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2.1. Caractéristiques générales et fonctionnement hydro-sédimentaire de la baie de

2.1.5. Matière organique en Baie de Seine

2.1.5.1. Les populations phytoplanctoniques et leur évolution

saisonnière

En Baie de Seine, une eutrophisation côtière est régulièrement constatée. En particulier, dans la partie orientale de la Baie, plusieurs épisodes de blooms se manifestent chaque année généralement pendant la période comprise entre juin et septembre. Ces différentes observations ont été permises par la mise en place de réseaux de mesure et par des campagnes de mesure. Par exemple entre 1974 et 1998, 14 campagnes océanographiques ont notamment été menées en Baie de Seine, à l’initiative de l’IFREMER, au cours desquelles des mesures de concentration en chl a ont été effectuées. Les résultats de ces différentes campagnes ont fait l’objet d’une synthèse, donnant lieu à la réalisation d’un atlas permettant d’acquérir une vision globale de la distribution de différentes paramètres (hydrologie, nutriments et chl a) dans diverses situations, en fonction du climat, de la saison ou encore du débit (Aminot et al., 1997). Deux situations typiques de la répartition du phytoplancton en Baie de Seine ont été déduites de ces observations : (i) au printemps exclusivement, un maximum de chlorophylle a est observé dans

la partie centrale de la baie, loin du panache turbide de la Seine, et donc en dehors de la zone la plus riche en éléments nutritifs, et (ii) un gradient décroissant allant du sud-est vers le nord-ouest, constaté plutôt en été et en automne (Fig. 2-11). Si le développement du bloom printanier a lieu plus au large, loin de la zone enrichie en nutriments, c'est probablement en raison d'une turbidité trop élevée dans l'embouchure, associée aux débits de la Seine, qui peuvent encore être importants au début du printemps (Aminot et al., 1997). En effet, quand le taux de nutriments est élevé, la production dépend directement de la disponibilité de la lumière (Cloern et al., 1983).

Figure 2-11 : Distributions géographiques typiques de la chl a en Baie de Seine. Les mesures présentées ici correspondent aux campagnes réalisées en Baie de Seine entre le 24 septembre et le 4 octobre 1978 (a) et entre le 24 et 29 avril 1992 (b).

En vue d’évaluer la qualité des eaux et du milieu marin, et en particulier suite à de nombreux épisodes de contamination des coquillages, de nombreux réseaux de mesure ont été mis en œuvre par l’Ifremer comme le RNO (Réseau National d’Observation) créé en 1973, le REPHY (Réseau de Surveillance Phytoplanctonique) en 1984 ou encore le RHLN (Réseau hydrologique du Littoral normand) en 2000 et étendu en 2002. Ces réseaux ont permis l’acquisition régulière de données de chlorophylle sur de nombreuses stations côtières de la Baie de Seine, complétant ainsi les mesures issues des différentes campagnes océanographiques évoquées ci-dessus. Un bilan du REPHY en Normandie de 1989 à 1992 a été établi par Le Grand (1994). Globalement, le phytoplancton en Baie de Seine est caractérisé par une présence quasi exclusive de diatomées des genres Navicula, Skeletonema costatum ou encore Pseudo

Nitzschia. En hiver et en automne, la communauté phytoplanctonique est pauvre. Au printemps,

la concentration phytoplanctonique augmente avec le développement du bloom printanier, les diatomées restant les espèces dominantes. Toutefois, en période estivale, des dinoflagellés (par exemple du genre Dinophysis) apparaissent (Le Grand, 1994).

La figure 2-12 illustre le cycle annuel du phytoplancton à partir de mesures acquises pour l’année 1983 aux deux stations du RNO. Un premier bloom est observé, avec des valeurs de surface atteignant jusqu’à 25 µg.l-1 aussi bien en surface qu’au fond au point 4, situé plus à l’Ouest (Fig. 2-12). Ce premier bloom est associé à une diminution significative des sels nutritifs, dont la silice, ce qui résulte du développement important de diatomées (Cugier, 1999). Au cours de la période estivale de la même année, un second bloom plus important se développe avec une concentration en chl a de 40 µg.l-1 en surface, contre 20 µg.l-1 au fond. La station RNO2 montre des variations similaires. Fin septembre/début octobre, la concentration en chl a chute avec des valeurs autour de 1 ou 2 µg.l-1, reflétant la fin de la période productive. En période hivernale, les très faibles valeurs de chl a révèlent l’absence d’activité biologique.

Figure 2-12 : Evolution de la chlorophylle a pour l’année 1983 pour les 2 stations du Réseau National d’Observation (R.N.O). Les valeurs de surface sont représentées par des diamants noirs et les valeurs de fond par des carrés blancs, modifié d’après Cugier, 1999.

Depuis les années 1990, l’amélioration des traitements des eaux a permis de mieux maîtriser les flux urbains diminuant ainsi significativement les concentrations en ortho-phosphates et en ammonium (Data GIP Seine-Aval, 2008 ; 2011). La diminution des taux de nutriments apportés par la Seine entraîne une réduction des taux moyens et maxima de chl a observés dans l’estuaire fluvial de la Seine (AESN & DDTM76, 2012). Le risque d’eutrophisation et donc de prolifération d’algues non siliceuses a fortement baissé au cours des dix dernières années.

Récemment, dans le cadre du projet GIP SA 5 PROUESSE (PROdUction primaire dans l’EStuaire de SEine) en parallèle du projet BARBES (Biological Association in Relation with sediment transport: development of a new model of Bioturbation caused by ecosystem Engineers in Seine estuary), les travaux de thèse de Morelle (2017) ont permis de mettre en évidence la dynamique spatiale et temporelle de la production primaire des compartiments phytoplanctonique et microphytobenthique en estuaire de Seine, à partir de mesures acquises depuis la sortie de l’embouchure (au niveau du site La Carosse) jusqu’à l’estuaire moyen, un peu en amont de Tancarville. Ces travaux ont montré que la biomasse phytoplanctonique varie à l’échelle saisonnière avec des concentrations élevées de chl a au printemps et en été (Fig. 2-13).

Ces résultats montrent des variations similaires à celles observées dans la baie à partir des campagnes océanographiques et des réseaux de surveillance. Les principales unités taxonomiques observées en estuaire de Seine sont des diatomées (Skeletonema sp., Nitzschia sp. et Paralia sulcata). Dans la zone aval, d’autres espèces typiques des eaux côtières et estuariennes telles que Dytilum sp., Rhizoslenia sp. et Chaetoceros sp., apparaissent.

Figure 2-13 : Variations de la biomasse en chl a en sub-surface (-1m) pour chaque mois de l’année 2015. Les points blancs indiquent les stations d’échantillonnage (dans Morelle, 2017).

2.1.5.2. Importance et rôle du contenu en MO dans les processus de

floculation en Baie de Seine

En Baie de Seine, la matière organique (MO) représente une part non négligeable des MES (Dupont et Lafite, 1986). A l’aide d’analyses de données micro-granulométriques associées à une identification au microscope électronique à balayage (MEB), Dupont et al. (1985) ont notamment mis en évidence que certains fractions organiques et structures organo-minérales peuvent représenter des modes granulométriques. Des flocs organo-minéraux sont présents dans l’ensemble du domaine estuaire/Baie de Seine. Au large, la fraction organique est relativement importante, notamment associée au plancton. Le rôle des diatomées dans les processus de floculation des particules minérales est évoqué dans la littérature (Alldredge et al., 1995). A partir d’échantillons acquis en Baie de Seine, Dupont et Lafite (1986) ont observé des exemples d’agrégation de particules minérales avec des espèces de diatomées, favorisant la formation de flocs organo-minéraux via la sécrétion d’un mucus aux propriétés collantes (Fig. 2-14). D’autres observations au MEB ont également mis en évidence le rôle potentiel du zooplancton, avec la production de pelotes fécales et de pseudo-faeces, mais aussi de MO non vivante dans la formation d’agrégats.

Figure 2-14 : Photographies de suspensions issues de la Baie de Seine observées au MEB, présentant (a) un début d’agglomération autour des zones connectives de deux frustules de Thalassiosira vivantes (A : cordon muqueux ou cytoplasmique reliant les cellules) et (b) un floc en formation associant deux frustules de Thalassiosira mortes (B et C) (modifié d’après Dupont et Lafite, 1986).

Morelle (2017) a également étudié la dynamique des EPS et des TEP sécrétés par les producteurs primaires. Les valeurs de concentration en TEP en estuaire de Seine ont été estimées entre 2,21 et 16,48 mgXGeq.L-1 en surface, avec une moyenne annuelle de 6,32 mgXGeq.L-1, et entre 3,11 et 98,20 mgXGeq.L-1 à proximité du fond, avec une moyenne annuelle de 15,93 mgXGeq.L-1 (Morelle et al., 2017). Les valeurs de TEP mesurées sont relativement fortes par rapport aux valeurs trouvées dans la littérature qui peuvent aller jusqu’à 14,8 mgXGeq.L-1 (Radić et al. 2005).

Dans le cadre de ces travaux, Morelle (2017) n’observe pas de corrélation entre TEP et dynamique du phytoplancton, que ce soit en termes de productivité ou de biomasse. Au contraire, la dynamique des TEP est inversement corrélée à la concentration en chl a, confortant

l’idée mise en avant par d’autres études que l’excrétion des TEP est principalement réalisée au cours de la sénescence du phytoplancton et non au cours de sa croissance (Klein et al., 2011 ; Chowdhury et al., 2016). Malgré la présence de diatomées souvent considérées comme source principale de précurseurs des TEP, notamment dans d’autres estuaires comme celui du Saint-Laurent (Annane et al., 2015), les fortes valeurs de concentration en TEP ne peuvent uniquement être expliquées par la sécrétion de ces producteurs primaires. Morelle (2017) met en avant plusieurs hypothèses pour expliquer ces mesures. De par leur rôle dans les processus de floculation et de sédimentation, les TEP sont liées aux MES (Passow, 2002 ; Thornton, 2002). Les plus fortes valeurs de concentration observées par Morelle et al. (2017) correspondent aux mesures réalisées au fond, et notamment dans la zone de turbidité maximale où la concentration en MES peut atteindre jusqu’à 2 g.l-1. Dans cette zone de turbidité maximale, la formation de TEP est fortement stimulée via le gradient de salinité et la turbulence. De plus, à l’échelle tidale, les concentrations en TEP mesurées au cours des périodes de forts courants de marée sont corrélées à la concentration en MES, et donc directement liées à leur dynamique (Morelle et al., 2017). Ces différentes hypothèses pourraient expliquer les valeurs importantes de TEP mesurées dans l’estuaire. Morelle (2017) met également en avant que lors des filtrations, la forte turbidité rencontrée dans le milieu et le colmatage des filtres qui en résulte pourrait provoquer la rétention des précurseurs de TEP dont la taille est inférieure à 0,4 µm.

En revanche, aucune relation n’a été observée entre la concentration en EPS et la dynamique des MES ou la turbidité, ce qui s’explique par leur appartenance à la fraction dissoute et donc leur faible capacité de sorption. Les concentrations en EPS mesurées par Morelle (2017) étaient fortes au printemps, probablement en lien avec le bloom. Le genre le plus représenté des communautés phytoplanctoniques au cours de cette période était

Skeletonema sp., connue pour sécréter de grandes quantités d’EPS (Urbani et al., 2005), en

particulier en cas de réduction du phosphore (Shnyukova et Zolotareva, 2015), réduction qui a effectivement été observée au printemps dans la zone aval de l’estuaire. En plus d’une corrélation entre EPS et diatomées, une relation positive entre EPS et pico- ainsi que nano-phytoplancton a été observée.

2.2. La zone côtière belge au débouché de l’Escaut :