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1.1 Les caractéristiques et les fluctuations du système climatique

1.1.4 Un nouveau perturbateur

Depuis maintenant presque deux siècles, l’être humain est entré en jeu dans le déséquilibre énergique terrestre. La révolution industrielle a restructuré la société dans son ensemble. Depuis, les progrès techniques ne cessent de se poursuivre. En modifiant son mode de vie et avec la pression grandissante de la démographie, l’être humain a fortement modifié la composition de l’atmosphère. Il intensifie di-rectement l’effet de serre en émettant des aérosols et des GES tels que le CO2, le CH4, le protoxyde d’azote (N2O) et les chlorofluorocarbures (CFCs). La concen-tration atmosphérique de CO2 a déjà augmenté de 40% environ par rapport à 1750 (Hartmann et al., 2013).

Simultanément, le bilan énergétique et hydrologique de la planète est fortement modifié par les changements de l’utilisation anthropique des sols :

— Un changement de la couverture du sol modifie son albédo. Cela a une influence sur le bilan énergétique de l’atmosphère pour les courtes lon-gueurs d’onde (e.g. Charney et al., 1977; Sud et Fennessy, 1982; Dirmeyer et Shukla, 1994).

— La rugosité du sol contrôlée principalement par la végétation et la topogra-phie modifient les flux turbulents de surface. Ceux-ci jouent un rôle dans les flux de chaleur sensible et latent entre le sol et l’atmosphère (e.g. Shukla et Mintz, 1982; Douville et al., 2001; Zampieri et al., 2009).

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— En présence de végétation, l’évaporation et le stockage de CO2 peuvent devenir plus importants. L’eau peut être captée plus en profondeur et la surface d’évaporation devient plus grande (e.g. Sud et al., 1988).

Figure 1.6 :Évolution du forçage radiatif causé par les émissions anthropiques de GES du début de l’ère industrielle à nos jours (issu de Myhre

et al., 2013).

Les activités humaines et la démo-graphie induisent donc un forçage ra-diatif sur le système ayant différentes origines et différents effets. La Figure 1.6 illustre l’évolution du forçage des GES anthropiques tout au long de l’ère industrielle et montre bien l’ac-célération qu’elle subit depuis le mi-lieu du 20ème siècle. L’augmentation de la concentration des GES agit bien comme le principal déterminant du for-çage anthropique. De 1750 à 2011, ces GES ont induit un forçage radiatif de

2.83 W/m2 ([2.54,3.12] pour un intervalle de confiance à 90%). L’ozone tropo-sphérique a joué un rôle dans l’augmentation du forçage, tandis que l’ozone stra-tosphérique l’a diminué. La plus grande incertitude a pour origine les interactions que les aérosols ont avec le rayonnement et avec la couverture nuageuse. Ces in-teractions induisent un forçage radiatif négatif. En regroupant ces perturbations anthropiques, le forçage radiatif total induit a été estimé à 2.3 W/m2 [1.1,3.3] en 2011 (Figure 1.7 et Myhre et al., 2013). En comparaison, l’amplitude de l’ensemble des forçages naturels pour la même période est évaluée 40 à 50 fois plus petite.

Figure 1.7 :Histogramme du forçage radiatif par facteur calculé pour la période allant de 1750 à 2011 (issu de Myhre et al., 2013). Les barres d’incertitudes représentent l’intervalle de confiance de 90%.

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À l’échelle centennale, le forçage radiatif induit par les activités humaines domine les forçages naturels.

Le rayonnement de la planète dépend directement de sa température5. Le premier ordre de la réponse du système climatique aux forçages anthropiques est alors une augmentation de la température globale depuis le début de l’ère industrielle. En la citant, Broecker (1975) a été le premier à parler d’anthropogenic

global warming, littéralement « réchauffement global anthropique ».

Les différentes mesures de la température globale de surface montrent ce ré-chauffement (Figure 1.8). En moyenne, la différence de température est estimée à 0.85°C [0.65,1.06] entre 1880 et 2012. Presque toutes les régions présentent un réchauffement, à l’exception d’une partie de l’Atlantique Nord. Une diminution du nombre de jours et de nuits froids est très probable depuis le milieu du 20ème

siècle. À l’inverse, le nombre de jours et de nuits chauds semble avoir augmenté, conduisant à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes (Hartmann et al., 2013). À cette tendance globale s’ajoute la variabilité inter-annuelle et décennale d’origine naturelle.

Figure 1.8 : Évolution observée de l’anomalie de température annuelle glo-bale à la surface par rapport à la clima-tologie de la période 1961-1990 pour la dernière version de trois bases de don-nées : HadCRUT4 (Morice et al., 2012), GISS (Hansen et al., 2010) et MLOST (Vose et al., 2012). Issu de Hartmann

et al. (2013).

La distribution temporelle des températures saisonnières s’en voit alors modi-fiée en se déplaçant vers des valeurs plus élevées et en s’étalant sur une gamme plus large de valeurs (Hansen et al., 2016). Sur les continents de l’hémisphère Nord, la distribution des températures estivales s’est décalée de plus d’une déviation stan-dard durant la décennie 2005-2015 par rapport à la période 1951-1980. Plus de 80% des étés sont alors considérés significativement plus chauds que la moyenne (Figure 1.9 en haut à droite). Le décalage de la distribution pour les températures hivernales est moins important (Figure 1.9 en bas à droite), non pas parce que le réchauffement est moins élevé, mais parce que la variabilité inter-annuelle est plus élevée en hiver qu’en été.

De façon complémentaire à cette réaction directe du système climatique, sa ré-ponse inclut des processus mettant en jeu toutes ses composantes, avec en autres

5. Le rayonnement d’un corps noir suit la loi de Stefan-Boltzmann : Em= σ · T4 où σ est la constante de Stefan-Boltzmann et vaut 5.67 · 10−8 Wm-2K-4et T la température du corps noir en Kelvin.

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Figure 1.9 :Fréquence d’occurrence des anomalies de température saisonnières locales en fonc-tion de la déviafonc-tion standard locale sur les surfaces continentales de l’hémisphère Nord. Les graphiques du haut correspondent à l’été boréal (i.e. juin, juillet et août). Ceux du bas à l’hiver boréal (i.e. décembre, janvier et février). Tiré de Hansen et al. (2016).

la modification du cycle hydrologique affectant les régimes de précipitations. Au-dessus des zones continentales des moyennes latitudes Nord, il est probable que les précipitations aient augmenté depuis le début du 20ème siècle. Pour les autres régions, la moins bonne qualité des mesures empêche de donner des conclusions robustes. Il est également probable que le nombre d’épisodes continentaux de pré-cipitations intenses a augmenté sur davantage de régions par rapport à celles sur lesquelles ce nombre a diminué. Aucune conclusion robuste sur l’augmentation de l’activité cyclonique n’a encore pu être faite (Hartmann et al., 2013).

Les changements du climat observés dans les dernières décennies induisent également des modifications de la phénologie de la végétation6. Sous l’effet du changement climatique anthropique, l’amplitude du cycle saisonnier de la végéta-tion a tendance à être plus grande et sa forme est modifiée (Keeling et al., 1996). Dans le cas des végétaux ayant un cycle marqué, les saisons foliaires7 commencent plus tôt et durent plus longtemps, et ce tant à l’échelle globale que continentale. Entre 1960 et 1995, il a été estimé que le début de la saison foliaire a avancé de 6 jours en moyenne et la fin a été reculée de 5 jours, donnant des saisons estivales plus longues d’une semaine et demie environ (Menzel et Fabian, 1999). D’autres études vont dans le même sens en affirmant que la saison a été allongée de 0.3 jour par année entre 1980 et 2000 et en attribuant les 55% de cet allongement à un début de saison plus précoce (Piao et al., 2007). Les plus grands change-ments ont plutôt été observés et simulés dans les latitudes comprises entre 45°N et 70°N (Myneni et al., 1997; Zhou et al., 2001). Une plus longue saison foliaire entraînerait une augmentation globale de la quantité de végétation sur les sur-faces continentales (Piao et al., 2007). Malgré cette tendance à l’allongement des saisons, des données satellite ont permis d’évaluer que la tendance à un début

6. La phénologie est l’étude des caractéristiques du cycle saisonnier de la végétation déter-minées par les variations du climat.