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Des villes qui se fabriquent toujours plus proche de l'eau

deuxième bain : Le ret o ur de

A) Des villes qui se fabriquent toujours plus proche de l'eau

1) Gestion et intérêt des cours d'eau dans la fabrication de la ville d'aujourd'hui

Aujourd’hui il est évident que l’eau en ville fait l’objet d’une revalorisation, souvent à la suite de l’abandon des usages industriels sur les rives urbaines. Les villes choisissent de plus en plus de tirer profit de ces friches industrielles et portuaires en les réhabilitant. Le modèle économique lié au fleuve a donc évolué, l’eau des cours d’eau urbains n’est plus fonctionnelle. Il y a eu une rupture récente dans les représentations mentales du fleuve.

« L’intérêt pour ces eaux de surface reste généralement limité à leurs qualités esthétiques, paysagères et à leur contribution à la qualité urbaine (…). Aujourd’hui le contact des citadins avec l’eau est limité, se cantonnant à une promenade de proximité »1

On est aussi arrivé à une prise de conscience de leur état de dégradation, dû au surmenage de l’activité humaine. C’est pourquoi des politiques de protection et de mise en valeur des milieux aquatiques ont été mises en œuvre. Si la loi sur l’eau et les agences de l’eau (qui établissent les premières grilles d’indication de la qualité de l’eau) sont créées dès 1964, c’est l’évolution de cette loi et l’apparition notamment des SAGE en 1992 qui donne le cap.

Dans les récents projets d’aménagement, l’eau a aussi une dimension patrimoniale et culturelle. Il est né un sentiment de nostalgie lié à une image de relation plus directe au fleuve Mais, il s’agit surtout, pour les villes, d’un moyen d’attractivité qui est rentable d’un point de vue économique et politique. Le fleuve dans une ville fait par ailleurs office de zone tampon. En offrant un espace de respiration en plein cœur des villes, il devient alors un intérêt pour les plus denses, modèle de la ville de demain.

Dans beaucoup de projets, les berges sont encore traitées comme des espaces publics traditionnels, il serait plus judicieux de les aménager

1 Catherine carré, Laurence lestel, Les rivières urbaines et leur pollution,

Editions QUAE GIE, mars 2017

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autrement, prenant davantage en compte la présence de l’eau qui les borde et des usages différents qui pourraient en découler.

Ce qui peut alors changer d’une ville à l’autre, c’est le niveau d’engagement et la culture de l’eau des aménageurs.

2) L'exemple de Nantes et des nouveaux aménagements des berges de Loire

A Nantes, la Loire a été mise au cœur des préoccupations métropolitaines, en quête de participation habitante grâce notamment à un grand débat citoyen. Pendant plus de huit mois, d’octobre 2014 à mai 2015, Nantes Métropole a organisé un grand débat où des habitants et des acteurs de la métropole se sont regroupé. La grande problématique du débat est la suivante : comment imaginer l’avenir de la Loire ? L’image comme symbole fort de la Loire avait déjà été initiée en 2013 lors de la démarche « Nantes 2030 »

« Dans le cœur d’agglomération, les grands projets en cours ou à venir se pensent avec la Loire: CHU, Rezé Les Isles, Île de Nantes, Bas-Chantenay, Petite-Hollande... Sur ces rives, 200 hectares sont à reconquérir. » explique le site de Nantes La Loire et Nous. 40 000 participants ont pris part au débat et 5000 ont eu une participation active. A l’issue de ce débat, les élus de Nantes Métropole ont pris, le 5 décembre 2015 trente engagements qu’ils ont regroupé en six grandes catégories : La Loire sources de plaisir ; La Loire source de promenade ; La Loire patrimoine écologique à préserver ; La Loire support d’activités économiques ; De nouveaux paysages en bord de Loire ; Une Loire plus franchissable.

Les nouveaux aménagements urbains que je vais brièvement présenter, qu’ils soient en projet, en chantier ou finalisés s’inscrivent donc dans plusieurs de ces 30 engagements. Tous sont symptomatiques de l’ambition de Nantes Métropole sur la Loire. Le premier concerne l’aménagement des quais et berges de l’île de Nantes (lieu phare de la politique de la ville qui renoue avec son fleuve et dont je développerai dans une prochaine partie les aspects) sur les quai Rhuys et Hoche. L’agence de paysage et d’urbanisme

BASE est le mandataire du projet. L’aménagement va jusqu’à « toucher

l’eau », selon les termes de Nantes Métropole. Et lorsque l’eau du fleuve est très haute, il n’est pas rare que le chemin en caillebotis, surplombant une végétation de bord de Loire, soit submergé. Le lieu offre, même si ça n’en a pas le nom, une véritable pataugeoire d’eau de Loire. D’après les paysagistes, « Au bord du fleuve, une passerelle sur caillebotis métallique

permet la continuité piétonne lorsque la marée monte et inonde le bas du quai. Des gradines sur pieux sont aménagées, offrant ainsi des possibilités d’assise et de contemplation du fleuve. Sur la partie haute, la typologie du site est également mise à profit pour créer des balcons sur la Loire, sorte de respiration qui viennent rythmer le linéaire. »

L’eau est bien ici un décor comme peut l’indiquer ce discours, mais un décor que l’on peut finalement toucher. L’écart entre cet aménagement et la baignade dans la Loire est très mince. L’accès à l’eau y est donc très aisé, à l’image de celui des berges de l’Erdre. Un ponton qui s’avance vivement dans le fleuve est aussi en accès libre.

Aménagement des berges inondées, en contrebas du quai Hoche sur l’île de Nantes

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Dans son projet de réhabilitation des rives du canal saint Félix jusqu’au bas Chantenay , et dans lequel s’inscrit celui de la place de la petite Hollande, Nantes « part à la conquête de la Loire » : une place-parc sur la Petite- Hollande ? Des jardins quai de la Fosse ? Une plage canal Saint-Félix ?

« Ce projet est emblématique de la ville que nous voulons construire : une ville plus verte et douce, une ville où l’on respire. C’est une métamorphose importante du cœur de la métropole qui s’amorce. Demain, les rives de Loire seront rendues à la population »2

Si le discours de la maire est très médiatique et aujourd’hui très récurrent, celui du paysagiste Henri Bava en charge du projet alimente une idée

fausse quand il dit que son rêve est de « Recréer l’effervescence qui

régnait autrefois sur les quais de Nantes ». Or ce qui est proposé est loin de ressembler à ce qu’étaient les quais de Nantes autrefois. Il n’y avait pas autant de végétation par exemple, et les lieux n’étaient pas réservés qu’à la détente et la promenade, ils étaient à l’inverse source d’activités (portuaires, industrielles) pour les besoins de la ville, mais ils accueillaient aussi des activités vitales, sociales et démocratiques telles que les lavandières et bien évidement les bains en Loire. Ce qui va être créé là s’inscrit dans une volonté généralisée de nature en ville et c’est ce que demandent aussi les habitants. Ce qu’il ne prend pas forcément en compte dans son discours concerne aussi l’évolution morphologique de la Loire. Un retour en arrière est compliqué, il est évident qu’on ne pourra pas créer le même rapport à la Loire qu’autrefois. Il faut en réinventer un nouveau, ce qui peut correspondre aux intentions de projet : « Cet espace, à la fois place-confluence et place-parc, pourrait accueillir de multiples événements populaires : festivals, concerts, cinéma de plein air, etc. » 3

Voici donc bien un exemple du fait que de nouveaux usages contemporains arrivent en ville. Et dans les intentions de projet, un bassin de baignade a bien été évoqué et apparait sur les images de synthèse du canal saint Félix revisité. Il s’agit d’une possible implantation de cet équipement dont la ville souhaite se doter. Malgré tous ces aménagements et cette évocation encore utopique, on a encore du mal à voir des baignades dans les cours d’eau nantais.

2 (Propos de Johanna Roland) Ophélie lemarié, «Nantes à la reconquête de la

Loire», Nantes Métropole, n°43, avril-mai 2018 3 (Propos de Henri Brava) ibid

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LE QUAI DOUMERGUE ACTIF

VUE GENERALE DEPUIS LA LOIRE

Vue prospective des futurs aménagements du canal Saint-Félix et de son bassin de baignade

© agence TER

Vue prospective des aménagements en cours de construction des berges du quai Doumergue et de sa guinguette au bord de l’eau © agence BASE

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B) Balnéarisation de l'espace urbain,