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Visualisation des domaines magnétiques dans les composites magnétoélectriques

6. Observation directe de l’effet magnétoélectrique : Effet Kerr

6.5 Visualisation des domaines magnétiques dans les composites magnétoélectriques

Les échantillons pour cette étude ont été réalisés de la même façon que les composites à anisotropie unidirectionnelle présentés précédemment. Pour les observations Kerr nous avons besoin d’une bonne qualité de la surface de l’échantillon. C’est pour cette raison que le matériau magnétique (FeCoB) est d’abord déposé sur un substrat de verre de 50 µm d’épaisseur et non directement sur MFC. Les motifs de différentes tailles et formes sont ensuite réalisés par gravure ionique (IBE). Le substrat de verre avec des plots magnétiques (Figure 54) est finalement collé sur le MFC à l’aide d’une colle.

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Figure P et

du composite final.

Nous avons réalisé deux types d’observations. Tout d’abord, la structure en domaines dans l’état désaimanté a été étudiée en fonction du champ électrique appliqué aux bornes du MFC. Cela nous permet de déterminer la position stable de l’axe facile d’aimantation. Dans un deuxième temps, nous avons regardé le comportement des domaines instables à l’état rémanent (après la saturation du matériau magnétique) dans les mêmes conditions de champ électrique appliqué.

a. Evidence directe de la rotation de l’axe facile d’aimantation dans

l’état désaimanté

La structure en domaines obtenue sur des plots circulaires pour différents champ électriques appliqués est présentée sur la Figure 55. La première image est prise pour le champ électrique E = -1 MV/m, ce qui correspond à une contrainte en tensions ( >0) dans le sens de l’axe facile initiale (vertical). Dans ce cas, l’anisotropie effective est renforcée grâce au terme d’anisotropie magnétoélastique. Nous observons trois domaines verticaux bien alignés avec l’axe facile. En augmentant le champ électrique jusqu’à E = 1.4 MV/m, nous observons la réduction de nombre de domaines ce qui reflète la diminution de l’anisotropie effective (les contraintes générées par le MFC deviennent négatives ( <0) par rapport à l’axe initial). Les images correspondant aux champs critique Ecr = 1.8 - 2.2 MV/m nous indiquent le passage par l’état d’anisotropie

évanescente qui est caractérisé par une structure en «vortex». Un autre indice de la très faible anisotropie résiduelle est l’apparition de sous-domaines très fins (ridules) au niveau des parois à 180o. Ce que l’on appelle « cross-tie domains » [Middelhoek 1961].

Finalement, le basculement de l’axe facile d’aimantation est observé pour des champs électriques supérieurs à 2.4 MV/m. Le nombre de domaines horizontaux augmente avec l’augmentation du champ électrique dû à la croissance de l’anisotropie effective lu long du nouvel axe facile.

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Figure . Images Kerr obtenues sur les plots circulaires (de diamètre 100 µm) pour différents champs électriques appliqués sur le composite. Toutes les images sont faites dans l’état désaimanté.

Nous pouvons ainsi extraire la position de l’axe facile d’aimantation en fonction du champ électrique appliqué (Figure 56). La dépendance a le caractère hystérétique lié à l’hystérésis piézoélectrique de la déformation du MFC. Nous constatons que la transition est relativement abrupte mais reste progressive. En effet, l’alignement entre l’axe facile initial et l’axe d’application des contraintes n’est pas parfait dû à l’imperfection du collage. Le résultat est un désalignement d’une dizaine de degrés entre deux axes. Le calcul théorique pour un tel désalignement nous donne cette rotation progressive que l’on observe expérimentalement avec un bon accord (courbe bleu en carrés vides).

Figure . Angle de rotation de l’axe facile d’aimantation en fonction du champ électrique appliqué sur le composite.

Nous allons nous intéresser maintenant au comportement des domaines magnétiques sous l’effet des contraintes générées par le MFC dans la zone de transition mais cette fois-ci à l’état rémanent après la saturation.

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Les observations précédentes ont été réalisées consécutivement en utilisant la soustraction d‘image de fond pour chaque valeur du champ électrique. La difficulté principale de l’expérience présente est de garder la stabilité mécanique de l’échantillon, de prendre une seule image de fond et de réaliser toute la série d’images en continue. Dans la pratique, cela se traduira par la fixation de la position du composite par l’aspiration du composite niveau du support échantillon. Le point d’observation (et de l’aspiration) doit être au plus près du fond de la courbure du composite (sous tension électrique) pour ne pas perdre le focus sur l’image.

Le meilleur résultat en termes de qualité d’image a été obtenu pour un plot carré de 50 µm de côté (Figure 57). Notons que les plots circulaires ont montré un comportement similaire. Pour la valeur du champ électrique la plus faible (état de départ) nous avons la structure classique avec trois domaines principaux et de petits domaines triangulaires de fermeture.

Figure E µm) en

fonction du champ électrique appliqué sur le composite.

Du point de vue de la structure en domaines, la situation est différente par rapport au cas décrit précédemment. Nous observons des déplacements progressifs des parois de domaines au fur et à mesure de l’augmentation du champ électrique appliqué. Ces déplacements sont engendrés par le changement du terme de d’anisotropie magnétoélectrique qui exige une reconfiguration des moments magnétiques locaux pour minimiser l’énergie libre du système. Deux tendances sont présentes. Premièrement, la croissance progressive d’un de domaine de fermeture (le plus foncé en bas) jusqu’à ce qu’il occupe la quasi-moitié du plot, ce qui est accompagné par la diminution respective des domaines principaux latéraux. Deuxièmement, la rotation continue du domaine central pour finalement former le deuxième domaine principal horizontal. Nous pouvons conclure que dans ce cas-là la modification de la structure en domaines se fait de façon à respecter l’anisotropie

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effective et d’une manière continue. Encore une fois, les contraintes produites par le substrat piézoélectrique sont suffisantes pour faire basculer la position de l’axe facile d’aimantation à pratiquement 90o.

6.6 Conclusion

Nous avons réalisé un microscope Kerr adapté à la visualisation de la microstructure en domaines magnétiques dans des composite magnétoélectriques à aimantation planaire. La résolution spatiale de ce microscope permet d’étudier des motifs avec les dimensions caractéristiques de quelques dizaines de microns. L’utilisation d’une LED haute puissance nous a permis de simplifier le schéma optique du système, éviter le chauffage nuisible à l’échantillon et d’augmenter l’homogénéité de l’illumination tout en améliorant le contraste.

La rotation de l’axe facile d’aimantation dans les composites laminaires magnétoélectriques microstructurés a été mise en évidence par l’imagerie Kerr. Cette rotation est caractérisée par une transition relativement brusque à proximité du champ électrique critique, ce qui est prédit théoriquement (voir page 26).

L’application du champ électrique produit une modification importante de la structure en domaines à l’état rémanent. Cette modification se fait principalement par le déplacement des parois des domaines principaux en respectant l’état d’anisotropie effective.

Nous allons finir ce chapitre en attirant l’attention sur le fait que l’imagerie Kerr se présente comme un moyen unique de caractérisation des composites magnétoélectriques intégrés. Entre outre, cette technique peut être éventuellement utilisée pour le contrôle industriel « in-ligne » des dispositifs utilisant ces composites.

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