la voie directe augmente le renforcement (les souris s’auto-stimulent cette voie), l'inactivation de ces neurones par blocage réversible de la neurotransmission diminue la préférence de place conditionnée (conditional place preference, CPP) pour les stimulus appétitifs (cocaïne et chocolat). En revanche, l'activation des MSNs indirects induit une punition transitoire (les souris évitent le déclencheur qui illumine la voie indirecte) alors que le blocage de la transmission de cette voie altère le comportement aversif sans effet sur le renforcement (Kravitz et al., 2012, Hikida et al., 2010). Il a également été montré que l’inhibition pharmacologique de D1R (antagoniste de D1R SCH23390) dans le NAcc mime le déficit en renforcement causé par un blocage de la transmission neuronale de la voie directe. Inversement, le blocage de la transmission de la voie indirecte ou l’activation de D2R (agoniste de D2R, quinpirole) dans cette structure altère l’apprentissage d’un comportement d’évitement face à un stimuli aversif (Hikida et al., 2013). D’autre part, l’inhibition des neurones DA de la VTA provoque des réponses aversives au compartiment sombre préféré chez l’animal non traité, et cette réponse est supprimée par la délétion de D2R mais pas de D1R (Danjo et al., 2014).

Contrairement aux études rapportées ci-dessus dans lesquelles l'inactivation des neurones striatopallidaux n'a aucun effet sur la CPP, l’inhibition de cette voie chez le rat et chez la souris entraine une augmentation de la sensibilisation locomotrice à l’amphétamine et une CPP, respectivement (Ferguson et al., 2011 ; Durieux et al., 2009). De même, Lobo et al. (2010) ont démontré que l'activation de la voie indirecte diminuait la CPP conditionné par la cocaïne, tandis que l'activation des MSNs de la voie directe produit l'effet inverse (Lobo et

al., 2010). En résumé, les données suggèrent que la transmission de la voie striatonigrale favorise le renforcement, tandis que les circuits striatopallidaux inhibent le renforcement aux drogues. En outre, la transmission striatopallidale est essentielle pour un comportement d'apprentissage et d'évitement aversif.

Comme nous le développerons dans les sections suivantes, le recrutement de voies spécifiques est également associé à la régulation des comportements sociaux y compris liés au statut de dominance.

4. Dopamine, modulation glutamatergique et plasticité synaptique