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HbLu

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HbL

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H1Lu

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H1L

Figure 3.23 – Amplitudes relatives uII(1)/uII(b), vII(1)/vII(b), vII(b)/uII(b)et vII(1)/uII(1) en fonction du rapport élastique µIII. La tension de surface est σ = 10−4 et l’épaisseur initiale H est égale à 10−2. Le processus de condensation de l’instabilité à la frontière libre du système est observé sur les courbes uII(1)/uII(b) et vII(1)/vII(b)tandis que les ratios vII(b)/uII(b)et vII(1)/uII(1)donnent une indication de l’asymétrie de la déformation au seuil.

Ce dernier résultat, particulièrement singulier, mérite que l’on s’y arrête quelque temps. En effet, de nombreux travaux ont été consacrés à l’étude de la croissance d’une couche mince sur un substrat infiniment rigide, pour lequel on prédit l’émergence d’une instabilité de lon-gueur d’onde nulle (Hwa et Kardar 1988, Sekimoto et Kawasaki 1988, Onuki 1989). Ce ré-sultat est à rapprocher des travaux de Biot (1963) sur la compression d’un demi-espace qui conduisent à des conclusions similaires. Ce phénomène théorique qui prédit un effondrement de la longueur d’onde à un taux de compression fini est appelé instabilité de surface par Biot. Cette situation n’est néanmoins pas physique et on s’attend à ce que la physique à plus petite échelle vienne régulariser cette divergence, par exemple par les hétérogénéités à la surface

3.3. Les tumeurs solides avasculaires 107

libre du système (Biot 1963). Le mécanisme physique de régularisation présenté dans notre calcul, la tension de surface, n’est en effet pas le seul processus envisageable. Ben Amar et Ciarletta(2010) ont par exemple montré que la présence d’une légère variation dans le proces-sus de croissance à la surface libre était suffisante pour régulariser la sélection de la longueur d’onde. Le problème est en fait que, dans le cas où le substrat est rigide, le système ne possède qu’une seule longueur caractéristique, l’épaisseur H, qui par conséquent s’élimine des équa-tions. L’introduction d’une autre longueur (via un gradient de croissance ou d’une tension de surface) permet d’éviter la divergence de la longueur d’onde. Si la seconde longueur est petite, on peut s’attendre à ce que la longueur d’onde soit de l’ordre de la longueur macroscopique H et qu’elle ne dépende que faiblement de la petite longueur régularisante. En effet, l’analyse de asymptotique nous apprend que :

Pour µI µII 1, λ H =4π/ log  32.246 d  et hseuil H =3.383+0.569d log  32.246 d  , (3.72)

où on a défini la quantité d = σ

µIIH. Ce résultat a également été récemment obtenu par

Ben Amar et Ciarletta(2010). L’analyse asymptotique dont sont issus les résultats analytiques de cette section est renvoyée à la fin de ce chapitre pour ne pas trop entraver la discussion des résultats. Maintenant que l’on a analysé la limite des anneaux minces, penchons-nous un peu sur le cas des anneaux épais (H∼1).

Figure 3.24 – Représentation des solutions typiques dans la limites des anneaux minces. La tension de surface est σ/µII = 10−4 et l’épaisseur initiale est H = 0.1. Gauche : flambage classique, le rapport élastique est

3.3.3.2 Cas des anneaux épais

La figure3.25 regroupe les résultats pour les anneaux épais.

0.01 0.1 1 10 100 1 5 10 20 50 ΜIΜII Λ H = 0.5 H = 1 0.011 0.1 1 10 100 2 5 10 Μ1Μ2 hH H = 0.5 H = 1

Figure 3.25 – Longueur d’onde sélectionnée (en haut) et seuil correspondant(en bas), en fonction du rapport élastique µIII, dans la limite des anneaux épais. La tension de surface est σ/µII =10−4. Les courbes bleues correspondent à H=1. Les courbes roses correspondent à H=0.5.

Lorsqu’une variation de volume est prescrite, la compression près du cœur augmente plus rapidement que la compression à la périphérie. Dans le cas où le substrat est mou µIII 1, le seuil d’instabilité est bas et la compression est relativement uniforme dans la direction radiale. Dans ce cas, on observe, comme dans le cas des anneaux minces, une instabilité de grande longueur d’onde. Il est important de noter que le nombre d’onde qui caractérise l’instabilité est au moins égal à 2. Cet effet, que nous n’avons pas inclus dans les courbe de

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stabilité marginale pour les alléger (nous avons pris λ dans l’intervalle]0,∞[plutôt que]0, π[), est néanmoins illustré dans la figure 3.19 qui représente la structure des modes sélectionnés. Lorsque l’on augmente la rigidité du substrat, la région qui entoure le cœur rigide est soumise à une importante compression (orthoradiale) tandis que la périphérie reste peu comprimée. Par conséquent, on observe la localisation de l’instabilité à l’interface interne entre le disque et l’anneau, comme illustré sur la figure3.26.

Figure 3.26 – Illustration du phénomène de condensation interne. L’épaisseur initial est H = 0.5, le rapport élastique µIII =8 et la tension de surface est σ/µII =10−4. La coloration est reliée à l’amplitude de la tension radiale S(1)0rrinduite par la perturbation. Sur la figure de droite en haut (respectivement en bas), les courbes bleues et rose donnent les composante radiale et orthoradiale du champ de déplacement (respectivement S(1)0rr et S(1)0rθ). Les amplitudes sont arbitraires.

D’autre part, la figure3.25indique que la longueur d’onde dans ce cas est indépendante de l’épaisseur de l’anneau H, ce qui indique que la longueur pertinente qui caractérise l’instabilité est le rayon du disque interne. En effet, on peut voir sur la courbe que l’épaisseur h au seuil est bien plus grande que le rayon du disque interne. On peut alors considérer le disque comme une inclusion dans une matrice infinie sous tension. Dans cette situation, la seule longueur disponible est le rayon du disque et celle-ci fixe donc la longueur d’onde de l’instabilité. Numériquement, une régression en loi de puissance donne pour ce régime :

λ∼7.8  µI µII 0.98 . (3.73)

Les résultats numériques dans ce régime étant toutefois limité à environ une décade (en raison du temps de calcul qui augmente de façon drastique pour les anneaux épais), cette approximation est à prendre avec précaution et n’est peut-être pas valable pour des rapports élastiques plus importants.

Cette situation rappelle quelque peu le phénomène de concentration des contraintes au-tour d’un trou dans une plaque infinie sous tension, une situation qui conduit à un flambage de la plaque autour du trou. En opposition avec l’instabilité de surface mentionnée précé-demment, cette condensation interne ne semble diverger (λ→ 0) que pour une compression infinie (h/H→∞). Par conséquent, elle est physiquement acceptable.

A titre de digression, on peut faire en dernier lieu un parallèle entre le système que nous venons d’étudier, où les déformations sont contraintes dans un plan (plane strain en anglais) et les problèmes équivalents lorsque le système est mince mais autorisé à sortir du plan. Lorsqu’il n’est pas contraint, le système tend bien entendu à préférer un flambage hors du plan, bien moins couteux énergétiquement. Néanmoins, si l’on étudie un problème similaire d’un anneau soumis à une traction centripète, on observe également deux situations quali-tativement distinctes. Des expériences ont été menées par Mora et Boudaoud(2006) sur des anneaux d’hydrogels gonflants chimiquement accrochés à des disques rigides situés en leur centre. Dans ces travaux, les anneaux ont des largeurs plus petites ou de l’ordre du disque interne et flambent hors du plan lorsqu’il gonflent. Lorsque l’anneau devient infiniment large, des expériences menée parHuang et al.(2007) sur des films capillaires sur lesquels repose une goutte liquide montrent que le film flambe au voisinage de la zone de traction, c’est-à-dire près de la goutte. Des images illustrant ces deux expériences sont présentées sur la figure

3.27.

Figure 3.27 – Gauche : flambage à la frontière libre d’un anneau de gel gonflant. Figure tirée de Mora et Boudaoud(2006). Droite : flambage d’un film capillaire à la frontière d’une goutte posée sur le film. Figure tirée deHuang et al.(2007).

Il serait d’ailleurs intéressant de savoir comment s’effectue la transition entre ces deux régimes et si cette transition possède ou non une quelconque similarité avec celle de notre problème.

3.3. Les tumeurs solides avasculaires 111

Conclusion du chapitre

On a étudié dans ce chapitre la croissance d’une couche mince accolée à un substrat. Dans le cas où ce dernier est très mou, on peut approximer le système par une plaque libre reposant sur un espace linéaire. On montre qu’en deux dimensions une croissance localisée conduit à l’émergence d’une excroissance dont la forme ne dépend que de la quantité de masse to-tale ajoutée au système et pas de la distribution spatiale du processus de croissance. Lorsque la rigidité du substrat augmente, cette approximation tombe et un modèle plus raffiné est nécessaire. On montre alors que ce confinement fait émerger des structures complexes, qui présentent de fortes variations dans l’épaisseur de la couche mince, avec notamment un phé-nomène de condensation de l’instabilité à la surface libre du système. L’existence de deux régions de grande et petite longueur d’onde est cohérente avec l’observation de deux types d’instabilité (asymétrie et bords irréguliers) dans le développement des mélanomes. Le lecteur aura peut-être relevé ce qui peut sembler à première vue une incohérence dans le modèle. En effet, on a souligné dans la partie introductive de la section sur la croissance des tumeurs que la structure stratifiée de ces dernières était due à une raréfaction des nutriments au centre de la tumeur. Cela entraîne la formation d’une couche de cellules prolifératrices dont l’épaisseur résulte d’un équilibre entre la diffusion et la consommation des nutriments. On observe no-tamment la formation de cette couche par la transition d’un régime de croissance exponentiel à un régime linéaire. Dans cette situation, cela a-t-il un sens de considérer la croissance d’une couche sur un substrat si en réalité l’épaisseur de cette couche est constante ? En fait, il s’avère que la croissance de la tumeur est un phénomène oscillant (Chignola et al. 2000, Gliozzi et al. 2010). Ces oscillations sont encore imparfaitement comprises et divers mécanismes ont été invoqués pour les expliquer, comme des fluctuations de la quantité d’oxygène (qui est, en général, le nutriment limitant) ou du taux de croissance des cellules cancéreuses, mais égale-ment l’existence de délais dans la prolifération et la mort cellulaire (Burkowski 1977, Byrne 1997). Quelle qu’en soit l’origine, ces fluctuations conduisent à une modulation de l’épaisseur de la couche de cellules prolifératrices et permettent de justifier notre approche. D’autre part, à chaque oscillation, si le système n’est pas devenu instable, le rapport d’aspect du système (le rayon du système divisé par le rayon du cœur nécrotique ou quiescent) diminue. Par consé-quent, notre modèle prédit que le seuil d’instabilité diminue au fur et à mesure que la tumeur grossit. Si la variation de volume associée à chaque oscillation est à peu près constante, cela signifie que le système se rapproche petit à petit du seuil d’instabilité. Cette observation selon laquelle plus la tumeur est grosse et plus elle est susceptible de devenir instable, et donc de basculer dans un régime agressif, est tout à fait cohérente avec l’utilisation qui est faite du diamètre comme critère dans le diagnostic des tumeurs.

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