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Rôles physiologiques de l’entrée SOC dans le cœur

VII. Les canaux SOCs dans le cœur

2) Rôles physiologiques de l’entrée SOC dans le cœur

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al., 2012). De plus, dans les cardiomyocytes de rats adultes, il a été montré la formation de complexes impliquant STIM1/Orai1/Orai3 (Saliba et al., 2014). Des interactions avec d’autres protéines ont également été démontrées, comme certaines impliquées dans le CEC. Les canaux TRPC3 colocalise avec le NCX dans le tissu ventriculaire de rat (Goel et al., 2007). Une faible fraction des RyR2 co-immunoprécipite aussi avec TRPC3, mais aucune interaction n’a été montrée entre le NCX et les RyR2, suggérant la présence de deux groupes distincts de TRPC3 dans le cœur. STIM1 colocalise avec les RyR2 dans les cardiomyocytes ventriculaires isolés de souris transgéniques surexprimant STIM1, cependant ces souris ne présentent aucune modification de l’activité des RyR2 malgré une modulation de l’homéostasie calcique impliquée dans le CEC (Correll et al., 2015). Une autre étude menée sur le cœur de rats adultes montre également une colocalisation de STIM1 avec RyR2, de même qu’avec la pompe SERCA2a (Zhu-Mauldin et al., 2012). Enfin, en condition de surexpression, STIM1 interagirait également avec le PLB dans des cardiomyocytes de rats adultes (Zhao et al., 2015). Ces interactions laissent à penser que les acteurs de l’entrée SOC dans le cœur pourraient participer au maintien de l’homéostasie calcique impliquée dans le CEC cardiaque.

2) Rôles physiologiques de l’entrée SOC dans le cœur

Comme présenté dans le chapitre précédent, l’entrée SOC médiée par STIM1/Orai1/TRPCs régule de nombreux processus physiologiques dans les cellules non excitables. Cependant, le rôle physiologique de cette entrée calcique dans le cœur reste vague de par le nombre plus restreint d’études menées sur ce tissu. De plus, l’interprétation des résultats est rendue délicate du fait que les études sont principalement basées sur l’utilisation d’outils pharmacologiques non spécifiques. En effet, les inhibiteurs des canaux SOCs classiquement utilisés en recherche inhibent également d’autres types de canaux comme le SKF-96365 qui inhibe les canaux TTCCs ou encore le Gd3+

qui inhibe les LTCCs (Lacampagne et al., 1994; Singh et al., 2010).

2.1 Activité électrique

Plusieurs études ont proposé un rôle des canaux SOCs dans la régulation de l’activité électrique du cœur et notamment dans la fonction pacemaker. Il a tout d’abord été montré que les canaux TRPC3 pouvaient former des complexes avec le NCX et la pompe Na+/K+ ATPase dans les cardiomyocytes ventriculaires de rats, suggérant ainsi une éventuelle implication des TRPCs dans la régulation électrophysiologique des cardiomyocytes (Goel et al., 2007). Quelques années plus tard, une étude a démontré que l’inhibition des canaux TRPCs par le SKF-96365 diminuait la contractilité, la vitesse

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de conduction de l’influx électrique ainsi que la fréquence du cœur, avec une prolongation de la durée de l’intervalle QT entrainant alors la survenue de blocs atrio-ventriculaires dans le cœur en développement d’embryons de poulets âgés de 4 jours (Sabourin et al., 2011). Les canaux TRPCs jouent donc un rôle crucial dans l’activité électromécanique du cœur en développement, via la formation de complexes macromoléculaires avec les canaux Cav1.2, ces derniers étant négativement régulés par interaction directe ou indirecte des TRPCs. Dans ce même modèle, il a également été montré l’implication de la voie de signalisation impliquant les récepteurs de l’adénosine de type A1 et les canaux TRPC3 dans la modulation de la conduction atrio-ventriculaire (Sabourin et al., 2012b). Un rôle similaire a été retrouvé dans les cardiomyocytes dérivés de cellules souches embryonnaires où TRPC3 participe à la régulation de l’automaticité cardiaque (Qi et al., 2016). Dans les cellules pacemaker du SAN, l’inhibition des canaux SOCs par le BTP2 diminue la fréquence et l’amplitude des transitoires calciques spontanés, ainsi que l’amplitude du transitoire induit par l’application de caféine, traduisant une baisse du contenu en Ca2+

du RS (Liu et al., 2015). L’entrée SOC participerait donc au maintien de la concentration calcique du RS et à la fonction pacemaker. Ces résultats sont en accord avec ceux d’une équipe australienne, qui ont montré que le SKF-96365 réduisait la fréquence des PA spontanés de 65% dans le SAN de souris et donc l’entrée SOC participerait à la régulation de la fonction pacemaker (Ju et al., 2007). La fréquence des transitoires calciques spontanés du SAN est également diminué par le 2-APB, un autre inhibiteur classique des canaux SOCs (Ju and Allen, 2007). Plus récemment, ces mêmes auteurs ont mis en avant l’implication plus particulière de TRPC3 dans le contrôle de l’activité pacemaker. En effet, les souris déficientes pour TRPC3 (TRPC3-/-) sont plus résistantes aux arythmies induites par l’Ang-II que les souris WT. De plus, dans le SAN de souris WT, l’Ang-II augmente la fréquence des PA, ce qui est prévenu par le Pyr10, un bloqueur spécifique de TRPC3. Quant aux les cellules pacemaker issues de souris TRPC3-/-, elles ne répondent ni à l’Ang-II, ni au Pyr10, démontrant l’implication de TRPC3 dans l’activité pacemaker cardiaque (Ju et al., 2015). Les protéines STIM1 et Orai semblent également être impliquées dans la modulation du rythme puisqu’in vivo, Orai1 et Orai3 participeraient à la régulation de la stabilité électromécanique du myocarde. L’activation des canaux Orai par le 2-APB à une concentration de 10 à 20 µM entraîne la contraction spontanée du muscle cardiaque dit « non automatique » comme les muscles papillaires du VG par exemple (Wolkowicz et al., 2011). Les contractions spontanées sont cependant bloquées en présence de SKF-96365. De plus, STIM1 participerait à la rythmicité des cellules HL-1 via une régulation négative exercée sur les TTCCs, prévenant la survenues d’arythmies induites par une surcharge de Ca2+

médiée par les TTCCs (Nguyen et al., 2013). La délétion spécifique de STIM1 dans le cœur de souris entraîne des altérations de la fonction pacemaker du SAN, avec notamment une bradycardie marquée et la perturbation de la génération spontanée de PA, évoquant l’implication de STIM1 dans la régulation de la fonction pacemaker

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chez la souris (Zhang et al., 2015). L’extinction de STIM1 entraîne également une diminution de l’activité des canaux LTCCs et une augmentation de l’activité du NCX. De plus, les altérations découlent de l’incapacité des cardiomyocytes à assurer un remplissage en Ca2+

correct du RS, l’absence de STIM1 entrainant une diminution significative des stocks intracellulaires de Ca2+

dans les cellules pacemaker isolées de souris adultes ou de nouveau-nés. Cette étude met en avant l’importance de STIM1 dans la régulation de l’activité pacemaker, probablement via la modulation des courants INCX et ICa,L, mais également son rôle dans le maintien du Ca2+ réticulaire.

2.2 Homéostasie calcique basale

L’implication des canaux SOCs dans le maintien du Ca2+

réticulaire a été reporté dans d’autres études, notamment in vitro, comme dans des cardiomyocytes de lapins nouveau-nés où l’inhibition des canaux SOCs par le SKF-96365 provoque une diminution du contenu calcique du RS au repos (Huang et al., 2006b). Dans des cardiomyocytes de rats nouveau-nés, l’extinction de l’expression de STIM1 par siRNA (small interfering RNA) entraîne une diminution des niveaux diastoliques de Ca2+ et une diminution de la charge en Ca2+ du RS (Voelkers et al., 2010). De manière intéressante, dans ce modèle l’extinction de l’expression d’Orai1 ne semble pas affecter ces paramètres traduisant un rôle différent de ces deux acteurs de l’entrée SOC et indiquant que seul STIM1 participerait au maintien du Ca2+ du RS notamment via la détection de la concentration calcique luminale par son domaine de liaison au Ca2+. Dans ce même modèle cellulaire, la fréquence des transitoires calciques spontanés est nettement diminuée lorsque les expressions de STIM1 et Orai1 sont éteintes. L’inhibition d’Orai1 entraîne une diminution de la taille des cardiomyocytes néonataux, associée à une réduction de l’activité de la CaN et de la CaMKII. Cependant cela n’est pas retrouvé lorsque STIM1 est inhibé, indiquant que la faible quantité de protéines restantes serait suffisante pour interagir avec les canaux Orai1 ou qu’un effet compensatoire par d’autres canaux calciques comme les TRPCs serait observé. L’extinction d’Orai1 dans les cellules HL-1 diminue également les niveaux de Ca2+ du RS et du cytosol, de même que l’entrée SOC (Figure 19) (Touchberry et al., 2011).

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Figure 19: L’inhibition d’Orai1 par knock-down (KD) abolit l’entrée SOC et diminue les niveaux calciques basaux (d’après

Touchberry et al. 2011)

Tracés représentatifs de fluorescence de la sonde Fura-2 traduisant les niveaux Ca2+ intracellulaires, enregistrés dans des cellules HL-1 exprimant OraiHL-1 (A) ou lorsqu’OraiHL-1 est éteint par KD (B). Les cellules ont été traitées à la Tg pour induire une déplétion des stocks intracellulaires de Ca2+, puis l’entrée SOC est mesurée après réintroduction du Ca2+

dans le milieu extracellulaire. (C) [Ca2+]i en conditions basales, (D) Charge en Ca2+ du RS et (E) Entrée SOC en présence d’Orai1 ou lorsqu’Orai1 est éteint par KD. L’extinction d’Orai1 diminue les niveaux de Ca2+

intracellulaire, la charge en Ca2+ du RS ainsi que l’amplitude de l’entrée SOC dans les cellules HL-1.

In vivo, les souris KO pour STIM1 spécifiquement dans le cœur développent un stress du RE

suggérant que l’activité de STIM1 est essentielle au maintien du contenu calcique du RE/RS, assurant la bonne fonction des protéines chaperonnes et le repliement des protéines dans le RE (Collins et al., 2014). Dans des cardiomyocytes de souris adultes, il a été proposé que les canaux TRPC1/4 participent à la génération d’influx constitutifs de Ca2+

, déterminant ainsi les concentrations calciques diastolique et systolique en conditions basales mais également durant une stimulation neurohormonale (Camacho Londoño et al., 2015).

Le rôle des canaux SOCs dans le maintien des niveaux de Ca2+ intracellulaire et intra-réticulaire soulève la question de leur implication dans le CEC cardiaque. Le SKF-96365 réduit de 33% l’amplitude des transitoires calciques dans des cardiomyocytes de rats nouveau-nés et la surexpression de TRPC3 prolonge la durée de ces transitoires calciques, vraisemblablement via une interaction avec la pompe SERCA ou le NCX (Gao et al., 2012). Cela indique un rôle potentiel des canaux TRPCs dans la régulation de l’homéostasie calcique impliquée dans le CEC. En parallèle, dans des cardiomyocytes de chats adultes, la surexpression de TRPC3/4/6 entraîne une

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augmentation de l’amplitude des transitoires calciques et de la contraction cellulaire, ainsi que de la charge en Ca2+ du RS (Makarewich et al., 2014). La surexpression de STIM1 dans des cardiomyocytes ventriculaires de rats adultes module également l’homéostasie calcique impliquée de le CEC, en entrainant la survenue de vagues calciques spontanées dépendantes de la concentration en Ca2+ du RS (Zhao et al., 2015). Ce dernier paramètre est augmenté de 40% par la surexpression de STIM1 et entraîne l’augmentation de l’amplitude des transitoires calciques ainsi que de la vitesse de relaxation. Cela est notamment dû à l’interaction physique entre STIM1 et le PLB non phosphorylé, levant alors l’inhibition exercée par le PLB sur la pompe SERCA2a. Cela aura pour conséquence un remplissage du RS plus rapide. A l’inverse, les souris surexprimant STIM1 dans le cœur ne présentent pas de modification de la charge en Ca2+

du RS (Correll et al., 2015). Cependant, il apparaît des transitoires et vagues calciques de manière spontanée chez ces souris, accompagnés d’une augmentation des niveaux diastoliques de Ca2+, de l’amplitude des transitoires calciques ainsi que de la vitesse de relaxation comme retrouvé dans l’étude de Zhao et collaborateurs (Zhao et al., 2015).

2.3 Fonction cardiaque basale

La délétion de STIM1 spécifiquement dans le cœur affecte également la contraction sarcomérique des cardiomyocytes en conditions basales, et entraîne une perte de fonction cardiaque qui se traduit par une diminution de la FE ainsi qu’une dilatation du VG (Parks et al., 2016). Une autre étude menée sur des souris KO STIM1 spécifiquement dans le cœur montre que ces souris présentent un stress cardiaque en conditions basales, accompagné d’une augmentation de marqueurs de stress du RE comme IRE1 (Inositol-requiring enzyme 1) après 36 semaines ou du facteur de transcription CHOP (CCAAT-enhancer-binding- protein homologous protein) dès 12 semaines (Collins et al., 2014). Des altérations mitochondriales sont également retrouvées chez ces souris. Ces souris KO STIM1 présentent comme le modèle précédent une perte progressive de leur fonction cardiaque. A 20 semaines, la FE chute, et cela est associé à la présence d’infiltrats inflammatoires et de fibrose, s’intensifiant à 36 semaines avec une dilatation marquée du VG, ce qui est en lien avec l’étude de Parks et collaborateurs démontrant que la présence de STIM1 est essentielle à la fonction cardiaque basale. Des résultats similaires sur la fonction cardiaque sont retrouvés après extinction de STIM1 par injection d’un AAV9 (Adeno-associated virus serotype 9) codant pour un shRNA (small hairpin

RNA) dirigé contre cette protéine (Bénard et al., 2016). En effet, après 5 semaines d’extinction de

STIM1, les souris présentent une dysfonction ventriculaire progressive ainsi qu’une dilatation cardiaque modérée en conditions basales.

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Les acteurs de l’entrée SOC, à savoir STIM1, les canaux TRPCs et Orai, semblent jouer un rôle dans la régulation de l’activité pacemaker cardiaque. De plus, les canaux SOCs participent à la régulation des niveaux intracellulaires de Ca2+ et donc au maintien d’une homéostasie calcique basale dans les cellules SAN et cardiomyocytes ventriculaires et donc de la fonction cardiaque basale. Cependant, les connaissances quant aux rôles physiologiques des canaux SOCs restent largement en dessous de celles concernant le rôle de ces canaux dans la pathologie.