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Luttes citoyennes pour un acc ès démocratique à la baignade

de moyens. On essaye d’appliquer cette démarche avec les espaces de baignade potentiels en ville, en voyant à travers l’acte de se baigner un formidable moyen d’activer ces espaces, de créer du possible, d’en titiller les usages et donc les interdits, les représentations et donc l’imaginaire. En parallèle on essaye de développer une vision et une analyse jouant sur des temporalités courtes et d’autres plus longues. À ce niveau-là, les pays nordiques et leurs pratiques d’aménagement plus souples et évolutives ont un temps d’avance.

Loin des teubotopies des villes flottantes ou des villes sous l’eau, on essaye de développer une approche où notre rapport à l’eau serait “de proximité”, où il serait possible de piquer une tête dans la petite fontaine à côté de chez soi, ou du mobilier urbain ludique permettrait de se rafraîchir tout en profitant de l’espace public.

Passer d’un urbanisme de paysage à un urbanisme des usages. »1 Que font-ils ?

Leur but est de faire connaître et reconnaître une pratique que la plupart des gens pensent aujourd’hui impossible en ville. Grâce à leur visibilité sur les réseaux sociaux, ils ont été un média alternatif et influent sur ces questions : « Et donc nous on a voulu parler de tous ça en créant la page Facebook, on a fait tourner des images, on a montré que c’était possible avant, que c’était possible ailleurs et que ça pourrait être possible chez nous, on a écrit des articles, des tribunes dans différents sites et en parallèle de ça on a commencé à organiser des baignades à Paris (…). En gros le truc important qu’on a fait c’est de mettre la question de la baignade en ville dans l’agenda et dans les discussions à la fois urbaines et politiques parce que quand on a commencé ça, en 2012-2013, y avait en France, personne ne parlait de ça ! »2

Avec de nombreuses images, leur but est aussi de créer le « désir de baignade chez les gens », qu’ils s’approprient ou réapproprient pour certains l’idée de jouir de la baignade en milieu urbain, qui a finalement disparue quelques décennies auparavant.

« Une journée comme celle du 28 août dans le Bassin de la Villette est un

1 «Manifeste du LBUE» [en ligne], Laboratoire des Baignades Urbaines Expérimen- tales, disponible sur http://www.labobaignadesurbaines.com/

2 Entretien avec Pierre Mallet, 13 novembre 2017

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102 103 formidable succès dans ce sens. À en voir les sourires ce jour-là et les retours

qu’on en a eu depuis sur les réseaux sociaux, il y a de grandes chances pour que les centaines de franciliens qui étaient présents deviennent à leur tour des défenseurs de la baignade intra-muros, et finissent par tenter de rallier leur entourage à cette noble cause. »3

Si au début de leur aventure en 2013, ils étaient bien seuls à se baigner dans les canaux de la capitale, ils ont été rejoints par de plus en plus de monde et aujourd’hui les gens « ne font plus appel à eux pour se baigner ». Leur travail de sensibilisation et de mobilisation porte donc ces fruits. Il aura suffit de seulement trois ans pour que les choses évoluent.

Et c’est pourquoi, la mairie de Paris s’est servie de leur expertise habitante et les ont consultés pour l’implantation d’un lieu de baignade dans le bassin de La Villette.

« A l’époque il nous avait demandé c’est quoi pour vous le meilleur endroit dans le bassin, selon votre expérience. Ils étaient assez bienveillants puis ce qui est chouette c’est qu’ils ont compris qu’on pouvait être utiles, c’est- à-dire qu’ils nous ont laissés grandir alors qu’ils auraient très bien pu nous stopper parce qu’on était illégal, ils auraient pu nous envoyer la police municipale mais au lieu de ça ils nous disaient en off que la qualité de l’eau était bonne et même la grosse baignade qu’on avait organisé il y a un peu plus d’un an elle avait été annulée au dernier moment, on était censés avoir une autorisation préfectorale qui a sauté au dernier moment et eux ils nous disaient c’est interdit mais faites-le ! (…) On a été un premier accélérateur du truc, les JO ont été un accélérateur à une vitesse bien plus rapide mais en tout cas d’un coup on en parle et de façon positive »4

Leurs démarches ont finalement permis une « institutionnalisation des baignades urbaines », puisque les choses ont bougé au niveau de l’action publique. Les effets de leurs actions, bien que transgressives, servent aux objectifs politiques de la ville. Mais rien n’est néanmoins acquis et leur rôle de médiation continue aussi sur le sujet de la réglementation française : « L’idée c’était surtout de montrer qu’en France il y avait un vide sur ça et une hypocrisie au niveau de la loi et au niveau des règlements et de se dire:

« bah essayons d’aller au delà de ça.»

3 Margot Baldassi, «Histoire d’eaux – Entretien avec le “Laboratoire des bai- gnades urbaines expérimentales», Pop-up-urbain, https://www.pop-up-urbain.com/his- toire-deaux-entretien-avec-le-laboratoire-des-baignades-urbaines-experimentales/ 4 Entretien avec Pierre Mallet, 13 novembre 2017

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pool is Cool :

Qui sont-ils ?

« Nous sommes des citoyens-experts passionnés par Bruxelles et unis par leur intérêt pour la baignade publique en plein air dans notre ville.

POOL IS COOL est un groupe indépendant et ouvert avec une variété d’expertises pertinentes, réuni en 2015 pour une ‘guérilla baignade’ dans les étangs et les fontaines de Bruxelles. Nous avons rapidement réalisé l’importance de développer un champ de connaissances sur la baignade en plein air afin d’avoir un impact sur les décideurs. Nous collaborons avec des initiatives internationales et menons des recherches sur les questions urbaines, administratives, techniques et sociales. Grâce à des actions ludiques, des présentations et des débats, nous avons rapidement attiré l’attention du public.

Luttes citoyennes pour un acc ès démocratique à la baignade

Au cours de l’été 2016, nous avons construit une installation de baignade pour donner à chacun un aperçu du plaisir de se baigner en plein air dans la ville. Pendant trois chaudes semaines, «Badeau» est devenue la première et unique piscine extérieure publique de Bruxelles.

L’été prochain, nous voulons réaliser une vraie expérience pour les nageurs, accompagnée d’actions sur l’espace public et de présentations par nous mêmes et d’autres partenaires internationaux. Nous espérons gagner votre soutien pour la réintroduction des piscines en plein air à Bruxelles ! »1 Leur mission:

« Bruxelles n’a pas de sites de baignade en plein air, contrairement à la plupart des grandes villes européennes. Au-delà d’être une activité sportive, la baignade à ciel ouvert favorise à la fois l’interaction sociale et le contact avec l’environnement. Elle engendre un impact durable sur la qualité de vie en ville. Bien que Bruxelles ait eu des lieux de baignade jusqu’à la fin des années 70, notamment de grandes piscines extérieures, ceux-ci ont progressivement disparu. Avec eux, une culture vivante autour de la nage à ciel ouvert a été perdue.

POOL IS COOL s’efforce de faire renaître cette pratique à Bruxelles grâce à la réintroduction de sites de baignade en plein air accessibles à tous. Imaginez- vous, lors d’une chaude journée, prendre votre serviette et en un instant plonger dans l’eau fraîche, profiter du soleil avec vos amis et votre famille.

Pour créer un plus grand nombre de lieux de baignade, nous voyons des opportunités à la fois dans les plans d’eau existants et dans les nouvelles constructions. Ceux-ci peuvent être accessibles au public ou pourront l’être à l’avenir. Il est important de garder à l’esprit qu’un seul site n’est pas suffisant. Une ville de la taille et de la diversité de Bruxelles a besoin et mérite de multiples possibilités de baignade.

1 «Ré-introduire la baignade publique à Bruxelles» [en ligne], POOL IS COOL, disponible sur http://www.pooliscool.org/notre-mission

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106 107 Afin d’inscrire la question de la baignade en plein air sur l’agenda public et

encourager les initiatives politiques, POOL IS COOL organise des actions sur l’espace public, réalise des installations temporaires de baignade et mène une recherche sur cette problématique. Quatre thèmes décrits dans le texte suivant méritent d’être développés : la baignade en plein air dans la ville; l’eau et la nature; les modèles de propriété, de gestion et de financement; les piscines extérieures en tant que lieux sociaux. »

Leurs actions :

A l’occasion de la relocalisation de Bruxelles-les-Bains, la plage urbaine de Bruxelles, Pool Is Cool voit l’opportunité de redéfinir ses futurs usages et ainsi de lui donner un lien plus fort avec l’eau.

« Nous voyons le déménagement comme une opportunité de chercher non seulement un nouvel endroit mais aussi de redéfinir la mission et l’approche de BLB pour l’avenir, en faisant un festival qui construit sur et avec le potentiel local et l’ouvre à un public métropolitain. Dans un tel cadre on peut imaginer se joindre à la commission de réflexion pour l’avenir de BLB afin de les aider à devenir ce que son nom promet: la piscine à Bruxelles! Pas comme une alternative à une installation de baignade permanente en plein air, mais comme une première étape facile à mettre en œuvre. Une possibilité qui est démontrée par de nombreux exemples étrangers. »

POOL IS COOL organise aussi des “Swim Bike Exploration”. L’idée est de parcourir la ville de Brussels à vélo en ciblant sur le trajet les points d’eau (lacs, étangs, canaux…) afin d’explorer les futurs lieux de baignade en plein air de la ville. A chaque lieux, le groupe de cyclistes tente d’y définir quel type d’installation pourrait être mis en place pour y accueillir des baigneurs. Les réponses sont très diverses :

- Une piscine flottante dans une vieille barge dans le bassin de Vergote sur le modèle du Badeschift de Berlin

- Un lac de Neerpede entièrement baignable

- Des bassins remplis avec de l’eau du canal (comme à Copenhague ou à Paris) sur toute la longueur

- Des piscines en plein air classiques dans des dents creuses de quartier en redéveloppement

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Ils mettent également en place des piscines en plein cœur de la ville par leur propre moyen. L’été 2017, ils aménagent un espace public festif et convivial et y construisent au centre THE BIGGEST POOL, qui n’est en fait qu’un container rempli d’eau. Mais le message est plus important que la forme.

Depuis ils ont également lancé une pétition pour l’ouverture permanente d’un lieu de baignade en plein air d’ici 2020.

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Flussbad Berlin

Cette association de citoyens berlinois, s’est tout d’abord créée à partir d’un projet ambitieux, imaginé en 1997 par deux architectes Jan et Tom Elder. Flussbad signifie en français piscine dans le fleuve. Leur objectif est de permettre la baignade dans le cœur historique de la capitale allemande, et donc d’améliorer la qualité de l’eau du canal de la Spree. Plus en amont de la ville, il est possible de se baigner dans le fleuve. Le problème à Berlin est donc focalisé sur la qualité de l’eau qui, à cause de la pollution urbaine, est médiocre et ne permet pas la baignade.

Le projet propose donc de mettre en place une « piscine » naturelle s’étirant sur 750 mètres de long dans le canal de la Spree, au cœur de l’île aux musées.

Aujourd’hui, le projet a donné lieu à la création d’une association, financée par de nombreux dons des adhérents berlinois. Elle œuvre aujourd’hui à trouver des solutions pour améliorer la qualité de l’eau, notamment grâce