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L'état déplorable de la ville a des conséquences sanitaires évidentes sur la ville. Les eaux sont de très mauvaise qualité autant les ruisseaux que la nappe phréatique. Les fossés contiennent divers déchets et de l'urine. La ville subit ainsi de nombreuses épidémies durant la première moitié du XIXe siècle. Les autorités publiques essayent d'arranger l'état hygiénique

et de limiter la propagation des infections.

Les fontaines de la ville, un des principaux moyens d'approvisionnement en eau de la ville, sont alimentées par deux canaux : le Rech de la vila et Las canals. Or le premier est utilisé comme égouts116. Comme décrit précédemment, le second traverse de nombreux

villages où les habitants l'utilisent comme égouts. Les Perpignanais s'abreuvent également à l'aide de puits artésiens, surtout dans la ville basse. Une nappe phréatique conséquente se situe au-niveau de la Têt. Elle alimente le quartier St Jean notamment. Toutefois, l'absence d'égouts et de fosses d'aisance, infectent la réserve d'eau117. L'alimentation en eau potable de la ville est

110 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 198. 111 Ibid., p. 199.

112 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 187.

113 A.D.P.O. 5M134 arrêté préfectoral autorisant l'installation de l'usine à gaz, le15 juin 1834 114 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 185-186.

115 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 200. 116 Ibid., p. 199.

compromise par ces pollutions. Les égouts peuvent stagner à la sortie de la ville dans les fossés. Or les eaux stagnantes provoquent une concentration de moustiques, de rats et de mouches118. Lors des crues, ils peuvent remonter et inonder la ville entraînant des eaux

stagnantes dans la ville. Ce problème concerne essentiellement les fossés. S'ils ne jettent pas leurs ordures par la fenêtre de leur maison, les habitants s'en débarrassent dans les fossés qui deviennent, entre la sortie des égouts, des fosses d'aisance et le dépôt d'ordures, un véritable champ d'épandage119. Lors de la période révolutionnaire, les fossés avaient été transformés en

culture fourragère pour éviter la constitution de marécages. Toutefois, en 1821, le ministre de la guerre demande un retour à un état primitif. L'état des fossés ne s'améliore pas, de l'urine est même retrouvée120. Les eaux et les fossés de la ville sont donc sources de nombreuses

bactéries.

La première moitié du XIXe siècle perpignanais est parcourue par diverses épidémies

meurtrières. La capitale roussillonnaise connaît plusieurs épidémies de choléra au cours de cette période121. La plus critique se déroule en 1854 où 1,4 % de la population décède de la

maladie soit trois cent trente sept personnes. Pourtant l'apparition de cette maladie n'est pas nouvelle, elle avait déjà fait plusieurs victimes en 1835 et en 1837. La typhoïde est également toujours dangereuse dans la ville122. Perpignan n'est pas un cas isolé en France. Les épidémies

de choléra font des milliers de morts dans le pays. Une des infections les plus meurtrières se déroule en 1832 à Paris causant plus de cent mille morts, dont le ministre Casimir Périer123.

Les nombreuses victimes liées aux différentes contagions meurtrières, dont le choléra dans les années 1830, poussent les autorités publiques à penser l'état d'insalubrité des villes124. Le

mauvais état hygiénique des villes est pointé du doigt. L'état des fossés est accusé de provoquer de nombreuses maladies125. Des ordures et des excréments sont jetés dans les

fossés. L'endroit devient marécageux avec de l'eau stagnante entraînant une présence de moustiques et de rats susceptibles de propager la maladie. Le plus craint est surtout l'eau stagnante, les hygiénistes de la période révolutionnaire et de la première moitié du siècle

118 A. Pélissier-Zanin, Perpignan face au choléra. L’assainissement de la ville sous la monarchie de juillet

(1830-1848), op. cit., p. 19.

119 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit.

120 A. Pélissier-Zanin, Perpignan face au choléra. L’assainissement de la ville sous la monarchie de juillet

(1830-1848), op. cit.

121 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 198.

122 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 186-188. 123 D. Barjot, J.-P. Chaline et A. Encrevé, La France au XIXe siècle, op. cit., p. 197.

124 Florence Bourillon, « Changer la ville. La question urbaine au milieu du XIXe siècle », Vingtieme Siècle.

Revue d’Histoire, 1999, no 64, p. 11-23.

pensent que le mouvement purifie. La stagnation provoque donc des maladies126. L'idée de

purification par la circulation fonctionne également pour l'air. Les savants pensent que l'aération est nécessaire pour éviter les maladies. Pourtant, la densité et l'enfermement dans des remparts de la ville de Perpignan maintiennent les miasmes dans la ville127. Il est vrai que

« l'entassement urbain favorise certaines formes de contagion »128 sans toutefois les

provoquer. Les infections peuvent provenir des eaux du ruisseau. Notamment le ruisseau Las canals utilisé comme égouts par les villages en amont de la ville qui amène les germes de la typhoïde129. Les eaux de Perpignan sont polluées tout au long du siècle ce qui engendre des

maladies. Des fièvres sont véhiculées par une mauvaise évacuation des eaux usagées et l'eau non potable130. Toutefois, l'état de la ville s'est amélioré depuis le siècle précédent. Le

paludisme devient plus rare et la variole est combattue131. Des politiques d'amélioration de la

salubrité publique avaient été entreprises au milieu du XVIIIe siècle permettant la diminution

des infections présentes132.

L'état hygiénique s'améliore au XIXe siècle avec une baisse des endémies. Pour

obtenir ce résultat, les premières mesures sont sanitaires. Les politiques de santé publique sont menées par les collectivités locales et aux initiatives privées. L'état délègue la compétence pour des raisons économiques. Il est vrai que les mesures coûtent cher. Ce retrait s'explique également par le fait que les solutions apportées peuvent entrer en confrontation avec le principe de propriété si cher à la société de ce siècle133. Il est vrai qu'élargir des rues ou créer

des fosses d'aisance provoque des conflits avec des propriétaires réticents. Perpignan n'a pas les moyens de mener une politique sanitaire efficace en combattant la source des nombreuses infections : l'état des fossés, l'absence d'égouts et le manque d'approvisionnement en eau potable. La ville essaye de lutter contre l'insalubrité avec le nettoyage des rues. En 1840, la municipalité demande l'enlèvement journalier des détritus place de la Loge. Les places sont souvent ciblées dans les politiques sanitaires. La mairie demande l'arrosage deux fois par semaine de sept places : Loge, l'actuelle place Jean Jaurès, Pont d'En Vestit, Marché au Blé, Saint-Dominique, maison Méric et place d'Armes. L'entretien des rues n'est pas pour autant négligé. La voie publique est balayée tous les jours. Un entrepreneur, payé par la mairie,

126 A. Corbin, Le miasme et la jonquille, op. cit. 127 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 198.

128 Jean Sagnes, La ville en France aux XIXe et XXe siècles, Béziers, France, Ville de Béziers, 1997, p. 71. 129 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 186.

130 J. Sagnes, La ville en France aux XIXe et XXe siècles, op. cit., p. 71. 131 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 187.

132 Alice Marcet, « Une ville bourgeoise (1462-1789) » dans Histoire de Perpignan, Toulouse, Privat, 1981, p. 99.

ramasse les cadavres d'animaux sur la route et les enterre en dehors de la ville134. La création

des lieux d'aisance pourrait améliorer l'hygiène de la ville. Cependant le manque d'eau ne garantit pas la possibilité d'évacuer les excréments et l'urine135. Les latrines posent des

problèmes selon l'endroit où elles sont installées. Afin de limiter la présence d'urines dans les fossés de la muraille, les experts préconisent l'enlèvement des latrines136. La modernisation de

la ville permettrait en outre d'améliorer l'hygiène de la ville. Pour limiter les miasmes, et aussi favoriser la circulation des personnes, la ville souhaite élargir les rues. Les autorités municipales souhaitent également développer le réseau d'égouts. Toutefois, les moyens manquent à la ville pour réussir son ambition137. Les villes françaises commencent à se

moderniser durant la monarchie de Juillet. Un des principaux objectifs sanitaires est de séparer l'évacuation des eaux de celles consommées. Les égouts sont au centre de cette politique, les ruisseaux existants sont reconvertis en déversoir de déchets. Les villes changent donc leur source d'approvisionnement en eau potable, comme le fait Bordeaux ou Marseille138.

Les mesures pour limiter les risques d'infection ne sont pas totalement efficaces. Les politiques publiques s'occupent également du traitement des malades où l'isolement est favorisé. Les hôpitaux servent principalement de lieu d'accueil. Ils ne commencent à soigner que durant la deuxième moitié du siècle139. Dans son mémoire, Aurore Pélissier-Zanin montre

comment la ville de Perpignan a essayé de gérer le choléra sous la monarchie de Juillet140. Les

services préfectoraux nomment un conseil de salubrité composé d'experts et de savants pour aiguiller les politiques à mener. Leur première prérogative est de trouver un endroit pour traiter les malades et de les interner141. Le département étant frontalier avec l'Espagne,

lorsqu'une épidémie importante se déclare outre-Pyrénées, le conseil de salubrité prescrit des mesures pour éviter la contagion. Les autorités contrôlent les personnes et les marchandises traversant la frontière. C'est notamment le cas en 1821 lors d'une grosse épidémie à Valencia où le conseil de salubrité décide de contrôler les voyageurs et de mettre en quarantaine les contrebandiers n'étant pas passés par les contrôles142. Les autorités n'ont pas encore les

134 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 186 ; A. Pélissier-Zanin, Perpignan face

au choléra. L’assainissement de la ville sous la monarchie de juillet (1830-1848), op. cit., p. 44-45.

135 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 186.

136 A. Pélissier-Zanin, Perpignan face au choléra. L’assainissement de la ville sous la monarchie de juillet

(1830-1848), op. cit., p. 20-21.

137 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 185.

138 Maurice Agulhon et Georges Duby (eds.), La ville de l’âge industriel, op. cit., p. 329-330. 139 J. Sagnes, La ville en France aux XIXe et XXe siècles, op. cit., p. 78.

140 A. Pélissier-Zanin, Perpignan face au choléra. L’assainissement de la ville sous la monarchie de juillet

(1830-1848), op. cit.

141 Ibid., p. 33-34.

moyens de lutter efficacement contre les infections. Conscientes de leurs limites, elles évitent toutes épidémies à travers deux politiques différentes mais complémentaires : une de salubrité pour limiter les possibilités d'infection et une d'isolement des malades pour éviter la propagation.

Le Perpignan de la première moitié du XIXe siècle est une ville surpeuplée empêchée

par ses murailles de toute ambition d'élargissement. Elle doit donc tenir la croissance démographique à l'intérieur de la vieille ville. L'enfermement de la ville revêt au chef lieu des Pyrénées-Orientales un caractère de ville d'Ancien régime. Perpignan conserve, par ailleurs, les infrastructures d'une ville du siècle précédent. Le nombre insuffisant d'égouts et l'absence de fosses d'aisance polluent les eaux de la ville. Les germes de différentes maladies comme le choléra ou la typhoïde circulent facilement auprès de la population à cause de la densité démographique importante et de l'insalubrité de la ville. Les pouvoirs publics deviennent impuissants face à ces épidémies meurtrières. Leur seule réponse est d'essayer d'améliorer l'état sanitaire de la ville et de limiter la contagion de la maladie en cas d'infection. La ville de Perpignan est donc dans un contexte d'insalubrité chronique. Les industries s'insèrent dans un environnement malpropre voire fétide.