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La ville de Perpignan en plus d'être densément habitée possède des rues étroites. Les maisons sont les unes sur les autres. La ville déplore également le manque criant d'infrastructures sanitaires comme les égouts ou les fosses d'aisance. Les déchets coulent dans des rigoles au milieu des rues. Un des grands problèmes du chef lieu des Pyrénées-Orientales est l'approvisionnement en eau potable. Finalement, malgré quelques travaux effectués au cours du début du siècle, la seule grande infrastructure est l'éclairage au gaz de la ville.

Les rues de la vieille ville sont étroites. Le besoin d'élargir les rues pour raisons hygiéniques datent de l'Ancien régime lorsque le Conseil souverain décide, en 1774, d'élargir les rues à cinq mètres et quatre-vingt deux centimètres. Les travaux ont été effectués seulement pour la rue Notre-Dame (actuellement rue Louis Blanc)86. Les médecins des années

1750 considèrent l'air comme un fluide élémentaire où il est animé d'un ressort et la perte de l'élasticité entraîne la mort. Entre les années 1760 et les années 1780, la pensée aériste se développe. Elle revendique un renouvellement de l'air pour le purifier dans les villes et dans les bâtiments87. La pensée aériste pousse les villes à repenser l'organisation des rues.

L'absence de moyens empêche les dirigeants des villes à entamer les travaux. L'ambition demeure notamment à Perpignan à la Restauration avec le maire d'alors, le baron Desprès, en fonction entre 1819 et 182788. Ce dernier souhaite élargir plusieurs rues de quatre ou cinq

mètres. Les résultats restent maigres puisqu'en 1857 les travaux ne sont par terminés et ont déjà coûté cher à la ville. L'élargissement de la rue de l'Argenterie coûte à elle seule quatre cents mille francs sans être encore finie. Dans la pensée de l'époque où les rues étroites pouvaient favoriser le développement des épidémies et empêcher la circulation, l'élargissement des rues de Perpignan est alors nécessaire. En effet, les bâtiments ne sont espacés que de trois mètres au maximum. La circulation est compliquée et les voitures endommagent les maisons en les frôlant au moment du passage89. L'étroitesse des rues

inquiète les perpignanais influencés par la pensée aériste. En effet, certaines personnes, dans des pétitions, dénoncent le fait que : « La densité du bâti et l'enfermement dans les remparts empêchent l'air de circuler, faisant stagner les miasmes »90. Antoine de Roux ne développe pas

86 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 185. 87 A. Corbin, Le miasme et la jonquille, op. cit., p. 14.

88 Étienne Frenay, « Joseph, Étienne, Xavier Desprès » in Bonet et al., Nouveau dictionnaire de biographies

roussillonnaises, 1789-2011, Volume 1, Pézilla-la-Rivière, 2011, pp. 363-364

89 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 182-185. 90 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 198.

le reproche effectué envers la ville de Perpignan, pourtant ce sont les deux principaux arguments en faveur de la destruction des remparts opérés à la fin du siècle. Avec des rues à moins de trois mètres de largeur, il est possible que cet argument soit recevable avec la pensée aériste des contemporains. Les grands espaces à l'intérieur de la ville sont rares. En effet, les places sont peu nombreuses et petites. Les rassemblements se font sur l'Esplanade à l'extérieur de la ville91. Le besoin de sortir de la ville pour trouver plus d'espace se manifeste donc déjà.

Les rues étroites sont également peu accueillantes. Il faut attendre 1841 pour que le premier trottoir soit construit, rue des Augustins. Il est l’œuvre d'un nouveau maire, ancien colonel, le baron Guiraud de Saint-Marsal. L'ancien militaire, maire entre 1841 et 1846, souhaite moderniser la ville. Il continue les travaux d'élargissement de la rue de l'Argenterie déjà entrepris par le baron Desprès, et commence les travaux pour d'autres rues, dont celle de la Cloche d'or. L'objectif est de faire de la ville autre chose qu'un grand village92. En effet,

Perpignan est une ville à dominante rurale. Les habitants de Saint-Jacques et de Saint-Mathieu sont liés aux activités agricoles. Ils possèdent parfois des poules ou des cochons qui peuvent se promener dans la rue93. Cette présence animale salit les villes avec les déjections. La

propreté des rues ne pouvait pas s'améliorer avec le nettoyage puisque l'entrepreneur chargé du ramassage des saletés ne possédait qu'un tombereau. Les municipalités ne réagissent pas à la situation malgré les demandes des différents préfets. Le règlement, ne bouge toutefois qu'en 1840. La ville augmente la fréquence des ramassages, et le balayage hebdomadaire de certaines places94. La réaction de la municipalité n'a pas été provoquée à cause d'une plainte

de la population mais du préfet. La préoccupation sur l'état sanitaire intéresse donc les pouvoirs publics. Perpignan n'est pas un cas isolé en France. D'autres villes connaissent également le problème de l'enfermement dans les remparts, l'influence encore grande des activité rurale et l'étroitesse des rues. La transition d'une ville d'Ancien régime à une ville plus industrielle cause de nombreux problèmes aux municipalités. Une ville comme Rouen possède encore des rues étroites, à Limoges les bouchers abattent encore le bétail en pleine rue. Les villes frontalières restent encore enfermées dans leur rempart c'est notamment le cas de Lille, du Havre, de Strasbourg, entre autres. Pourtant chacune de ces villes connaît une hausse de la population obligeant à la modernité, à adopter une attitude plus hygiénique et à plus d'espace. Conscientes des problèmes, les municipalités effectuent des travaux

91 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 182.

92 E. Frénay, « Raymond Marc-Antoine Guiraud de Saint-Marsal » in Bonet et al., Nouveau dictionnaire …,

op. cit., pp. 516-517

93 J.M. Merriman et J.-P. Bardos, Aux marges de la ville, op. cit., p. 153. 94 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 186.

d'amélioration du cadre urbain. Des boulevards sont créés, notamment à Marseille, des abattoirs sont construits pour encadrer la tuerie des animaux, des places sont construites95.

Perpignan effectue les mêmes travaux que les autres villes, la tuerie est transférée de la ville fortifiée au faubourg96. L'actuelle place de la République est construite après la destruction de

l'église Saint-Laurent et de bâtiments appartenant aux jésuites, en 1794. Des arbres sont plantés et une fontaine y est installée en 183297.

L'eau constitue l'un des problèmes le plus sérieux pour la ville de Perpignan. Une grande partie des rues est dépourvue d’égouts. Pour pallier ce manque, au XVIIIe siècle, les

édiles locaux transforment les canaux médiévaux en égout, comme c'est le cas pour l'Escourridou98. Dans le but de faciliter la circulation dans ces rues étroites, les canaux avaient

été recouverts de dalles. Le revêtement des canaux provoque leur obstruction par les déchets et les cadavres d'animaux morts. De plus, cette solution ne couvre pas l'ensemble des rues. Dans les endroits dépourvus de moyens d'évacuation des déchets, les habitants jettent les immondices par la fenêtre puis par pente naturelle finissent par rejoindre la rivière la Basse99.

Les rues en dehors du réseau d'égouts possèdent une rigole centrale dans laquelle s'écoule les ordures. Les habitants se débarrassent également de leurs déchets dans les fossés des remparts transformant ces lieux en véritable champ d'épandage100. L'état des fossés inquiètent les

pouvoirs publics à cause des possibles maladies répandues. Il est même à l'ordre du jour, le 2 novembre 1821, de l'Intendance sanitaire, créée en 1820 dans le but d'éviter la propagation des épidémies touchant l'Espagne à la même période101. Les premiers travaux d'édification

d'égouts commencent en 1832 pour la rue Saint-Martin et de la Poissonnerie. Toutefois les rues des quartiers pauvres en restent dépourvus pour la première partie du XIXe siècle102. La

ville de Perpignan n'est pas un cas isolé. Les autres villes intègrent les ruisseaux dans le réseau d'évacuation des déchets. Les canaux utilisés restent le plus souvent à ciel ouvert et sont peu entretenus. Le manque de moyens financiers des villes empêche tout aménagement103. C'est la même raison qui oblige le chef lieu des Pyrénées-Orientales à subir

sa situation sanitaire critique. Il faut donc imaginer une ville perpignanaise du XIXe siècle

95 D. Barjot, J.-P. Chaline et A. Encrevé, La France au XIXe siècle, op. cit., p. 83-84. 96 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 200.

97 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 182.

98 Aurélie Pélissier-Zanin, Perpignan face au choléra. L’assainissement de la ville sous la monarchie de juillet

(1830-1848),Université de Perpignan, Perpignan, 2008, p. 17.

99 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 198-200.

100 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 186. 101 A.D.P.-O. 5M30 délibération de l'Intendance sanitaire du 2 novembre 1821 102 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 186.

103 Yves Lequin, « Les citadins et leur vie quotidienne » dans La ville de l’âge industriel, Paris, Seuil, 1998, p. 330-334.

avec des rues étroites et les déchets s'écoulant au centre des rues répandant une mauvaise odeur en permanence. D'autant plus qu'une grande partie des rues ne sont pas équipées en fosse d'aisance. Aux déchets s'écoulant au milieu de la rue, il faut rajouter les déjections humaines. Comme la présence animale est importante à Perpignan, les excréments ne sont pas négligeables parmi les immondices104. Les égouts posent un autre problème au niveau des

exutoires dans la rivière. En effet, cet endroit est peu souvent curé, les déchets s'accumulent et il faut une plus grande quantité d'eau pour pouvoir tout évacuer, ce qui n'est pas le cas l'été. Or la saison sèche favorise également les mauvaises odeurs. L'autre souci entraîné par cet état de fait est qu'en période de crues les déchets bloqués sont repoussés dans la ville. Les pouvoirs publics s'intéressent peu à ce problème durant la première moitié du XIXe siècle105. Les odeurs

devaient donc être fortes dans les rues perpignanaises.

En utilisant les canaux comme égouts, les habitants se privent d'un moyen d'approvisionnement d'eau potable. La fontaine publique reste la méthode la plus utilisée pour l'alimentation en eau. Certaines villes, comme Nancy, n'en possèdent cependant pas106. Ce

n'est pas le cas pour Perpignan, qui possède un grand réseau de fontaines publiques alimentées par les sources locales et deux canaux : le rech de la Vila et las canals. Le premier canal entre côté ouest de la ville et transporte de nombreux déchets. Le second canal a longtemps été utilisé pour irriguer les jardins ne laissant qu'une faible pression à la ville. Sous le consulat, la ville cherche à faire respecter les droits de la ville sur cette eau, cependant le débit en eau restait insuffisant107. Las canals prend sa source en amont de la ville de Ille sur Têt et traverse

de nombreuses communes où il sert d'égouts avant d'atteindre Perpignan108. Avant d'atteindre

les fontaines, l'eau passe par des filtres mal entretenus et donc peu efficaces. Pourtant le ruisseau alimente des fontaines importantes comme celle de la place des Carmes utilisée par les habitants de Saint-Jacques et de la Réal et la fontaine de l'actuelle place de la République109. L'eau disponible dans les fontaines, même si elle fournit en eau potable une

bonne partie des habitants de la ville, est de mauvaise qualité. Saint-Jean et la Réal sont pourvus de nombreux puits, environ six cent. Le quartier de la cathédrale, situé dans la partie basse de la ville n'est qu'à une dizaine de mètres des nappes phréatiques, ils possèdent environ un puits pour deux maisons. Les quartiers plus hauts possèdent moins de puits, environ un

104 É. Frenay, « La renaissance de Perpignan (1815-1848) », art cit, p. 185-186. 105 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 200.

106 Y. Lequin, « Les citadins et leur vie quotidienne », art cit, p. 335. 107 A. de Roux, Perpignan, op. cit., p. 199.

108 A. Pélissier-Zanin, Perpignan face au choléra. L’assainissement de la ville sous la monarchie de juillet

(1830-1848), op. cit., p. 17.

pour sept maisons pour Saint-Jacques110. Les puits alimentent une partie de la ville mais la

qualité des eaux de la nappe phréatique reste contestable. La nappe phréatique est polluée par les égouts, et l'absence de fosses d'aisance. Ce qui fait écrire à Antoine de Roux dans sa thèse : « Les Perpignanais ne disposèrent en fait que d'eau polluée pendant tout le XIXe siècle »111.

Les habitants de la ville sont peut-être conscients de la situation puisqu'ils consomment de l'eau de source prélevée en dehors de la ville sur les bords du Ganganeil112. La grande

amélioration urbanistique de la première moitié du XIXe siècle est l'installation de l'éclairage

au gaz dans des rues de la ville. Une usine à gaz s'implante à Perpignan, route de Prades, en 1844. Ils obtiennent l'autorisation préfectorale d'établissement, le 15 juin de la même année113.

L'éclairage au gaz arrive en janvier 1845 au théâtre municipal, puis aux promenades des Platanes et au collège en 1850114. L'arrivée de l'éclairage au gaz dans les rues de la ville

constitue « la véritable modernité de l'époque de Louis-Philippe »115.