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Vitamine D et troubles neurologiques

Dans le document Vitamine D : Actualités (Page 127-134)

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LISTE DES TABLEAUX :

C. Effets non classiques de la vitamine D

7. Vitamine D et troubles neurologiques

Depuis 2010, une accélération importante des recherches a permis de mieux préciser l’intérêt de cette molécule dans les pathologies neurologiques, soulignant le rôle neuroprotecteurs de cette vitamine. Les données sur la vitamine D en neurologie sont présentées selon un ordre chronologique, permettant de mieux appréhender les raisons du développement important des études sur cette molécule dans la neurologie. En plus de la sclérose en plaque déjà rapporté, nous allons tenter un bref résumé sur les atteintes neurologiques en relation avec la vitamine D à partir de la bibliographie récolté.

7.1. Performances cognitives

Dans le cadre du vieillissement humain, une de premières associations entre troubles cognitifs et déficit en vitamine D a été obtenue en comparant 40 sujets ayant une maladie d’Alzheimer à un stade débutant et 40 sujets non déments d’âge similaire [141]. Dans les deux groupes, les sujets déficitaires en vitamine D avaient non seulement des performances moindres mais aussi une thymie plus. Un travail de plus grande ampleur a étudié 377 noirs américains et 703 caucasiens non déments âgés de 65 à 99 ans [142]. Les résultats montrent que les performances intellectuelles sont corrélées aux taux sériques de vitamine D. Les différences de performances sont essentiellement observées pour les fonctions exécutives et la vitesse de traitement de l’information ainsi que l’attention. Une très grande étude européenne étudiant 3369 personnes âgées de 40 à 79 ans a confirmé que les moins bonnes performances cognitives sont significativement plus marquées pour des taux de vitamine D inférieurs à 14ng/ml[143] . Une étude irlandaise, sur un nombre plus faible de sujets, rapporte les mêmes conclusions tout en suggérant que cette corrélation entre vitamine D basse et mauvaises performances cognitives est plus importante chez les femmes. Enfin, sur des sujets plus âgés (+ de 65 ans, n= 1639), un travail allemand entérine une fois de plus ces constatations. En corrélation avec les travaux précédents, les chutes sont aussi plus souvent retrouvées chez les sujets déficients en vitamine D. Ceci est peut-être en rapport avec les troubles de l’attention qui sont plus marqués chez ces personnes.

Au total la HAS dans son rapport de 2013 sur l’utilité clinique du dosage de la vitamine D [188] conclut que les données disponibles issues d’études d’intervention ne permettent pas de démontrer une efficacité de la

supplémentation en vitamine D sur les performances cognitives. Les données de littérature ne sont pas suffisantes pour indiquer le dosage de 25(OH)D pour améliorer les performances cognitives.

7.2. Maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est caractérisée par deux lésions types : les plaques amyloïdes (des dépôts extracellulaires de peptide β-amyloïde [β-AP]) et la dégénérescence neurofibrillaire (des dépôts intracellulaires de protéine tau anormalement phosphorylée). Le β-AP joue un rôle capital dans la physiopathologie de la MA [144]. Or, il est extrêmement surprenant de constater combien les mécanismes d’action de β-AP et les voies de la vitamine D sont proches : -in vivo, Sutherland et al. ont montré pour la première fois que les cerveaux de patients atteints de MA comportaient moins de transcrits du VDR comparaison des témoins sains du même âge ou atteints de la maladie de Huntington 2-le β-AP réduit in vitro l’expression de VDR dans des cultures primaires de neurones corticaux ; 3-le β-AP induit la 24(OH) hydroxylase, une enzyme qui accélère la dégradation de la vitamine D, dans des neurones de l’hippocampe, une cible précoce de la dégénérescence dans la MA[145] ; 4-la protéine VDBP (Vitamin D binding protein) interagit avec le β-AP et pourrait constituer un biomarqueur de la MA dans le liquide céphalo-rachidien .

En parallèle, et de manière très intéressante, une étude très récente de Grimm et al. a montré que l’hypovitaminose D in vitro, et in vivo dans un modèle de souris sauvage non Alzheimer, provoque une augmentation de la synthèse de β-AP, en dérégulant des enzymes responsables de sa production à partir de la protéine précurseur APP[146] . Nombreux arguments provenant

d’études épidémiologiques, de modèles animaux, de modèles cellulaires et de la génétique convergent pour faire de la vitamine D, non pas un acteur central dans la physiopathologie de la MA, mais un modulateur majeur de celle-ci [147]. Cela a conduit à la mise en place d’un essai thérapeutique fondé sur l’administration de vitamine D comme supplément à la mémantine, un des médicaments proposés dans la MA [148]. Les premières indications épidémiologiques, associant le déclin cognitif et l’hypovitaminose D dans la population âgée, mettent en avant un effet bénéfique potentiel de la vitamine D sur cette atteinte clinique préoccupante . Ces études relancent les interrogations antérieures sur l’implication de la vitamine D dans les fonctions cognitives du sujet âgé ou du jeune adulte [149].

La seule étude interventionnelle à ce jour peut sembler décevante au vu de ces arguments [150] . Toutefois, elle est basée sur une supplémentation faible en vitamine D (400 UI/j), dose éloignée des recommandations de l’Académie nationale de médecine (> 1500 UI/j) ou d’un groupe d’experts français (800 à 1000 UI/j) [148] pour les populations âgées de plus de 70 ans. D’autres études interventionnelles, avec une supplémentation plus importante, s’avèrent donc nécessaires avant de conclure à un effet de la vitamine D sur le déclin cognitif

[151].

Néanmoins, dans un modèle animal, la carence en vitamine D accélère le déclin, renforçant l’idée que la vitamine D peut améliorer les fonctions cognitives.

Les premières études épidémiologiques ont également associé la vitamine D et la MA. Ainsi, les patients atteints de MA non déficients en vitamine D réussissent mieux au test d’évaluation des fonctions cognitives MMSE (Mini Mental State Examination) que les patients déficients [152]. De plus, dans une étude longitudinale réalisée chez des femmes de plus de 75 ans, il a été trouvé celles qui développent la MA ont le plus faible taux de base en vitamine D et que celles qui bénéficient d’une supplémentation diététique en vitamine D diminuent leur risque de survenue d’une MA. Enfin, une corrélation inverse entre les niveaux de vitamine D et l’atteinte cognitive modérée (Mild Cognitive Impairment [MCI]) laisse supposer que l’hypovitaminose D pourrait être associée à la physiopathologie de la MA dès les phases précoces de la maladie. Les études génétiques, quant à elles, relient le risque de MA à une région du chromosome 12 contenant le locus du gène VDR et à un du récepteur [148].

Enfin, de nombreux arguments indirects, portant sur les effets de la vitamine D dans la modulation du stress oxydatif, de la neuro-inflammation, de l’homéostasie calcique, dans la régulation de certains facteurs neurotrophiques ou neurotransmetteurs, divers processus affectés au cours de la MA, convergent pour affirmer que la vitamine D joue un rôle bénéfique contre la MA [147].

7.3. Accident vasculaire cérébral

L’accident vasculaire cérébral (AVC) est l’affection neurologique invalidante dont l’incidence est la plus élevée. L’athérosclérose est la principale cause des infarctus cérébraux (30%), provoquant la formation d’embole pouvant migrer en distalité, mais aussi de sténoses ou occlusions des troncs supraaortiques à destinée cérébrale. L’athérosclérose carotidienne est plus

fréquente chez les sujets déficitaires en vitamine D avec une corrélation inverse entre l’épaisseur intima media et le taux sanguin de vitamine D dans une étude réalisée chez 203 sujets du nord de Manhattan [153]. Chez ceux qui avaient une plaque carotidienne, la corrélation était aussi présente entre le taux de vitamine D bas et l’épaisseur plus importante de la plaque. Le lien entre AVC thromboembolique et déficit en vitamine D a été bien établi dans la grande étude américaine de Kojima, portant sur 8006 patients suivis durant 34 ans. En ajustant sur les autres facteurs de risque, les apports quotidiens faibles en vitamine D étaient significativement associés au risque d’AVC dans cette population[154] . Dans une autre étude prospective cas-témoin, les taux sériques de vitamine D chez 464 femmes ayant fait un AVC étaient significativement bas que chez les femmes n’ayant pas présenté d’AVC[155] .

La sévérité de l’AVC semble aussi être influencée par le statut initial en vitamine D. Dans un groupe de 7981 sujets suivis durant une médiane de 14 ans aux États-Unis, les AVC mortels étaient 2,3 plus fréquents chez les sujets ayant un déficit que chez les autres [156]. Les explications avancées pour expliquer ces associations entre taux de vitamine D et les AVC sont multiples, notamment par le biais d’une association entre hypovitaminose D et plusieurs facteurs de risque d’AVC : augmentation du risque d’HTA, propriétés prothrombotiques, diminution de la synthèse de facteurs neuroprotecteurs, action néfaste sur l’inflammation qui joue un rôle important dans la genèse de la plaque d’athérome. Dans le domaine des AVC, là encore, l’apport de vitamine D n’a pas été validé comme outil thérapeutique en prévention primaire ou secondaire.

7.4. Vitamine D et épilepsie

Il existe une forte prévalence d’hypovitaminose D chez les enfants australiens atteints d’épilepsie et des convulsions peuvent révéler un rachitisme congénital[157] .Une étude pilote réalisée sur un petit nombre de patients atteints d’épilepsie pharmacorésistante montre qu’une correction de leur hypovitaminose D réduit de 40 % le nombre de crises[158] . La déficience en vitamine D pourrait donc avoir un rôle dans la physiopathologie de l’épilepsie et sa correction pourrait améliorer l’efficacité des traitements antiépileptiques classiques. Par ailleurs, certains de ces traitements, inducteurs du cytochrome P450, augmenteraient la dégradation de la vitamine D3 [159].

7.5. Maladie de Parkinson

Au plan fondamental, la vitamine D augmente le taux d’un facteur neurotrophique, le GDNF (Glial cell-derived neurotrophic factor), dans la substance noire et le striatum et protège les neurones dopaminergiques de la mort cellulaire lorsqu’ils sont exposés à des molécules toxiques chez l’animal. Au plan du risque, dès 1997 une prévalence élevée de déficit en vitamine D et d’ostéopénie était notée dans la maladie de Parkinson (MPK)[160]. Les travaux ultérieurs ont montré non seulement que le taux bas de vitamine D expose à développer la maladie mais aussi que certains polymorphismes de VDR, comme dans la MA, augmentent le risque de MPK. Dans un travail portant sur 770 familles de MPK familiale, les polymorphismes de VDR sont associés au risque de développer la maladie et certains sont spécifiquement associés à la précocité de cette pathologie. En parallèle, les taux élevés de vitamine D et certains polymorphismes de VDR sont indépendamment associés à une forme moins sévère de la MPK .

La vitamine D présente toutes les caractéristiques d’un neurostéroïde à fonctions neuro-immuno-modulatrices et neuroprotectrices. Ces fonctions ont été progressivement dévoilées par des études portant sur la physiopathologie des maladies neurodégénératives ou psychiatriques. L’hypovitaminose D, à différents âges sensibles de la vie, pourrait donc représenter un réel facteur aggravant plutôt qu’une cause seconde dans la progression de celles-ci. Ce facteur aggravant, très répandu dans les pays tempérés, est évaluable et peut être facilement corrigé. Cela ouvre des perspectives thérapeutiques intéressantes dans la prise en charge de nombreuses maladies en neurologie, psychiatrie et en gériatrie.

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