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Votre victoire contre le 30/3 : 100 pts (1 échelon au dessus) 3 Votre victoire contre le 30/2 : 150 pts (2 échelons au dessus)

Chapitre 2 Vers l'acceptation d'un « corps pluriel » de tennisman dans les clubs ?

2. Votre victoire contre le 30/3 : 100 pts (1 échelon au dessus) 3 Votre victoire contre le 30/2 : 150 pts (2 échelons au dessus)

TOTAL : 255 Pts. Pour monter il vaut faut 150pts donc vous passez 30/3.

La totalité des joueurs « classés » se regroupent en quatre séries qui sont divisées en vingt- deux échelons. La première série regroupe les cent meilleurs joueurs(ses) français(es) depuis 2014. La seconde série comporte onze échelons divisés en deux parties : deuxième série A (dit « les négatifs ») qui couvre des joueurs d’un excellent niveau pas si loin de la première série291. La

deuxième série B abrite elle d’autres bons joueurs de niveau régional. La troisième série est composée de « joueurs de clubs » plutôt adroits et aux ambitions multiples. La quatrième série (créée durant la phase de pseudo démocratisation du tennis) regroupe elle des fortunes diverses.

287 L’évolution du pourcentage de licenciés classés passant de 7% en 1975 à 36% en 2011. 288 Waser Anne Marie, 1995, op.cit. p.248.

289 Au contraire des tournois « professionnels », les tournois amateurs sont, en France, organisés d’une manière progressive en terme de niveau et de temps. Si par exemple un tournoi s’étale sur trois semaines, la première semaine rassemblerait les joueurs au classement le plus faible ou un joueur classé A (A étant l’échelon non classée ou le plus bas) rencontre un joueur classé A ou B, puis le vainqueur rencontre un joueur classé B ou C etc. La dernière semaine regroupant les joueurs classés X Y ou Z. Ajoutons à cela que le classement permet aussi d’établir l’ordre d’affrontement des joueurs lors des matchs en équipe (le mieux classé de l’équipe A rencontrera le mieux classé de l’équipe B etc.). 290 Sources : « classement-tennis.com »

291 Ces joueurs sont pour la plupart d’entre eux des « semi-professionnels » rémunérés de plusieurs façons comme l’encadrement dans certains clubs, certaines dotations de tournois. Pour exemple, un joueur négatif (-15) est rémunéré 800 euros par rencontre de championnat de France dans le club d’Hettange-Grande.

Tantôt des joueurs très motivés manquant peut-être de disposition ou de temps pour aller plus loin, tantôt de bons joueurs ne faisant que peu de matchs. Voire encore d’autres qui n’ont parfois que peu d’intérêt pour le tennis en compétition, qui sont parfois des pratiquants occasionnels de type « loisir » ou même « initiation », mais qui se retrouvent de temps à autres dans ce système de matchs homologués292. La structure informatique qui recense les classés est ainsi organisée de

façon pyramidale. Parmi les quelques quatre cent mille hommes et femmes compétiteurs, les plus bas (quatrième série) sont les plus nombreux et ce comptent par centaines de milliers, tandis que ceux classés en seconde série A ne se comptent que par centaines. Les intermédiaires (troisième série), ne sont eux que quelques milliers.

La pyramide du classement français homme en 2010 :

Ce tableau explique la répartition des classés par échelons chez les hommes en 2010.

292 Ces faits seront justifiés Chapitre 4 lorsque nous dresserons une taxonomie des différentes formes de pratiques et que nous interrogerons les compétiteurs sur leurs rapports à la compétition.

Née au travers de conventions historiquement changeantes, la création du classement de tennis implique l’appartenance à une communauté de joueurs de compétition, et donc à un univers de conventions293 qu'il conviendrait peut-être d'analyser dans une autre recherche.

Le classement de tennis est également un processus d’équilibre de la concurrence entre les joueurs294, il garantit un lien, une linéarité entre le monde amateur et le monde professionnel, tel

que l'explique cet entraineur :

« A peut battre B qui peut battre C etc. on a déjà vu des joueurs de seconde série battre des pros

mais c’est extrêmement rare »295

Cette remarque restant d'actualité : « le pouvoir du classement s’est amoindri avec la

création et l’extension rapide de la quatrième série. Le nombre de joueurs classés en troisième, seconde ou première série n’a par contre crû que relativement peu (…) s’il est devenu relativement plus facile de se classer en quatrième série l’accès à la troisième série s’est par contre durci. Si le classement de tennis perd un peu de sa valeur en quatrième série, il est une valeur reconnue et une ressource monnayable à partir de la troisième. (…) Plus les joueurs occupent des positions dominées dans la micro société que forme le club, plus le classement est un moyen efficace permettant d’obtenir des faveurs comme par exemple l’accès aux courts en soirée (…). Le classement qui mesurait la valeur sportive d’une élite sociale locale du temps où le tennis était essentiellement pratiqué par les classe dominantes est de plus en plus utilisé par ses détenteurs comme une ressource qui donne des droits et ouvre des portes »296.

Ainsi ce modèle traduit une partie des aptitudes des joueurs de tennis, et symbolise une « aura » de compétiteurs297. Gravir les échelons de cette « pyramide » comporte donc plusieurs

enjeux (reconnaissance, satisfaction personnelle, mesure chiffrée de sa qualité de jeu)298. Dans ce

sens, en plus d’illustrer une compétence physique, on peut également dire que le classement constitue un « capital symbolique »299 particulier qui s’exprime à l’intérieur du monde social des

293 Pour exemple en France en 2010 on recensait 360 593 classés pour 389 650 compétiteurs. 2 073 674 matchs ont été enregistrés dont : 1 430 544 en épreuves individuelles et 643 130 en épreuves par équipes. Sources FFT.

294Il permet par exemple d'organiser des tableaux « progressifs » dans les tournois au contraire du circuit

professionnel, il désigne également l'ordre des affrontement durant les compétitions par équipe, le joueur le mieux classé de l'équipe A rencontrant le mieux classé de l'équipe B, etc.

295Prise de note avec V-K, cadre à la FFT, novembre 2008. 296 Waser, 1995, op.cit, p.196.

297 Bourdieu Pierre, Le sens de l’honneur in Esquisse d’une théorie de la pratique. Paris, 2000, Seuil.

298 Ci joint le nombre de classés par séries et sexe en 2010 (sources FFT) pour plus d’informations consulter :http://www.classement-tennis.com/regles/calcul/bilan/regles_classement.htm

clubs de tennis : « une propriété quelconque, force physique, richesse, valeur guerrière, qui

perçue par des agents sociaux dotés des catégories de perception et d’appréciation permettant de la percevoir, de la connaître et de la reconnaître, devient efficiente symboliquement, telle une véritable force magique : une propriété qui, parce qu’elle répond à des « attentes collectives » socialement constituées, à des croyances, exerce une sorte d’action à distance, sans contact physique »300.

Néanmoins, pour ses participants le classement est considéré de façon aléatoire. Au travers de notre « carnet de bord » ou encore sur l'observation des forums internet nous avons pu recueillir différents avis sur le sujet. Nous avons donc questionné plusieurs dizaines de joueurs classés en quatrième, troisième et seconde série sur ce que représentait la compétition et le classement. Ceci pour articuler les réponses au regard de leur présence dans les séances d'entrainement. Voici quelques extraits significatifs des réponses obtenues :

- Le classement est un jeu dans le jeu :

« Il y a plusieurs façon de considérer le classement au tennis. Déjà on peut être ou ne pas être compétiteur; le joueur de loisir se moque bien sûr du classement et se concentre avant tout sur le plaisir, le fait d'être dehors, d'échanger un moment sympa entre amis. Maintenant, en tant que compétiteur, il est difficile de s'affranchir du paramètre du classement. Un compétiteur qui prétendrait ignorer ce paramètre, j'aurais tendance à dire que quelque part il se voile la face. Le compétiteur recherche l'opposition, le dépassement de soi, la victoire avant tout, sur l'autre ou sur soi-même. Le classement est donc un outil plus ou moins impartial, plus ou moins bien pensé mais c'est le seul à notre disposition qui permette de faire une évaluation extérieure sur notre "niveau" de jeu (ou sur notre capacité à être bon en terme de progression au classement, ce qui peut être parfois différent de la capacité à être bon joueur de tennis) »301.

- Le classement est la pierre angulaire du système de compétition tennistique en France :

« Si je joue au tennis et que je ne fais pas de « compétition », ça ne m'intéresse pas dans le sens ou je n'envisage pas le sport sans compétition, sans dépassement de soi. Or sans « compet », pas d'intérêt car pas d'enjeu !! Donc le classement reste important dans le sens ou il te permet de te jauger par rapport à quelqu'un d'autre (comme les notes qu'on avait à l'école). Si tu joues contre

300 Ibid.

quelqu'un de mieux classé que toi, que tu t'arraches pour gagner, quel plaisir !! Après, perso, que je sois 30/2 ou 15/2 ça change pas grand chose, le but étant d'essayer de gagner des "meilleurs que soi sur le papier" !»302.

- Il permet aux joueurs d’obtenir une mesure efficace de leur niveau :

« Ca permet de faire une évaluation personnelle, il peut être un moteur de progression, il permet

de s'étalonner par rapport aux adversaires et par rapport à la population tennistique en général. Pour les personnes qui aiment le dépassement de soi, c'est agréable de savoir par exemple qu'on fait partie des 25% de licenciés au dessus de 30/1 ou des quelques 4% de licenciés au dessus de 15/2. Ce n'est par rien, ça a une signification et ça peut représenter un accomplissement personnel légitime et respectable. Ou alors on est dans le cynisme et la dérision absolue et on considère que rien ne vaut vraiment la peine d'être fait sur cette Terre »303.

Sous un même système, et parfois à un niveau similaire, la pratique du tennis en compétition et sa préparation dans le cadre de la séance, incluent des enjeux variables. La séance et les programmes de type tennis performance, sont alors conçus pour assister les ambitions sportives d'un multitude de pratiquants – qui à notre sens se doivent également d'être distingués par d'autres critères – notamment l'intensité et les motivations de ces individus. En effet, le classement donne une idée très précise des différentes compétences tennistiques qui sont sous-entendues chez celui qui le détient, notamment à partir du haut de la quatrième série. Il est une mesure objective du niveau de jeu du pratiquant. À l'inverse il ne nous dit que peu de chose sur les causes de l'engagement tennistique de ce même joueur, son appréhension, ou encore sur la place que ce même classement joue dans la question de l'encadrement. Tout juste peut-on supposer qu'il est forcément un enjeu lié à la relation de service traitée, et qu'il doit probablement être abordé de façon bien plus sensible chez les individus situés en haut de la pyramide, ou qui ambitionnent d'y accéder.

D'autre part, la forte hétérogénéité de ceux qui composent cette pyramide appelle probablement à réordonner ce que l'on nomme le public « compétiteur ». Nous observerons ainsi qu'il s'y distingue à la fois des individus qui effectivement sacrifient beaucoup de leur

302 Prise de note sur le forum « tennisclassim », en mars 2011. 303 Ibid.

investissement tennistique à des questions de performances, mais que ceux qui participent à ce que l'on traduit comme une « compétition », se composent pour beaucoup d'« amateurs » de la discipline pour qui le rapport à l'encadrement et au jeu traduisent tout un panel de formes d'appréhension.

Nous venons de le voir, le tennis se consomme de différentes façons et à des degrés d’intensité divers et variés. Il se dégage donc plusieurs modalités de pratique du tennis à l'intérieur du « service », créés voire normalisées par la FFT. Chaque catégorie de pratiquant se voit offrir par la fédération et les clubs, un tennis dans lequel il peut « sur le papier » satisfaire ses aspirations. Le joueur étant par ailleurs plus ou moins libre de choisir son club, et le degré d’implication qu’il veut mettre dans l’activité.

Ces remodalisations304 du jeu s’articulent autour de l'idée d'optimiser le moment de pratique

par ces différents publics qui, pour beaucoup, ont alors la possibilité de se défaire d'une partie de certaines contraintes potentielles : organiser un match, trouver un créneau aux « heures pleines », chercher un partenaire de jeu, etc.

Nous avons donc pu comprendre comment la FFT pouvait appréhender la répartition de ses licenciés qui consommaient l'encadrement, tout en introduisant certaines formes d'appréhension du service par le public « sur le papier ». Cette réduction entre jeune public, joueurs loisirs, et compétiteurs demande toutefois à être affinée et discutée. Il conviendra d'observer les procédés par lesquels ces modalités s'avèrent personnalisées notamment au regard de ce qu’en font les acteurs. Nous observerons alors qu'en réalité, le public ne se réduit pas aux simples « unités » ici présentées, mais plus à une « dynamique » vivante et évolutive.

D Analyse : L'encadrement comme service, un outil de plaisir et de rendement

Le programme : « À chacun son tennis » s'est structuré par une construction institutionnelle, principalement réfléchie autour d'une adaptation du jeu pour un maximum d'aptitudes,305 et dans un

« air du temps » au travers duquel la pratique sportive ne cesse de croitre. À l'issue de cette première partie, nous aurons synthétisé l'évolution de l'encadrement du tennis sous ses angles « macro ». Nous avons pu saisir la façon par laquelle cet objet s'est modélisé. Nous avons éclairci sa « valeur » sociale, et nous avons discerné les logiques types en rapport à la répartition de son public.

304 Goffman Erving, 1974, op.cit.

305 Pour précisions nous aurions pu également évoqué les programmes « fête le mur » destiné à implanter le tennis dans les quartiers populaires ou encore la formidable évolution du tennis handisport qui là encore remodalise les règles pour les corps les plus délicats.

Le processus de rationalisation propre à l'encadrement du tennis s'est ainsi fondée sur une attention au regard de l'accessibilité à la discipline. Cette dernière devient simultanément quelque peu plus tolérante et plus réfléchie. Cette évolution se constate au premier abord, en cristallisant un panel de situations motrices306 élargies, complexifiées ou simplifiées au regard des fondamentaux

du jeu. La simple « partie de tennis » entre deux ou quatre individus ne devient plus forcement l'unique façon de gouter à cette activité. La FFT par ce programme propose donc différentes alternatives, ce qui en soit n'est certes pas exclusif au tennis, mais qui – au regard de la réussite de ce sport en terme de popularité – pourrait constituer une sorte de référence. Ainsi, l'encadrement et les façons par lesquelles la transmission du jeu s'établit à une échelle « macro-sociale » sont loin d'être uniformes. L'exemple du tennis nous ici semble éloquent, car il regroupe tout un réseau de connaissances et d'innovations, d'administration et de professionnalisation.

- Tout un processus...

On peut supposer que ce phénomène qui voit la pratique encadrée en pleine expansion n'est donc pas que le simple résultat d'une « stratégie marketing » payante. C'est l'articulation de toute une multitude de dispositifs qui s'est mise en place progressivement. Rendre le tennis plus accessible, c'est donc utiliser la dynamique de « technicisation » des activités physiques et sportives. C'est tenter de convaincre ou de fidéliser de nombreux publics. C'est chercher à développer l'emploi en secteur associatif. C'est également essayer de détecter et de former des compétiteurs de la façon la plus judicieuse possible, etc.

Le phénomène baptisé « démocratisation du tennis » s’est diffusé à partir de la fin des années 70, il était cependant incomplet car il a négligé307 certaines « catégories sociales »

défavorisées, tout en mettant du temps à prendre en compte des publics aux dispositions tennistiques fragiles. Ce que nous observons dans ce travail en est une conséquence directe. En plus de ses velléités et de ses conséquences économiques, la massification du secteur de l'encadrement est en continuité directe autour d'une réflexivité sociale et civilisationnelle sur le loisir. Ce qui de notre point de vue, se fonde principalement autour d'une attention sur son public, comme ici vis à vis de ses aptitudes et de ses aspirations.

Nous avons ici cherché à exprimer la réflexivité fédérale et ce qu'elle implique, autour de l'accès au tennis pour des publics auparavant indisposés (de très jeunes enfants, des octogénaires...). Nous avons pu constater que les modèles types d'encadrement de cette activité ont

306 La situation motrice se définit chez Pierre Parlebas comme l'ensemble des données objectives et subjectives caractérisant l'action motrice d'une ou plusieurs personne dans un milieu physique donné, accomplissent un tâche motrice

évolué dans cette perspective : « pour qu'un sujet soit intrinsèquement motivé par une tâche, on

peut faire l'hypothèse qu'il est nécessaire que celle-ci soit dans une certaine mesure nouvelle, d'une complexité pas trop importante mais suffisante pour éveiller l'attention et qu'elle soit présentée de telle manière que le sujet puisse s'y sentir compétent et responsable de sa propre réussite »308. On

constate ainsi que la question du corps et sa prise en compte y est centrale. Ainsi, plus concrètement, le sens implicite du programme décrypté dans ce chapitre implique en réalité un tennis ouvert « à tous les corps ».

- … de classification des « techniques du corps » pour la transmission du tennis

Pour interpréter ce constat, une homologie avec la classification des « techniques du corps » explicitée chez Marcel Mauss309, se greffe de manière flagrante sur les enjeux et sur les différentes

formes de tennis que nous venons de définir. Marcel Mauss introduit la notion de technique du corps lors d’une conférence présentée à la Société de Psychologie le 17 mai 1934. Le texte sera traduit en plusieurs langues, et deviendra une référence incontournable de l’anthropologie moderne. Pour résumer, l’auteur propose l'émergence d'une socio-analyse des mouvements ou des postures corporelles des individus. La façon de se tenir, d’effectuer tel geste à tel moment, ou encore d’utiliser son corps en tant qu’instrument, possède un sens particulier qui se reflète au travers des normes de sa culture de rattachement. Mauss tient alors compte du poids du social dans la quotidienneté des actes gestuels. La mécanique des corps devenant alors alors une question de mimétisme et de transmission (les infirmières « copiant » la démarche des actrices américaines, etc.) : « La position des bras, celle des mains pendant qu'on marche forment une idiosyncrasie

sociale, et non simplement un produit de je ne sais quels agencements et mécanismes purement individuels, presque entièrement psychiques ». Le texte implique également une richesse de

concepts sociologiques novateurs plus ou moins explicites310, ce qui laisse à penser que ce texte de