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Chaque indicateur défini dans cette partie permet d’étudier la vitesse de chan-gement de la température à la surface. Il est possible de les classer en deux groupes : les indicateurs basés sur l’évolution de la température annuelle et saison-nière moyennée sur 20 ans et ceux centrés sur la distribution spatiale et temporelle sur 20 ans de ces températures annuelles et saisonnières. L’année 1995 est choisie comme l’année caractéristique de la période actuelle. Elle est le point central de la période de référence la plus communément utilisée (1986-2005). De cette fa-çon, l’année 2015 est la dernière année prise en compte dans le calcul des valeurs actuelles de nos indicateurs.

3.2.1 Évaluation de la rapidité du réchauffement

L’objectif principal de définir le changement de température selon une réfé-rence glissante est de représenter avec quelle rapidité le réchauffement s’opère et de détecter les lieux et les périodes durant le 21ème siècle pour lesquels il sera particulièrement rapide. Les notions de vitesse et d’accélération sont donc ici es-sentielles.

La vitesse de réchauffement est définie comme la différence de la température annuelle moyenne à la surface entre deux périodes successives de 20 ans. Dans la suite du manuscrit, elle est notée ∆T20 et est exprimée en Kelvin par 20 ans :

∆T20(t) = hT it,t+20− hT it−20,t (3.1) où les crochets correspondent à la moyenne temporelle dans la période délimitée par les deux années données t1 exclue et t2 inclue2. Cet indicateur représente donc une différence glissante qui peut se traduire comme une vitesse sur 20 ans. Comme décrit dans le chapitre précédent, la vitesse de réchauffement est calculée

2. Le calcul de la moyenne temporelle d’une variable se fait systématiquement de la même façon dans tout le manuscrit : hvarit1,t2 = Pt2

t=t1+1var / (t2− t1−1). De la même manière, la déviation standard entre deux années t1 et t2se calcule entre t1+ 1 et t2.

3.2. Définition des indicateurs 85

dans chaque point de grille de chaque réalisation de chaque modèle. Comme tous les indicateurs suivants, elle est ensuite moyennée sur la région étudiée, avant de déterminer la moyenne multi-modèle.

Afin de caractériser l’accélération du réchauffement, on s’intéresse ici à l’aug-mentation moyenne de la vitesse par rapport à l’année de référence actuelle (i.e. 1995). Le ratio de la vitesse de réchauffement par rapport à 1995 représente alors le rapport de la valeur de ∆T20 entre l’année t et 1995 :

R∆T 20(t) = ∆T20(t)

∆T20(1995) (3.2)

R∆T 20 est donc une grandeur sans unité dont la valeur est égale à 1 en 1995. Son

évolution est explicitée entre 1995 et 2080 et permet de comparer l’amplitude des vitesses futures du réchauffement par rapport à l’amplitude récente.

3.2.2 Décalages significatifs de la distribution de

tempé-rature

Associée au réchauffement, la distribution de la température sera de plus en plus décalée vers des valeurs élevées. Plusieurs méthodes existent pour détermi-ner à partir de quand deux distributions de température sont significativement différentes. Décrit dans le deuxième chapitre, le temps d’émergence (ToE) du changement de la température permet de déterminer l’année à partir de laquelle la distribution est significativement différente de la distribution de référence. Le ToE est prévu plus tardivement dans les zones extra-tropicales.

Il s’agit ici de franchir une étape supplémentaire pour analyser les phéno-mènes projetés après l’émergence du changement. Les deux indicateurs suivants permettent de déterminer où le décalage des distributions de deux périodes succes-sives de 20 ans sera significatif, et ce tout au long du 21èmesiècle. Ces critères sont basés sur la déviation standard inter-annuelle de la période de référence glissante

σT(t−20, t) et sont remplis pour l’année t si ∆T20(t) dépasse σT(t−20, t) de α fois. Comme l’ont défini Hansen et al. (2012), l’amplitude de ce décalage peut être une représentation approximative de la façon dont les changements de température seront perçus. Par conséquent, la déviation standard est calculée sans détrender le signal, afin de rester dans le référentiel correspondant au vécu des populations. En supposant que la déviation standard de deux périodes successives de 20 ans n’est pas significativement différente (i.e. que la forme de la distribution de température ne varie pas, ce qui n’est pas forcément vérifié sur le long terme) et qu’elle suit une loi normale, ces dépassements peuvent être rapportés à la définition d’une année et d’une saison extrêmement chaude (Figure 3.3). En supposant que le décalage de la distribution de température correspond exactement à sa déviation standard (i.e. α = 1), des années relativement chaudes ayant un temps de retour d’environ 6 ans et étant au-dessus du 83ème percentile de la distribution durant la période de référence seront communes 20 ans plus tard (i.e. se produiront tous les

86 Vitesse de réchauffement

Figure 3.3 : Figure S5 de l’article de la section 3.3. Interprétation du décalage de la distribution de température annuelle en termes d’années extrêmement chaudes.

2 ans et se situeront au-dessus de la médiane de la distribution). Dans le cas où

α = 2, des années extrêmement chaudes ayant un temps de retour de 50 ans et

étant au-dessus du 98ème percentile seront communes 20 ans plus tard. Avec des décalages plus grands, ce sont des années extrêmes n’ayant très certainement pas encore été observées (pour α = 3, avec un temps de retour de 800 ans environ) qui deviendront habituelles en l’espace de 20 ans ! Cette interprétation est également valable pour les températures saisonnières.

Dans le but d’en évaluer les impacts potentiels, je m’intéresse alors à l’évo-lution de l’étendue spatiale de ces décalages de distributions de température sur les continents à l’échelle globale. L’étendue spatiale des années relativement ou

extrêmement chaudes, notée Θασ, est définie comme la fraction de continents sur laquelle la vitesse de réchauffement ∆T20 excède de α fois la déviation standard inter-annuelle de la période de référence glissante σT(t − 20, t) :

Θασ(t) =

P

i,jδi,j(t) · Ai,j(t)

Aland · 100 avec δi,j = 1 sih ∆T20(t) σT(t−20,t) i i,j ≥ α 0 sinon [%] (3.3) où [·]i,j correspond à la moyenne spatiale selon la latitude i et la latitude j et

3.2. Définition des indicateurs 87

Les années relativement chaudes sont caractérisées par α = 1 et les années extrêmement chaudes par α ≥ 2. L’étendue spatiale est exprimée en pourcentage de surfaces continentales.

Il est aussi possible de déterminer quelle fraction de la population sera tou-chée par de tels décalages. Pour cela, j’utilise les projections moyennes des Na-tions Unies de l’évolution de la population par pays jusqu’à l’année 20503. Ces projections prennent en compte le développement de l’économie, des progrès tech-nologiques et des politiques menées pays par pays. À l’horizon 2050, il est alors prévu que la population mondiale atteigne 9.5 milliards d’habitants (Figure 3.4). Au delà de cette période, je fais l’hypothèse que la population de chaque pays évo-lue au même rythme que pendant la décennie 2041-2050 jusqu’à l’horizon 2080. Elle atteindrait alors 10.5 milliards d’habitants, ce qui correspond à peu près aux hypothèses faites dans la construction des scénarios RCP (Van Vuuren et al., 2011).

Figure 3.4 : Projection de la population mondiale selon le scénario moyen des Na-tions Unies. 1990 2020 2050 2080 4 6 8 10 12 UN projections  10 9 habitants Figure 3.5 : Représentation des mailles du modèle CCSM4 correspondant à chaque pays.

Les points de grille du maillage de référence (CCSM4) sont triés par pays (Figure 3.5). Après avoir interpolé les données de chaque réalisation et de chaque modèle sur cette grille, je choisis de calculer la valeur moyennée par pays du rapport ∆T20(t)/σT(t − 20, t) pour chaque année et chaque point de grille. Si

88 Vitesse de réchauffement

la valeur moyenne du rapport d’un pays excède une valeur donnée de α, toute la population du pays en question est considérée exposée à un décalage de la distribution de température d’au moins α · σT.

La population exposée à des années relativement ou extrêmement chaudes est alors définie comme la somme de la population de tous les pays concernés par un décalage moyen de la distribution d’au moins α fois la déviation standard de la période de référence glissante. Cet indicateur est noté Πασ et est généralement exprimé en pourcentages de la population mondiale :

Πασ(t) = P c=paysδc(t) · Pc(t) P c=paysPc(t) · 100 avec δc= 1 si h ∆T20(t) σT(t−20,t) i c≥ α 0 sinon (3.4)

où [·]c correspond à la moyenne spatiale d’un pays c en particulier et où Pc(t) représente la population estimée ou projetée du pays c à l’année t. Dans l’article, les décalages de distribution de 2σ sont principalement analysés.

3.3 Article 1 : Investigating the pace of