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L’étude du transport sédimentaire et des processus de floculation nécessite de mesurer régulièrement les paramètres des MES tels que la concentration en MES. Les observations ne sont alors plus utilisées pour regarder les particules individuelles mais pour caractériser leur empreinte à une échelle macroscopique. Les techniques traditionnelles de mesure de la concentration en MES reposent sur des prélèvements d’eau au sein du site d’étude et sur la détermination de la masse sèche des MES par pesée en laboratoire. Bien que ces mesures représentent les vérités terrains, soient les plus fiables pour une mesure de concentration, la technique, en plus d’être coûteuse, ne permet pas d’appréhender entièrement les fluctuations spatio-temporelles des caractéristiques très variables des MES. De plus, dans le cadre de l’étude des processus de floculation, elle ne permet pas d’étudier les flocs sans entraîner leur fragmentation. C’est pourquoi de nombreuses techniques ont été développées au cours des 30 dernières années, basées sur la turbidité, l’acoustique, le laser ou encore la réflectance, permettant l’acquisition d’un grand nombre de données. L’échelle spatiale et temporelle des mesures effectuées dépendent de la technique utilisée, passant de très larges échelles spatiales sur un volume d’eau restreint en surface (images satellites) à un volume élémentaire d’échantillonnage défini par l’instrument.

Les principales techniques utilisées seront présentées succinctement ici en rappelant les avantages et inconvénients de chacune.

1.6.1. La visibilité

Une méthode simple, rapide et économique pour estimer la turbidité de l’eau consiste à utiliser un disque de Secchi (Phillipart et al., 2013). Cette méthode repose sur la détermination de la profondeur à laquelle un disque blanc devient invisible à l’œil. Cette profondeur appelée

profondeur de Secchi correspond à la moyenne des niveaux de disparition et réapparition du disque. Cette mesure est intégratrice sur une épaisseur d'eau variable (selon la charge particulaire), et doit souvent être effectuée par conditions calmes ; la précision est faible. Elle peut également dépendre de l’opérateur.

1.6.2. Turbidité

Depuis quelques décennies, des capteurs optiques de mesure de turbidité sont utilisés par la communauté scientifique pour quantifier la concentration en MES dans des conditions environnementales très variées, dans les rivières, les estuaires et en zone côtière (e.g. Gippel, 1995 ; Bunt et al., 1999 ; Guézennec, 1999 ; Schoellhammer, 2002 ; Downing, 2006 ; Druine et al., 2018). Ces instruments utilisent des mesures indirectes de turbidité basées sur le principe de diffusion/dispersion de l’énergie lumineuse dans un volume d’eau. Une onde monochromatique de longueur d’onde l est émise par une diode et est diffusée (réfléchie, réfractée et diffractée) et absorbée par les particules présentes en suspension dans l’échantillon d’eau. En fonction de la position du détecteur par rapport à la source lumineuse (� = 0°, 90° ou 140-165°), les capteurs optiques de turbidité reposent sur deux principes de mesure : (i) l’atténuation ou transmission et (ii) la diffusion (Fig. 1-27). Les caractéristiques physiques des sédiments peuvent également avoir un impact sur la réponse des capteurs optiques, telles que la taille des particules individuelles (Ludwig & Hanes, 1990 ; Green & Boon, 1993), la forme des particules (Bunt et al., 1999 ; Downing, 2006), la couleur des sédiments (Sutherland et al., 2000) et les processus de floculation et de défloculation (Gibbs & Wolanski, 1992). Ces mesures optiques sont rapidement inopérantes en cas de biofouling sur les capteurs.

Figure 1-27 : Positions respectives de la source lumineuse et des détecteurs pour les capteurs optiques dont le principe de mesure repose sur la néphélométrie et la rétrodiffusion (Bin Omar et Bin MatJafri, 2009), modifié d’après Rai et Kumar (2015).

1.6.2.1. L’atténuation ou transmission

Les capteurs optiques basés sur la technique de mesure par transmission mesurent l’intensité lumineuse transmise basée sur la loi de Lambert-Beer :

I = �T×�…©×p×S (1.27)

avec I l’intensité de la lumière transmise, �T l’intensité de la lumière incidente, � est une constante, � est la concentration en MES et � représente le chemin optique. Sous réserve de connaître �, la concentration en MES peut être estimée à partir de la mesure de l’intensité de transmission. La quantité de lumière transmise dépend à la fois de la diffusion et de l’absorption par les particules en suspension. Un inconvénient majeur de ce type de capteurs optiques résulte de la quantité de signal reçue nécessaire pour obtenir des mesures fiables. En effet, lorsque la concentration en MES augmente, le signal transmis diminue à l’instar des capteurs optiques de rétrodiffusion.

Figure 1-28 : Positions respectives de la source de lumière et des détecteurs dans le cas de turbidimètres basés sur l’atténuation (Anderson, 2005, modifié d’après Rai et Kumar, 2015).

1.6.2.2. La diffusion

Néphélométrie

Le principe de mesure des capteurs optiques basés sur la néphélométrie – sidescattering repose sur la diffusion à 90° d’une onde lumineuse émise dans le proche infrarouge (860 nm) par les particules présentes en suspension (Sadar, 2003), voir Fig. 1-27. Le détecteur convertit la lumière en une valeur de turbidité à partir des coefficients de conversion fournis sur le certificat d’usine d’étalonnage (Sadar, 2011). L’intensité avec laquelle la lumière est diffusée est proportionnelle à la concentration en MES.

Rétrodiffusion

Autre catégorie de capteurs optiques, les capteurs par rétrodiffusion – backscattering ont prouvé leur efficacité à mesurer la concentration en MES (e.g. Downing, 2006 ; Bian et al., 2013). Ces capteurs mesurent la lumière rétrodiffusée à un angle compris entre 140 et 165° (Fig. 1-27). Ils permettent d’acquérir rapidement des données, sont faciles à déployer dans l’environnement et ne nécessitent aucune mesure auxiliaire pour déterminer la concentration en

MES. Contrairement aux capteurs optiques basés sur la technique de mesure par néphélométrie, la rétrodiffusion permet d’acquérir des données dans des milieux caractérisés par des concentrations en MES plus élevées : la saturation ne se produit que pour des niveaux de concentration supérieurs à 4 g.l-1 (Downing et al. 1981).

Tout comme les instruments basés sur l’atténuation de la lumière, le coefficient de rétrodiffusion va dépendre des différents facteurs évoqués précédemment. A partir de mesures

in situ en estuaire de Seine via un capteur optique de rétrodiffusion, Druine et al. (2018) ont

notamment explicité la réponse de la sonde de turbidité varie en fonction des propriétés optiques des MES (taille, densité, ainsi que le facteur d’efficacité de rétrodiffusion).

Les capteurs optiques présentent l’inconvénient d’être moyennement intrusifs et ne mesurent la concentration en MES que ponctuellement dans un volume défini proche de l’instrument.

La diffraction laser

Les instruments basés sur la diffraction laser comme le LISST sont connus pour leur capacité à mesurer la taille des MES, voir section 1.5.2. Des études récentes ont également montré que lorsque la densité des particules est connue, la concentration volumique mesurée par le LISST peut être convertie en concentration massique (Davies et al., 2011 ; Felix et al., 2013). Les instruments basés sur la diffraction laser sont capables de mesurer la concentration en MES à condition de se situer dans les gammes de taille et de concentration de l’appareil (Rai et Kumar, 2015). Toutefois, ces instruments présentent des limites dont certaines ont été évoquées précédemment et feront notamment l’objet d’une partie de la thèse.

1.6.3. Rétrodiffusion acoustique

Les instruments basés sur la rétrodiffusion acoustique ont initialement été développés pour mesurer les profils verticaux de vitesse par effet Doppler, et plus récemment pour quantifier les concentrations en MES (Thorne et Hanes, 2002 ; Tessier, 2006 ; Le Coz et al., 2009). La mesure repose sur l’émission d’une impulsion acoustique qui est partiellement rétrodiffusée par les particules même distantes : un transducteur, qui est en général l’émetteur lui-même, en reçoit l'énergie acoustique rétrodiffusée. Le temps qui s'écoule entre l'émission et la réception correspond à deux fois la distance des particules rétrodiffusantes, divisée par la célérité du son.

Ces instruments présentent l’avantage d’être non-intrusifs et moins susceptibles au biofouling à la différence des instruments optiques. Ils peuvent mesurer les propriétés des MES sur un profil vertical. Toutefois, les algorithmes pour inverser le signal acoustique sont complexes et nécessitent de réaliser en parallèle des mesures de température et de salinité par exemple pour estimer l’atténuation de l’eau, la célérité du son et de déterminer certaines caractéristiques de l’instrument (Thorne et Hanes, 2002 ; Moate et Thorne, 2012). Même après correction de l'atténuation de l'eau, l’intensité rétrodiffusée est d'autant plus atténuée que la distance de mesure augmente et que les concentrations en MES sont élevées, de telle sorte qu'elle ne varie plus linéairement avec la concentration en MES. La méthode acoustique dépend

également de la taille des particules et les erreurs de mesure augmentent avec les variations de la taille des flocs (Thone et Hanes, 2002).

1.6.4. La réflectance par télédétection satellite

La télédétection de la couleur de l’eau est un outil qui permet d’avoir une vue synoptique des MES en surface en vue de créer des cartes de la concentration en MES de surface avec des résolutions spatiales variées (de quelques dizaines de mètres au km) pour une fréquence temporelle variable (O(1j) à O(10j)). Cette technique a déjà été utilisée et a prouvé son efficacité à estimer la concentration en MES dans divers environnements et notamment pour étudier les caractéristiques des panaches turbides fluviaux (Ouillon et al. 2008 ; Doxaran et al., 2009 ; Gohin, 2011 ; Lorthiois et al., 2012 ; Ody et al., 2016). Cette mesure dépend des propriétés optiques des particules, de l’angle zénithal, de la résolution spatiale des mesures et de l’angle d’observation du capteur (Bowers et Binding, 2006). La composition et la taille des particules impactent également la mesure (Bowers et Binding, 2006).

: Présentation des zones ateliers et de la

stratégie mise en place pour la caractérisation et la

quantification des MES

Introduction

L’objectif de ce chapitre est double : (i) présenter les zones ateliers sur lesquelles s’appuie cette étude, la Baie de Seine orientale en France, la zone côtière au débouché de l’Escaut en Belgique et (ii) décrire le cadre méthodologique développé au cours de la thèse en vue d’identifier, d’évaluer et de comprendre la dynamique des MES en lien avec les forçages présents en milieu côtier et avec la composition variable des MES. La dynamique des MES est explorée à travers un site d’étude principal, la Baie de Seine orientale, et un site secondaire, le débouché de l’Escaut.

Sur le site principal, une stratégie d’observations complémentaires a été développée et mise en œuvre associant :

(i) Des mesures long terme à haute fréquence (HF) des paramètres principaux tels que la houle, le courant, la turbidité par rétrodiffusion optique et acoustique.

(ii) Des observations ponctuelles à HF permettant de détailler les caractéristiques des MES sur différents cycles de marée.

Sur le site secondaire, dans la zone côtière belge, une série temporelle longue et à HF des paramètres tels que la turbidité par rétrodiffusion optique et acoustique, et la distribution en classe de taille des MES sera exploitée, sans intervenir sur la stratégie de mesure.

2.1. Caractéristiques générales et fonctionnement