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IV. Les dérégulations calciques au cours de l’hypertrophie cardiaque et de l’IC

1) Voie de la CaMKII/HDACs

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et la voie de la CaN/NFAT. Ces deux voies sont activées en réponse à une élévation de la [Ca2+]i.

Les ions Ca2+ s’associent alors avec la calmoduline (CaM) et les complexes Ca2+/CaM activent en retour de nombreuses protéines comme la CaMKII et la CaN.

1) Voie de la CaMKII/HDACs

1.1 Structure et activation

La CaMKII est une kinase sérine/thréonine régulée par le complexe Ca2+/CaM dont l’isoforme prédominante dans le cœur est la CaMKIIδ (Edman and Schulman, 1994; Schworer et al., 1993). Deux variants d’épissage majeurs de la CaMKIIδ sont exprimés dans le cœur, la CaMKIIδB présentant une localisation principalement nucléaire et la CaMKIIδC présentant une localisation principalement cytoplasmique (Srinivasan et al., 1994). La CaMKIIγ est également présente dans le tissu cardiaque mais son expression est minoritaire par rapport à celle de la CaMKIIδ (Colomer et al., 2003). La CaMKII est retrouvée sous forme hexamérique et chaque monomère est composé de 3 domaines : un domaine d’association C-terminal requis pour l’association multimérique de la CaMKII, un domaine catalytique N-terminal liant les substrats de la CaMKII et un domaine régulateur. En conditions basales, le domaine régulateur agit comme substrat du domaine catalytique. Ces deux domaines sont donc étroitement liés, ce qui entraîne l’auto-inhibition de la CaMKII. Lorsque la [Ca2+]i augmente, la CaM lie le domaine régulateur de la CaMKII, ce qui entraîne un changement de conformation de la kinase, rompant l’interaction entre les domaines catalytique et régulateur et donc levant l’auto-inhibition de la kinase (Erickson, 2014). En cas d’augmentation brève de la [Ca2+

]i, le complexe Ca2+/CaM va se dissocier de la CaMKII, inactivant alors la kinase. Cependant, en cas de signal calcique prolongé, le complexe Ca2+/CaM reste associé à la CaMKII, ce qui entraîne alors l’auto-phosphorylation de la kinase sur le résidu thréonine 287. L’addition d’un groupement phosphate sur ce résidu à deux effets principaux sur la fonction de la CaMKII. Tout d’abord l’affinité de la CaM pour la CaMKII augmente drastiquement (environ 1000 fois) (Meyer et al., 1992), ce qui prévient leur dissociation. De plus, l’auto-inhibition de la CaMKII est prévenue même en cas de diminution de la [Ca2+]i et de dissociation de la CaM. Cela confère à la CaMKII une activation constitutive, indépendante de la CaM (Lai et al., 1987). L’activation chronique et excessive de voies neurohormonales au cours de l’hypertrophie cardiaque contribue à l’augmentation de la [Ca2+

]i et donc à l’auto-phosphorylation de la CaMKII (Zhang et al., 2003) ainsi qu’à la production de ROS (Reactive Oxygen Species) (Rude et al., 2005). Le stress oxydatif entraîne également une activation constitutive de la CaMKII via l’oxydation des résidus méthionines 281/282 (Erickson et al., 2008) (Figure 4), mais cette activation requiert initialement la liaison de la CaM à la CaMKII. L’oxydation entraîne une modification de la dépendance au Ca2+

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l’activation de la CaMKII, faisant en sorte que la kinase puisse être active même en [Ca2+

]i basale (Palomeque et al., 2009). Ces deux mécanismes d’activation constitutive de la CaMKII constituent des voies de signalisation distinctes puisque la mutation des résidus M281/M282 n’altère pas l’activation de la CaMKII par auto-phosphorylation (Erickson et al., 2008). Cependant, il semble y avoir une communication entre ces deux voies puisqu’en condition de stress oxydatif, l’auto-phosphorylation de la CaMKII est augmentée via l’inactivation de plusieurs phosphatases par les ROS, réduisant ainsi la déphosphorylation du résidu T287. In fine, ces deux voies concourent donc à la conversion de la CaMKII en enzyme constitutivement active, participant alors au remodelage pathologique retrouvé dans l’hypertrophie cardiaque (Wu et al., 2002) ou dans l’infarctus du myocarde (Luo et al., 2013).

Figure 4 : Voies d’activation de la CaMKII (modifié d’après Luo et al. 2013)

En conditions basales, la CaMKII est retrouvée sous forme inactive due à son auto-inhibition. Lorsque la [Ca2+]i augmente, la CaM lie la CaMKII, levant ainsi son auto-inhibition et activant la kinase. Si l’augmentation de la [Ca2+]i est soutenue alors la liaison de la CaM à la CaMKII persiste dans le temps, ce qui entraîne l’auto-phosphorylation de la kinase en résidu T287, la rendant constitutivement active, même après dissociation de la CaM. L’oxydation des résidus M281/M282 cause également l’activation constitutive de la CaMKII en abaissant le seuil de [Ca2+]i nécessaire pour son activation.

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1.2 Implication dans l’hypertrophie et l’IC

Plusieurs études ont montré que l’expression et l’activité de la CaMKII étaient augmentées chez les patients insuffisants, mais également dans les modèles animaux d’hypertrophie cardiaque et d’IC (Anderson, 2009; Bokník et al., 2001; Colomer et al., 2003; Hagemann et al., 2001; Hoch et al., 1999; Zhang et al., 2003). Les souris surexprimant les isoformes CaMKIIδb ou CaMKIIδc développent spontanément une hypertrophie cellulaire accompagnée de fibrose et elles présentent une fonction ventriculaire altérée (Zhang et al., 2002b, 2003) entrainant une mort prématurée. De manière opposée, la délétion de la CaMKIIδ semble suffisante pour prévenir les conséquences délétères de la surcharge de pression induite par une constriction aortique chez la souris (Backs et al., 2009).

La CaMKIIδpeut par ailleurs phosphoryler de nombreux canaux ioniques et protéines impliquées dans le CEC, ce qui contribuerait aux arythmies et aux dysfonctions contractiles retrouvées au cours de l’IC (Bers and Grandi, 2009).

La CaMKIIδ phosphoryle les LTCCs, aussi appelés Cav1, canaux dépendants du voltage, activés par la dépolarisation. L’isoforme Cav1.2 (α1c) est le canal majeur dans les cardiomyocytes ventriculaires adultes (Harvey and Hell, 2013). Le courant ICa,L médié par les canaux Cav1.2 est augmenté en réponse à une phosphorylation par la CaMKIIδ et cela peut contribuer au déclenchement d’arythmies de type EAD (Early After Depolarization). La CaMKII phosphoryle la sous-unité principale Cav1.2, de même que la sous-unité β2a (Grueter et al., 2006). La surexpression de la CaMKIIδc chez la souris entraîne une augmentation de l’amplitude du courant ICa,L ainsi qu’un ralentissement de l’inactivation des LTCCs (Maier et al., 2003). Des résultats similaires ont été retrouvés chez un modèle de souris surexprimant la CaMKIV (Ca2+/calmodulin-dependent protein kinase IV). De manière surprenante, ces souris présentent une augmentation de l’activité de

l’isoforme CaMKII et une prédisposition accrue aux arythmies ventriculaires, attribuée à une probabilité d’ouverture des LTCCs augmentée en réponse à la suractivité de la CaMKII (Wu et al., 2002).

Le courant ICa,T, porté par les canaux calciques de type T (TTCCs ; T-Type Ca2+ Channels) est

présent dans les cellules atriales, pacemaker et du réseau de conduction mais est absent des cardiomyocytes ventriculaires adultes sains. Cependant, l’expression des TTCCs est augmentée durant l’hypertrophie et l’IC (Izumi et al., 2003). Les TTCCs sont également des cibles de la CaMKII et une phosphorylation par cette kinase entraîne l’augmentation de la probabilité

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d’ouverture des canaux (Barrett et al., 2000; Welsby et al., 2003). Les conséquences réelles de la phosphorylation de ces canaux par la CaMKII restent cependant à approfondir.

Les RyR2, le PLB et la pompe SERCA sont des acteurs majeurs du CEC et apparaissent comme des cibles évidentes de la CaMKIIδ. Il est généralement admis que dans le cœur défaillant, une baisse du contenu en Ca2+ du RS est retrouvée, de même qu’une diminution du relargage de Ca2+ du RS en systole (Bers, 2002). Les RyR2, seule isoforme des récepteurs de la ryanodine exprimée dans le tissu cardiaque, peuvent être phosphorylés par la CaMKII sur le résidu sérine 2814 (Wehrens et al., 2004). Cela a pour conséquence d’augmenter la fuite de Ca2+ du RS vers le cytosol en diastole, détectée sous la forme d’une augmentation de la fréquence d’étincelles calciques appelées « sparks ». Les sparks sont de petites libérations spontanées et localisées de Ca2+ par les RyR2. Ces événements sont connus pour être arythmogènes car ils peuvent être à l’origine du déclenchement d’arythmies de type DAD (Delayed After Depolarizations) via l’activation du NCX (Ai et al., 2005). L’importance de la phosphorylation des RyR2 par la CaMKII dans l’IC a été appuyée par plusieurs études in vivo. Des souris exprimant un RyR génétiquement modifié pour mimer la phosphorylation dépendante de la CaMKII sur le résidu sérine 2814 ont d’avantage tendance à développer une IC et des arythmies après une constriction aortique que les souris contrôles (WT, Wild-type). A l’inverse, des souris exprimant un RyR2 résistant à la phosphorylation par la CaMKII sont protégées du développement de l’IC et des arythmies induites par une surcharge de pression (van Oort et al., 2010). La CaMKII promeut donc des arythmies et des dysfonctions myocardiques en partie via son action sur les RyR2.

La CaMKII régule également le contenu en Ca2+ du RS en modulant l’activité de la pompe SERCA et du PLB. La pompe SERCA a un rôle primordial dans la relaxation des cardiomyocytes puisqu’elle recapte entre 70 et 90% du Ca2+

cytosolique après la contraction. La SERCA2a est l’isoforme majoritairement retrouvé dans le cœur et est régulée par le PLB. Lorsqu’il n’est pas phosphorylé, le PLB est retrouvé sous forme monomérique et se lie à la SERCA2a, inhibant alors son activité en diminuant son affinité pour le Ca2+ (Shannon et al., 2001). Lorsqu’il est phosphorylé, il se dissocie alors de la SERCA2a pour former des oligomères. Cela a pour conséquence d’augmenter l’activité de la SERCA2a de par la levée de son inhibition par le PLB (Kranias and Hajjar, 2012). La CaMKII est bien connue pour phosphoryler le PLB sur le résidu thréonine 17, ce qui entraîne une réduction de l’efficacité d’inhibition du PLB sur la SERCA2a, augmentant alors l’activité de la pompe.

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En plus de son rôle dans la modulation du CEC, la CaMKIIδ joue également un rôle dans la régulation du couplage excitation-transcription (CET). Les récepteurs à l’inositol triphosphate (IP3) sont des canaux intracellulaires présents à faible niveau dans les cardiomyocytes ventriculaires, permettant de relarguer du Ca2+ dans les compartiments cytosolique ou nucléaire. Les récepteurs à l’IP3 (RIP3) sont majoritairement localisés dans l’enveloppe nucléaire et colocalisent avec la CaMKII (Bare et al., 2005). L’activation de ces RIP3 relargue du Ca2+ qui va alors activer la CaMKII nucléaire, entrainant la phosphorylation des HDACs de classe II et particulièrement HDAC4 et HDAC5 (Backs et al., 2006; Passier et al., 2000; Zhang et al., 2002a). La phosphorylation des HDACs localisées dans le noyau par la CaMKII entraîne leur translocation vers le cytosol, levant ainsi l’inhibition qu’elles exercent sur le facteur de transcription MEF-2 (Myocyte enhancer factor-2). Cela aboutit alors à la transcription de gènes pro-hypertrophiques (Haberland et al., 2009) comme l’ANP (Atrial Natriuretic Peptide) (Ramirez et al., 1997), le BNP (Brain Natriuretic Peptide) (He et al., 2000), l’α-MHC (Myosin Heavy Chain, isoformes α) (Zhu et al., 2000) et l’α-actine squelettique (Passier et al., 2000). Les souris déficientes pour la CaMKIIδ soumises à une surcharge de pression présentent une hypertrophie atténuée par rapport aux souris WT, accompagnée d’une moindre phosphorylation de HDAC4 (Backs et al., 2009). La phosphorylation des HDACs par la CaMKII aboutit également à la transcription du gène codant pour le NCX via le facteur de transcription AP-1 (Activator protein 1) (Mani et al., 2010) ou MEF-2 (Lu et al., 2011), entrainant une surexpression de l’échangeur dans les cardiomyocytes, la perturbation de la balance NCX/SERCA2a et donc une altération de l’homéostasie ionique intracellulaire contribuant à la progression de la pathologie.

Toutes ces études ont mis en avant l’importance de l’activation de la voie de la CaMKII au cours de l’hypertrophie et l’IC (Figure 5), cependant d’autres mécanismes moléculaires sont impliqués dans ces pathologies. Une autre voie ayant suscité beaucoup d’intérêt est médiée par la CaN, une phosphatase activée par le complexe Ca2+/CaM.

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Figure 5: Impact de la voie de signalisation CaMKII/HDACs dans l’hypertrophie et l’IC (d’après Mattiazzi et al. 2015)

La CaMKIIδ régule les canaux calciques comme les LTCCs mais également les protéines de l’homéostasie calcique comme les RyR2 et le PLB. Cela contribue au déclenchement d’arythmies comme des EAD (Early After Depolraizations) ou DAD. Les agonistes des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) comme l’endothéline 1 (ET-1) ou la phényléphrine (PE) active la phospholipase C (PLC) pour produire du diacyglycérol (DAG) et de l’IP3, entrainant une augmentation du Ca2+

intracellulaire. Cette augmentation active la CaMKIIδ qui phosphoryle les HDACs, entrainant la transcription de gènes pro-hypertrophiques.

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