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4.1. Dynamique des MES dans la zone Baie de Seine large (BS1)

4.1.1. Dynamique à l’échelle de la marée

4.1.1.3. Taille et densité des particules

Pour le cycle de marée du 20 juillet, l'effet Schlieren causé par les différences de densité impacte les mesures du LISST en surface tout au long de la journée. Ces mesures aberrantes ont pu être identifiées à partir d’une limite de fréquence de flottabilité déterminée dans le Chapitre 2. Malgré ce seuil, les mesures de la taille médiane des particules à proximité de ce masque semblent également douteuses et ne peuvent donc pas être interprétées comme des mesures de MES naturelles. Toutefois, les petites tailles en surface (D50<100µm) à BM et au flot ne semblent pas être liées au gradient de densité et contrastent avec les tailles plus larges (D50>150µm) observées dans la partie inférieure de la colonne d’eau, correspondant potentiellement à des populations de MES différentes.

Globalement, l’évolution de la taille médiane des flocs est inversement corrélée aux courants de marée : pour les deux exemples illustrés ici, les tailles médianes les plus larges, supérieures à 200 µm, voire parfois 300 µm, sont observées aux étales de marée, avec une différence toutefois entre la BM où les tailles médianes ne dépassent pas 250 µm alors qu’à PM, les tailles sont plus larges (Fig. 4-1). Cette variabilité de la taille médiane des MES à l’échelle tidale résulte des processus de floculation : les flocs les plus larges sont observés autour des étales de PM et de BM lorsque les conditions de turbulence sont minimales favorisant la floculation, avec une différence entre la PM et la BM. La cinétique des processus de floculation, relativement lente (O(h) pour atteindre l’état d’équilibre), explique cette différence : l’étale de marée est plus courte à BM et la floculation moins développée alors qu’à PM, la période pendant laquelle la turbulence reste faible est plus longue, ce qui permet aux flocs de s’agréger

et de grossir. A l’inverse, les tailles médianes les plus petites sont mesurées au flot avec des valeurs du D50 inférieures à 100 µm tandis qu’au jusant, les valeurs sont plus faibles qu’aux étales de la marée mais restent autour de 150 µm (Fig. 4-1). Pendant les périodes de forte turbulence, les flocs se fragmentent et deviennent plus petits, et ce d’autant plus au flot où la turbulence est plus forte qu’au jusant. Les variations de la taille médiane sont très prononcées pour le cycle de marée du 21 septembre tandis que pour le 20 juillet, les tailles médianes restent supérieures à 100 µm dans la partie inférieure de la colonne d’eau, car associées à des gradients verticaux de vitesse moindres que ceux observés le 20 juillet. Les forts courants observés en surface en fin de flot et au jusant (>1m.s-1) sont associés à des tailles médianes de particules faibles (D50<80 µm).

Les D50 les plus importants sont souvent mesurés au fond autour des périodes d’étales. Lors de ces phases de marée, la turbulence diminue mais reste plus élevée qu’en surface. Dans le même temps, les concentrations en MES sont plus élevées proche du fond. Ces observations mettent en évidence que la turbulence n’est pas le seul paramètre de contrôle de floculation mais que la combinaison de ces deux paramètres (turbulence faible et concentration forte) produit les conditions les plus favorables à l’agrégation.

Le D50 des particules est un paramètre qui permet de caractériser la distribution en classe de taille des particules en suspension. Toutefois, si cette dernière est bimodale, ou que la distribution en classe de taille semble tronquée, ce paramètre n’est plus représentatif de la mesure de la taille des MES. Pour les deux exemples de cycle de marée utilisés dans cette section, les distributions normalisées en classe de taille issues du LISST, obtenues en divisant la concentration volumique de chaque classe de taille par la concentration volumique totale, pour les cellules dont la hauteur d’eau est comprise entre 1 et 5 m au-dessus du fond montrent qu’un certain nombre de cellules sont caractérisées par un pic dans la plus large classe de taille (Fig. 4-3). Ces pics sont observés pour tous les spectres du 20 juillet et ne concernent en général que les spectres mesurés autour des étales de marée pour le 21 septembre, suggérant la possible présence de particules plus larges que la limite supérieure de la gamme de taille mesurée par le LISST-100X type C. La présence de telles particules impacte l’estimation du diamètre médian D50 mais, dans une moindre mesure, que celle du diamètre moyen, car ce dernier est plus influencé par les gros diamètres. Lorsque les spectres sont caractérisés par un pic correspondant à la borne supérieure de la gamme de taille du LISST, le D50 est susceptible d'être sous-estimé. Globalement, le D50 est situé autour du mode principal observé pour les spectres du cycle de marée du 21 septembre, avec des valeurs comprises entre 80 et 302 µm. Pour le cycle de marée du 20 juillet, les D50 larges compris entre 132 et 302 µm seraient donc potentiellement plus importants.

Figure 4-3 : Distributions normalisées en classe de taille des particules de 1 à 5 m au-dessus du fond pour les cycles de marée (a) du 20 juillet (BM : 04h41) et (b) du 21 septembre à BS1 (BM : 07h31). La couleur indique l’heure par rapport à la BM.

Il est intéressant de noter que, lorsque les courants sont les plus faibles aux étales de marée, la taille des particules n’augmente pas, voire diminue. Par exemple, la taille médiane des particules pour le cycle de marée du 21 septembre, à 1 m au-dessus du fond, augmente jusqu’à 217 et 256 µm lorsque la vitesse des courants de marée diminue après le jusant et le flot, respectivement, puis chute à 131 et 111 µm aux étales de BM et de PM, respectivement, quand les vitesses sont minimales (Fig. 4-4b). Ce phénomène, plus prononcé pour le cycle de marée du 21 septembre, en particulier à PM, traduit la mise en place de la sédimentation : sous l’effet des processus de floculation, les flocs s’agrègent et grossissent lorsque la vitesse des courants diminue puis chutent. La sédimentation s’accompagne d’une décantation, avec une diminution de la concentration en MES à l’étale de PM.

Figure 4-4 : Evolution temporelle de la surface libre estimée à partir de la longueur des profils verticaux de CTD, de la concentration en MES, de la vitesse du courant barotrope et de la distribution en classe de taille issue du LISST avec le D50 indiqué par la ligne rouge, pour les cycles de marée du 20 juillet (a) et du 21 septembre (b), à la station de mesure BS1 à 1 m au-dessus du fond.

En parallèle de ces variations de taille, les plus faibles valeurs d’excès de densité des flocs (<200 kg.m-3) sont mesurées autour des étales de la marée tandis que les valeurs les plus fortes sont généralement observées autour du flot et du jusant, variant entre 200 et 300 kg.m-3 (Fig. 4-1). Les flocs autour des étales de marée grossissent sous l’effet des processus de floculation et deviennent moins denses tandis qu’au cours des périodes de forte turbulence, les flocs se fragmentent en particules plus petites et plus denses. Toutefois, pour le cycle de marée du 21 septembre, les densités apparentes les plus importantes sont observées au moment de l’étale de PM avec des valeurs pouvant dépasser les 300, voire 400 kg.m-3 ponctuellement, lorsque les tailles médianes des flocs sont les plus larges. Deux raisons peuvent expliquer ces différences d’excès de densité :

(i) Une possible agrégation en deux temps pourrait se produire : (i) en fin de flot/début de PM, la turbulence diminue et crée des flocs larges (D50>150µm) mais peu denses avec un excès de densité compris entre 150 et 200 kg.m-3, (ii) à l’étale de PM, les flocs ne grossissent plus mais gagnent en masse. Cette explication reste toutefois hypothétique et nécessite d’être explorée (Verney, 2006).

(ii) À l’étale de PM de ce cycle de marée particulier, les conditions hydrodynamiques favorisent la formation de flocs caractérisés par des tailles relativement larges pouvant être supérieures à la limite haute de la gamme de taille mesurée par le

20 juillet 21 septembre

LISST-100X (356 µm). Ces particules plus larges seraient susceptibles d’induire une sous-estimation de la concentration volumique mesurée par le LISST (Chapalain et al., 2018), et par conséquent, une augmentation significative de l’excès de densité. Lorsque le courant diminue, la distribution en classe de taille des flocs formés se caractérise par une taille médiane autour de 183 µm et les flocs formés ensuite, lors de l’étale de PM, se caractérisent par une distribution bimodale, avec un mode autour de 217 µm, mais également un pic vers les plus larges classes de taille (Fig. 4-5). Ces mesures suggèrent la présence de particules supérieures à la gamme de taille du LISST, qui potentiellement impactent plus l'excès de densité calculé que le diamètre médian. Dans le cadre de nos campagnes de mesure, nous n’étions pas en mesure de confirmer la présence de telles particules. Dorénavant, le laboratoire DHYSED est dans la capacité de mesurer la taille des particules plus larges en utilisant en plus du LISST-100X, un LISST-Holo capable de mesurer des tailles de particule allant jusqu’à 2000 µm. Ces nouvelles observations permettront de discuter de cette hypothèse. Ces résultats illustrent également que le D50 est représentatif de la dynamique générale mais que ce paramètre à lui seul ne permet pas d’appréhender dans sa globalité la dynamique des caractéristiques des MES. Globalement, pour l’ensemble des cycles de marée à BS1, la dynamique des caractéristiques physiques des MES en termes de concentration et de taille médiane sont typiques des variations rencontrées en zone côtière. Au sein d’un cycle de marée, l’advection, la remise en suspension et la sédimentation entrainent la variation de ces caractéristiques. À la station BS1, ces variations ont été illustrées à travers deux exemples pour lesquels une dynamique des caractéristiques des MES commune aux cinq cycles de marée est observée. Ces exemples ont également montré que des particularités spécifiques à chaque cycle existent. A l’échelle tidale, la variation des caractéristiques des MES semble principalement dépendre de la dynamique de la turbulence, paramètre principal contrôlant les processus de floculation et de défloculation. Toutefois, la turbulence n’est pas le seul forçage qui peut moduler ces variations : la concentration en MES joue également un rôle dans la floculation des MES. Des différences significatives entre les cycles de marée à BS1 sont observées, suggérant qu’un forçage saisonnier contrôle également les caractéristiques des MES.

Figure 4-5 : Médiane de la distribution volumique normalisée en classe de taille sur les cellules comprises entre 1 et 3 m au-dessus du fond pour la période allant de la fin du flot au début de la PM (ligne bleu clair) et pour la période autour de l’étale de PM (ligne bleu foncé) pour le cycle de marée du 21 septembre à la station BS1. Les D50 des distributions médianes sont indiqués dans la légende.