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L’emplacement traditionnel des Expositions parisiennes

L’Exposition internationale de 1937 s’inscrit sur l’emplacement traditionnel des Expositions parisiennes. Ce choix défendu par le conseil municipal de Paris conditionna sa participation. Le conseil municipal désirait avant toute chose relancer le commerce parisien. L’évocation de l’organisation d’une telle manifestation au cœur de Paris ne peut qu’attirer les touristes soucieux de visiter la capitale.

Pour Edmond Labbé le choix de Paris se justifie par sa fonction de capitale politique mais aussi culturelle.

« Aucune ville au monde n'était plus désignée que Paris pour l'organisation d'une Exposition des Arts et Techniques dans la vie moderne. Cette solidarité de l'Art et de la Technique, du beau et de l'Utile, dont l'Exposition de 1937 doit être l'affirmation, ne se manifeste, en effet,

64 Archive filmée : CM 605 / Actualité Pathé / 17 minutes 51 seconde / EXPOSITION 1937.

65 ORY Pascal, La belle illusion. Culture et Politique sous le signe du Front populaire : 1935-1938, Paris,

Plon, 1994, 1033 p.

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nulle part aussi clairement qu'à Paris ! Paris est la Capitale de la couture, de la mode, de la parure. Paris est la Capitale des Arts appliqués et des Arts décoratifs. À Paris subsiste une élite artisanale dont le monde entier reconnaît la valeur. « Il n'est bon bec que de Paris », disait Maître François Villo. Que dit-on aujourd'hui ? « Il n'est nouveauté que de Paris ». »67

Le commissariat général a choisi ce lieu aussi par souci d’économie.

« Maintenue par les pouvoirs publics au centre de l’agglomération parisienne, comme toutes ses glorieuses aînées de 1867 à 1925, elle apporte inévitablement à la circulation devenue intense une perturbation grave, mais elle a par contre l’immense avantage d’utiliser un cadre existant dont de coûteux et longs travaux n’auraient jamais pu créer l’équivalent ailleurs. »68

L’Exposition, comme en témoignent les arguments de Greber, architecte en chef, est une occasion pour réaliser des grands travaux et par là même d’endiguer le chômage dans un pays touché par la crise. Malgré ses avantages, le centre n’est pas un emplacement apprécié des architectes qui préfèrent la périphérie.

« Déjà le choix de l'emplacement, le plus important à faire pour donner sa vraie signification à une œuvre comme celle là, constitue une erreur certaine. Plutôt que de fixer dans la proche périphérie une zone à urbaniser pour y laisser un quartier neuf pourvu d'artères nouvelles, de plans et de jardins, d'édifices d'intérêt public et d'immeubles d'habitation rationnelle, c'est au centre de Paris, sur l'étroite bande de terrain des quais, que va s'entasser le cortège traditionnel de palais et pavillons dont il ne restera, exception faîte des musées, que traces de plâtre. » PINGUSSON George Henri, « L’esprit de 1937 », L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 6, juin 1935, p. 88.

En inscrivant l’Exposition au centre, l’organisation a peut être favorisé l’émergence de projets témoins d’une architecture classique permettant l’expression de la représentation nationale au détriment d’une architecture plus moderne. Le nouvel emplacement fait du Trocadéro le nouveau centre. Cette orientation déplaît particulièrement aux architectes qui se voient, par manque de temps et de crédit, obligés de composer avec l’ancien bâtiment. Malgré les esquisses ambitieuses pour la colline, comme celle effectué par Perret, seul subsista le projet de Carlu, Boileau et Azéma. Nous y reviendrons plus en détail dans une sous partie. Quoi qu’il en soit, le futur Palais de Chaillot est une simple restructuration de l’ancien palais du Trocadéro. Cela déplaît fortement à Pierre Vago qui, en tant que rédacteur en chef de L’Architecture d’Aujourd’hui, témoigne de son déplaisir : « Au

programme de Perret on a opposé le manque de temps et l’insuffisance des crédits. Aussi

67 LABBÉ Edmond, « Paris et l’exposition des Arts et techniques dans la vie moderne », L’Architecture

d’Aujourd’hui, n° 5-6, mai 1937.

68Article de Jacques Greber, architecte en chef de l’Exposition présentant la manifestation, dans

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s’est-on arrêté à des façades qui seront masquées par un décor en staff ! »69. Vago qui, par l’intermédiaire de la revue, défend la profession d’architecte déplore que le bâtiment principal de l’exposition ne soit qu’un réaménagement de l’ancien.

Figure 1 - Les agrandissements successifs de l’Exposition internationale de Paris 1937

Légende

Orange : emplacements concédés par la convention du 15 mai 1934 Vert : emplacements concédés par le premier avenant du 18 juillet 1935 Jaune : emplacements concédés par le deuxième avenant du 10 juillet 1936 Échelle : 9,5cm = 1700 mètres

LABBÉ Edmond, Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne (1937) : rapport général, Guide officiel, Paris, 1938.

Quand on commente la carte officielle de l’exposition, on décèle trois phases distinctes qui correspondent aux trois agrandissements successifs. La première date du 15 mai 1934, la seconde du 18 juillet 1935, enfin la dernière coïncide au dernier élargissement

69 VAGO Pierre, « L’exposition internationale de 1937 : plan directeur », L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 8,

survenu le 10 juillet 1936. En ce qui concerne l’emplacement, le choix émis en 1934 par les organisateurs fut d’organiser l’Exposition dans son cadre traditionnel à savoir sur les rives de la Seine, la colline du Trocadéro et le champ de Mars. Edmond Labbé nous en énonce les traits dans le catalogue officiel en ces termes :

« Les rives de la seine, dans sa traversée des quartiers les plus aérés de la capitale ».

La manifestation s’établit alors sur 25 hectares « du pont de l’Alma au viaduc de

Passy ». Elle comprend le Trocadéro en rive droite et les manutentions militaires en rive

gauche, les terrains occupés par le mobilier national ainsi que le champ de Mars. Parmi les projets les plus importants, deux musées devaient être édifiés à la place du mobilier national (une antichambre du Louvre et un musée municipal). Les principaux travaux envisagés sont aussi l’élargissement du pont d’Iéna de 15 mètres à 30 mètres, le réaménagement des quais (circulation en souterrain ainsi que plantation d’arbres pour en faire une promenade).

La première phase qu’on distingue en orange sur la carte suivante déploie le cœur de l’exposition au Trocadéro. Les extensions concédées par le premier avenant du 18 juillet 1935 (que l’on peut voir sur la carte précédente en vert) sont assez importantes. L’Exposition est victime de son succès, le programme assez général, attire toutes sortes de participants (entreprises…), les nations étrangères répondent elles aussi de manière massive à l’invitation française.

Ainsi, au plan général sont rajouté « a. Sur la rive droite, des terre-pleins du cours

Albert Ier et du cours la reine ; b. Sur la rive gauche, de la gare des invalides, des terres pleins du quai d’Orsay entre le pont Alexandre et le pont de l’Alma, des vieux bâtiments du commissariat de 1900 » « de la partie centrale du Champs de Mars entre l’avenue du Général Ferrier et l’avenue Joseph Bouvard » « c. Entre les rives de la Seine, du trottoir aval du pont Alexandre III et du pont des invalides, et de l’île des Cygnes avec ses accès aux ponts de Passy »70.

Cette extension marque dans les faits, l’organisation d’une section coloniale à l’exposition. Situé sur l’île des Cygnes, l’emplacement par ses aires d’enclaves est un

70 LABBÉ Edmond, Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne (1937) : rapport

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endroit tout indiqué pour évoquer l’exotisme. La superficie totale de la manifestation passe à environ 60 hectares.

Le deuxième avenant du 10 juillet 1936 conduit à certain réajustement : la totalité des jardins du Trocadéro sont intégrés mais aussi « a. le Cours la Reine, entre la place de

la Concorde et le pont Alexandre III, ainsi que la fraction des jardins des Champs-Élysées comprise entre le cours la Reine, l’allée allant de la place de la Concorde à la façade latérale sud du Petit Palais et l’avenue Alexandre III ; b. Les chaussées et le terre plein du cours la Reine situés entre le pont Alexandre III et le pont des Invalides, ainsi que la portion de jardins comprises entre cette voie et la façade sud du Grand Palais ; c. La chaussée principale et l’allée cavalière du Cours-Albert-Ier entre l’avenue Victor- Emmanuelle-III, le terre-plein contigu à la place de l’Alma. »71 La rive gauche est elle

aussi élargie quelque peu, les descriptions du catalogue officiel sont très précises, au mètre près ! Enfin, les dernières extensions concédées par le deuxième avenant du 10 juillet 1936 prévoit aussi l’occupation du champ de mars de la place Joseph Bouvard jusqu’à l’école militaire, ainsi que l’ouverture de deux annexes porte Maillot et « sur l’emplacement du

bastion Kellermann »72. Cette extension, un an avant les débuts de l’exposition, est synonyme d’une participation nouvelle de l’État. Le conseil municipal faisant face alors à des retards importants demanda l’aide de l’État qui devint, suite à une rallonge financière de 200 millions de francs, l’investisseur majoritaire. C’est par ce biais là que le Front populaire put infléchir le programme un peu conservateur du conseil municipal.

Ainsi, la description assez solennelle de la planification nous montre donc tous les paradoxes d’une Exposition pensée par le très conservateur conseil municipal de Paris et qui est inaugurée par le Front populaire. Une Exposition bouleversée dans son programme initial et dont la superficie passe d’une trentaine d’hectares à plus de cent. Dans ces conditions, les urbanistes sont ils parvenus à donner un cadre homogène à l’Exposition ?

71 LABBÉ Edmond, Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne (1937) : rapport

général, Guide officiel, Paris, 1938, p. 67.

72 ORY Pascal, La belle illusion. Culture et Politique sous le signe du Front populaire : 1935-1938, Paris,