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L’étude de la gouvernementalité du secteur sanitaire français a déjà fait l’objet de travaux du CSG par le passé (Cazin, 2017; Lenay, 2005). Lenay (2005) a ainsi distingué trois formes de gouvernementalité dans ce pays et ce secteur : 1. la régulation, qui considère les hôpitaux et cliniques comme des producteurs de soins responsables de leur équilibre économique, et qui vise à accroître leur productivité par des mécanismes de comparaison des coûts de production et d’allocation de ressources ; 2. la planification, qui repose sur la définition d’objectifs de santé publique et leur traduction en niveaux d’équipements et de qualifications par discipline ou spécialité médicale ; et 3. l’organisation, qui porte sur la détermination de trajectoires- types de prise en charge des patients et sur la coordination entre les professionnels des différentes structures impliquées dans ces prises en charge. Dans son analyse des groupements hospitaliers de territoire (GHT), Cazin (2017, p. 224) propose de requalifier cette troisième forme de gouvernementalité en « stimulation de l’exploration collective ». L’organisation, en tant que forme de gouvernementalité sanitaire, se singularise en effet, selon Cazin (2017), par une coopération exploratoire. Cette notion de coopération exploratoire, forgée par Aggeri (2005) dans le secteur environnemental, désigne des politiques publiques dont les objets sont encore flous, et dans lesquelles l’État va tenter d’organiser la recherche collective de solutions à ces problèmes mal connus. En l’occurrence, pour Cazin (2017), ces objets flous sont le territoire, les parcours des patients et les GHT. Lenay (2005) comme Cazin (2017) soulignent que ces différentes formes de gouvernementalité coexistent sans être nécessairement articulées de manière cohérente, et peuvent même parfois rentrer en contradiction.

Après avoir précisé les caractéristiques de chacune de ces formes de gouvernementalité, nous montrons cependant qu’une tendance à l’hybridation entre celles-ci est observable sur le

long terme, et que cette tendance s’est accentuée au gré des transformations de leurs outillages. Loin de nier la persistance des difficultés d’articulation entre ces formes de gouvernementalité, nous explicitons en quoi notre approche en régimes de gouvernementalité vise à au contraire à comprendre comment les acteurs du système de santé essayent de gérer ces difficultés par la construction de rationalités et d’outillages hybrides.

Les caractéristiques des formes de gouvernementalité sanitaire en France

Lenay (2005) caractérise les formes de gouvernementalité sanitaire selon quatre dimensions : 1. l’objet de gouvernement, c’est-à-dire ce sur quoi la politique publique s’applique – par exemple : l’hôpital ; 2. le mode de définition de la performance de cet objet – par exemple : la productivité ; 3. le mode de subjectivation, c’est-à-dire la manière de définir les sujets dans le rapport de pouvoir – par exemple : comme des producteurs de soins responsables de leur équilibre économique ; et 4. les opérations cognitives dominantes et les outillages gestionnaires qui y sont associés – par exemple : la comparaison à l’aide d’un indice de productivité. Lenay (2005) expose également les limites de chacune de ces formes de gouvernementalité. Tout comme la conceptualisation d’Aggeri (2005) des régimes de gouvernementalité environnementale, cette caractérisation prend comme point de départ l’objet gouverné et l’état souhaité de cet objet, en termes de performance ou de cibles. La dimension cognitive de Lenay (2005) fait également écho à celle de régime de visibilité chez Aggeri (2005) en ce qu’elles désignent toutes deux les techniques par lesquelles les gouvernés sont objectivés. En revanche, les quatrième et troisième dimensions mises respectivement en exergue par ces deux auteurs ne sont pas les mêmes : alors qu’Aggeri (2005) s’intéresse aux modes de relation entre gouvernants et gouvernés, Lenay (2005) se concentre sur les modes de subjectivation employés dans cette relation. Cazin (2017) a proposé une fusion des deux grilles d’analyse pour le secteur sanitaire, en ajoutant les modes de relation entre gouvernants et gouvernés à la caractérisation de Lenay (2005). Nous examinerons donc les caractéristiques de chacune des formes de gouvernementalité à partir de cette dernière typologie en cinq dimensions, tout en précisant les modifications et actualisations qu’elle apporte par rapport à celle de Lenay (2005). À la différence de Lenay (2005), Cazin (2017) adopte une présentation chronologique des formes de gouvernementalité sanitaire, de la plus ancienne à la plus récente. Cazin (2017) resitue également chacune des trois formes de gouvernementalité dans les trois grands paradigmes de l’action publique décrits par Osborne (2010) : l’Administration publique pour la planification, le Nouveau Management public pour la régulation, et la Nouvelle Gouvernance publique pour la stimulation de l’exploration collective.

De ce point de vue historique, la première des formes de gouvernementalité sanitaire en France est la planification. Conformément aux principes hiérarchiques et bureaucratiques de l’Administration publique (Osborne, 2010), la planification est fondée sur un système d’autorisations d’activités attribuées selon des critères à la fois quantitatifs et qualitatifs. La première traduction législative de ce système a été l’instauration de la carte sanitaire par la loi du 31 décembre 1970 (Loi portant réforme hospitalière, 1970). La carte sanitaire relevait d’une planification centralisée, par laquelle les services de l’État définissaient les besoins en lits et en équipements dans chacun des 256 secteurs sanitaires du territoire national. Ces

besoins étaient principalement évalués à l’aide d’un indicateur : le ratio entre le nombre de lits dans un secteur et sa population. La création des Schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) par la loi du 31 juillet 1991 (Loi portant réforme hospitalière, 1991) a marqué une double évolution de la planification sanitaire en France : d’une part, sa régionalisation, et, d’autre part, sa spécification par discipline médicale. Cette double évolution s’est accentuée au cours des trois versions successives des SROS, de 1991 à 2011. La régionalisation a notamment été renforcée avec la création des Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) par l’ordonnance du 24 avril 1996 (Ordonnance portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, 1996), qui confie à ces agences la mission d’élaborer et de mettre en œuvre une politique d’offre de soins hospitaliers à l’échelle régionale à travers les SROS. La carte sanitaire a été supprimée par l’ordonnance du 4 septembre 2003 (Ordonnance portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux, 2003) qui a remplacé la notion de secteur sanitaire par celle de territoire de santé. À compter de 2003, la détermination de l’offre hospitalière ne s’est donc plus faite par agrégation de secteurs, mais par application à des ensembles territoriaux d’une politique définie au niveau régional.

La spécification par activité médicale a quant à elle consisté tout d’abord à déterminer les objectifs d’offre de soins par grands champs – médecine, chirurgie, obstétrique, soins de suite et réadaptation, soins de longue durée, psychiatrie – en distinguant certaines activités coûteuses comme la néonatologie, les urgences, la réanimation, ou l’hémodialyse, et par équipement médico-technique – par exemple : les blocs opératoires, les plateaux d’imagerie ou les laboratoires. Dans les dernières versions des SROS, cette spécification a pris la forme de Projets médicaux de territoire, souvent déclinés par spécialité médicale ou filière de soins – par exemple la cancérologie ou la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC). La loi Hôpital, Patients, Santé et Territoire du 21 juillet 2009 (Loi HPST, 2009) a plus tard élargi le périmètre des SROS – devenus Schémas régionaux d’organisation des soins – aux soins de ville, désormais intégrés dans le champ de compétences des Agences régionales de santé (ARS) en sus des fonctions jusqu’alors assurées par les ARH. Ces SROS sont conçus comme la traduction d’un Projet régional de santé (PRS) devant définir les orientations stratégiques en matière d’organisation des soins à l’échelle de la région (DGOS, 2011). Enfin, la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 (Loi de modernisation de notre système de santé, 2016) a révisé le contenu obligatoire des PRS. Ceux-ci doivent maintenant comprendre – par modification de l’article L1434-2 du Code de la santé publique – trois éléments : 1. un « cadre d'orientation stratégique, qui détermine des objectifs généraux et les résultats attendus à dix ans » ; 2. un Schéma régional de santé, qui doit décliner les objectifs stratégiques en objectifs opérationnels sur cinq ans ; et 3. « un programme régional relatif à l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies ». La planification inclut par conséquent désormais un volet de prévention. De surcroît, les PRS couvrent dorénavant également le secteur médico-social 4 , dans une logique de décloisonnement entre ce secteur et le secteur sanitaire. La planification a ainsi connu depuis une cinquantaine d’années une extension considérable de son objet, évoluant des capacités

4 Ce secteur regroupe les structures prenant en charge les personnes âgées ou handicapées dépendantes, telles

que par exemple les maisons de retraite – officiellement appelées : établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) - ou les établissements et services d’aide par le travail.

d’hospitalisation – en lits et en équipements – jusqu’aux parcours des patients et des personnes dépendantes, ainsi que de son outillage, partant d’une fixation centralisée d’autorisations pour aboutir à la définition d’orientations stratégiques et opérationnelles régionales.

Dans le même temps, une autre forme de gouvernementalité du secteur sanitaire s’est développée : la régulation. Le terme de régulation, tel qu’entendu par Lenay (2005) et Cazin (2017), a un sens différent de celui issu de la théorie de la régulation que nous avons utilisé jusqu’à présent. Lenay (2005) et Cazin (2017) considèrent la régulation comme une forme particulière de gouvernementalité du secteur sanitaire et non par comme l’activité générale de production, de mise en exécution et de contrôle de d’application de règles (Levi-Faur, 2011). Cette forme de gouvernementalité est caractérisée, selon Cazin (2017), par une relation entre gouvernants et gouvernés dans laquelle l’État organise un marché. La genèse du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) rappelée par Lenay (2005) permet de comprendre comment l’État a pu organiser un marché pour les séjours hospitaliers en médecine, chirurgie et obstétrique (MCO)5. Avant la mise en place progressive du PMSI, qui a débuté en 1982, le monde hospitalier était en effet caractérisé par ce que Engel, Kletz, Moisdon et Tonneau (2000, p. 12) ont qualifié d’« empêchement de gérer ». Comme le soulignaient ces auteurs, l’absence de système de mesure adéquate de l’activité médicale rendait inopérant tout outil de gestion à l’hôpital. Lenay (2005) décrit comment le PMSI a conduit à une sortie de cet empêchement de gérer, en fournissant une représentation de la production de soins en MCO acceptée par les professionnels de santé et compréhensible par les directions d’hôpitaux comme par leurs tutelles. Cette représentation repose sur une classification des séjours hospitaliers de MCO en groupes homogènes de malades (GHM). Chaque GHM regroupe des pathologies similaires tant sur le plan médical – c’est-à-dire au niveau des actes et des soins pratiqués – que sur le plan des consommations de ressources qu’elles induisent. La réalisation, à partir des années 1990, d’une Étude nationale de coûts (ENC) par GHM, calculés sur la base d’un échantillon d’établissements de santé, a rendu possible la comparaison de la productivité des hôpitaux. L’indicateur d’abord retenu pour cette comparaison a été l’indice synthétique d’activité (ISA). En attribuant une valeur arbitraire de 1000 points ISA à un GHM – accouchement par voie basse sans complication – le ministère de la Santé était en capacité de valoriser chacun des autres GHM dans cette unité de compte non monétaire en fonction de son coût moyen dans l’ENC6. Cette échelle relative de coûts exprimée en points ISA était révisée chaque année grâce aux données de l’ENC et rendue publique. La production de séjours en MCO de chaque hôpital – aussi appelée « case- mix » – pouvait par conséquent être traduite en points ISA par l’ensemble des acteurs du monde hospitalier. La dotation annuelle reçue par chaque hôpital pouvait ainsi facilement être rapportée à cette production. Les hôpitaux disposaient de cette manière d’un indicateur comparant simplement leur niveau global de productivité, en neutralisant l’effet de la variabilité du case-mix : une valeur du point ISA deux fois moindre dans un hôpital A par

5 Cet ensemble de disciplines est souvent désigné sous le sigle MCO. Il correspond au périmètre du court séjour

hospitalier, dans la mesure où les séjours dans les autres disciplines – comme la psychiatrie ou le SSR– sont en moyenne plus longs.

6 Par exemple, si, pour l’année considérée, l’accouchement par voie basse sans complication présentait un coût

moyen dans l’ENC de X et un autre GHM un coût Y deux fois supérieur, la valorisation de cet autre GHM en points ISA était de : Y/X x 1000 = 2 x 1000 = 2000.

rapport à un hôpital B signifiait que l’hôpital A était deux fois plus efficient que l’hôpital B. Lenay (2005) notait que cette information était diversement mobilisée par les ARH, certaines s’en servant pour rééquilibrer les dotations entre établissements, et d’autres préférant reconduire les dotations historiquement attribuées en dépit des inégalités constatées.

Comme le signale Cazin (2017), cet outillage initial de la régulation a été remplacée à partir de 2004 par une tarification à l’activité – souvent dénommée par le sigle T2A. Les coûts par GHM issus de l’ENC sont désormais utilisés chaque année par le ministère de la Santé afin de déterminer des tarifs par groupe homogène de séjours (GHS). La mécanique de détermination des tarifs par GHS consiste principalement à ventiler entre les GHS l’objectif national de dépenses en médecine, chirurgie et obstétrique (ONDMCO), voté annuellement par le Parlement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en fonction du coût unitaire et du volume prévisionnel de chaque GHS. Ainsi que l’indique Cazin (2017), la régulation, entendue comme une forme de gouvernementalité du secteur sanitaire français, repose donc aujourd’hui principalement sur un outillage d’allocation de ressources faisant appel à des mécanismes de marché. Chaque hôpital est désormais considéré comme responsable de ses recettes et de la mise en adéquation de ses coûts à celles-ci. Dans cette mesure, la régulation constitue bien une forme de gourvernementalité empruntée au paradigme du Nouveau Management public. Tel que défini initialement par Hood (1991), le Nouveau Management public est un paradigme d’action publique qui pose comme principe général que les techniques gestionnaires issues du monde concurrentiel de l’entreprise privée sont adaptables à la sphère publique, et qu’elles sont plus efficaces et efficientes que celles héritées de l’Administration publique traditionnelle. Comme le souligne Moisdon (2012 ; 2013), ce mode de régulation relève d’une rationalité gouvernementale selon laquelle le régulateur va pouvoir piloter le comportement des hôpitaux via des incitatifs tarifaires, sans avoir à rentrer dans le fonctionnement organisationnel complexe de ceux-ci. Les effets de la T2A sur les pratiques professionnelles et la réduction des coûts demeurent cependant, selon Moisdon (2012 ; 2013), modestes. Ceux-ci apparaissent, d’après cet auteur, limités à deux phénomènes : 1. la recherche d’une augmentation de l’activité afin d’engendrer plus de recettes ; et 2. le non-remplacement des départs à la retraite dans les services où ces départs ont lieu. En outre, Cazin (2017) démontre, à travers son étude des GHT, les difficultés d’articulation de la T2A, fondée sur une logique de compétition, avec la troisième forme de gouvernementalité à avoir émergé dans le secteur sanitaire français, qu’il nomme « stimulation de l’exploration collective » (Cazin, 2017, p. 224).

Selon Cazin (2017), cette troisième forme de gouvernementalité du secteur sanitaire français s’inscrit dans le paradigme de la Nouvelle Gouvernance publique. Forgé par Osborne (2010), le concept de Nouvelle Gouvernance publique veut rendre compte du fait que l’État n’est plus qu’un acteur parmi d’autres dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques. Ce constat implique de considérer comment se constituent des réseaux d’acteurs publics, et comment différentes pressions institutionnelles interagissent dans la conduite et la réalisation de l’action publique. Le paradigme de la Nouvelle Gouvernance publique se situe donc explicitement dans la perspective néo-institutionnaliste décrite au chapitre précédent. La stimulation de l’exploration collective relève, selon Cazin (2017), de ce paradigme, dans la mesure où il s’agit pour l’État de coordonner les ARS et les établissements de santé afin que ces acteurs s’organisent autour d’un objet nouveau : les parcours des patients. Cazin (2017) révise ainsi la caractérisation de la troisième forme de gouvernementalité identifiée par Lenay

(2005). Selon Cazin (2017), la spécificité de cette troisième forme de gouvernementalité est de rechercher à mettre en place une coopération entre les acteurs du système de soins. Cazin (2017), en référence à l’analyse d’Aggeri (2005) des politiques environnementales, qualifie cette coopération d’exploratoire, dans la mesure où les objets qu’elle traite – tels que les GHT ou les parcours de santé – sont flous et définis chemin faisant en collaboration entre les services de l’État et les acteurs de terrain. Aussi l’outillage de la coopération est-il co- construit avec ces acteurs. Il est principalement constitué par la définition de trajectoires-types de prise en charge des patients à travers l’élaboration des Projets médicaux partagés des GHT. La relation entre gouvernants et gouvernés qui en découle est par conséquent celle d’une délégation du pouvoir de l’État à ces acteurs de terrain.

Cette classification des formes de gouvernementalité qui se sont successivement mises en place dans le secteur sanitaire français donne une vision longitudinale des modifications des arts de gouverner survenues dans notre champ de recherche. Lenay (2005) et Cazin (2017) insistent néanmoins sur le fait que cette évolution n’a pas entrainé un remplacement d’une forme de gouvernementalité par une autre, mais bien une accumulation de ces trois formes. Ces deux auteurs mettent en évidence que cette coexistence entre plusieurs formes de gouvernementalité place souvent les acteurs du système de santé face à des contradictions. Ainsi, les hôpitaux publics ont l’obligation, depuis 2016, de se regrouper et de coopérer, alors même que le système de financement en MCO continue de les considérer comme des producteurs de soins autonomes et en compétition (Cazin, 2017). Tout en partageant pleinement ce constat, nous voudrions proposer une lecture légèrement différente de cette problématique de l’articulation entre formes de gouvernementalité sanitaire en France. En effet, il nous semble que, sur le long terme, un phénomène d’hybridation entre ces formes de gouvernementalité est observable à travers leur outillage et les paradigmes de l’action publique qui transparaissent dans cet outillage. Loin de nier les difficultés concrètes d’une telle articulation, nous voyons dans ces tentatives d’hybridation le signe que les acteurs du système de santé essayent d’y apporter des solutions.

L’hybridation des formes de gouvernementalité sanitaire en France

Une première hybridation est visible dans l’évolution de l’outillage de la planification. En effet, une composante de cet outillage a pris une importance de plus en plus grande dans la planification depuis la suppression de la carte sanitaire. Il s’agit de la contractualisation. Instaurés par l’ordonnance du 24 avril 1996, les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) signés entre les ARH et les établissements de santé ont été conçu comme le vecteur de mise en œuvre des SROS auprès des établissements. Cette architecture contractuelle a ensuite été complétée par la loi Hôpital, patients, santé et territoire du 21 juillet 2009 (Loi HPST, 2009) avec la création des CPOM entre l’État et les ARS. La substitution de l’instrumentation bureaucratique et centralisée qu’incarnait la carte sanitaire par un outillage contractuel à plusieurs niveaux remet en cause le caractère descendant et hiérarchique des rapports entre gouvernants et gouvernés qui caractérise selon Cazin (2017) la planification. La contractualisation est en effet, d’après Osborne (2010), un mécanisme typique du Nouveau Management public et non de l’Administration publique. Le contrat est à l’origine un

instrument de droit privé, par lequel deux parties consentent librement à un accord négocié. En tant que tel, le contrat s’oppose à l’imposition unilatérale de normes par l’administration. La correspondance établie par Cazin (2017) entre planification et Administration publique d’une part, et entre régulation et Nouveau Management public d’autre part, ne semble ainsi pas systématique. En outre, les indicateurs des CPOM conclus entre les ARS et les établissements sont le plus souvent calculés à l’échelle de chaque établissement, et non par