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Visualisation analytique des entités et cartographie des réseaux sémantiques

La structuration sémantique des textes des corpus permet au logiciel Prospéro de construire des matrices de cooccurrence entre les entités nommées des dossiers. Ces relations peuvent être exportées vers des logiciels d‘analyse graphique des réseaux90. Le processus d‘enquête continu de l‘observatoire n‘a pas pour vocation

d‘engendrer des cartes de liens, mais double utilement les analyses sociologiques à l‘aide de figures spatialisées, la génération de cartes de liens permet d‘effectuer un petit pas de côté afin de voir autrement les structures de données discursives ou textuelles, et d‘enrichir le parcours de l‘enquête.91.

Les analyses de réseaux occupent une place majeure dans les sciences sociales. On peut distinguer rapidement quatre approches :

- On trouve d‘abord, les études consacrées aux réseaux sociaux et fondées pour la plupart d‘entre elles sur

le concept de capital social92 ;

- En rupture avec cette conception, la théorie de l‘acteur-réseau (ANT) a marqué durablement les travaux

des sciences studies93 ;

- Troisième conception aujourd‘hui dominante, les réseaux coopératifs et pratiques collectives distribuées

des NTIC ;

- Enfin, on trouve une version plus métaphorique comme celle du monde en réseau ou de la Cité

connexionniste ou cité par projet du Nouvel Esprit du capitalisme94.

Techniquement, lorsqu‘on se focalise sur le réseau lui-même, c‘est l‘identification de schémas structurels qui motive l‘enquête. Sans objet mathématique, les réseaux ne sont guère calculables, il faut donc engendrer des matrices permettant de produire des indices : degré de centralité, intermédiarité, densité, proximité, ...95 Une

grande ligne de partage sépare les utilisateurs capables de manier ces outils formels et ceux qui appréhendent essentiellement les propriétés des réseaux à travers leurs expressions graphiques. En sciences sociales, les cartes de liens auraient pour vertu de rendre visibles des structures invisibles96, mais, plus formellement, un des intérêts

des cartes de liens est surtout de permettre de s‘abstraire de la nature des liens. Dans une approche analytique, au contraire, c‘est la qualité du lien qui va fournir l‘ancrage de la relation, qu‘il s‘agisse d‘une parentèle, d‘une relation socio-professionnelle, d‘un simple contact ou même d‘une antinomie particulière entre deux éléments. Quand on modélise le capital social, on ne prend pas en compte le « taux de change « nécessaire pour rendre ce

90 Nous utilisons préférentiellement le logiciel Pajek http://pajek.imfm.si/doku.php.

91 Francis Chateauraynaud et Josquin Debaz, « Des relations collatérales entre Prospéro et Pajek », Socio-informatique et

argumentation, 14 décembre 2009, http://socioargu.hypotheses.org/141.

92 M. Gribaudi (dir), Espaces, temporalités, stratifications. Exercices sur les réseaux sociaux, Paris, EHESS, 1998.

93 M. Callon, John Law and Arie Rip (Eds), Mapping the dynamics of science and technology, The MacMillan Press Ltd, London,

1986.

94 M. Castells, La société en réseau, Paris, Fayard, 2001 ; L. Boltanski et E. Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris,

Gallimard, 1999.

95 W. de Nooy, A. Mrvar, V. Batagelj, Exploratory Social Network Analysis with Pajek, Cambridge, Cambridge University Press,

2005.

96 D. Crane, Invisible colleges. Diffusion of knowledge in scientific communities, Chicago and London, The University of Chicago

Rapport final, avril 2011| Chateauraynaud et Debaz 80 patrimoine utilisable. Les études sur les small worlds ont révélé l‘étendue que peut prendre un réseau égocentré via ses liens faibles97. Or, en pratique, et même si cette théorie est particulièrement en vogue dans la modélisation

des contacts professionnels, il est exceptionnel que ces liens faibles soient efficaces : qu‘ils constituent réellement une prise sur des entités facilement enrôlables ou prêtes à fournir des informations stratégiques98.

Si des outils statistiques élémentaires permettent sous Prospéro de tester le degré de distribution, la hiérarchie interne et la connectivité d‘une catégorie, la visualisation d‘une carte de lien présente l‘avantage de toute spatialisation : embrasser d‘un seul regard l‘ensemble des nœuds et des liens du réseau sémantique. Au total, trois grands usages des cartes de liens se dégagent en socioinformatique :

- l‘analyse interne d‘une classe ou d‘une catégorie préconstituée ou générée par un fil de raisonnement (un

groupe d‘entités liées par une propriété quelconque) et du degré de connectivité des éléments de la classe ou du groupe ;

- la recherche de polarités ou de réseaux dissociés ;

- l‘identification de passeurs ou de médiateurs entre des univers a priori disjoints.

Figure 25. Carte des co-occurences de personnes dans les énoncés du corpus Téléphonie en mars 2009

97 S. Milgram, J. Travers, « An Experimental Study of the Small World Problem », Sociometry, 1969, Vol. 32, No. 4. (1), pp.

425-443.

Rapport final, avril 2011| Chateauraynaud et Debaz 81 D‘une manière générale, dans les pratiques de recherche sur corpus, l‘utilisation de cartes de liens doit toujours faire varier les formes de représentations et fournir toutes les indications sur le chemin suivi de façon à éviter l‘effet Goody : quand la raison graphique l‘emporte sur le raisonnement au plus près des objets99. Ainsi pour

l‘observatoire, les cartes n‘ont de sens, en dépit de leur vertu synthétique apparente, que dans le cheminement de l‘enquête qui les a fait surgir.

Rapport final, avril 2011| Chateauraynaud et Debaz 83

Chapitre IV

Sur le développement des outils socio-