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U NE VIE PLUS LONGUE … ET EN MEILLEURE SANTÉ ?

3 LONGÉVITÉ ET SANTÉ

3.2 U NE VIE PLUS LONGUE … ET EN MEILLEURE SANTÉ ?

L’augmentation de l’espérance de vie est un fait bien établi dans de nombreux pays industria-lisés (United Nations, 2002). Les résultats sur la qualité des années gagnées sont en revanche plus nuancés. L’évolution d’espérance de vie traduit-elle un progrès, au sens où les années gagnées seraient des années en bonne santé? Ou, au contraire, vivre plus longtemps signifie-t-il prolonger la vie dans la maladie? Deux thèses opposées alimentent ce débat: celle, opti-miste, de la «compression des morbidités» et celle, plus pessiopti-miste, de «l’extension des morbi-dités» en fin de vie. Les calculs d’espérance de vie en bonne santé – sans incapacité*26ou en bonne santé autoévaluée – à partir de l’Enquête suisse sur la santé*27, permettent de posi-tionner la Suisse dans une de ces deux thèses (Graphique 13). En dix ans, de 1990 à 2000, hommes et femmes de 65 ans vivent plus longtemps sans incapacité, ce qui est déjà en soi une bonne nouvelle (les hommes ont gagné en moyenne deux années et cinq mois sans incapacité;

les femmes, une année et cinq mois). Seconde constatation réjouissante, le nombre d’années d’incapacité diminue (de huit mois pour les hommes, d’un mois pour les femmes). Ces deux évolutions – nombre d’années sans incapacité en augmentation et nombre d’années avec inca-pacité en diminution – font accroître la proportion des années d’autonomie (i.e. compression absolue de la morbidité chez les hommes et les femmes). Des résultats similaires sont obtenus pour la santé autoévaluée avec, sur la dernière décennie, un allongement de la vie en bonne santé et une réduction – néanmoins plus modérée que dans le cas des incapacités – des années en mauvaise santé autoévaluée (Graphique 13). Ces tendances confirment les conclu-sions d’Höpflinger et Hugentobler (2003) et attestent en Suisse l’hypothèse de «compression absolue des morbidités». La diminution du nombre moyen d’années passées en incapacité est une situation favorable pour la réduction des coûts de prise en charge des personnes en incapacités – facteur déterminant dans les besoins en soins au sens large (Höpflinger et Hugentobler, 2003). Höpflinger (2004a) relève cependant à ce sujet que les moyens d’obtenir de tels progrès ne sont pas sans coût, comme, par exemple «les interventions médicales, sans lesquelles des troubles légers deviendraient de graves problèmes de santé».

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26) L’espérance de vie sans incapacité est une moyenne qui cache deux réalités bien différentes: d’un côté, un groupe restant indépendant et ne connaissant qu’une courte période d’incapacité en fin de vie. De l’autre, une minorité de personnes vivant plus longtemps avec des incapacités et nécessitant une plus longue prise en charge.

27) L’Enquête suisse sur la santé (2002) ne porte pas sur les personnes vivant en institution. Pour pallier à cet inconvé-nient, le calcul d’espérance de vie sans incapacité tient compte d’informations issues de deux sources de données:

a) le taux d’incapacité parmi les personnes vivant en ménages privés et b) le taux de personnes vivant en institution.

Pour cette seconde population, nous posons l’hypothèse que toutes ces personnes sont atteintes d’au moins une incapacité (en fait, cette situation est vécue non par la totalité des résidents mais par une majorité d’entre eux: 56%

selon l’ESS-I 92). La prise en compte du taux réel de personnes en incapacité fonctionnelle résidant en home – taux dont on ne connaît d’ailleurs pas l’évolution – augmenterait l’espérance de vie sans incapacité en 2002 de respec-tivement 0,3 années pour les hommes, 0,9 années pour les femmes. Les résultats sur l’espérance de vie en bonne santé autoévaluée sont, quant à eux, représentatifs uniquement de la population résidant en domicile privé.

Graphique 13: Répartition du nombre d’années vécues après l’âge de 65 ans selon le statut de santé autoévaluée, le statut d’incapacité et le sexe, de 1992 à 2002

Âges et générations – La vie après 50 ans en Suisse Recensement fédéral de la population 2000 63

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22

1992 2002 1992 2002

«bonne» ou «très bonne» «comme ci, comme ça» à «très mauvaise»

HommesFemmes

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22

1992 2002 1992 2002

sans incapacité avec incapacité HommesFemmes

Sources: Recensements fédéraux de la population; Enquête suisse sur la santé (1992, 2002);

Statistique du mouvement naturel, 2000, OFS – propres calculs des auteurs

A l’avenir, ces améliorations vont-elles se prolonger? Avec la poursuite très probable des progrès médicaux et des efforts de promotion de la santé, peu d’éléments pourraient modifier ces tendances si ce n’est éventuellement le développement en Suisse de nouveaux risques liés au mode de vie (par exemple: comportement alimentaire inadapté).

Les femmes ne vivent pas seulement plus longtemps que les hommes mais elles restent aussi plus longtemps en bonne santé (à partir de 65 ans; Graphique 13, p. 63). En revanche, elles connaissent davantage d’années en incapacité ou en mauvaise/très mauvaise santé. Les travaux portant sur la santé des personnes âgées relèvent très souvent des problèmes de mobilité, de difficultés visuelles, de troubles physiques, de co-morbidités et de symptômes dépressifs qui sont accrus chez les femmes par rapport aux hommes. En revanche, d’autres atteintes, comme les difficultés auditives et les maladies chroniques graves sont plus fré-quentes chez l’homme. A l’origine de ces différences de santé entre genres, on trouve notamment, à l’avantage des femmes, une résistance biologique plus efficace, des compor-tements de santé mieux gérés et le fait qu’elles prennent davantage soin de leur santé et recourent de ce fait plus souvent aux services de santé. A leur désavantage, elles sont plus souvent confrontées aux risques et maladies du grand âge du fait de leur longévité accrue.

Aussi, elles évaluent généralement leur santé de manière moins optimiste que les hommes. Le contexte socio-professionnel des deux genres joue également un rôle important dans les diffé-rences de santé. Les résultats de l’étude IDA (Interdisziplinäre Altersstudie) l’attestent parti-culièrement: les femmes et les hommes interviewés ont mené des activités professionnelles similaires et n’ont pas pu être différenciés ni du point de vue de leur santé autoévaluée, ni sur le plan d’autres critères de santé (Perrig-Chiello et Darbellay, 2004). Les résultats exposés ici (Graphique 13, p. 63), issus de l’ESS, traduisent, en partie du moins, des inégalités sociales de santé (cf. Schopper, 2002): ces cohortes féminines à la retraite présentent des parcours plus traditionnels que les femmes de l’étude IDA et appartiennent à des catégories socioprofession-nelles en moyenne inférieures à celles de leurs contemporains masculins.

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