• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : La protéine suppresseur de tumeurs ARF

III. Fonctions de ARF

1) La voie ARF-MDM2-p53

1a) Découverte du rôle p53 dépendant de la protéine ARF.

Le produit alternatif du locus INK4a ne possède pas d’homologie avec les autres membres de la famille INK4 ni séquences remarquables. Cependant, ARF présente des similitudes avec la protéine p16INK4a, au niveau de son organisation génomique (Figure 1) mais également sur le plan fonctionnel. La protéine ARF, contrairement à p16INK4a, n’est pas un inhibiteur de CDKs, mais son expression ectopique induit aussi l’arrêt du cycle cellulaire. Toutefois, l’arrêt induit par p14ARF diffère de celui effectué par

p16INK4a car il ne dépend pas du statut de pRb dans la cellule, mais de la protéine p53

comme l’ont montré les observations suivantes :

- En premier lieu, les tumeurs observées chez des souris déficientes pour le locus ARF/INK4a présentent rarement des mutations ou des délétions de p53. Ainsi, un modèle de souris utilisant un gène H-ras muté (G12V) sur un fond génétique INK4a- déficient montre l’apparition de mélanomes malins avec un temps de latence court et une forte pénétrance (Chin et al., 1997). Pourtant, chez ces souris, p53 n’est pas mutée et reste fonctionnelle. La même observation est faite dans les mélanomes malins humains.

- De plus, l’expression ectopique de p19ARF est capable d’inhiber l’entrée en phase S de MEFs normaux mais pas de MEFs issus de souris KO pour le gène p53 (MEFs p53-/-) (Kamijo et al., 1997).

- Dans des cellules primaires, la neutralisation de p53 (oncoprotéine virale E6 du virus HPV, ou mutant dominant négatif) inhibe également la capacité d’ARF à exercer cette fonction suppresseur de tumeurs (Pomerantz et al., 1998).

22 - Enfin, la surexpression de p14ARF induit dans les cellules humaines une stabilisation de la protéine p53 (Argentini et al., 2001; Barak et al., 1993; Ganguli & Wasylyk, 2003) avec pour conséquence l’activation de deux gènes cibles de p53 : p21CIP et MDM2 (Dulic et al., 1994; el-Deiry et al., 1993).

1b) La protéine MDM2

Le gène MDM2 a été découvert en 1987 dans une lignée de souris BALB/c transformée (Cahilly-Snyder et al., 1987; Fakharzadeh et al., 1991). Dans cette lignée, ce gène était amplifié sur des structures extra-chromosomiques, appelés Double Minute, d’où son nom « MDM2 » chez la souris, « HDM2 » chez l’homme. La surexpression de la protéine MDM2 (491 acides aminés, 90 kDa) induit la transformation des cellules et confère au gène MDM2 un statut d’oncogène (Fakharzadeh et al., 1991). Cette protéine présente des domaines fonctionnels importants (Figure 5) :

- un signal de localisation nucléaire (NLS) qui confère à la protéine une localisation principalement nucléoplasmique,

- un signal d’export nucléaire (NES) qui permet à cette protéine d’effectuer des navettes noyau-cytoplasme en relation avec sa fonction E3 ubiquitine ligase,

- un domaine en doigts de zinc et un domaine RING finger d’interaction avec l’ADN (Iwakuma & Lozano, 2003).

MDM2, comme HDM22 chez l’homme, présente des domaines d’interactions avec des protéines partenaires, p300/CBP, la protéine ribosomale L5, MDMX, p53 et ARF.

2

En raison de la conservation de la structure et des fonctions entre les protéines humaine et murine, l’acronyme Mdm2 sera utilisé pour désigner cette protéine dans le reste du texte.

23

Figure 5 : Représentation schématique de la structure de la protéine HDM2.

Les sites d’interaction de HDM2 avec d’autres partenaires sont indiqués sur la partie supérieure de la figure, les chiffres entre parenthèses correspondent à la position des acides aminés intervenant dans ces interactions. (NLS : Signal de localisation nucléaire ; NES : Signal d’export nucléaire). D’Après (Lozano & Montes de Oca Luna, 1998).

1c) La protéine p53

L'analyse des séquences d'ADNc de p53 de diverses espèces a permis d'analyser des caractéristiques structurales et évolutives de cette protéine (Figure 6). Cinq régions sont conservées au cours de l’évolution, délimitant les domaines I à V (Soussi & May, 1996).

La région centrale correspondant aux domaines II à V concentre 80 à 90 % des mutations trouvées dans les cancers : l’incidence des mutations de p53 est élevée dans les cancers humains en accord avec la fonction suppresseur de tumeurs de cette protéine (Poumon 70%, colon, ovaire, vessie environ 60%).

Les fonctions portées par les parties N- et C-terminales ont également été identifiées. Le domaine N-terminal, acide et riche en proline, contient le domaine de transactivation qui interagit avec la machinerie transcriptionnelle de base et forme des complexes avec des facteurs de transcription spécifiques.

24

Figure 6 : Représentation schématique de la structure de la protéine p53.

Les chiffres entre parenthèses indiquent la position des acides aminés des domaines particuliers. Les chiffres romains indiquent les régions conservées au cours de l’évolution. NLS : Signal de localisation nucléaire ; NES : Signal d’export nucléaire. D’Après (May & May, 1999).

Parmi les nombreuses cibles transcriptionnelles de p53, nous ne citerons ici que celles impliquées dans l’arrêt du cycle cellulaire :

- p21Cip1, un inhibiteur de kinases dépendantes des cyclines (CDKi), qui peut activer l’arrêt du cycle cellulaire à la fois au point de restriction de la phase G1 et en

phase G2 (Agarwal et al., 1995; Bates et al., 1998b; Harper et al., 1993).

- la protéine 14-3-3 le dans la transduction de signaux et le maintien de l’arrêt du cycle cellulaire en phase G2, par liaison et séquestration de

protéines CDK dans le cytoplasme (Hermeking et al., 1997; Laronga et al., 2000; Muslin & Xing, 2000).

D’autres cibles sont impliquées dans l’apoptose, telles les protéines pro-apoptotiques Bax (Miyashita & Reed, 1995), Noxa (Oda et al., 2000a), PUMA (Nakano & Vousden, 2001; Yu et al., 2001) et p53AIPI (Oda et al., 2000b). Ces protéines mitochondriales induisent une perte de potentiel de la membrane mitochondriale et le relargage du Cytochrome C, activant ainsi la cascade apoptotique Apaf-1/caspase-9 (Bossy-Wetzel & Green, 1999).

25 L’orientation de la cellule vers un arrêt du cycle cellulaire, la réparation ou l’apoptose dépend de la nature et de l’intensité des signaux ayant conduit à la stabilisation de p53 : activation de voies de signalisation extracellulaire ou dommages à l’ADN (Vousden, 2000).

L’inhibition des fonctions transactivatrices de p53 à travers différents mécanismes (Reich & Levine, 1982) ; (Zantema et al., 1985)(Werness et al., 1990) bloque le rôle primordial de p53 dans l’arrêt du cycle cellulaire et l’induction de l’apoptose.

1d) MDM2 régulateur majeur de la réponse p53

MDM2 est une protéine multifonctionnelle qui inhibe p53 à différents niveaux : - Au niveau transcriptionnel, MDM2 lie le domaine transactivateur N-terminal de p53. Des mutations dans ce domaine inhibent la formation du complexe MDM2/p53, suggérant qu’il existe une compétition entre MDM2 et d’autres facteurs transcriptionnels pour la liaison à p53 (Chen et al., 1993; Momand et al., 1992; Oliner et al., 1993).

- Au niveau post-transcriptionnel, p53 est exprimée à faible taux dans les cellules normales grâce à un turn-over très rapide. Un traitement par un inhibiteur du protéasome accroit la demi-vie de p53 et augmente le taux intracellulaire de la protéine (Freedman & Levine, 1998). Il est admis aujourd’hui que MDM2 est la principale responsable de cette régulation post-transcriptionnelle à travers son activité E3 ubiquitine ligase et la formation d’une chaîne de polyubiquitine sur p53 (Haupt et al., 1997; Kubbutat et al., 1997) qui conduit à la dégradation de p53 dans le noyau (Li et al.,

26 2003). Par ailleurs, MDM2 est également impliquée dans la mono-ubiquitination de p53 sur une lysine de l’extrémité C-terminale de la protéine, phénomène crucial pour son export dans le cytoplasme.

Plusieurs processus peuvent affecter l’activité ubiquitine-ligase de MDM2 sur p53 et la régulation de p53. Ils ciblent selon les cas, MDM2 (compétition, inactivation) ou p53, induisant soit une diminution d’affinité entre les deux protéines, soit leur inactivation.

Dans ce contexte, si MDM2 est le facteur principal de dégradation de p53, il s’avère que p53 est également capable de se lier à un élément de réponse dans le promoteur de MDM2 permettant l’activation du gène (Perry et al., 1993; Saucedo et al., 1999). Il

existe donc un contrôle permanent entre ces deux protéines qui constitue une boucle de rétroaction et qui permet la diminution du taux de p53 intracellulaire une fois son rôle achevé.

Par ailleurs, des modifications post-traductionnelles des deux protéines (acétylation et phosphorylation) ont été décrites qui permettent de diminuer l’affinité de la liaison entre MDM2 et p53 (Ashcroft et al., 1999; Martinez et al., 1997). Pour exemple, l’activation de la voie ATM-CHK1-CHK2 en réponse à des dommages à l’ADN phosphoryle p53 et/ou MDM2 induisant une perte d’affinité entre les deux partenaires (Maya et al., 2001; Siliciano et al., 1997).

1e) Régulation par la protéine suppresseur de tumeurs ARF.

Consécutivement à un stress (altération de l’ADN ou stimulation oncogénique), on observe généralement une accumulation rapide de p53 liée à sa stabilisation dans les

27 cellules par les mécanismes décrits ci-dessus. La protéine ARF, en interagissant physiquement avec la région centrale acide de la protéine MDM2, contrôle cette boucle de régulation MDM2-p53 (Figure 7) (Kamijo et al., 1998; Pomerantz et al., 1998; Stott et al., 1998; Zhang et al., 1998).

Figure 7 : La voie ARF-MDM2-p53. Une boucle de rétrocontrôle négative régule le niveau de p53.

Dans les cellules normales, la transcription de MDM2 dépendante de p53 induit la dégradation de p53. Des stress cellulaires comme l’activation d’oncogènes, induisent ARF qui s’associe à MDM2. L’augmentation du niveau de p53 et l’activation de ses gènes cibles induisent l’arrêt du cycle cellulaire, la réparation des dommages et à défaut, l’apoptose. D’après (Bullock & Fersht, 2001).

28 Plusieurs équipes ont montré que la seule délétion de l’exon 1 chez la souris ou chez l’homme suffisait à abolir l’interaction ARF-MDM2 (Kamijo et al., 1998; Zhang et al., 1998) indiquant que cette fonction dépendait uniquement de l’extrémité N-

terminale de la protéine ARF. Les premiers travaux concluaient que, sous l’effet de la formation du complexe ARF-MDM2, MDM2 se relocalisait dans le nucléole ce qui conduit au maintien de p53 dans le noyau (Tao & Levine, 1999). Ces premiers résultats suggéraient que ARF, pour exercer sa fonction suppresseur de tumeurs, devait séquestrer MDM2 dans le nucléole (Weber et al., 1999). Par la suite, une étude à montré que cette relocalisation n’est pas nécessaire à l’activation de p53, et qu’à l’inverse, la redistribution d’ARF dans le nucléoplasme augmente son interaction avec MDM2 et favorise l’activité de p53 (Korgaonkar et al., 2005).

Documents relatifs