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Vitamine D et infections

Dans le document Vitamine D : Actualités (Page 106-118)

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LISTE DES TABLEAUX :

C. Effets non classiques de la vitamine D

5. Vitamine D et infections

La relation qu’il pourrait y avoir entre la vitamine D et les maladies infectieuses a été suggérée il y a maintenant plus d’un siècle. À cette époque, il était habituel de traiter les « tuberculeux » dans les sanatoriums d’altitude en des lieux ensoleillés comme le décrivait Thomas Mann dans la « Montagne magique» , ce qui favorise doublement la production cutanée de 25(OH) D. En effet, avec l’altitude, la diminution de concentration en ozone renforce considérablement l’effet des rayonnements UVB du soleil [98]. De façon similaire, Niels Ryberg Finsen, ce qui lui valut le prix Nobel de médecine en 1903, avait démontré que l’exposition aux UVB était bénéfique pour le traitement du lupus vulgaris, une maladie dermatologique dévastatrice causée par Mycobacterium tuberculosis[99] . La vitamine D garde une place importante dans les mécanismes de régulation de la différenciation et de la multiplication de multiples cellules, et dans l’homéostasie de plusieurs grands systèmes physiologiques dont le système immunitaire [1 ,101]. Il a été largement décrit

que de nombreuses cellules constitutives du système immunitaire étaient capables de produire la 25-hydroxy vitamine D 1α hydroxylase (ou cytochrome, CYP-27B1), l’enzyme qui permet la conversion de la forme circulante de la Vitamine D (25-hydroxy vitamine D- 25(OH) D) en sa forme active (1,25-dihydroxyvitamine D (1,25(OH) 2D)) De plus, il a également été montré que la majorité des cellules du système immunitaire exprimait le récepteur spécifique de la vitamine D ou VDR et ce, principalement après leur activation. De façon très intéressante, à la production de 1,25(OH) 2D dans le système immunitaire, a aussi été associée la synthèse de substances antimicrobiennes telles que la cathélicidine et, à l’inverse, l’insuffisance en vitamine D a été associée dans de nombreuses populations à travers le monde à l’accroissement de l’incidence de certaines maladies infectieuses [100].

Figure 18 : Représentation schématique montrant comment la vitamine De peut moduler la

Les monocytes/macrophages et les cellules dendritiques (DC) exprimant la 25-hydroxyvitamine D 1 α hydroxylase (ou CYP27B1) et le récepteur de la Vitamine D (VDR) peuvent utiliser la 25(OH) D circulante pour une action intracrine via la conversion intracellulaire de 25(OH) D en 1,25(OH) 2D. Cette synthèse intracrine dans les monocytes/macrophages favorise la production et la libération de substances antibactériennes dans les cellules dendritiques, elle conduit à l’inhibition de la maturation de ces dernières qui de-là module l’activation des lymphocytes T auxiliaires (Th pour helper-T cells). Les réponses Th peuvent cependant être également régulées sur un mode paracrine par la synthèse de 1,25(OH) 2D qui sera sécrétée par les DC et qui pourra interagir avec les VDR exprimés par les lymphocytes T. L’activité intracrine de la 25(OH) D survient également dans les cellules épithéliales exprimant la CYP27B1 et des VDR et qui comme les monocytes/macrophages seront alors capables de synthétiser des molécules antibactériennes. Les polynucléaires neutrophiles, qui n’expriment pas la CYP27B1, sont sous l’influence des taux circulants de 1,25(OH) 2D dont la production est alors régulée au niveau rénal. De façon similaire, les lymphocytes T auxiliaires exprimant des VDR sont également des cibles potentielles pour l’activité endocrine de la 1,25(OH) 2D circulantes[100] .

5.1. Vitamine D et tuberculose

La tuberculose est la deuxième cause de décès par infection dans le monde entier [102]. Elle est causée par un germe, acido-alcool-résistant, le Mycobacterium tuberculosis (MTB), qui a été décrit par Koch en 1882. Le Mycobacterium tuberculosis est un pathogène strictement humain dont la transmission et les stratégies d’évasion immunitaire sont diverses et efficaces.

L’immunité antituberculeuse est généralement de type cellulaire et elle arrive souvent à limiter la pathogénicité du germe. Plusieurs mécanismes différents ont été proposés pour expliquer comment la vitamine D potentialise l’action antimicrobienne des cellules immunitaires. Les études publiées récemment indiquent que la cathélicidine induite par la vitamine D, joue un rôle clé[103] .

Quand un macrophage/monocyte est stimulé via son récepteur TLR2/1 par un agent infectieux tels que le MTB ou son lipopolysaccharide (LPS), le signal induit l'expression à la fois du VDR et le CYP27B1 [104]. Le calcitriol produit à partir du calcidiol sérique agit par voie autocrine génomique où il augmente l'expression de la cathélicidine qui est capable de promouvoir l'immunité innée et l'induction de la destruction des agents infectieux comme celui de la tuberculose [106] . Il est également probable que le calcitriol produit dans les monocytes/macrophages soit libéré pour agir localement sur les lymphocytes T et les lymphocytes B activés afin de moduler respectivement la synthèse des cytokines et des immunoglobulines.

Le calcitriol régule directement sa propre synthèse par un rétrocontrôle négatif du CYP27B1 et par l'induction du CYP24A1. Il inhibe également la synthèse du TLR2/1, TNF (tumor necrosis factor) et les métalloprotéases matricielles (MMP), enzymes impliquées dans la pathogenèse des cavitations pulmonaires [107].

5.2. Infections respiratoires hautes et basses et vitamine D

Dans une étude observationnelle une association significative entre un déficit en vitamine D et le risque de développement de pneumopathies sévères a

été observée, chez des enfants comme chez des adultes[108] .Une étude d’intervention menée en Nouvelle-Zélande chez 322 jeunes adultes en bonne santé s’est intéressée à l’effet d’une supplémentation en vitamine D sur le nombre d’infections respiratoires hautes. Dans cet essai, 161 sujets ont reçu une dose initiale de 200 000 UI de vitamine D3, la même dose un mois plus tard puis 100 000 UI une fois par mois alors que les 161 autres participants ont reçu un placebo administré selon le même schéma. Au cours du suivi, 593 épisodes d’infections respiratoires hautes ont été rapportés dans le groupe vitamine D et 611 dans le groupe placebo, la différence n’étant pas significative. Cette étude n’a donc pas démontré de bénéfice d’une supplémentation en vitamine D sur la survenue d’infections respiratoires hautes chez des adultes jeunes en bonne santé[109] .Un autre essai mené chez des patients ayant une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) modérée ou sévère a évalué l’effet d’une supplémentation en vitamine D sur la réduction du risque de survenue d’épisodes d’exacerbation. Sur les 182 patients inclus dans l’étude, la moitié a reçu 100 000 UI de vitamine D par mois pendant 12 mois et l’autre moitié un placebo. Le critère de jugement principal était le temps entre l’inclusion et la survenue du premier épisode d’exacerbation. Il n’a pas été montré de bénéfice de la supplémentation au regard du critère de jugement principal pour l’ensemble des patients de l’étude. En revanche, dans le sous-groupe de sujets qui avaient un déficit profond en vitamine D à l’inclusion (défini par un taux sérique de 25(OH) D< 10 ng/ml), le nombre d’épisodes d’exacerbation a été significativement plus faible sous vitamine D que sous placebo[110] .Enfin, une étude menée chez des enfants en Afghanistan s’est intéressée au bénéfice potentiel d’une supplémentation en vitamine D3 sur l’incidence des

pneumopathies : 1524 enfants ont reçu une dose de 100 000 UI de vitamine D3 tous les quatre mois pendant 18 mois et 1522 enfants ont reçu un placebo selon le même rythme d’administration. Aucune différence n’a été mise en évidence en termes d’incidence entre le groupe d’enfants recevant une supplémentation en vitamine D3 et ceux recevant un placebo [111]. Ainsi, contrairement à la tuberculose, la supplémentation en vitamine D ne semble pas apporter de bénéfice pour les infections respiratoires hautes ou basses.

5.3. Vitamine D et VIH:

Il n'est pas certain que le statut en vitamine D pourrait être associé aux résultats immunologiques liés à l'infection à VIH. Cette question devient d'autant plus surprenante que la connaissance des fonctions immunologiques de la vitamine D continue de croître. L'identification récente des taux élevés de carence en vitamine D dans divers pays [112] était et encore une incitation supplémentaire pour évaluer les conséquences fonctionnelles de carence sous une variété de conditions physiopathologiques, y compris l'infection à VIH. Dans une cohorte suisse, une carence sévère en vitamine D (taux de 25 OH VitD < 12 ng/ml) a été retrouvée chez 42 à 52% des patients infectés par le VIH au printemps et 14 à 18% en automne. Ces taux contrastent avec ceux de la population générale suisse 6 à 15 % et seulement en hiver [113] . Dans cette étude, il n’y a pas de corrélation entre 25 OH vitamine D et exposition aux Antirétroviraux (ARV) en général, mais une relation inverse existe entre 25 OH Vit D et prise de INNTIs (Inhibiteurs Non Nucléosidiques de la Transcriptase Inverse).

Dans une étude transversale concernant 1077 patients infectés par <le VIH, 91% ont des taux inférieurs à la normale et un tiers une carence sévère (< 10ng/ml)[114]. Le traitement par l’efavirenz est associée de façon statistiquement significative à cette carence sévère (odds ratio (OR) ajusté 2,0 (95% IC; 1,5-2,7). Une étude prospective réalisée chez 87 patients infectés par le VIH naïfs d’ARV a mesuré les taux de 25 OH Vitamine D six mois et 12 mois après l’initiation des ARV[115]. Avant la mise sous traitement, la 25 OH vitamine D médiane est de 21 ng/ml et six mois à 12 mois après le début du traitement, la diminution de la 25 OH vitamine D est en moyenne de 5±1,5 ng/ml dans le groupe efavirenz (INNTI) en comparaison au groupe non traité par efavirenz (p=0,001) après ajustement pour la concentration de vitamine D de base, la race et la saison. Une étude menée sur un échantillon de 1985 patients de la cohorte Euro SIDA dont 83 % sous antirétroviraux, a montré une forte association entre la présence d’un taux de 25(OH) D à l’inclusion dans le tertile inférieur (<12 ng/ml) et la survenue ultérieure, sur 60 mois de suivi prospectif, des événements classant Sida et des décès toutes causes, avec une réduction de l’ordre de 40 %, statistiquement significative dans une analyse multivariée, du taux d’incidence de ces événements dans les deux tertiles supérieurs de taux de 25(OH)D à l’inclusion (tableau X) [116].

Tableau X : Taux d’incidence (pour 100 patients-années de suivi) des évènements en

fonction du taux de 25(OH) D à l’inclusion chez 1985 patients porteurs du VIH, majoritairement traités par antirétroviraux, de la cohorte Euro SIDA [116].

5.4. Vitamine D et Virus d’hépatite C (VHC):

Une étude observationnelle menée en Italie a recherché une éventuelle association entre le taux sérique de 25 hydroxy vitamine D et le score de fibrose, au niveau hépatique, chez des sujets ayant une hépatite C chronique réplicative de génotype 1 et chez des témoins non infectés par le VHC, appariés pour l’âge et le sexe. 197 patients souffrant d’une hépatite C chronique et ayant eu une évaluation histologique récente de la fibrose hépatique (par ponction-biopsie hépatique) ont été inclus, ainsi que 49 témoins. Le taux sérique de vitamine D était significativement plus bas chez les sujets atteints d’une hépatite C chronique par rapport aux témoins (25,07 vs 43,06 ng/ml, p< 0,001). Parmi les

patients porteurs d’une hépatite C, un taux sérique bas de vitamine D était significativement associé à une fibrose hépatique plus sévère (F3-F4) en analyse multi-variée. Enfin, dans un sous-groupe de patients ayant reçu, après l’inclusion dans l’étude, un traitement par peg-interféron et ribavirine, le taux sérique de vitamine D était un facteur indépendant significativement associé à la réponse virologique soutenue après arrêt du traitement[117] . Une autre étude a été menée chez des patients Co-infectés par le VIH-1 et le VHC (génotype 1 ou 4) pour évaluer, en fonction du taux sérique de vitamine D à l’inclusion, la proportion de patients chez lesquels une éradication virale était obtenue après un traitement contre l’hépatite C. Dans cette étude, le taux sérique de vitamine D était significativement associé à la probabilité de guérison, les patients ayant un taux sérique de vitamine D supérieur à 30 ng/ml ayant la meilleure chance de guérison après traitement [118]. Ces résultats ont donc amené à l’hypothèse qu’une supplémentation en vitamine D pourrait améliorer la réponse au traitement de l’hépatite C. Dans les essais d’intervention 72 patients porteurs d’une hépatite C chronique de génotype 1 ont participé à une étude au cours de laquelle ils ont été tirés au sort pour recevoir, soit une bithérapie anti-VHC avec peg-interféron et ribavirine ainsi qu’une supplémentation en vitamine D (2000 UI/j jusqu’à ce que le taux sérique dépasse 32 ng/ml, n= 36), soit une bithérapie anti-VHC sans supplémentation en vitamine D (n= 36). Le critère principal de jugement était la proportion de patients ayant une réponse virologique soutenue, celle-ci étant définie par un ARN-VHC indétectable 24 semaines après l’arrêt de la bithérapie.

À l’inclusion, 21 % des patients avaient un déficit sévère en vitamine D (< 12 ng/ml), 59 % un taux sérique insuffisant et les 20 % restant un taux sérique de vitamine D supérieur à 32 ng/ml. Vingt-quatre semaines après l’arrêt du traitement, le critère principal de jugement était atteint pour 86 % des patients ayant bénéficié d’une supplémentation en vitamine D versus 42 % dans l’autre groupe, la différence étant significative (p< 0,001), suggérant ainsi le bénéfice d’une supplémentation en vitamine D en termes d’obtention d’une réponse virologique soutenue [119].

5.5. Vitamine D et vaccins:

Quelques études observationnelles suggèrent que le déficit en vitamine D pourrait diminuer la réponse vaccinale[120] . Une étude interventionnelle contre placebo de supplémentation en vitamine D a montré une légère supériorité des taux d’IgG antitoxine tétanique, ainsi qu’une corrélation entre ces taux et l’augmentation de la concentration de 25(OH)D dans le groupe des sujets recevant la vitamine D [121]. En revanche, chez des patients infectés par le VIH, aucun bénéfice n’a été montré, en termes d’immunisation, après vaccination contre la grippe saisonnière ou H1N1[122] . Ces résultats peu clairs doivent donc être complétés par des études contrôlées dans différentes populations.

Le tableau XI regroupe les caractéristiques des revues systématiques traitent de la vitamine D et des maladies infectieuses et qui ont été retenus par la HAS dans son rapport d’évaluation en 2013 [39]

Tableau XI : Caractéristiques des revues systématiques, maladies infectieuses

Les données disponibles issues d’études d’intervention ne permettent pas de démontrer une efficacité de la supplémentation en vitamine D sur les infections aigues et les infections chroniques. Les données de littérature ne sont pas suffisantes pour indiquer le dosage de 25(OH)D en prévention des infections.

Au total :

Les données convaincantes lient le déficit en vitamine D à la fréquence ou la gravité de certaines infections. Les études d’intervention, encore peu nombreuses, ne sont pas toujours concluantes, mais ces essais sont difficiles à construire. En effet, le nombre de sujets nécessaire pour mettre en évidence une différence d’évolution peut être très élevé et le critère de jugement difficile à définir (les infections sont par ailleurs en général efficacement traitées...), il n’est pas certain que la supplémentation en vitamine D doit bénéficier à tout le monde (il pourrait être nécessaire de

définir des groupes à risque), et le taux de vitamine D circulante qu’il serait souhaitable d’atteindre dans ce contexte précis n’est pas connu. Néanmoins, d’après tout ce qui à précédé il serait toujours plus judicieux d’assurer aux patients leur capital en vitamine D et ça ne peut être que plus bénéfique.

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