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Chapitre 2 : Les récepteurs membranaires ErbB

II. Fonctions des récepteurs de la famille EGF-R

1) Fonctions physiologiques des récepteurs EGF-R.

Les résultats cumulés d’études sur des souris KO pour les différents ErbB suggèrent que ces récepteurs jouent un rôle critique lors du développement de certains organes.

Ainsi, des souris KO pour le gène EGFR présentent une croissance retardée et selon les cas meurent in utero probablement en raison d’une déficience placentaire. Dans un fond génétique différent, la gestation peut se poursuivre mais les nouveaux nés présentent des

53 poumons immatures et des défauts de constitution de l’épiderme en accord avec le profil d’expression attendu pour EGFR (Sibilia & Wagner, 1995).

L’absence d’expression d’ErbB2 induit une mort embryonnaire précoce. Les embryons présentent des malformations cardiaques et des anomalies du développement des neurones moteurs (Andrechek et al., 2002; Lee et al., 1995).

Dans le même contexte, les souris ErbB3 KO n’ont pas de cellules de Schwann et si le développement initial des neurones moteurs et sensitifs a lieu, ces cellules sont rapidement éliminées par apoptose (Riethmacher et al., 1997).

Les effets de l’inactivation du gène ErbB4 se traduisent également par des anomalies sévères du développement cardiaque et neural (Gassmann et al., 1995).

Dans des conditions physiologiques normales, l’activation des récepteurs ErbB est contrôlée dans l’espace et le temps par l’expression et la fixation de leurs ligands (Yarden & Sliwkowski, 2001). Ce contrôle est essentiel aux mécanismes d’embryogenèse à travers l’implication des EGF-R dans l’activation de la transcription, la progression du cycle cellulaire, la survie, la migration et la différenciation, comme le montrent les données ci-dessus. De ce fait, il n’est pas surprenant que le fonctionnement anormal des récepteurs ErbB et/ou de leurs ligands soit à l’origine de dérégulations conduisant à l’apparition de cancers.

2) Implication des récepteurs EGF-R dans les processus

tumorigènes.

La dérégulation des signaux transmis par les récepteurs EGF-R, à travers différents mécanismes conduisant à la surexpression d’un récepteur normal ou à son

54 activation incontrôlée, est impliquée dans le développement et la malignité de nombreux types de cancers humains (Thompson & Gill, 1985).

La dérégulation des signaux peut se faire de différentes manières. Des mutations ponctuelles ou des délétions dans les domaines extra- ou intra-cellulaires du récepteur EGFR provoquent une activation constitutive du domaine kinase, et ce, même en absence de ligand (Voldborg et al., 1997). Des mutations de ce type ont été observées dans des glioblastomes (Ekstrand et al., 1992), bronchiocarcinomes (Garcia de Palazzo et al., 1993), gliomes et cancers du sein et du poumon (Wikstrand et al., 1995).

La capacité de transformation d’ErbB2 est elle associée à une surexpression du récepteur, généralement due à une amplification du gène. Généralement associé aux autres récepteurs EGF-R en raison de la structure particulière de son domaine extracellulaire, ErbB2 lorsqu’il est fortement surexprimé pourrait cependant former spontanément des homodimères au niveau desquels on observerait alors une activation constitutive du récepteur. En outre, ErbB2 possède un fort pouvoir mitogénique en raison de la lenteur de sa dégradation par endocytose associée à la rapidité de son recyclage à la surface cellulaire (Lenferink et al., 1998; Worthylake et al., 1999). En conséquence, la surexpression du gène ErbB2, observée dans les cancers du sein (Menard et al., 2001), de l’ovaire (Slamon et al., 1989), de la vessie (Sauter et al., 1993) et du système digestif (Lemoine et al., 1991) est indicateur de mauvais pronostic.

En ce qui concerne ErbB3, l’absence de domaine tyrosine kinase fonctionnel explique que sa dérégulation passe par des mécanismes de surexpression du transcrit et non par des mutations ponctuelles du domaine de liaison du ligand ou du domaine tyrosine kinase.

ErbB3 est surexprimée dans un très large spectre de tumeurs (sein, colon, prostate, rein, poumons, ovaires… Pour revue, Sithanandam & Anderson, 2008). Il est à noter que la

55 surexpression du récepteur ErbB2 dans les cancers du sein s’accompagne fréquemment d’un taux élevé d’ErbB3 hyperphosphorylé, indiquant un rôle important du dimère ErbB2/3 dans la tumorigenèse. En effet, bien que ni ErbB2 ni ErbB3 ne puissent être activés seuls par le ligand, l’hétérodimère forme le complexe-récepteur le plus transformant et mitogènique (Alimandi et al., 1995; Wallasch et al., 1995). Ce dimère est d’ailleurs aujourd’hui considéré comme une unité oncogénique à elle seule dans la prolifération cellulaire tumorale (Holbro et al., 2003).

La situation d’ErbB4 semble plus complexe dans la mesure où certaines études montrent que la protéine est faiblement exprimée dans les cancers du sein invasifs non différenciés et que l’expression s’accroît avec l’acquisition d’un phénotype différencié (Kew et al., 2000).

Ces données justifient clairement que les thérapies ciblant l’inactivation de ces récepteurs ou l’accélération de leur dégradation connaissent aujourd’hui un fort développement.

3) Thérapies ciblées sur les récepteurs EGF-R

Les drogues ciblant les récepteurs de la famille EGFR ont commencé à apparaître dans les années 80, conduisant au développement d’anticorps monoclonaux anti-EGF-R, d’inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase (TKI) et d’inhibiteurs de protéines HSP impliquées dans les processus de dégradation de ces récepteurs (Baselga & Swain, 2009). Des études cliniques ont montré l’efficacité de ces thérapies ciblées dans le traitement de nombreux cancers (sein, colon, pancréas, tête et cou, rein et poumon).

Cependant, de nombreux patients qui initialement répondaient à ces traitements sont devenus résistants entraînant la progression de la tumeur. Ces données ont conduit à

56 élargir la recherche de mutations en rapport avec les voies activées par ces récepteurs. Ainsi, si le développement des anticorps monoclonaux anti-EGFR (cetuximab et panitumumab) a constitué une avancée importante dans la prise en charge de patients atteints de cancer colorectal métastatique, Plusieurs études ont montré que seuls les patients ne présentant pas de mutation de KRAS étaient susceptibles de répondre à ce traitement, rendant nécessaire la recherche des mutations de ce gène avant prescription (Rouleau et al., 2008). De même, le Gefitinib inhibiteur de tyrosine kinase, est-il depuis peu prescrit spécifiquement aux patients atteints d’une forme avancée ou métastatique de cancer du poumon avec mutation d’EGFR. La présence d’une mutation de KRAS est associée à une résistance primaire à cette molécule (Gazdar, 2009).

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