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Vitesse spatiale des changements et mouvement des écosys-

1.4 Summary of the first chapter

2.1.2 Vitesse spatiale des changements et mouvement des écosys-

Analyser le changement climatique par rapport à un repère temporel fixe est une façon de le quantifier, de le caractériser et un moyen d’en évaluer les impacts. Une manière alternative de le représenter est de suivre spatialement des zones à conditions climatiques semblables et de déterminer à quelle vitesse et dans quelles directions elles se déplacent sur la surface du globe en fonction des forçages an-thropiques. Le vecteur de la vitesse spatiale du changement est défini en tout point de la planète. Il correspond à la vitesse et à l’orientation qu’un écosystème doit avoir pour retrouver constamment des conditions climatiques identiques qui sont adaptées à sa survie.

Les écosystèmes, tant la faune que la flore, se sont toujours déplacés en fonc-tion de condifonc-tions climatiques plus ou moins clémentes pour leur survie et leur expansion. Mais ce n’est qu’il y a une dizaine d’années que Parmesan et Yohe (2003) ont réussi à clairement démontrer que les écosystèmes suivent le change-ment climatique d’origine anthropique durant la période historique. Leur travail regroupe pas moins de 1 700 espèces dont le déplacement est corrélé de manière

2.1. Le changement vu autrement 61

significative au changement des différents climats locaux.

La question est alors de savoir si les écosystèmes sont capables de se déplacer suffisamment vite pour se réfugier dans des régions ayant des conditions viables pour eux (Dobrowski et al., 2013). Chapin et al. (2000) et Dawson et al. (2011) ont conclu que le changement climatique met effectivement en danger la biodiversité et la fonction des écosystèmes, menant bien souvent à la disparition de certaines espèces. Cela peut avoir des conséquences majeures pour les services que les êtres humains dérivent des écosystèmes. Les auteurs affirment que les conséquences écologiques et sociétales du changement de la biodiversité doivent être minimi-sées pour conserver le plus possible de solutions pour résoudre les problématiques globales de l’environnement. En effet, des changements rapides du climat ont le potentiel d’affecter les systèmes économiques, sociaux et biologiques.

Sous l’influence du changement climatique, les comportements de la distribu-tion des espèces consistent en un mouvement vertical vers des altitudes plus élevées et un mouvement horizontal vers les pôles. À la fin de la période historique, en moyenne globale, ces déplacements se sont respectivement faits à une moyenne de 11 mètres et 17 kilomètres par décennie (Chen et al., 2011). Cela correspond à des vitesses spatiales deux à trois fois plus élevées que celles qui ont été estimées en conditions pré-industrielles. Si la vitesse spatiale de la température est calcu-lée par biomes1, il est possible de déterminer qu’elle est moins élevée en régions montagneuses en raison d’effets topographiques (environ 800 mètres par décennie comparés à 17 kilomètres). Les vitesses les plus élevées sont observées pour les marécages, les mangroves et les déserts. Ces déplacements rapides ont pour consé-quence que seulement 8% des zones protégées ont des temps de résidence de 100 ans et plus (Loarie et al., 2009).

Mahlstein et al. (2013) ont conduit le même type d’analyses en se basant sur les régions climatiques de Köppen-Geiger2. Selon leur étude, le déplacement des zones climatiques est essentiellement dû à la température plutôt qu’aux précipita-tions. Dans des conditions globales de forts déplacements des zones climatiques, les régions à vitesse modérée sont des refuges essentiels pour de nombreuses espèces terrestres (Sandel et al., 2011).

Puisque les zones climatiques ont tendance à monter en altitude et à migrer vers les pôles, certaines d’entre elles vont être amenées à disparaître. Plusieurs écosystèmes vont donc ne plus trouver d’endroits où se réfugier. Nogués-Bravo

et al. (2007) mentionnent notamment les impacts directs de cette problématique

dans les régions montagneuses des hautes latitudes et Colwell et al. (2008) dressent un tableau de la situation critique de certains écosystèmes dans les zones tropi-cales. Il existe donc un lien direct entre les régions ayant des zones climatiques

1. Un biome est représenté par un ensemble d’écosystèmes qui se caractérise par la végétation et les espèces animales qui y prédominent et y sont adaptées. Il est caractérisé par son climat, en particulier sa température et ses précipitations. D’autres paramètres comme l’altitude ou la submersion périodique d’un sol peuvent également intervenir.

2. La classification de Köppen-Geiger distingue une région par ses conditions climatiques et non par son ensemble d’écosystèmes. Elle dépend principalement de la température de surface et des précipitations de la région considérée.

62 Vers une analyse alternative des projections climatiques

qui disparaissent et celles où sont détectés des dangers importants pour la biodi-versité. Pour ces régions, des solutions standards de conservation (telles que des migrations assistées d’écosystèmes) peuvent se révéler insuffisantes pour préserver la biodiversité. La progression de l’utilisation des sols a tendance à intensifier la disparition de la biodiversité (Ordonez et al., 2014). Selon le scénario A2, 10 à 48% de la surface terrestre sont amenés à voir des climats disparaître avant 2100. En parallèle, de nouveaux climats apparaitront, dans un premier temps en zones tropicales et subtropicales, et globalement sur 12 à 39% des surfaces terrestres selon le même scénario (Williams et al., 2007).

Malgré un réchauffement des océans moins élevé que celui des continents, la vitesse de déplacement des zones climatiques est plus élevée dans les océans sous certaines latitudes (Burrows et al., 2011). Dans les océans également, les zones ayant une riche biodiversité sont celles expérimentant les plus grandes vitesses spatiales, ce qui met encore une fois la biodiversité en danger.

Figure 2.7 : (a) Vitesse tem-porelle du réchauffement en fonction de la vitesse spatiale moyenne classée par topogra-phie. La bande rouge correspond au taux de changement de tem-pérature globale projeté à par-tir de 2050 selon le RCP8.5. (b) Vitesse de déplacement de plusieurs espèces terrestres et aquatiques sans aucune inter-vention humaine. Les bandes verticales entre les valeurs de vitesse spatiale et celle de la vitesse de déplacement sur (b) aident à les comparer. Les es-pèces dont la vitesse de dé-placement est à gauche de la barre verticale sont jugées inca-pable de s’adapter au change-ment du climat sans interven-tion humaine (issu de Settele