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Quelles sont les tendances « socio-éco-démographiques » des espaces ruraux au cours des dernières décennies, comparativement aux autres espaces ? On reprendra ici quelques résultats démographiques, critères fondamentaux de cette vitalité ou revitalisation, mais aussi économiques (emploi, revenu). Les chiffres de l’attractivité résidentielle et récréative des espaces ruraux seront également introduits. Enfin, on essaiera de voir si le seul modèle de périurbanisation suffit à expliquer et comprendre les mécanismes en cours.

Le zonage référent ici est le zonage en aires urbaines et en aires d’emplois de l’espace rural de 2002 (ZAUER), dans lequel on réintroduit la notion de rural sous faible influence urbaine et de rural isolé. Ainsi, l’ensemble des « autres communes du rural » est constitué de deux groupes :

- les communes sous faible influence urbaine, qui comprennent les

communes dont 20% ou plus des actifs travaillent dans une aire urbaine (sans notion de contiguïté ici) ;

- les communes restantes qui définissent le rural isolé.

La délimitation communale choisie demeure celle de 1999.

Tableau 6 – Données de cadrage des communes en 1999

Source : INSEE 1999, ZAUER 2002, calculs de l’auteur.

Délimitation communale en 1999 pour l’ensemble de l’analyse, cette note ne sera plus précisée.

L’espace à dominante urbaine regroupe plus de 80% de la population française en 1999, dont 61% dans les pôles urbains. La population de l’espace à dominante rurale se répartit entre le rural sous faible influence urbaine (7%), les pôles ruraux (5,2%), le rural isolé (5,4%) et les couronnes des pôles ruraux (à peine 0,4%). La faiblesse du nombre de communes dans les couronnes des pôles ruraux rend ce groupe statistiquement peu représentatif.

Par ailleurs, même si les espaces sous faible influence urbaine participent certainement à la périurbanisation, ils correspondent peu aux critères et représentations qui alimentent la littérature sur la métropolisation. Avec une densité de 31 habitants au km² et une moyenne d’à peine 373 habitants par commune, cet espace a un « air » statistique très rural. En outre, on est bien en-deçà des seuils de densité qui prévalent à l’OCDE ou à l’UE pour qualifier le rural.

I

L

E RURAL ISOLE SERAIT AUSSI VIVANT QUE DANS LES ANNEES

1950

Le graphique 11 décompose pour chaque recensement, depuis 1962, les variations annuelles de la population, puis celles du solde naturel et du solde migratoire entre t et t+1 rapportées à la population en t+1. On considère donc le poids respectif du solde naturel et migratoire entre 1990 et 1999, par exemple, dans la population de 1999, divisé par neuf (le nombre d’années entre deux recensements étant variable, on raisonne en variation annuelle).

Le graphique 11 montre que les pôles urbains gagnent de la population très rapidement jusqu’aux années 1960/1970, puis que cette croissance s’est étendue aux communes périurbaines, puis multipolarisées.

Dans le rural, les pôles ruraux ont finalement suivi le rythme des pôles urbains : fort accroissement jusque dans les années 1970, puis stagnation. Cependant, la différence entre ces deux types de pôles tient plus à sa composition sociale qu’à sa dynamique. Alors que les pôles urbains enregistrent des soldes naturels excédentaires (mais en déclin), les pôles ruraux affichent entre 1990 et 1999 un déficit naturel. Inversement, alors que les pôles urbains ont un solde migratoire négatif depuis 1975- 1982, les pôles ruraux enregistrent un excédent migratoire (sauf entre 1982 et 1990).

Enfin, la distinction entre rural sous faible influence urbaine et rural isolé se justifie. Le premier est déjà largement engagé dans un processus de regain démographique : les soldes migratoires devenus excédentaires progressent et compensent les soldes naturels qui restent déficitaires mais qui s’améliorent. Le rural isolé peine encore à émerger. Il « peine » seulement, car on observe que les variations de la population, certes toujours négatives, le sont de moins en moins et que le solde migratoire est devenu positif. On observerait un retard du rural isolé dans ce processus de revitalisation démographique rurale. Ce processus qui semble

-1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3

pôle urbain com. périurb.

com. multipol.

pôle rural cour. pôle rural

rural ss faible influ

urbaine*

rural isolé*

Pop 62/68 Pop 68/75 Pop 75/82 Pop 82/90 Pop 90/99 -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 2

pôle urbain com. périurb.

com. multipol.

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine* rural isolé* SM62-68 / pop68 SM68-75 / pop75 SM 75/82 / pop82 SM82/90 / pop90 SM90-99/pop99 -0,5 -0,3 -0,1 0,1 0,3 0,5 0,7 0,9 1,1 1,3 1,5

pôle urbain com. périurb.

com. multipol.

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine* rural isolé* SN54-62 / pop62 SN62-68 / pop68 SN68-75 / pop75 SN 75/82 / pop82 SN82/90 / pop90 SN90-99/pop99

A - variation annuelle de la population entre deux recensements, en %

B - Accroissement annuel de la population entre deux recensements dû au solde naturel, en %

C - Accroissement annuel de la population entre deux recensements dû au solde migratoire, en %

gagner des espaces isolés interroge l’hypothèse de périurbanisation pour comprendre ces tendances.

Graphique 11 - Évolution démographique entre deux recensements par type de communes du ZAUER 2002

Source : INSEE, élaboration de l’auteur. * cf. définition supra.

-50 000 0 50 000 100 000 150 000 200 000 250 000 300 000 350 000 400 000 450 000

pôle urbain com. périurb.

com. multipol.

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine* rural isolé* 1962/1968 1968/1975 1975/1982 1982/1990 1990/1999 1999/2005 -200 000 -150 000 -100 000 -50 000 0 50 000 100 000 150 000 200 000 250 000

pôle urbain com. périurb.

com. multipol.

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine* rural isolé* 1962/1968 1968/1975 1975/1982 1982/1990 1990/1999 1999/2005 -50 000 0 50 000 100 000 150 000 200 000

pôle urbain com. périurb.

com. multipol.

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine* rural isolé* 1962/1968 1968/1975 1975/1982 1982/1990 1990/1999 1999/2005

A - variation annuelle de la population entre deux recensements

B - Solde naturel annuel entre deux recensements

C - Solde migratoire annuel entre deux recensements

Graphique 12 - Évolution démographique, entre deux recensements, pour les communes enquêtées depuis 2004

Source : INSEE, élaboration de l’auteur. * cf. définition supra.

-30 000 -20 000 -10 000 0 10 000 20 000 30 000

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine* rural isolé* 1962/1968 1968/1975 1975/1982 1982/1990 1990/1999 1999/2005 -30 000 -20 000 -10 000 0 10 000 20 000 30 000 40 000

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine* rural isolé* 1962/1968 1968/1975 1975/1982 1982/1990 1990/1999 1999/2005 -10 000 -5 000 0 5 000 10 000 15 000 20 000

pôle rural cour. pôle rural rural ss faible influ urbaine*

rural isolé* 1962/1968 1968/1975 1975/1982 1982/1990 1990/1999 1999/2005 A - variation annuelle de la population entre deux recensements

B - Solde naturel annuel entre deux recensements

C - Solde migratoire annuel entre deux recensements

Graphique 13 - Évolution démographique, entre deux recensements, pour les communes de l’espace à dominante rurale, enquêtées depuis 2004

Source : INSEE, élaboration de l’auteur. * cf. définition supra.

Les graphiques 12 et 13 reprennent les dernières données des recensements 2004, 2005 et 2006. Le champ des enquêtes menées depuis 2004 par l’INSEE couvre aujourd’hui 60% des communes et de la population métropolitaine. Le changement de méthode rend bien entendu le calcul des évolutions 1999/2004, 2005 ou 2006 très délicat. L’observation des résultats obtenus sur ces 22 000 communes enquêtées tend à renforcer notre prudence sur les résultats de ces calculs.

Le graphique 12 est peu lisible car il est construit sur des valeurs et non sur

des pourcentages1. Ce graphique reprend les variations de la population en ZAUER

(2002). Selon ces chiffres, les variations annuelles de la population seraient de plus

de 117 000 personnes dans les pôles urbains sur la période 1999/20052, soit près du

double des gains annuels enregistrés sur la période 1990/1999. Ce regain démographique résulte d’un excédent naturel annuel à hauteur de celui de 1962/1968 et d’une légère réduction du déficit migratoire déjà amorcée entre 1982 et 1990.

Le graphique 13 est plus lisible. Il reprend uniquement les chiffres de l’espace à dominante rurale. Ici, la période 1999/2005 serait marquée par l’accroissement soutenu de la population dans le rural sous faible influence urbaine (+27 000 personnes par an), résultant d’un bond spectaculaire du solde migratoire et d’un quasi-rééquilibrage du solde naturel. Les pôles ruraux connaîtraient également un regain démographique dû au même phénomène migratoire. Enfin, et surtout peut- être, le rural isolé verrait sa population s’accroître de 8 000 personnes par an.

Si la hausse des départs à la retraite, la gestion des acteurs ruraux pour accueillir les candidats à l’installation rurale, l’impact éventuel du relais médiatique peuvent accélérer le repeuplement des espaces ruraux, les « bonds » des soldes migratoires sur une période finalement courte paraissent tout de même étonnants. Ils seraient envisageables à long terme, mais ils paraissent quelque peu surprenants sur une période de six ans.

1 Les évolutions en pourcentage sont moins rigoureuses puisque la population totale 2004 ou 2005 ou

2006 reste inconnue, les dates d’enquêtes variant d’une commune à l’autre. Lorsque l’analyse l’impose, on travaille sur une population totale estimée en 2004, 2005 ou 2006, comme pour l’analyse de ratios (annexe 1).

2 Il s’agit bien des évolutions 1999/2004, 1999/2005 ou 1999/2006 selon les communes, mais pour

Issus de deux types de recensements, ces résultats confirmeraient, néanmoins, le processus de repeuplement des espaces ruraux déjà évoqué et que l’on propose de localiser plus précisément.

Le zonage introduit, à présent, est celui des bassins de vie de l’INSEE1. La définition du bassin de vie est la suivante : « Le bassin de vie est le plus petit

territoire sur lequel ses habitants ont un accès aux principaux services et à l’emploi»

(INSEE, 2003, p.13). Ces bassins de vie sont au nombre de 1 916 en France métropolitaine. Ils sont construits autour d’une commune qui polarise les déplacements de la population en termes d’accès à l’emploi et aux « services intermédiaires »2. Cette commune, qui polarise les déplacements des habitants du bassin, peut être :

- un pôle urbain, on parlera pour plus de commodité de « bassins pôles

urbains » ;

- une commune du périurbain, on emploiera le terme de « bassins

périurbains » ;

- un pôle rural ou une autre commune de l’espace à dominante rurale,

on les qualifiera de « bassins ruraux ».

On propose d’analyser une segmentation construite à partir des trois variables démographiques : la variation de la population, le solde naturel et le solde migratoire. La combinaison de ces variables entraîne six cas de figures possibles :

- les bassins de vie qui cumulent déficit naturel et migratoire sont

appelés bassins « en crise » (diminution de la population) ;

- les bassins de vie qui ont un solde migratoire excédentaire mais non suffisant pour compenser le déficit naturel sont appelés bassins « en transition » (diminution de la population) ;

- les bassins de vie qui voient leur population augmenter grâce à leur excédent migratoire (les soldes naturels demeurent négatifs) sont appelés bassins « attractifs » ;

1 On reviendra plus en détail sur la construction de ces bassins ainsi que les intérêts et les limites de ce

maillage dans le premier chapitre de la troisième partie de ce travail.

2 Les services « intermédiaires », définis comme tels, par l’INSEE correspondent à des services qui ne

sont pas des services de proximité (commerces de détail par exemple) et qui ne sont pas, non plus, trop élitistes (opéra, par exemple). Le détail des services considérés et leur pondération dans la construction de ces bassins est indiqué dans l’annexe 1 de la troisième partie.

- les bassins de vie qui ont un solde naturel positif insuffisant pour compenser les soldes migratoires négatifs sont appelés bassins « en déclin » (diminution de la population) ;

- les bassins de vie qui ont un solde naturel excédentaire suffisant pour

compenser leur déficit migratoire sont appelés bassins

« saturés » (augmentation la population) ;

- les bassins de vie dans lesquels la population augmente grâce à

l’excédent migratoire et naturel sont appelés bassins « dynamiques ».

Les choix des qualificatifs de ces six situations possibles ont été guidés par les types de territoires concernés et les évolutions constatées depuis 1962.

Plus précisément, les trois premières catégories (« en crise », « en transition », « attractif ») sont représentatives des « bassins ruraux »1. En effet entre 75% et 85% des bassins connaissant ce type de situation démographique sont des bassins ruraux. Par exemple, sur 212 bassins de vie « en crise » démographique, 181 sont des bassins ruraux.

Le qualificatif « en transition » a été choisi au vu de la dynamique de ces espaces. En effet, les trois quarts des bassins en transition, très majoritairement ruraux, étaient dans une situation qualifiée de « crise » lors des recensements précédents celui de 1999. Leur solde migratoire est donc devenu positif. De plus, deux tiers des bassins « attractifs » en 1999 sont passés d’une situation de « crise » à une situation d’attractivité migratoire qui leur permet aujourd’hui de voir leur population progresser. Le terme de « transition » renvoie donc à ce mécanisme de repeuplement qui passe par un renversement et un accroissement des soldes migratoires. Les soldes migratoires deviennent positifs, progressent jusqu’à compenser les soldes naturels qui restent déficitaires.

Les « bassins pôles urbains » sont eux surreprésentés parmi les bassins dits « en déclin » et « saturés ». Là encore, le qualificatif de « déclin » correspond à une situation de dégradation démographique sur les dernières décennies. La majorité de ces bassins avait encore une croissance démographique lors des recensements antérieurs. Déjà déficitaires en termes de migrations, ils voient aujourd’hui leurs soldes naturels se dégrader (même s’ils restent positifs). Certains de ces bassins caractéristiques du Nord-Est de la France ont, à présent, un solde naturel négatif et sont passés dans une situation qualifiée de « crise » démographique. « En déclin »

1 Rappel : bassins de vie polarisés par un pôle rural ou une autre commune de l’espace à dominante

fait référence aux soldes naturels qui en chutant cessent de compenser le déficit migratoire, jusqu’à devenir, eux aussi, négatifs. Le terme « saturé » est employé pour rendre compte de l’amoindrissement du solde migratoire des « bassins pôles urbains », surreprésentés dans ce type de dynamique démographique.

Enfin, les bassins de vie « dynamiques » (les trois variables sont positives) sont majoritairement des bassins polarisés par une commune du périurbain, 30% d’entre eux sont des bassins ruraux et 20% sont polarisés par un pôle urbain. Les deux tiers des bassins ruraux aujourd’hui dynamiques bénéficient depuis 1962 de soldes naturels positifs. Leur attractivité migratoire s’est renforcée fortement à partir de 1975. Ces bassins ruraux « dynamiques » sont plutôt concentrés dans le Nord- Ouest.

Cartes 16 à 21 - Caractéristiques démographiques des bassins ruraux entre deux recensements depuis 1962

Source : Calculs de l’auteur d’après INSEE, recensements 1962, 1968, 1975, 1982, 1990, 1999.

1990/99

1982/90 1975/82

1968/75 1962/68

Les cartes 16 à 21 reprennent cette segmentation à partir de 1962, uniquement pour les « bassins ruraux » afin d’isoler le fait rural et d’illustrer le processus de repeuplement de ces espaces.

Entre 1962 et 1968, la quasi-totalité des bassins ruraux ont un solde migratoire négatif. Seuls quelques bassins du Sud-Est, du pourtour méditerranéen, du littoral Atlantique au sud de la Rochelle, ou encore en périphérie de la région francilienne enregistrent une croissance de leur population. De nombreux bassins ruraux présentent encore des soldes naturels positifs dans l’Ouest, le Nord, le Nord- Est, mais également dans le Cantal, l’Aveyron et la Lozère.

Entre 1968 et 1975, le dépeuplement rural se poursuit. Plus précisément, alors que les bassins ruraux du Nord-Est, du Nord et du Nord-Ouest (hors pointe bretonne) conservent des soldes naturels positifs (mais la population décroît), les bassins du Sud-Ouest et du Massif Central cumulent à présent déficit migratoire et naturel.

À partir de 1975/1982, la situation évolue sous l’effet des mouvements migratoires. Ces migrations s’accompagnent d’un solde naturel toujours positif dans l’Ouest. Une partie des bassins situés au sud de l’Île-de-France, dans le Sud-Ouest, le Sud-Est et sur le pourtour méditerranéen deviennent attractifs et voient peu à peu leur population augmenter. Ce processus de repeuplement rural par migrations se poursuit jusqu’à dessiner une France rurale en 1999 très différente de celle des années 1960. Seuls quelques départements du Nord-Est, de la Bourgogne et le Cantal concentrent des bassins ruraux en crise pour la période 1990/1999.

Ainsi entre 1990 et 1999, 70% des bassins ruraux ont un solde migratoire positif. 50% d’entre eux ont un solde migratoire qui progresse sur la dernière période par rapport à la précédente (1982/1990) (cf. carte 22). Les 20% restants sont donc toujours très attractifs mais moins que sur la période antérieure. La géographie de ces « 20% restants » peut amener à formuler l’hypothèse d’une certaine saturation foncière dans ces régions très convoitées (Sud-Est, Pyrénées-Orientales, Dordogne). Enfin, dans les bassins ruraux qui présentent toujours des soldes migratoires négatifs, la situation s’est tout de même améliorée dans un cas sur deux.

Carte 22 - Comparaison des soldes migratoires des bassins ruraux entre 1982/90 et 1990/99

Source : calculs de l’auteur, d’après INSEE, recensements de la population 1982, 1990 et 1999.

Carte 23 - Caractéristiques des bassins ruraux sur la période 1999/2005

Pour la période 1999/20051, en tenant compte des dates d’enquêtes du nouveau recensement, on obtient, toujours selon la même segmentation, la carte 23. Les résultats par bassin reprennent les chiffres des 22 000 communes enquêtées jusqu’en juin 2007. Le rapprochement des deux recensements conclurait à la quasi- résorption des bassins ruraux en crise et à la généralisation des bassins dits attractifs (la population augmente grâce aux soldes migratoires). Si les dynamiques constatées depuis 1975 amènent à penser que c’est probablement dans ce sens qu’évoluent les bassins ruraux, le résultat, en l’espace de six ans, paraît très « spectaculaire ». Le dynamisme démographique généralisé sur tout le Nord du pays, ainsi que dans le Nord-Est, où les soldes migratoires seraient tout à coup devenus positifs2, peut étonner. Il semble que la prudence s’impose non pas tant sur les nouveaux chiffres ou sur les anciens, mais sur un travail visant à comparer 1999 et 2005. Le repeuplement généralisé des campagnes auquel veut croire Le Bras (2007) d’après ces chiffres ne semble pas encore d’actualité.

Cependant, en raisonnant quasi systématiquement sur la population résidente, on occulte un fait majeur de société : les déplacements. On dispose depuis 2005 d’une donnée majeure pour comprendre les dynamiques territoriales : la présence. Cette information est fournie par le ministère du Tourisme (Terrier et alii, 2005 ;

Terrier, 2006)3 qui a calculé en 2003 et 2005 pour chaque département la population

effectivement présente à l’année.

La population présente n’est autre que la population résidente à laquelle on soustrait les absences des résidents (partis en déplacement, professionnel ou non, pour une nuitée au moins) et à laquelle on rajoute la présence des touristes sur le territoire. Lissé sur l’année, cet indicateur permet de raisonner non plus sur le nombre de personnes recensées, mais sur le nombre de personnes effectivement présentes, consommant, se déplaçant, etc. sur le territoire.

Ainsi, on sait que Paris, qui figure au palmarès des places touristiques mondiales n’a finalement pas plus de personnes présentes à l’année dans ses rues que celles recensées. Le départ des Parisiens efface l’atout touristique de la ville, ou

1

Pour le détail des calculs de la population estimée, voir en annexe 1.

2 Ceci est d’autant plus troublant que la cartographie des migrants régionaux lors de ces derniers

recensements fait clairement apparaître le Nord-Est comme terre d’exil plutôt que comme terre d’accueil (cf. carte 19 de la première partie).

3

l’atout touristique de la ville comble le déficit de consommation des Parisiens. À l’échelle de l’Île-de-France, la région est déficitaire (Davezies, 2007).

Autre exemple, la Lozère qui mise sur 90 000 habitants en 2010 (en 1999, elle en comptait 70 000) a finalement déjà atteint son objectif. Elle bénéficie , en effet, d’un taux de présence de 125. Ce taux est le rapport entre la population présente à l’année et la population résidente, il est indiqué en indice. Un indice égal à 100 signifie que la population présente est égale à la population résidente. Un indice égal à 125, comme en Lozère, indique qu’il y a, par rapport à la population recensée, 25% de personnes en plus à l’année dans le département. La Lozère aurait donc 94 000 personnes présentes à l’année en 1999. L’incidence sur les besoins en services publics, médecins, commerces et équipements divers est directement liée à cette population présente.

Les données départementales, certes fort instructives, ne répondent cependant pas aux besoins d’une analyse territoriale plus fine.

On a donc tenté de désagréger ces données départementales à l’échelle communale. À l’échelle des départements, on obtient un modèle statistiquement robuste qui relie ces données de présence au revenu par habitant1 en négatif et au potentiel d’accueil touristique en positif. Cela signifie qu’un territoire enregistrera un taux de présence d’autant plus élevé qu’il est touristique (capacité d’accueil en hébergements marchands et résidences secondaires) mais également qu’il voit ses habitants peu partir (revenu plus faible). Ainsi, des départements comme les Alpes- Maritimes où affluent de nombreux touristes du monde entier ne sont finalement pas parmi les départements les plus excédentaires en termes de présence. Les habitants de ce département, parce qu’ils sont plus « riches » que la moyenne des habitants des

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