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Durant la seconde moitié du XIXe siècle, les autorités organisent de grands travaux à

Perpignan. Ils permettent ainsi l'établissement d'infrastructures, l'élaboration d'un réseau d'eau potable, l'arasement des remparts et la construction d'édifices publics.

Un quartier de Perpignan attire les principales rénovations du milieu du siècle. Le faubourg de la Villeneuve, isolée de la vieille ville et de la campagne au début de la période, change considérablement dans les années 1860. La nouvelle gare désenclave les Tanneries avec la construction de la porte Impériale (actuelle place Catalogne). Une route large de seize mètres (actuelle avenue Charles de Gaulle) remplace le vieux chemin du Conflent pour relier la ville à la gare par le quartier de la rive gauche de la Basse420. Le modèle haussmannien

encourage les rues larges pour faciliter la circulations des personnes421. Perpignan se situe

dans le modèle de son temps en reliant le quartier des Tanneries à la gare. La volonté des penseurs de l'époque est de développer le dernier quartier intra-muros avec la possibilité de construction. L'expansion du quartier passe aussi par une meilleure liaison avec la ville. Le projet est ancien mais réalisé pendant les années 1860. Les autorités détruisent les remparts de la rive droite de la Basse. Le pont du sel est remplacé par le Palmarium plus large permettant aux voitures de se croiser422. La politique de croissance du quartier des Tanneries passe aussi

par la construction de la porte Magenta face à la porte Notre-Dame en 1859. Les visiteurs n'ont plus besoin de traverser le Faubourg et d'arriver dans les rues étroites du quartier Saint- Jean pour entrer dans Perpignan. Désormais, ils peuvent passer par la Villeneuve et rejoindre soit la gare soit la vieille ville. Malgré les travaux et les efforts entrepris, les Tanneries ne se développent réellement qu'à partir des années 1930 en quartier des affaires423. Il est possible

que les tanneurs empêchent le lieu de croître considérablement. Le faubourg de la gare attire le développement lié aux nouvelles activités à la place de la Villeneuve. Les autorités ne peuvent qu'encourager le développement de certains quartiers. Ils construisent des infrastructures, des grandes rues reliant le lieu à un endroit stratégique. Ce que fait Paris lors des grands travaux du baron Haussmann en traçant un réseau de boulevards desservant les

420 É. Frenay, « Le temps du chemin de fer (1848-1865) », art cit, p. 203-206.

421 Marcel Roncayolo, « La production de la ville » dans La ville de l’âge industriel, Paris, Seuil, 1998, p. 106. 422 É. Frenay, « Le temps du chemin de fer (1848-1865) », art cit, p. 203-206.

différentes gares et les quartiers parisiens424. Cependant, la décision finale revient aux

populations. Elles seules peuvent décider où elles vont s'installer. À Perpignan, elles délaissent les Tanneries pour les quartiers périphériques.

Pourtant d'autres travaux améliorent la vieille ville. De grands aménagements se font sous l'impulsion du préfet Lassus. Le baron de Lassus de Saint-Geniès démarre sa carrière préfectorale avec un poste de sous-préfet dans le Gers, puis en Haute-Garonne, Seine-et-Oise et Seine inférieure. Son premier poste de préfet est à Perpignan en 1854. Il est chargé de préparer l'installation de la gare. À travers son rôle dans l'administration, le préfet dirige les grands travaux de Perpignan425. En plus de l'agencement de la Villeneuve, les autorités

élargissent certaines rues comme la rue Mailly, de la cloche d'or ou de la fusterie. La place Arago est aménagée après la destruction des remparts de la rive droite de la Basse. Les travaux imaginés par l'ingénieur de la ville, Caffe, aménagent également l'ilot du Pont d'en Vestit entre la place Arago et l'actuelle rue Foch426. Les travaux permettent une circulation

plus aisée au sein d'une vielle ville souvent encombrée. L'électricité est une des grandes améliorations de la fin du siècle. L'industriel Bartissol, à travers sa Société Hydro-Electrique du Roussillon ou S.H.E.R., installe une usine électrique dans l'ancienne église de Saint-Jean le vieux. Ses travaux permettent l'éclairage à l'électricité de certains bâtiments publics et de certains particuliers. Le théâtre est le premier édifice de la ville à bénéficier de l'électricité dés 1889427. La ville souhaitait remplacer l'éclairage au gaz de la salle de spectacles pour éviter les

risques d'incendie. Edmond Bartissol installe les nouveaux appareils à ses frais mais laisse l'entretien au soin du directeur du théâtre428. Pour l'éclairage de la ville, il faut attendre 1899

avec la construction d'un barrage hydro-électrique à Vinça. L'installation de l'électricité permet l'arrivée du tramway à Perpignan pour relier la gare, le centre-ville, Canet et Rivesaltes429. Perpignan opère de grands aménagements. Maintenant que le commerce enrichit

la ville, elle peut se permettre d'investir dans une amélioration du cadre urbain.

L'alimentation en eau potable est une préoccupation ancienne. Dans la première moitié du XIXe siècle, les autorités essayent de résoudre ce problème de salubrité. La

construction de puits artésiens, solution du début de la période, s'arrête pour laisser place à

424 William Serman, La Commune de Paris: 1871, Paris, Le Grand livre du mois, 2003, p. 17.

425 Etienne Frénay, « Marie-Louis, Césaire baron de Lassus de Saint Geniès », in Nouveau dictionnaire …, op.

cit., pp. 594-595

426 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 223.

427 É. Frenay, « Une ville radicale (1865-1914) », art cit, p. 223.

428 Christine Tisseyre, Le théâtre municipal de Perpignan (1811-1914), Perpignan, Archives Communales de Perpignan, 1995, p. 32.

l'acheminement d'eau souhaitée comme potable. Les autorités décident d'aller chercher l'eau en amont de Perpignan, dans la Têt. Une captation est construite à partir de 1883, au-niveau de Pézilla de la Rivière, sur la rive gauche de la rivière. L'objectif est l'installation de l'eau courante dans les maisons perpignanaises. L'opération coûte près de deux millions de francs à la municipalité. Malgré le prix élevé, des défauts importants persistent. L'eau n'est pas de bonne qualité. Les installations de captage sont trop proche de la rivière et à chaque crue, elles se retrouvent inondées. De plus, la moitié du débit attendu, de 160 litres par seconde, n'est pas atteinte. Les infrastructures coûteuses déçoivent les espoirs placés en elles. Une deuxième installation voit donc le jour. Cette fois, le canal de captation se situe de l'autre côté du précédent à Saint-Felieu d'Amont sur la rive droite. Une fois encore, l'origine de cette eau semble douteuse430. La recherche d'eau en amont des villes, avec un canal sécurisé, est une

politique répandue durant le siècle. De nombreuses villes françaises essayent d'utiliser des rivières éloignées pour leur alimentation en eau. Bordeaux commencent les travaux en avance sur d'autres villes, dés 1838. Les autres villes le font plus tardivement, à l'image de Saint- Etienne dont les travaux démarrent dans les années 1860431. Paris aussi se dote d'eau potable

qu'ils vont chercher jusqu'en Champagne sous l'impulsion de l'architecte Belgrand432. Si les

politiques tentent de résoudre le problème de l'alimentation en eau potable, ils ne règlent pas le problème de l'évacuation des eaux. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, le réseau

d'égouts n'est pas amélioré. Certains quartiers ne sont toujours pas reliés aux canalisations. Le problème est soulevé par les membres du conseil d'hygiène notamment lors de la séance du 12 octobre 1892 lors du débat sur la destruction des remparts. Les membres, dont le docteur Victor Jaubert, dénoncent l'insuffisance des infrastructures concernant les eaux sales de la ville (voir annexe 10).

Les municipalités successives préfèrent s'attarder sur l’arasement des remparts. La place forte de Perpignan est déclassée à la fin du siècle. La destruction des murailles n'est alors plus qu'une question de temps. La mairie ne dispose pas d'assez de moyens pour prendre en charge les travaux. La S.H.E.R. de Bartissol intervient alors, aidé par un frère du maréchal Joffre, François, l'entrepreneur obtient le marché. Il verse un million trois cent milles Francs pour les quarante deux hectares de murailles. La ville conserve vingt cinq hectares pour construire des avenues et des bâtiments publics. Le chef d'entreprise récupère les parcelles restantes, soit dix-sept hectares. Le maire Louis Caulas d'étiquette radicale socialiste a réussi à

430 Ibid., p. 218-219.

431 Y. Lequin, « Les citadins et leur vie quotidienne », art cit, p. 331. 432 W. Serman, La Commune de Paris, op. cit., p. 19.

négocier les murailles aux militaires en 1901. Les travaux se font avec Eugène Sauvy, proche d'Edmond Bartissol433. La volonté des autorités municipales est d'ouvrir la ville de Perpignan.

Les remparts en moins, la circulation sera plus aisée et l'espace manquera moins dans la ville. C'est du moins le désir des militants pour l'arasement des murailles. Les travaux sont plus rapides que prévu. Ils devaient durer cinq années. Ils commencent en 1904 et se terminent en 1906. La destruction des remparts ne remplit pas l'objectif espéré de gain d'espace. La ville reste surpeuplée. Toutefois, elle permet la réunification du centre historique à la banlieue434.

L'espace gagné, s'il ne résout pas la densité démographique des quartiers centraux, permet la construction de places et de grandes rues. Le boulevard du Canigou (actuelle avenue Clémenceau) relie la vieille ville à l'ancienne porte impériale devenue la place Catalogne. Des grands magasins se construisent sur l'ancien emplacement de murailles. C'est le cas des Dames de France en 1910 sur la place Catalogne, d'un nouveau Bazar (aujourd'hui les Nouvelles Galeries) face à la porte Notre-Dame en 1914, ou du cinéma le Castillet435.

L'arasement des remparts provoquent une euphorie dans Perpignan. De nouveaux bâtiments se construisent et la banlieue s'intègre à la ville.

La ville de Perpignan n'a pas attendu la destruction des remparts pour construire des édifices. Certains se situent à l'intérieur de la ville. Le manque de zones constructibles empêche une politique de grands travaux à l'intérieur même de la ville. La création de la place Arago dégage de l'espace pour la construction d'édifices publics. Le Palais de justice s'établit juste à cet endroit en 1866436. Les autres édifications à l'intérieur de la ville ne sont pas ex-

nihilo. Les entrepreneurs récupèrent un bâtiment déjà existant qu'ils transforment. C'est le cas de l'usine électrique construite dans la plus vieille église de la ville : Saint-Jean le vieux. Les autorités publiques n'ont pas de choix pour construire dans la ville, la densité est telle qu'il n'existe plus de surfaces disponibles. Elles n'arrivent pas à trouver de l'espace pour construire une école publique à Perpignan. Les servitudes militaires empêchent la construction dans un terrain choisi en banlieue. La ville se dote d'un lycée uniquement après la seconde guerre mondiale (l'actuel lycée François Arago). Les institutions catholiques ne rencontrent pas ce problème. Elles vont installer leurs établissements à l'extérieur de la ville pour avoir plus d'espace et suffisamment éloignés pour ne pas rencontrer l'opposition de l'armée. C'est sans difficulté qu'elles construisent l'école des garçons Saint-Louis de Gonzague au Moyen-Vernet

433 É. Frenay, « Une ville radicale (1865-1914) », art cit, p. 223-224. ; Nicolas Marty, « Edmond Bartissol », in

Nouveau dictionnaire …, op. cit., pp. 119-121

434 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 337-348.

435 É. Frenay, « Une ville radicale (1865-1914) », art cit, p. 224-225. 436 Ibid., p. 206.

et l'école des filles Notre-Dame de Bon secours à Saint-Martin437. Le faubourg de la porte

Saint-Martin attire de nombreux autres édifices publics. Certaines institutions se retrouvent à l'étroit dans la vieille ville et par besoin d'espaces choisissent la banlieue. Les haras municipaux s'installent ainsi dans l'actuelle avenue Victor Dalbiez438. L'air de la ville jugé

pollué, les médecins préfèrent envoyer les malades et les enfants en campagne439. Les

autorités installent donc un hospice de vieillards et un orphelinat en banlieue, loin de la densité de la ville, en 1887440. Avant même la destruction des remparts, Perpignan commence

la construction d'infrastructures utiles, aussi bien dans la ville intra-muros qu'en banlieue. Pour améliorer la circulation, la ville installe un réseau de tramway, à partir de 1900. Deux lignes traversent la ville. L'objectif est la réunification des deux villes : intra et extra-muros. La première ligne relie la gare à la place Arago en passant par la Villeneuve, le Castillet et la place de la Loge. La deuxième ligne joint le faubourg Saint-Martin au haut Vernet via les quais de la Basse et le faubourg Notre-Dame441. Le tramway permet ainsi de rejoindre plus

facilement les quartiers de la banlieue avec le centre historique et surtout politique avec la place de la Loge.