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L ES S UISSES FACE À LEUR SANTÉ

3 LONGÉVITÉ ET SANTÉ

3.3 L ES S UISSES FACE À LEUR SANTÉ

De nombreux travaux s’intéressent, à juste titre, à identifier quelle hypothèse – augmentation ou réduction des incapacités – reflète la réalité dans leur pays. Précisons que les situations d’incapa-cité, qui imposent des coûts élevés de prise en charge, ne sont pas majoritaires dans le grand âge. L’enquête Swilso-o menée par le Centre Interfacultaire de Gérontologie de l’Université de Genève, indique que seulement 12% des octogénaires (de 80 à 84 ans au départ de l’enquête) connaissent cette situation; et 38% ont su préserver jusqu’à cet âge leur indépendance. Les 50%

restants, les plus nombreux donc, sont en situation de fragilité28(Guilley et al., 2003). Arrêtons-nous un instant sur cette notion. Campbell et Buchner (1997) définissent la fragilité comme «un état ou syndrome qui résulte d’une réduction multi-systémique des capacités de réserves au point que plusieurs systèmes physiologiques s’approchent ou dépassent le seuil d’insuffisance. Par conséquent, la personne dite fragile a un risque supérieur d’incapacité ou de mort même face à des perturbations externes mineures». Des résultats empiriques attestent cette définition théo-rique: la fragilité est un état à risque et mène à l’incapacité fonctionnelle*. On voit donc tout l’intérêt d’agir suffisamment tôt sur cet état de fragilité pour retarder l’apparition de la dépendance ou, mieux, favoriser les cas d’amélioration avec un retour vers l’indépendance. Bien que la fragilité soit une notion complexe – car ses symptômes diffèrent selon les individus – et encore mal

L’état de santé des personnes âgées vivant en institution

L’ESS-I* apporte de précieuses informations sur l’état de santé des personnes âgées vivant en home (OFS, 1995). Les résidants d’établissements médico-sociaux sont nombreux à ressentir des atteintes physiques: 56% ont besoin d’aide pour manger, s’habiller, se déshabiller ou aller au lit, 53% ont des problèmes physiques jugés importants et 43% sont limités dans leurs déplace-ments. En outre, plusieurs sont gênés dans leurs activités du fait de leur sens: 23% ne parviennent pas à lire un journal ou un livre, 24% ne peuvent suivre une conversation à deux qu’avec peine voire pas du tout. Les raisons d’un hébergement reflètent l’état de santé des personnes âgées au moment de leur entrée en home: 50% des résidants n’étaient alors plus à même de tenir leur ménage et 50% avaient besoin d’une assistance journalière ou de soins de santé. Malgré ces atteintes physiques ou sensorielles, 14% seulement évaluent leur santé mau-vaise et très maumau-vaise. Cet apparent paradoxe du grand âge, qui fait évaluer sa santé plus posi-tivement que le ferait un examen des troubles physiques ou incapacités d’une personne, est le résultat de processus psychosociaux permettant, le cas échéant, de réguler les conséquences d’évènements perturbateurs. Un de ces processus – la comparaison sociale – consiste à se comparer avec des personnes du même âge en plus mauvaise santé et, ainsi, à surévaluer sa santé en minimisant ses atteintes estimées comme normales à son âge (Perrig-Chiello et Darbellay, 2004). Sur le plan psychique, 78% souffrent la plupart du temps de sensations néga-tives (abattement, pessimisme, manque d’énergie). Outre les problèmes physiques qui affectent moralement ces résidants, la perte d’autonomie et le manque de contrôle dans leur vie quoti-dienne peuvent être à l’origine d’un état de santé psychique moins bon que leurs contemporains ayant encore suffisamment de réserves et/ou de ressources pour rester à domicile.

28) Au départ de l’enquête Swilso-o, toutes les personnes interviewées vivaient dans leur domicile. La population sélectionnée par l’enquête est donc assurément en meilleure santé que la population suisse de cet âge, puisque l’enquête ne considère pas dans l’échantillon initial les personnes vivant en institution. En posant l’hypothèse que toutes les personnes de cet âge vivant en institution sont atteintes d’incapacité, et en corrigeant la stratification selon le genre de l’échantillon concerné par cette enquête, on parvient à l’estimation suivante de la distribution des personnes de cet âge selon leur statut de santé: indépendants: 36%, fragiles: 47%, dépendants: 17%.

identifiée, plusieurs signes de la fragilité ont été proposés par l’association au minimum de deux atteintes dans les domaines suivants: mobilité, nutrition, capacités sensorielles ou cognitives.

Sans prétendre évaluer la prévalence de la fragilité en Suisse29, intéressons-nous à la situation de deux indicateurs de la fragilité: la nutrition et l’activité physique.

Les personnes très âgées sont davantage sujettes que les autres adultes de plus de 50 ans à des problèmes nutritionnels d’insuffisance pondérale (avec 17% de femmes de 80 ans et plus en insuffisance pondérale contre 8% pour les jeunes retraitées; Graphique 14)30. La malnutri-tion, lorsque celle-ci est combinée à d’éventuelles maladies ou à une utilisation insuffisante d’au-tres fonctions (comme l’absence d’activité physique, très fréquente dans le grand âge, gra-phique 14) induit une chute des réserves physiologiques totales chez les personnes très âgées.

S’ajoute à cela le fait que ces personnes doivent en plus puiser davantage dans leurs réserves physiologiques pour compenser ou gérer des pertes inévitables dans le grand âge (décès d’un proche, par exemple). Ainsi, le rapport entre ressources disponibles et ressources allouées diminue fortement avec l’âge (Michel, 2002). Dans ces conditions particulières, une insuffi-sance pondérale peut être préjudiciable à la bonne santé des personnes âgées (cf. section 3.4 avec l’impact de la sous-alimentation sur le risque de fracture de la hanche). Limiter ses apports nutritionnels parce qu’on a moins d’appétit à 80 ans n’est, par exemple, pas un bon compor-tement de santé. Des déficiences alimentaires, en particulier en protéines et en aliments énergétiques, sont communes chez les personnes âgées (Clarke et al., 1998). Le problème réside davantage dans la quantité d’aliments absorbés que dans la qualité de ceux-ci. A Genève, Boumendjel et al. (2000) ont ainsi mis en évidence que les personnes âgées dont le frigo est vide – c’est-à-dire contenant moins de trois produits alimentaires différents31– nécessitent plus souvent et plus rapidement une hospitalisation. En revanche, la qualité de l’alimentation – dans cette étude, aliments périmés ou non – n’a pas de lien sur le risque d’hospitalisation. Parmi les recommandations des Nations Unies (United Nations, 2002) sur le thème «Advancing health and well-being into old age», on trouve d’ailleurs plusieurs propositions d’actions visant à informer les personnes âgées et leur entourage, en particulier les donneurs d’aide, sur les besoins nutritionnels des personnes âgées (prise adéquate d’eau, de calories, protéines, vitamines et minéraux).

66 Recensement fédéral de la population 2000 Âges et générations – La vie après 50 ans en Suisse

29) Le projet «Age-related frailty and health services utilization in the Swiss community-dwelling population» (requérante principale: B. Santos-Eggimann), financé par le Fonds National Suisse, a apporté des estimations de la prévalence de la fragilité en Suisse (cf. www.snf.ch).

30) A partir de 80 ans, les femmes en insuffisance pondérale sont plus nombreuses que celles présentant un fort excédent pondéral. L’excédent pondéral, également problématique, touche quant à lui les personnes autour de la cinquantaine (OFS, 2003b).

31) Moins pour raison économique que par manque de stimulations sociales ou par manque d’information des bons comportements de santé.

Graphique 14: Proportion de personnes en insuffisance pondérale, ou sans activité physique, selon l’âge et le sexe, en 2002

Âges et générations – La vie après 50 ans en Suisse Recensement fédéral de la population 2000 67

Insuffisance pondérale

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

15-49 ans 50-64 ans 65-79 ans 80 ans et +

Hommes

Barre d'erreur Femmes

Aucune activité physique durant les loisirs

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

15-49 ans 50-64 ans 65-79 ans 80 ans et +

Hommes Femmes

Barre d'erreur

Source: Enquête suisse sur la santé, 2002, OFS