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Le virage ambulatoire : un changement divergent de cadre d’organisation pour les

La croissance des soins ambulatoires et la baisse corrélative du recours à l’hébergement hospitalier constituent des tendances de long terme des systèmes de santé (CNAMTS, 2017). Ces évolutions sont le résultat de progrès médicaux, qui ont permis d’améliorer les techniques de diagnostic et de mettre en place des thérapeutiques moins invasives, autorisant une récupération beaucoup plus rapide des patients (Abraham et Albayati, 2011; Gillissen et al., 2013). Ces avancées dans les techniques diagnostiques et opératoires ont entraîné une nouvelle transition épidémiologique à l’échelle mondiale (Feigin, 2016; Hunter et Reddy, 2013) marquée par une diminution de la mortalité des suites d’incidents aigus – tels que l’infarctus du myocarde ou l’AVC par exemple – ainsi que par une augmentation de l’espérance de vie et de la prévalence des pathologies chroniques – comme par exemple l’insuffisance cardiaque ou rénale – dans la population générale. Ces évolutions technologiques et épidémiologiques rendent les organisations hospitalières, conçues depuis les années 1950 pour le traitement lourd, ponctuel et complet de pathologies aigües, mal

adaptées pour répondre aux besoins de santé nouveaux des patients (CNAMTS, 2017). Depuis les années 1990, de nombreux pays se sont donc engagés dans une transformation de l’offre de soins visant à favoriser des modes alternatifs de prise en charge. Cette transformation fut qualifiée au Québec de « virage ambulatoire » (Gagnon, Guberman, et Côté, 2002). Cette expression fit son apparition vingt ans plus tard, au milieu des années 2010, en France, pour désigner « un élément de transformation de tous les systèmes de santé qui consiste, chaque fois que cela est possible, à éviter ou à écourter les séjours hospitaliers, en offrant les services au patient au plus près de son milieu de vie » (CNAMTS, 2014, p. 84). Le virage ambulatoire peut donc avoir deux acceptions possibles, non exclusives l’une de l’autre : lorsqu’il s’agit d’éviter des séjours hospitaliers, le virage ambulatoire implique un report sur la médecine de ville ou au domicile du patient de soins antérieurement pratiqués à l’hôpital ; lorsqu’il s’agit d’écourter des séjours hospitaliers, la problématique est alors de garder à l’hôpital les patients uniquement le temps nécessaire et d’adapter les capacités d’hospitalisation en fonction de ce juste-à-temps. Comme nous l’avons vu en section précédente, les dispositifs de régulation souple mis en œuvre par l’ANAP dans le cadre du Plan triennal ont surtout concerné le second aspect du virage ambulatoire, celui des transformations internes à l’hôpital. Certes, l’axe « virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement » du Plan triennal incluait également le développement de modes de prise en charge au domicile du patient, comme la HAD ou les PRADO. Mais l’ANAP n’est pas directement intervenue sur ces projets, car la loi limite le périmètre de son action aux établissements de santé et médico- sociaux (Article L6113-10 du Code de la santé publique). C’est par conséquent avant tout en tant que cadre d’organisation nouveau pour les hôpitaux que nous allons considérer le virage ambulatoire. Nous allons d’abord voir en quoi ce cadre peut être considéré comme divergent par rapport à ceux précédemment en vigueur à l’hôpital. Puis nous envisageons les spécificités de ce cadre dans les deux secteurs sur lesquels l’action de l’ANAP a porté : la chirurgie et la médecine.

Un changement divergent d’archétype et de gabarit organisationnels pour les hôpitaux

Ainsi que nous l’avons évoqué au premier chapitre, les cadres par lesquels les organisations règlent leur conduite peuvent être de deux ordres : des archétypes (Greenwood et Hinings, 1993, 1996) ou des gabarits (DiMaggio et Powell, 1991; Wedlin et Sahlin, 2017). Un changement de cadre d’organisation signifie donc à la fois un changement des « idées, croyances et valeurs [...] incarnées dans les structures [...] ainsi que dans les systèmes de gestion » des organisations (Greenwood et Hinings, 1993, p. 1052) et un changement des « croyances prises pour évidentes et de[s] règles largement admises » par lesquelles les organisations s’évaluent et se comparent (DiMaggio et Powell, 1991, p. 27-28). Par conséquent, changer de cadre d’organisation revient globalement à changer les conventions par lesquelles les organisations justifient la forme et la finalité de leurs actions (Boltanski et Thévenot, 1991). Le fait d’opposer l’hospitalisation ambulatoire et de semaine à une hospitalisation dite « conventionnelle » (ANAP, 2017, p. 17) indique bien que le virage ambulatoire touche précisément aux conventions régissant l’hospitalisation. Parmi ces conventions, celles relatives à la division des rôles entre professionnels et entre organisations

sont les plus structurantes dans le champ de la santé (Battilana, 2011; Battilana et Casciaro, 2012, 2013). Aussi le degré de divergence du virage ambulatoire par rapport aux cadres préexistants peut-il s’apprécier notamment au regard de leur remise en cause de ces conventions structurantes.

Pour comprendre à quelles conventions le virage ambulatoire peut s’opposer, il est nécessaire de revenir brièvement sur les conventions qui se sont mises en place depuis la naissance de l’hôpital moderne. Les travaux de Michel Foucault à ce sujet (Foucault, 1963) mettent en évidence le lien constitutif entre cette organisation et une certaine forme de médecine, la médecine clinique. Comme nous l’avons déjà évoqué dans le premier chapitre, la médecine clinique repose sur des procédés de savoir et de véridiction impliquant un confinement du malade, afin que celui-ci soit disponible au regard médical. Les hôpitaux, qui étaient jusqu’alors des asiles pour invalides et indigents, sont devenus, à la fin du XVIIIe siècle, le lieu d’exercice privilégié de cette médecine. Comme le souligne Michel Foucault (1963), une sorte de pacte liant les médecins, les institutions hospitalières et les malades s’instaure à l’issue de la période révolutionnaire en France. Selon ce pacte, les malades pris en charge gracieusement par les hôpitaux devaient payer leur dette à la société en mettant leur corps à la disposition du regard médical. Les hôpitaux contribuaient ainsi à leur mission de bienfaisance en offrant des soins gratuits à ceux de leurs pensionnaires qui en avaient besoin, tandis que cet important vivier de malades servait de socle à la formation des médecins et au développement du savoir médical. Le malade hospitalisé remboursait de cette manière le reste de la société, en permettant une élévation du niveau des connaissances et des pratiques médicales bénéfique pour l’ensemble de la population.

Ce pacte fondamental eut au moins quatre conséquences majeures et durables pour l’hôpital. Premièrement, il devint un lieu de soins en plus d’être un lieu d’hébergement, ce qui, Michel Foucault le rappela plus tard (Foucault et al., 1979), était loin d’être une évidence jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Deuxièmement, l’hôpital devint le lieu d’exercice du pouvoir médical. Comme tout pouvoir professionnel, celui des médecins est basé sur la maîtrise exclusive d’un champ de savoir (A. Abbott, 1988) qu’ils commencèrent précisément à acquérir à l’hôpital. De cette origine découle l’appartenance de l’hôpital à l’archétype de l’organisation professionnelle (Mintzberg, 1982) ainsi que la prééminence de la profession médicale sur le personnel soignant (Battilana, 2011; Battilana et Casciaro, 2012, 2013), en dépit des efforts ultérieurs réalisés par les infirmiers pour être eux aussi reconnus comme une profession (Paradeise, 2003). Troisièmement, l’hôpital, en tant que lieu de savoir et de formation médicale, devint une organisation centrale des systèmes de santé, c’est-à-dire une organisation structurant le champ dans lequel elle se situe (DiMaggio et Powell, 1983). Comme nous l’avons déjà noté, après les réformes de l’An XI, tout docteur en médecine, même celui exerçant exclusivement à titre libéral, devait avoir reçu un enseignement clinique dispensé à l’hôpital (Foucault, 1963). La création des centres hospitaliers universitaires (CHU) par l’ordonnance du 11 décembre 1958 (Ordonnance portant réforme de la législation hospitalière, 1958) mit également en place une hiérarchie entre hôpitaux, dépendant de leur rôle dans les processus de production et de transmission du savoir médical. Les CHU occupant une fonction centrale dans ces processus, ils devinrent des organisations hospitalières plus prestigieuses que les autres. Enfin, quatrièmement, cette transformation de l’hospice en hôpital moderne s’accompagna d’un foisonnement de dispositifs assurant le confinement des malades en réglementant minutieusement la position de leurs corps, leurs

possibilités de mouvement, leur diététique et leur habillement (Foucault et al., 1979). Ces dispositifs permettaient une objectivation du malade comme cas, analysable et traitable selon les procédés du savoir médical (Foucault, 1963).

C’est sur ce dernier plan, celui des dispositifs de confinement, que le virage ambulatoire constitue la rupture la plus évidente et immédiate avec le cadre d’organisation de l’hospitalisation clinique conventionnelle. La description faite par Berend (2017) du changement de paradigme que représente l’arthroplastie ambulatoire est, de ce point de vue, révélatrice. Berend (2017, p. 6) relate en effet que, dans les prises en charge ambulatoires :

« le rôle du chirurgien n’est plus d’être un technicien standard dans un environnement hospitalier mais de coordonner l’intégralité de l’expérience de soins, qui comprend les soins préopératoires, l’imagerie, l’anesthésie, le schéma de soins péri-opératoires, les soins post-opératoires, et une coordination renforcée avec les autres pourvoyeurs de soins ».

À la différence du cadre d’organisation d’hospitalisation conventionnelle, le cadre d’organisation du virage ambulatoire implique donc de resituer l’hospitalisation dans un parcours de soins qui peut débuter et se terminer hors des murs de l’hôpital. Berend (2017) note aussi que, à l’occasion des prises en charge ambulatoires, le médecin passe plus de temps qu’auparavant avec le patient et ses proches. Il précise également que les protocoles ambulatoires requièrent une éducation du patient, afin qu’il sache comment se préparer à l’opération et quoi faire chez lui après celle-ci. Dans cette logique, la check-list proposée par la HAS et l’ANAP (HAS-ANAP, 2013) rappelle toutes les consignes de lavage et d’habillement à communiquer au patient avant l’opération, ainsi que les informations à recueillir sur la présence d’un accompagnateur, puis les appels à réaliser au domicile du patient avant et après l’opération.

L’éligibilité d’un patient à la prise en charge ambulatoire est ainsi souvent conditionnée à sa situation psycho-sociale ainsi qu’à son isolement géographique (IGF-IGAS, 2014). La présence d’un proche accompagnant à la sortie du patient et à son lieu de résidence la nuit suivant l’opération est par exemple requise. De la même manière, le patient, ou son proche accompagnant, doit être en capacité de comprendre et d’appliquer les consignes de préparation puis de suivi opératoire données par l’équipe de l’hôpital. De surcroît, si le domicile du patient est trop éloigné de l’hôpital – plus d’une heure – sans que la continuité de la prise en charge ne puisse être assurée par des professionnels plus proches de son domicile, ou que ce domicile est inadapté à la récupération du patient – pour des raisons par exemple d’insalubrité ou d’accessibilité – le patient devra alors être pris en charge en hospitalisation conventionnelle. Dans le cadre du virage ambulatoire, le patient et son entourage deviennent par conséquent davantage acteurs d’une prise en charge que les professionnels de santé ont pour rôle de planifier et de coordonner, en tenant compte non seulement des caractéristiques médicales du patient – le niveau de sévérité de son cas – mais aussi de son lieu et de son mode de vie. Alors que le cadre d’organisation de l’hospitalisation conventionnelle visait à confiner le patient hors de son milieu habituel, celui du virage ambulatoire a au contraire pour but le restituer au plus tôt à ce milieu, sous réserve que celui-ci soit propice à sa convalescence. Ces changements dans les procédures de confinement du patient sont visibles y compris dans la posture du patient, puisque celui-ci n’a plus nécessairement besoin d’être alité (CNAMTS, 2016). C’est pourquoi les capacités d’hospitalisation ambulatoires sont décrites comme des

places et non des lits (CNAMTS, 2017). L’étymologie même du mot « ambulatoire » renvoie en effet à la capacité de se déplacer en marchant, alors que celle du mot « clinique » suppose un alitement du malade.

L’exemple de l’arthroplastie ambulatoire donné par Berend (2017) illustre bien les conséquences de ces changements dans les procédures de confinement sur le rôle de l’hôpital dans le système de soin d’une part, et sur le rôle des différents professionnels intervenant dans la prise en charge du patient d’autre part. Dans cet exemple, l’hôpital et le médecin continuent à occuper une place centrale, mais non exclusive, dans cette prise en charge. Leur rôle n’est plus de prendre en charge intégralement le patient mais d’assurer, en plus des soins qu’ils prodiguent eux-mêmes, la coordination de sa prise en charge. Or, d’autres exemples, comme celui du virage ambulatoire au Québec (Gagnon et al., 2002), montrent que cette fonction de coordination peut également échoir à des structures de ville, telles que des centres locaux de santé communautaire, et à des personnels infirmiers. En France, les rapports de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales sur la chirurgie (IGF- IGAS, 2014) et la médecine ambulatoires (IGF-IGAS, 2016) insistent tous deux sur le rôle clé joué par les cadres des unités ambulatoires dans la coordination interne et externe des prises en charge. Le cadre d’organisation ambulatoire peut donc conduire à une remise en cause de la division des rôles entre professionnels et entre organisations du secteur de la santé, ce qui constitue le double critère de divergence des cadres d’organisation hospitalière identifié par Battilana (Battilana, 2011; Battilana et Casciaro, 2012, 2013). Néanmoins, le cadre d’organisation ambulatoire renforce l’une des caractéristiques de l’organisation hospitalière héritée du modèle clinique : la représentation de l’hôpital comme lieu de soins et non pas seulement d’hébergement (Foucault et al., 1979). De ce point de vue historique, le virage ambulatoire peut être considéré comme une rupture plus définitive avec le cadre d’organisation antérieur à celui de l’hôpital clinique, celui de l’hospice. Cette vocation d’hébergement demeurait en effet dans le cadre de l’hospitalisation conventionnelle, qui pouvait inclure la nuit et les weekends. Selon le cadre d’organisation ambulatoire, en revanche, cette vocation disparaît, puisque l’hôpital ne devient plus qu’un lieu de soins.

Toutefois, dans le cas de la France, ce passage de l’hospitalisation complète conventionnelle au virage ambulatoire a été plus lent et plus progressif que dans d’autres pays (CNAMTS, 2014). Deux cadres d’organisation intermédiaires firent successivement leur apparition. Durant les années 1990, la réduction des durées de séjour entraîna le développement des hôpitaux de semaine, c’est-à-dire d’unités hospitalières ne prenant en charge l’hébergement des patients que du lundi au vendredi (Delamare, Vidal-Trécan, et Christoforov, 1997). Dans les années 2000, les unités ambulatoires, dédiées à la prise en charge des patients uniquement durant la journée, se multiplièrent, principalement en chirurgie (CNAMTS, 2017). À la différence de l’hospitalisation conventionnelle ou ambulatoire, ces deux cadres d’organisation transitoires, de semaine et de jour, ne concernaient par conséquent souvent que certaines unités des établissements de santé. C’est pourquoi ils peuvent être considérés comme des cadres d’organisation transitoires, signalant une évolution du cadre de l’hospitalisation conventionnelle vers celui de l’hospitalisation ambulatoire. Contrairement à l’hospitalisation de semaine ou de jour, l’hospitalisation ambulatoire implique en effet que l’organisation hospitalière dans son ensemble soit tournée vers la sortie du patient au plus tôt. En outre, cette transition semble avoir débuté plus tôt en chirurgie qu’en médecine (CNAMTS, 2017). Il est donc nécessaire d’analyser les spécificités

du cadre d’organisation ambulatoire dans ces deux secteurs, afin de comprendre ce qui peut expliquer ce décalage.

Les spécificités du virage ambulatoire en chirurgie et en médecine

Le développement de la chirurgie ambulatoire est aujourd’hui la composante principale du virage ambulatoire en France (CNAMTS, 2017). Dans ce secteur, le virage ambulatoire a été rendu possible par des évolutions technologiques qui ont permis la mise en place de protocoles anesthésiques et opératoires moins lourds, facilitant une récupération plus rapide du patient – souvent appelée récupération accélérée après chirurgie (RAC) – (Abraham et Albayati, 2011; Gillissen et al., 2013). Ces protocoles nouveaux constituent, selon la CNAMTS (2016, p. 122) « une véritable révolution dans l’organisation des soins chirurgicaux ». Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur les perspectives de développement de la chirurgie ambulatoire en France (IGF-IGAS, 2014) précise la nature de ces transformations organisationnelles. Elles consistent, d’une manière générale, à passer à une gestion des flux de patients optimisée, afin de garantir le niveau de qualité et de rapidité des soins exigé pour une RAC. Cette gestion optimisée des flux de patients requiert notamment une programmation opératoire autorisant un cadencement adéquat des patients. Ainsi, à l’inverse des pratiques chirurgicales de l’hospitalisation conventionnelle, la chirurgie ambulatoire incite à programmer les interventions les moins lourdes en début de journée, de manière à ce que le patient puisse sortir le soir même. Les interventions plus lourdes, relevant de l’hospitalisation conventionnelle, doivent par conséquent être décalées à l’après-midi. Cette programmation par type de flux demande souvent de revoir en profondeur les plannings de vacations des chirurgiens et anesthésistes, pour passer d’une attribution nominative des plages horaires par chirurgien à une attribution des plages par spécialité chirurgicale et par type de patients. Cette nouvelle logique de programmation confère aux cadres de bloc opératoire une fonction essentielle de coordination des professionnels médicaux et soignants. Ce rôle des cadres de bloc est divergent par rapport au modèle de l’hospitalisation conventionnelle, dans la mesure où il revient à confier à un professionnel qui n’est pas un médecin une part déterminante dans l’organisation des flux de travail, y compris du travail des professionnels médicaux. Il s’agit donc d’une remise en cause de la hiérarchie des rôles héritée du cadre d’organisation clinique conventionnel, dans lequel les médecins disposaient d’un pouvoir de décision supérieur aux autres professionnels (Battilana, 2011; Battilana et Casciaro, 2012, 2013). La chirurgie ambulatoire invite en outre parfois à organiser des délégations de tâches des médecins vers les soignants, afin de faciliter la sortie des patients. Le rapport IGF-IGAS (2014) préconisait ainsi d’expérimenter la possibilité de déléguer aux infirmiers anesthésistes la signature des bulletins de sortie, afin d’éviter qu’un patient en état de sortir ne doive attendre qu’un médecin soit disponible pour signer le bulletin.

La mission IGF-IGAS (2014, p. 15) affirmait en outre que « la chirurgie ambulatoire, désormais conçue comme la pratique chirurgicale de référence (changement de paradigme

depuis 2010) doit être conçue comme une démarche d’ensemble21 ». On retrouve dans cette formulation le caractère holistique du virage ambulatoire, selon lequel l’hospitalisation ambulatoire doit fournir un cadre pour l’organisation hospitalière dans sa globalité. Cette vision s’oppose au développement des unités de chirurgie ambulatoire (UCA) en marge de l’hospitalisation conventionnelle, qui a eu lieu en France avant les années 2010. Si l’IGF et l’IGAS (IGF-IGAS 2014) considèrent bien que la création d’une UCA est la matérialisation première du virage ambulatoire en chirurgie, les UCA ne doivent pas être, selon ces corps d’inspection, dissociées du reste des unités chirurgicales. Les UCA constituent au contraire, dans cet esprit, le point névralgique de prise en charge des patients ambulatoires pour l’ensemble des spécialités chirurgicales. Concrètement, ces unités sont les espaces dans lesquels sont accueillis les patients avant et après l’intervention chirurgicale. Ce sont donc dans ces unités que se situent les places d’ambulatoire, afin d’éviter que la chirurgie ambulatoire ne soit réalisée de manière dite « foraine » (IGF-IGAS, 2014, p.13), c’est-à-dire dans des lits d’hospitalisation complète. Ces considérations spatiales sont importantes car elles révèlent effectivement la volonté de changement de cadre général d’organisation : alors que l’ambulatoire forain revient à raccourcir à la journée les procédures de confinement de l’hébergement hospitalier, le recours systématique à l’UCA force toutes les spécialités chirurgicales à traiter les patients ambulatoires hors de leurs services habituels. Cette nouvelle configuration spatiale induit de fait un décloisonnement entre les spécialités chirurgicales et un partage entre elles des protocoles de prise en charge ambulatoire. Il en découle l’idée que l’UCA doit être le lieu de diffusion des pratiques ambulatoires pour la chirurgie dans son ensemble (IGF-IGAS, 2014).

Cette ambition de faire de l’ambulatoire le cadre d’organisation de référence en chirurgie