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De la fin du XIXe siècle au milieu du XXe, peu d’économistes se sont intéressés à la question des territoires. Les quelques auteurs de cette époque à avoir « spatialisé » l’analyse économique seront peu relayés en leur temps mais offriront les bases théoriques d’une nouvelle discipline. On reviendra sur la modernité de certaines hypothèses de ces auteurs et l’on tentera de comprendre quelles ont pu être les raisons qui firent que ces travaux n’ont, peut-être, pas eu l’impact qu’ils méritaient à l’époque.

L’apport dans l’analyse de la dimension spatiale à une échelle « infranationale » fut mis en avant par les premiers travaux précurseurs et fondateurs de ce qu’Isard nomma, en 1954, la Regional Science. Ces premiers travaux constituèrent un terreau fertile aux approches qui se développèrent jusqu’aux années 1990. On présentera rapidement les acceptions sur lesquelles s’appuyaient ces travaux comparativement à celles que l’on a introduites dans la grille d’analyse.

Dans les années 1990, la Science Régionale connut une réelle crise. L’une des réponses à la crise fut apportée par les macro-économistes et les internationalistes. En réagissant aux modèles néoclassiques et à leurs hypothèses, ces auteurs amenèrent une nouvelle façon de considérer le territoire. Cette nouvelle acception qui considère le territoire comme un facteur de croissance domine aujourd’hui la question du développement territorial. Comprendre le contexte d’apparition et de développement de ces travaux permet de mieux comprendre leur succès.

I

L

ES ECONOMISTES ET L

ESPACE

:

UNE RENCONTRE RECENTE

?

La quasi-totalité des manuels d’Économie générale ont en commun l’oubli de l’espace. Tout se passe également comme si les activités économiques n’avaient aucun ancrage spatial, comme si les activités se déroulaient « sur une tête d’épingle »

pour reprendre l’expression de Combes, Mayer et Thisse (2005, chapitre 2, p.1)1. Ce

« vide économique » peut être illustré par un travail de recherche de mots-clés tels que « espace », « territoire », « région », « local », « localisation », au sein des

1 Pagination de la version électronique disponible à l’adresse :

principales œuvres des grands économistes de la fin du XIXe, début du XXe siècle1 : Keynes, Fisher, Say, Ricardo, Walras, Schumpeter. Ces termes y sont soit totalement absents, soit utilisés dans des expressions courantes telles que « en l’espace de cinq années ». En 1911, par exemple, dans La théorie de l’évolution économique, œuvre

phare de la pensée économique du XXe siècle, Schumpeter évoque au mieux un

espace « exploité économiquement » (chap. I à III, p.692) pour reprendre ses termes ou un territoire « économiquement donné » (chap. IV à VI, p.812). L’espace ne

semble jouer aucun rôle en Économie, il serait absolument neutre.

Pourtant, dès 1890, Marshall, fondateur de l’école néoclassique, introduit des notions et des principes qui demeurent au cœur des travaux les plus récents. Il invente la notion d’économies internes et externes, souligne les aspects positifs de la concentration et de la spécialisation industrielle (ce que l’on nomme aujourd’hui le district marshallien), l’atout des grandes villes en matière de diversité industrielle. Il décrit les forces centrifuges et centripètes qu’exercent les coûts de transports (Marshall, 1890, trad. fr. de 1906 – livre IV, Chap. IX et X)3.

À propos des externalités positives et des économies d’agglomération, telles qu’elles sont nommées aujourd’hui, Marshall écrit :

« Nous pouvons diviser en deux catégories les économies résultant d'une augmentation de la production dans une branche quelconque : premièrement, celles qui tiennent au développement général de l'industrie et, secondement, celles qui tiennent aux ressources des entreprises individuelles s'occupant de cette branche de production, à leur organisation et à l'excellence de leur direction. Nous pouvons appeler les premières économies externes, et les secondes économies internes.

[…] Nous arrivons maintenant à l'examen de ces très importantes économies externes qui peuvent souvent être obtenues par la concentration d'un grand nombre

1 Œuvres disponibles dans leur version française sous format électronique consultables dans la

collection « Les classiques des sciences sociales » à l’adresse : http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html

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Pagination de la version électronique de : Schumpeter J. Théorie de l’évolution économique (1911). Traduction française de 1935, introduction de François Perroux ; consultable à l’adresse : http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/classiques/Schumpeter_joseph /theorie_evolution/theorie_evolution_1.pdf

3 Marshal A. Principes d’Économie Politique (1890). Traduction française de 1906 ; consultable à

l’adresse :

http://www.uqac.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/classiques/marshall_alfred/principes_e co_pol_1/principes_eco_pol_1_2.pdf

de petites entreprises d'un caractère semblable dans certaines localités, ou, comme on dit d'ordinaire, par la localisation de l'industrie. » (Marshall, 1890, livre IV,

chap. IX, p.115.)

On peut noter le rôle de l’espace dans les choix de localisation des industries.

« Lorsqu'une industrie a ainsi choisi une localité, elle a des chances d'y rester longtemps, tant sont grands les avantages que présente, pour des gens adonnés à la même industrie qualifiée, le fait d'être près les uns des autres. Les secrets de l'industrie cessent d'être des secrets ; ils sont pour ainsi dire dans l'air, et les enfants apprennent inconsciemment beaucoup d'entre eux.

[…] De plus, l'emploi économique de machines coûteuses peut être parfois possible à des conditions très avantageuses dans une région où se trouve groupée une grande production d'une certaine espèce, alors même que les capitaux individuels qui y sont employés ne seraient pas très considérables.

[…] De plus, toujours, sauf aux époques primitives du développement économique, une industrie localisée tire un grand avantage du fait qu'elle est constamment un marché pour un genre particulier de travail. » (Marshall, 1890,

livre IV, chap. IX, p.119)

Marshall, sans les nommer ainsi, décrit les différents aspects que peuvent revêtir les économies d’agglomération, qui amèneront les auteurs à considérer l’espace comme un facteur de croissance principalement à partir des années 1990.

Marshall précise aussi que, par ces localisations, la ville connaît un progrès incessant.

« Les avantages qu'offre la variété d'occupations se combinent avec ceux de la localisation de l'industrie dans certaines de nos grandes villes manufacturières, et c'est là l'une des principales causes de leur progrès continu. Mais, d'un autre côté, la valeur que les quartiers centraux d'une grande ville possèdent pour les commerçants permet à ceux-ci d'y payer le sol bien plus cher qu'il ne vaut pour des fabriques, même en tenant compte de ce concours d'avantages : et une compétition semblable, au sujet du logement, a lieu entre les employés des maisons de commerce et les ouvriers de fabrique. Le résultat est que, maintenant, les fabriques se groupent dans les faubourgs des grandes villes et dans les régions manufacturières avoisinantes, plutôt que dans les villes elles-mêmes. » (Marshall, 1890, livre IV, chap. IX, p.120.)

Marshall va également souligner le rôle antagoniste des coûts de transport comme force centripète des activités, d’une part, mais centrifuge des individus, d’autre part.

« Toute diminution de prix des moyens de communication, toute facilité nouvelle d'échanger librement des idées entre lieux éloignés, font obstacle aux forces qui tendent à localiser les industries. En nous plaçant à un point de vue général, nous pourrions dire qu'une diminution des tarifs de transport ou des frets tend à pousser chaque localité à acheter au loin beaucoup plus de choses ; elle tend ainsi à concentrer les industries particulières dans certaines localités. Mais, d'un autre côté, tout ce qui permet aux gens d'émigrer plus facilement d'un lieu à un autre amène les ouvriers spécialisés à travailler près des consommateurs qui achètent leurs marchandises. Ces deux tendances opposées apparaissent très bien dans l'histoire récente du peuple anglais. »(Marshall, 1890, livres IV, chap. IX, p.121.)

Il ne s’agit pas ici de dire que tout est déjà dans Marshall, mais de

souligner que l’espace1 y est déjà décrit dans quelques-unes de ces acceptions phares

de la Science Régionale. Il aura fallu attendre plus d’un demi-siècle pour voir ces « prémices » de l’Économie Régionale formulées et modélisées. Isard, par exemple, reprendra cette notion d’économie externe en 1956, en distinguant les économies externes de localisation (proximité d’activités d’un même secteur), des économies d’urbanisation (proximité d’activités de secteurs diversifiés).

La liste des précurseurs ne se réduit pas au seul nom de Marshall. Il convient de citer ce que l’on nomme « l’école des spatialistes allemands » à laquelle sont

associés les noms et dates de Von Thünen (1826), Weber (1909), pour les

précurseurs, Christaller (1933) et Lösch (1954) ultérieurement. Ce n’est pas tant le contenu des modèles développés par ces auteurs que l’on veut mettre en avant, mais le contexte de querelle méthodologique dans lequel ils s’inscrivent. Ce contexte pourrait expliquer, en partie, le peu d’influence qu’eurent ces modèles sur les sciences économiques de l’époque.

Si ces auteurs constituent a posteriori une « école », leurs points communs, hormis d’être allemands et de s’être intéressés aux questions spatiales, ne sont pas si évidents. Certains évoquent le manque de formalisation de ces analyses (Ponsard, 1983), d’autres évoquent une méthode scientifique commune (démarche hypothético- déductive) (Blaug, 1979).

1 On pourrait employer systématiquement le mot espace pour qualifier le territoire des économistes

par rapport à celui des géographes. L’accent a été plutôt mis dans ce travail sur les fonctions des territoires que sur leur dimension construite ou non, selon les auteurs.

Pour ce qui est du manque de formalisation, on peut préciser que le modèle mathématique de Weber était si complexe à son époque qu’il a dû avoir recours à Georg Pick, fameux mathématicien, proche collaborateur d’Albert Einstein.

Pour ce qui est de la démarche scientifique « hypothético-déductive », on propose de développer ce point en s’appuyant sur les travaux de Nussbaumer (2002) consacrés à l’école historique allemande. À la fin du XIXe siècle, une querelle de méthode oppose les tenants de l’approche hypothético-déductive (école autrichienne, mais aussi et surtout depuis, anglaise) aux partisans d’une approche historique et multi-causale qui se voulait plus réaliste (école allemande). Deux approches des questions spatiales s’en dégageront :

- l’une déductive qui s’intéresse aux causes purement économiques de

la localisation des activités ;

- l’autre historique qui se soucie de comprendre comment se constitue

historiquement la configuration spatiale des activités.

Les modèles de Von Thünen et de Weber sur la théorie de la localisation spatiale des activités agricoles, pour le premier, des activités industrielles, pour le second, semblent paradoxalement se rapprocher d’une construction formelle et déductive et s’opposer à la méthode historique, allemande pourtant. Les travaux de Von Thünen, élaborés à partir de son expérience personnelle de propriétaire foncier et exploitant d’un domaine de 340 hectares dans le Mecklembourg, serviront pourtant de base à Roscher (1865) et Schaeffle (1873) pour mettre en avant le rôle de la construction sociale et des institutions sur la localisation des activités économiques.

Weber, de son côté, sera l’un des auteurs à tenter, en vain, d’unifier ces deux approches. En effet, si la première partie de son œuvre est consacrée à ce qu’il appelle une théorie pure qui interprète la localisation uniquement en termes économiques, la deuxième partie, sa théorie « réaliste » 1, rassemble des études de cas qui introduisent des facteurs de localisation liés à l’histoire, à la culture et à la forme des relations socio-économiques. Cette deuxième partie du travail de Weber restera largement méconnue, malgré le soutien d’auteurs comme Sombart. Pour ce

1 On lui doit notamment une explication « territorialisée » du déclin de l’empire romain qu’il voit

comme une vengeance posthume d’Hannibal qui, lors de sa longue et violente occupation de l’Italie, a totalement modifié la structure de la propriété foncière de l’Italie, mettant un coup d’arrêt à son développement économique : une nouvelle classe de grands propriétaires autarciques ayant remplacé, après guerre, la multitude de petits propriétaires, agriculteurs ou artisans vivant de la spécialisation et de l’échange, et que les Carthaginois avaient massacrés...

dernier, il est en effet important de distinguer la « théorie historique qui rend compte

de la réalité économique [… et la] théorie pure qui n’est qu’un outil qui peut aider à comprendre certains éléments complexes de la réalité économique » (cité par

Nussbaumer, 2005, p.16). « Ce n’est pas le principe de localisation des activités qui

permet de construire un système économique, mais c’est l’analyse du système économique construit historiquement qui permet de comprendre la localisation des activités. » (Sombart, 1910, cité par Nussbaumer 2005, p.18). Enfin, tout en félicitant

Weber pour son effort de conciliation, Sombart souligne les limites de son modèle. Il critique notamment la réduction du choix de localisation à la prise en compte du coût direct et évoque l’importance de la proximité, des interactions entre la firme et ses partenaires, entre la firme et sa clientèle.

Le rôle de la proximité, la dimension historique des localisations industrielles, la construction sociale et culturelle d’un territoire, le rôle des institutions locales dans le développement local sont autant d’aspects de la question territoriale qui ne furent pas repris par les tenants des approches hypothético-déductives, vainqueurs de cette querelle scientifique1.

L’école allemande aurait été « victime » de cette querelle méthodologique dont sortirent vainqueurs les défenseurs des approches purement hypothético- déductives. Cette hypothèse paraît plus vraisemblable que celle de la barrière linguistique et du manque de formalisme. Cette hypothèse est aussi celle de Lepetit (1988), qui voit, plus généralement, dans l’abandon de l’espace une rupture entre auteurs préclassiques et classiques. « L’économie politique classique devient

essentiellement hypothético-déductive et se concentre sur les facteurs généraux qui sont supposés être les mêmes en tous les lieux. Elle relègue les facteurs particuliers, associés erronément à l’espace, au domaine monographique. » (Thisse, 1997, p.7-8).

S’il ne semble plus y avoir de querelles, cette opposition entre « quantitativistes » et « défenseurs d’approches plus qualitatives » demeure. Les premiers intègrent, à présent, l’espace, mais de façon sans doute partielle. Les seconds privilégient souvent des approches monographiques non généralisables.

1 Ces aspects-là du développement territorial seront réintroduits plus tard dans les travaux des

Thisse (1997) propose deux autres raisons pour expliquer le manque d’intérêt des économistes vis-à-vis de l’espace.

La première porte sur la faible prise en compte des coûts engendrés par la distance. « L’explication la plus courante de cette négligence est que les frais de transport ont diminué de manière considérable depuis le début de la révolution industrielle, de sorte que la distance compte moins et contraint moins. » (Thisse, 1997, p.4).

Le second souligne la position des économistes pour lesquels « plusieurs questions économiques fondamentales n’ont pas besoin de la dimension spatiale pour être étudiées avec pertinence, les coûts de transport n’étant que des coûts parmi d’autres » (Thisse, 1997, p.5).

Ces deux explications, comme l’indique Thisse, sont peu satisfaisantes tant la distance occupe encore un rôle majeur dans la localisation des agents.

Par ailleurs, réduire l’oubli de l’espace à l’oubli de la mesure des coûts paraît peu satisfaisant. Le territoire, même si on le nomme « espace » comme chez les économistes, ne peut se résumer à une mesure de distance traduite en coût. Considérer l’espace, c’est certes considérer la distance, la densité, mais c’est aussi intégrer les fonctions de ce territoire, la population, les paysages et tout ce qui compose ces espaces et qui les rend si singuliers.

L’hétérogénéité intrinsèque de cet « objet » d’étude peut d’ailleurs constituer une des raisons probables de cet oubli. En effet, s’il est depuis longtemps possible de « modéliser », de « résumer » ou encore « d’échantillonner » une population d’individus et des phénomènes sociaux, l’exercice se corse quant il s’agit d’espace. L’étude de l'autocorrélation spatiale (qui se réfère à l'absence d'indépendance entre observations géographiques) et l’étude de l'hétérogénéité spatiale (qui est liée à la différenciation des variables et des comportements dans l’espace) ne sont très certainement qu’un début de réponses apportées par les économètres. C’est donc à la fois cette hétérogénéité qui justifie l’existence de nos recherches et de notre discipline, mais c’est aussi elle qui l’a peut-être pendant longtemps rendue muette.

Plus spécifiquement, pour Krugman (1995), les contraintes de modélisation ont longtemps porté sur la difficulté de concilier rendements d’échelle croissants et concurrence parfaite. L’existence de rendements d’échelle croissants est une condition indispensable à l’existence, voire à la raison d’être des villes. L’ignorer, c’est ignorer l’espace, ou, plus précisément, ignorer l’espace permettait d’ignorer

cette réalité. On raisonnait alors en rendements constants. Or, avec des rendements non croissants, il serait toujours au moins aussi efficace de diviser les activités de production jusqu’au point où les coûts de transport sont nuls. Or, ce résultat va à l’encontre de la polarisation existante des hommes et des activités. Les rendements ne peuvent donc être que croissants. Mais modéliser ces mécanismes dans le cadre de référence des économistes qu’est la concurrence parfaite demeurait complexe. En effet, si les rendements sont continuellement croissants et que la concurrence est parfaite (parfaite connaissance des prix et comportements rationnels des agents), alors à terme une seule entreprise subsiste puisque dès la première unité produite ses coûts n’ont cessé de diminuer. Si ce résultat n’est finalement pas constaté, c’est que l’on est en situation de concurrence imparfaite (c’est-à-dire que les entreprises n’ont plus une parfaite connaissance de ce qui se passe chez le voisin et peuvent fixer leur prix librement et donc continuer à produire). Les modèles de Dixit-Stiglitz (1977), puis celui de Krugman (1991), que l’on reprendra plus loin, parviennent à modéliser ces mécanismes de rendements croissants et de concurrence imparfaite. Krugman (1995) montre comment les sciences sont contraintes d’ignorer des travaux antérieurs, au risque de perdre des informations précieuses, afin de développer de nouvelles méthodes, indispensables pour aller plus loin. Il cite l’exemple de la météorologie, de la cartographie, pour terminer par l’exemple de l’Économie Régionale.

Une autre idée, développée par Jane Jacobs (1984) reprise par Thisse (1997), paraît particulièrement pertinente. Jacobs montre comment le concept de nation n’a jamais été remis en cause. L’étude des pays ou blocs de pays, entités de la vie économique, a perpétué cette négligence des territoires sub-nationaux. Elle cite notamment Adam Smith qui discute et conteste de nombreuses idées de l’époque et qui argumente chaque concept qu’il choisit, à l’exception de celui de nation. Les nations seraient des entités homogènes et la seule dimension spatiale qui prime serait la frontière nationale.

D’un autre côté, jusque dans les années 1970-1980, les mécanismes économiques qui prévalaient à l’échelle des nations pouvaient être transposés à l’échelle de territoires sub-nationaux. Ainsi, pour se préoccuper de la question locale, les outils et les indicateurs des mécanismes de la macroéconomie convenaient. Aujourd’hui, il semble qu’il faille réadapter les outils à la spécificité des questions territoriales actuelles.

Enfin, le contexte géographique et historique des pays a joué également un rôle majeur dans la façon dont l’espace allait être considéré (Thisse, 1997). Les particularités géographiques de l’Angleterre et l’importance des échanges fluviaux à l’échelle internationale (finalement peu coûteux) minimisaient le rôle de la distance et des échanges intra-nationaux. Ce qui se répercuta sur la recherche anglo-saxonne, pionnière et fort influente sur l’Économie moderne. A contrario, l’histoire de la construction de l’Allemagne, son unification et l’élargissement de son marché

intérieur à la fin du XIXe siècle, le développement d’un commerce terrestre coûteux

en frais de transport, l’importance du concept de territoire dans la philosophie politique allemande sont autant d’éléments qui tissèrent un environnement propice aux travaux des spatialistes. Quant à la France, sa position serait intermédiaire : une sensibilité moindre que l’Allemagne en raison de son unification territoriale mais plus que l’Angleterre de par ses réseaux et échanges terrestres. L’Économie Spatiale

était présente en France au XIXe siècle, mais était le fait d’ingénieurs des chemins de

fer, d’ingénieurs des Ponts et Chaussées, d’auteurs qui évoluèrent en dehors des

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