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En termes d’urbanisme, l’exhibition n’est pas une réussite. Pour Pascal Ory, elle est même « d’une disposition spatiale encore plus inorganisée que les expositions

précédentes, du fait des contrastes géographiques et des extensions successives qui avaient marqué son histoire.»73 De la même manière, il n’observe aucun reflet dans l’espace de la classification rigoureuse censé donner à l’exposition une structure homogène. À la lecture des plans, on constate tout de même trois grands axes. Les trois axes évoqués sont monumentaux par le nombre de bâtiments prévus pour l’encadré.

Le premier axe suit le cours de la Seine, de la fin de l’île des Cygnes au pont Alexandre III. La Seine « formait l’épine dorsale de l’exposition, et son cours de la place

de la place de la concorde à l’île des Cygnes était entièrement bordé de pavillons. »74

Sur le cours de la Seine sont disposés75 en rive droite : le pavillon de la Régie des tabacs (de Mallet Stevens), le pavillon de la radio (de Chollet, Mathon et Sors), le pavillon du yachting à voile (de Paul et Claude Meyer Levy, Bigot et Massé), le palais de Tokyo (de Dondel, Aubert, Viard et Dastugue), le pavillon de l’hygiène (de Coulon et Mallet Stevens), les pavillons allemands (de Speer) et Russes (de Iofan), en fin de parcours sur l’île aux Cygnes s’étend le centre colonial.

En rive gauche, les visiteurs admirent la maison du travail (de Héry), le pavillon de l’union des artistes modernes (de Pingusson, Jourdain, Louis), le pavillon du tourisme (de Sardou), le pavillon du thermalisme (de Labro), le pavillon Italien (de Piacentini et Remaury), de Suisse (de Braüning, Leu et Durig), de Belgique (de Eggericx, Werwilghen et Van de Velde), de Grande Bretagne (de Hill), de Tchécoslovaquie (Kreskar et Polivka), des États-Unis (de Wiener, Higgin, Levi) et enfin le Centre régional.

73

Ibidem

74 LEMOINE Bertrand, RIVOIRARD Philippe (dir.), Paris 1937 : cinquantenaire de l'Exposition

internationale des arts et des techniques dans la vie moderne, Paris, Institut Français d'Architecture, 1987,

510 p.

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Figure 2 - Le Pavillon de la Tchécoslovaquie (à gauche) et le Pavillon des États-Unis (à droite)

Photographie noir et blanc de François Kollar, 1937, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine

Le deuxième axe s’étend du Palais de Chaillot jusqu’au fond du Champ de Mars. Il s’organise comme une avenue monumentale. L’ouverture au centre du nouveau Trocadéro permet la création d’une nouvelle perspective encore plus impressionnante.

« Le cœur de l’Expo se situait sur la colline Chaillot : au sommet, sur la place du Trocadéro, la colonne de la Paix ; puis le Palais de Chaillot, avec son esplanade et ses fontaines ; de part et d’autre, disséminés dans les jardins, vingt deux pavillons étrangers »76

76 LEMOINE Bertrand, RIVOIRARD Philippe (dir.), Paris 1937 : cinquantenaire de l'Exposition

internationale des arts et des techniques dans la vie moderne, Paris, Institut Français d'Architecture, 1987,

Figure 3 - La colline du Trocadéro vue de la tour Eiffel

Photographie noir et blanc de François Kollar, 1937, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine

Sur le Trocadéro, les touristes contemplent notamment le pavillon pontifical (de Tournon), du Portugal (Do Amaral), des Pays Bas (Van der Broeck), du Danemark (de Hvass), d’Égypte (Lardat), de Finlande (de Aalto), du Japon (de Sakakura). En descendant vers la Seine, le visiteur découvre le cœur de l’exposition avec les pavillons des nations importantes (Grande Bretagne, U.R.S.S., Belgique, Allemagne…). La disposition autour de cet axe n’est pas le fruit du hasard, près du pont d’Iéna sont érigés les pavillons qui sont soit témoins de pays amis, soit de nations importantes. Le face à face célèbre U.R.S.S. / Allemagne est donc le fruit d’une mise en scène savante dont le principal instigateur est l’architecte en chef de l’Exposition Jacques Greber.

« Suivant le nouveau principe établi par le Bureau International des Expositions, les Nations Étrangères, invitées, en occupaient normalement la place d'honneur au croisement des deux axes, sur les deux rives de la Seine, au Pont d'Iéna. »

GREBER Jacques, « Plan général de l’exposition Paris 193 », L’Architecture d’Aujourd’hui, mai-juin 1937, p. 101-102, numéro intitulé « Paris 1937 ».

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L’avenue monumentale en son centre représenté par la tour Eiffel présente des pavillons liés aux étalages des techniques les plus modernes comme la publicité, le cinéma. La perspective se termine par le face à face de nations étrangères de « deuxième ordre » comme l’Irak ou encore le Pérou.

Figure 4 - Le champ de Mars et la tour Eiffel, carte postale colorisée, H. Chipault

RIVARD Pascal, L’Exposition internationale de Paris 1937 à travers la carte postale, Amiens, Valade / DB Print, 2007

Le troisième axe, un peu moins monumental, relie ce qu’on appelle aujourd’hui l’avenue Winston Churchill, le pont Alexandre III et les Invalides. Ce troisième axe n’en demeure pas en reste avec des structures importantes comme le Palais de l’aéronautique (de Haudoul, Gerodias et Hartwig) ou encore le Grand Palais (un ouvrage de l’exposition de 1900 qui abrite les grandes cérémonies de l’exposition mais aussi le palais de la découverte (de Boutterin, Néret, Debré)). Sur l’esplanade des Invalides, les visiteurs pouvaient se rendre au parc d’attraction de l’Exposition, qui réunissait une tour de saut en parachute mais aussi des montagnes russes.

Figure 5 - La Voie Triomphale de la Lumière et de la Radio aménagée sur le Pont Alexandre III, de nuit

Photographie noir et blanc de François Kollar, 1937, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine

La photo ci-dessus présente la voie triomphale de la lumière et de la radio. Aménagé par Henry Favier et l’entreprise Philips sur le pont Alexandre III, la voie est représentative d’une architecture assez monumentale censée symboliser au cœur de la capitale le signal de l’Exposition.77

L’événement se déployait aussi sur deux annexes. La première, boulevard Kellermann, recueillait le centre de la jeunesse tandis qu’à la porte Maillot s’étendaient à la fois le Centre rural (de Leconte), le Centre artisanal (de Néret) mais aussi le pavillon des Temps Nouveaux (de Le Corbusier et Jeanneret).

77 RIVOIRARD Philippe, « Les portes de l’Exposition », dans Paris 1937 : cinquantenaire de l'Exposition

internationale des arts et des techniques dans la vie moderne, Paris, Institut Français d'Architecture, 1987,

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Figure 6 - Parc des Attractions : le Perballum

Photographie noir et blanc de François Kollar, 1937, Médiathèque de l'architecture et du patrimoine

Aux trois grands axes répondent de manière plus ou moins précise des quartiers spécialisés qui équilibrent le plan. Par exemple, l’intérêt du Centre régional c’est qu’il fonctionne presque de manière autonome par rapport aux restes de l’exposition. En effet, de par sa superficie, son thème, son agencement urbain particulier, il suscite l’intérêt. Le visiteur est immergé dans un cadre homogène et pittoresque. Au monde en miniature représenté dans les grandes allées répond une France en miniature « conçu comme un

tout »78. La structure se compose aussi des « clous de l’Expo », soit l’affirmation dans l’espace de monuments plus importants comme les pavillons permanents.

« Le décor architectural s'affirme de deux manières, toujours en fonction du Plan Directeur. Les grands volumes simples et classiques, revêtus de pierre dure, du Trocadéro et des Musées d'Art Moderne, dominent, grâce à une topographie favorable, les pavillons provisoires ». GREBER Jacques, « Plan général de l’exposition Paris 1937 », L’Architecture d’Aujourd’hui, mai-juin 1937, p. 101-102, numéro intitulé « Paris 1937 ».

78Article de Jacques Greber, architecte en chef de l’exposition présentant l’exposition et par sa citation le

Centre régional. « L’architecture à l’exposition », L’Illustration, journal hebdomadaire universel, n° 4917, 95e année, 29 mai 1937, Paris.

Figure 7 - Le petit train électrique de l’Exposition, H. Chipault

RIVARD Pascal, L’Exposition internationale de Paris 1937 à travers la carte postale, Amiens, Valade / DB Print, 2007

L’ensemble est imaginé dans un désir de faciliter la circulation ; l’artère fluviale de la Seine permet par l’intermédiaire de vedettes de circuler à la fois facilement mais donne aussi du cachet à l’exposition. Dans une moindre mesure, un train électrique parcourt le site. Enfin, la manifestation déploie tout son faste dans un cadre de verdure et de lumière.

« Un premier « leit motiv » de fond sera obtenu grâce aux arbres. L'Exposition étant noyée dans la verdure, il était nécessaire d'en tirer parti pour que, le soir, d'un bout à l'autre de son périmètre, elle semble baigner dans l'illumination des feuillages. »79

Enfin, l’Exposition qui consacrait les arts et les techniques dans la vie moderne était plongée, la nuit venue, dans les illuminations et les feux d’artifices.

« Mais ce sont les fêtes nocturnes sur la Seine qui on donné lieu aux recherches les plus intéressantes. Il ne s’agissait pas seulement d’éclairer : on voulut, dans un effort d’abstraction et de synthèse, atteindre une véritable composition lumineuse en y associant la musique. » BELTRAN Alain, « La « fée électricité », reine et servante », Vingtième Siècle Revue

d’Histoire, n° 16, octobre-décembre 1987, p. 90-95.

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Figure 8 - La tour Eiffel de nuit

Figure 9 - Schéma et plan de l’Exposition internationale de Paris 1937

Orientation nord : Échelle : 9,5 cm = 1700 mètres

Légende80

I Les clous de l’Exposition

De bas en haut : Le Palais de Chaillot, Le Palais de Tokyo, La tour Eiffel, Le Palais de la Découverte II Les centres pittoresques et festifs

De droite à gauche : le centre d’outremer, le Centre régional, le centre des métiers, le parc d’attraction III Les axes structurants

La Seine : « axe générateur des Expositions Parisiennes »

L’axe Palais de Chaillot-Champ de Mars : une perspective monumentale dominée par le belvédère du Trocadéro, « pour voir les expos et être vu d’elles »

L’axe Grand Palais-esplanade des invalides : de la science à l’attraction

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Schéma réalisé à partir de :

GREBER Jacques, « Plan générale de l’exposition internationale de Paris 1937 », L’Architecture d’Aujourd’hui, mai-juin 1937, p. 101- 102.

« Carte axonométrique dressé par l’architecture d’aujourd’hui », L’Architecture d’Aujourd’hui, mai-juin 1937, p. 103.

ORY Pascal, « Géopolitique des expositions » dans Le Palais de Chaillot, Paris-Arles, Cité de l’architecture et du patrimoine, Aristèas, Actes sud, 2006, p. 23.

Chapitre II - La façade : Les pavillons permanents, l’image d’une

patrie mère des arts

La façade d’un bâtiment est prépondérante, c’est l’apparence du pavillon, la « face d’un palais ». Dans cette partie, il s’agira donc d’appréhender ce qui est censé représenter l’exposition : ses pavillons permanents.

Toutes les expositions laissent dans le tissu urbain des vestiges de leur prestige passé. 1937 ne déroge pas à cette règle. Le principal élément permanent que nous a légué l’événement est paradoxalement le Palais de Chaillot. Ce bâtiment n’est pas une construction nouvelle, il représente seulement une restructuration de l’ancien Palais du Trocadéro, un des pavillons permanents de l’exposition de 1878. L’enjeu du nouveau Trocadéro est de taille puisqu’il faut faire de la colline le centre du futur événement.